Tribunal judiciaire de Bordeaux, 30 décembre 2024, RG n° 24/04101
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 30 décembre 2024, RG n° 24/04101

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Régularité et nécessité des soins psychiatriques en milieu hospitalier

Résumé

Sur la régularité de la procédure

La réintégration d’un patient dans un établissement de santé est considérée comme une simple modification de la prise en charge, sans déclencher une nouvelle période d’observation et de soins. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de rédiger de nouveaux certificats médicaux de 24h et 72h. Le moyen soulevé à cet égard a été jugé non fondé et a été rejeté.

Sur le fond

Selon le code de la santé publique, l’admission en soins psychiatriques doit être prononcée par le représentant de l’État, sur la base d’un certificat médical circonstancié. L’hospitalisation complète d’un patient nécessite également une décision du magistrat du tribunal judiciaire, accompagnée d’un avis motivé d’un psychiatre. Un psychiatre peut proposer à tout moment de modifier la forme de prise en charge en fonction de l’évolution de l’état du patient.

État de santé de Monsieur [P] [Y]

Monsieur [P] [Y] a été réintégré au Centre Hospitalier Spécialisé en raison de son non-respect du programme de soins. Son état clinique s’est dégradé, et il a refusé de poursuivre le traitement. Les certificats médicaux requis ont été établis dans les délais et contiennent les informations nécessaires. Un avis médical a confirmé que son état mental nécessite une hospitalisation complète, car il n’a pas conscience de ses troubles et risque une rupture thérapeutique.

Justification du maintien de l’hospitalisation

Le maintien de l’hospitalisation complète est justifié par l’impossibilité pour Monsieur [P] [Y] de consentir aux soins, qui sont essentiels pour stabiliser son état. Sa santé pourrait compromettre la sûreté des personnes et porter atteinte à l’ordre public. Ainsi, une prise en charge sécurisée en milieu hospitalier est nécessaire pour garantir l’observance des soins et la réadaptation du traitement.

Décision finale

La décision rendue le 30 décembre 2024 accorde l’aide juridictionnelle à Monsieur [P] [Y] et autorise le maintien de son hospitalisation complète. L’exception de nullité soulevée par son conseil a été rejetée. La décision sera notifiée aux parties concernées et les frais d’expertise seront supportés par le Trésor Public. Un appel peut être interjeté dans un délai de 10 jours suivant la notification.

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

N° RG 24/04101 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Z5SB
N° Minute : 24/02442

ORDONNANCE DU 30 Décembre 2024

A l’audience publique du 30 Décembre 2024, devant Nous, Marie PESSIS, magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Bordeaux, assistée de Jennifer POUQUET,
siégeant au Centre Hospitalier Spécialisé Psychiatrique [2], dans une salle spécialement aménagée sur l’emprise de l’établissement et répondant aux exigences de l’article L 3211-12-2 du code de la santé publique,

DANS L’INSTANCE ENTRE :

REQUÉRANT :

Monsieur le PREFET DE LA GIRONDE
régulièrement avisé, non comparant,

DÉFENDEUR :

M. [P] [Y]
né le 10 Juillet 1963
actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier Spécialisé [2] régulièrement convoqué, non comparant représenté par Me Aude GOUILLARD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat commis d’office,

PARTIE INTERVENANTE :

[S] [W] – Mandataire régulièrement avisé, non comparant

MINISTÈRE PUBLIC :

Madame le Vice-Procureur de la République régulièrement avisée, non comparante,

****

Vu le code de santé publique, et notamment ses articles L. 3211-1, L. 3211-2-1, L. 3211-2-2, L. 3211-12-1, L. 3211-12-2, L. 3213-1 à L. 3213-11, R. 3211-7 à R. 3211-18, R. 3211-24 à R. 3211-26 et R. 3213-1 à R. 3213-3 ;
Vu l’arrêté du 12/06/2024 du Préfet de la Gironde ordonnant la mise en œuvre de soins psychiatriques en faveur de Monsieur [P] [Y] sous la forme d’une hospitalisation complète au Centre Hospitalier Spécialisé de [2], par application des dispositions de l’article L.3213-1 du code de la Santé publique

