Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Saisies abusives et exigences de justification : enjeux et conséquences juridiques
→ RésuméMadame [S] [E] a engagé une saisie-attribution sur les comptes de Monsieur [V] [G] suite à un jugement du 24 novembre 2020. Le 31 mai 2024, une somme de 3.460,69 euros a été saisie, mais Monsieur [G] a contesté cette action. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, le tribunal a jugé la contestation recevable et a ordonné la mainlevée de la saisie, considérant l’absence de justificatifs. Madame [E] a été condamnée à verser 500 euros de dommages et intérêts à Monsieur [G] et à supporter les frais de la procédure.
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 26 Novembre 2024
DOSSIER N° RG 24/07581 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZI4O
Minute n° 24/ 446
DEMANDEUR
Monsieur [V], [I] [G]
né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représenté par Maître Amélie MORIN, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
Madame [S] [E]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
comparante en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 15 Octobre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 26 novembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 24 novembre 2020, Madame [S] [E] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 pour une somme de 3.460,69 euros.
Par acte de commissaire de justice en date du 1er juillet 2024, Monsieur [G] a fait assigner Madame [E] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.
A l’audience du 15 octobre 2024, le demandeur sollicite la mainlevée de la saisie, que les frais de saisie restent à la charge de la défenderesse ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens et à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts outre 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, le demandeur fait valoir que la décision du 24 novembre 2020 prévoit un partage des frais de scolarité, extra-scolaires et médicaux ainsi que la possibilité de condamner celui des parents ayant exposé moins de frais sur présentation des justificatifs. Il indique n’avoir reçu aucun justificatif fondant les sommes réclamées contestant ainsi leur exigibilité. Il fait valoir que cette saisie abusive lui a occasionné un préjudice dans un contexte très conflictuel entre les parties.
A l’audience du 15 octobre 2024, Madame [E] a comparu en personne et a indiqué contester le caractère abusif de la saisie.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
– Sur la recevabilité
Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »
L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »
Monsieur [G] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 1er juillet 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 31 mai 2024 avec une dénonciation effectuée le 5 juin 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 6 juillet 2024.
Il justifie de l’envoi du courrier recommandé faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution en date du 1er juillet 2024.
Il doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.
– Sur la mainlevée de la saisie-attribution
L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »
En l’espèce, le dispositif du jugement du 24 novembre 2020 prévoit notamment : « Dit que les frais de scolarité, frais extra-scolaires, les frais médicaux et paramédicaux restant en charge seront partagés par moitié et en tant que de besoin, condamne celui des parents qui ne les aura pas exposés à rembourser l’autre parent sans délai de la part qu’il doit assumer sur présentation des justificatifs. »
Le caractère exigible de la créance est donc conditionné à la fourniture de justificatifs démontrant que le parent ayant exposé les frais litigieux a plus contribué que l’autre. En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution en date du 31 mai 2024, porte mention de divers frais que Madame [E] aurait acquitté mais il n’est assorti d’aucun justificatif.
Les sommes ainsi réclamées ne sont dès lors pas exigibles et la mainlevée de la saisie-attribution doit être ordonnée. Les frais résultant de cette mesure seront supportés par Madame [E].
– Sur l’abus de saisie
L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.
En l’espèce, Madame [E] qui était présente à l’audience devant le juge aux affaires familiales n’ignorait rien du dispositif de la décision du 24 novembre 2020 et de l’obligation de présenter des justificatifs pour obtenir le remboursement des frais qu’elle prétendait avoir exposé. Elle ne justifie pas avoir tenté de recouvrer ceux-ci de façon amiable. La saisie-attribution a donc été pratiquée de façon vexatoire dans le cadre d’un contexte extrêmement conflictuel entre les parties.
Ce détournement de l’usage d’une voie d’exécution totalement infondé établit le caractère abusif de la saisie-attribution litigieuse et justifie sa condamnation au paiement d’une somme de 500 euros de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Madame [E], partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024, recevable ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 ;
DIT que les frais inhérents à la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 seront supportés par Madame [S] [E] ;
CONDAMNE Madame [S] [E] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 500 euros de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Madame [S] [E] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [S] [E] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
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