Vu la dernière décision judiciaire du 19/06/2024 autorisant la poursuite de la mesure d’hospitalisation complète,

Vu la décision du Préfet de la Gironde en date du 13/12/2024 mettant fin à la mesure d’hospitalisation complète et modifiant la prise en charge sous la forme d’un programme de soins

Vu la décision du Préfet de la Gironde en date du 20/12/2024 prononçant la réintégration de l’intéressé en hospitalisation complète suite à l’échec du programme de soins

Vu la requête du Préfet de la Gironde enregistrée au Greffe le 23/12/2024 et les pièces jointes,

Vu l’avis du Ministère public,

Vu le procès-verbal de l’audience du 30/12/2024

Vu la non comparution de Monsieur [P] [Y] au vu de son courrier en date du 30/12/2024 mentionnant son refus de se présenter à l’audience ce jour.

Vu les observations de son avocat qui s’en remet sur le fond, tout en soulevant l’irrégularité de la procédure pour le motif suivant :

– *- l’absence de certificats médicaux de 24h et 72h suite à la réintégration du patient à l’hôpital le 20 décembre 2024 -cf CA Chambéry 22/09/2022 -RG 22/00145) ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la procédure

Il sera observé que la « réintégration » est uniquement une modification, pendant le cours de la mesure, de la forme de prise en charge du patient. Une telle réintégration ne saurait en conséquence déclencher, à l’instar de la décision d’admission, une nouvelle période initiale d’observation et de soins, si bien que ne saurait être davantage exigée la rédaction de nouveaux certificats de 24h et 72h. Le moyen n’étant pas fondé, il sera rejeté.

Sur le fond

Aux termes des dispositions de l’article L.3213-1 code de la santé publique : «Le représentant de l’État dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire.».

Selon l’article L.3211-12-1 du code de la santé publique «I. L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le magistrat du siège du tribunal judiciaire, préalablement saisi par le représentant de l’État (…) ait statué sur cette mesure (…) : 2° Avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de la décision modifiant la forme de prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète (…). II. La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.».

Aux termes de l’article L.3211-11 du même code : «Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L.3211-2-1 pour tenir compte de l’évolution de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié. / Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l’établissement d’accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu’il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.».

Il résulte des éléments figurant au dossier que Monsieur [P] [Y] a été réintégré au Centre Hospitalier Spécialisé de [2] en raison du non respect de son programme de soins mis en place depuis le 13 décembre 2024. Il ne s’était pas présenté au CMP pour son injection retard et il refusait de poursuivre le traitement et le suivi mis en place récemment. Les infirmiers constataient une dégradation de son état clinique, une incurie et une altération de son état général.

Les certificats médicaux exigés par les textes figurent au dossier, ils ont été établis dans les délais requis et contiennent des indications propres à répondre aux prescriptions légales.

L’avis médical motivé prévu par l’article L3211-12-1 II du Code de la Santé Publique établi le 20/12/2024 relève que l’état mental de Monsieur [P] [Y] nécessite toujours des soins assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète.

L’avis médical relève que Monsieur [P] [Y] n’a pas conscience des troubles dont il est atteint et qu’il reste dans le déni de sa pathologie, ce qui laisse craindre un risque de rupture thérapeutique si la mesure d’hospitalisation complète venait à être levée.

En toute hypothèse, une sortie prématurée serait de nature à présenter des risques de rechute rapide.

Dans ces conditions, la prise en charge dans un cadre contenant et sécurisé s’impose encore, afin de garantir l’observance des soins, et le cas échéant la réadaptation du traitement, ce qui ne peut se faire qu’en milieu hospitalier. Le maintien de l’hospitalisation complète s’avère encore nécessaire à ce jour en raison de l’impossibilité pour l’intéressé de consentir aux soins de façon pérenne alors qu’ils sont indispensables pour stabiliser son état.

Au regard des circonstances qui ont donné lieu à la mesure d’hospitalisation et des troubles dont il souffre, l’état de santé de Monsieur [P] [Y] doit être regardé comme pouvant compromettre la sûreté des personnes ou porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

Dès lors, le maintien de l’hospitalisation complète de l’intéressé apparaît à ce jour justifié.

 


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