Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Délai de paiement et impact des mesures d’exécution sur la situation financière des débiteurs
→ RésuméLa SARL YESSAL GUI THIOUNE a engagé une saisie-attribution sur les comptes de la SAS PATH, suite à un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux. En réponse, la SAS PATH a demandé la mainlevée de cette saisie, arguant qu’elle entravait sa capacité à honorer ses obligations financières. Lors de l’audience, elle a sollicité des délais de paiement pour un reliquat de 9.346 euros. Le juge a accordé ces délais, tout en rejetant la demande de dommages et intérêts de la SARL YESSAL, considérant que la SAS PATH avait agi légitimement. La décision est exécutoire de droit.
|
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 26 Novembre 2024
DOSSIER N° RG 24/07311 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZQDI
Minute n° 24/ 447
DEMANDEUR
S.A.S.U. PATH, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 852 648 260, agissant poursuites et diligences de son Président Monsieur [V] [U]
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Yves MOUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
S.A.R.L. YESSAL GUI THIOUNE, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 910 066 927, prise en la personne de son représentant légal Monsieur [T] [G]
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Alix LE MEILLAT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Catherine KOUBAR, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 15 Octobre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 26 novembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d’un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 11 juin 2024, la SARL YESSAL GUI THIOUNE a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la SAS PATH par acte en date du 31 juillet 2024, dénoncée par acte du 2 août 2024.
Par acte de commissaire de justice en date du 29 août 2024, la SAS PATH a fait assigner la SARL YESSAL GUI THIOUNE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.
A l’audience du 15 octobre 2024 et dans ses dernières conclusions, la demanderesse sollicite désormais uniquement des délais de paiement à hauteur de trois mois pour le reliquat restant dû après déduction des fonds saisis par la mesure d’exécution soit la somme de 9.346 euros. Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts et qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de sa demande, la SAS PATH fait valoir que la saisie opérée pour ces sommes qu’elle estime avoir déjà payées a grandement impacté ses capacités financières et l’a empêché de payer ses dépenses courantes telles que la TVA ou d’accéder à un crédit.
A l’audience du 15 octobre 2024 et dans ses dernières écritures, la SARL YESSAL GUI THIOUNE conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 8000 euros de dommages et intérêts, outre les dépens et le paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse fait valoir que la SAS PATH démontre une résistance abusive à s’exécuter alors que le solde de son compte bancaire ne vient pas confirmer les difficultés financières qu’elle invoque. Elle indique qu’elle a déjà disposé de larges délais de fait, les factures litigieuses remontant à l’année 2022. Elle soutient en outre que le maintien de cette procédure est abusif alors qu’aucun grief ne peut être fait à l’encontre de la saisie et que la demanderesse ne justifie pas de sa situation financière et de ses perspectives.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
– Sur les délais de paiement
L’article 510 du Code de procédure civile dispose :
« Sous réserve des alinéas suivants, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution.
En cas d’urgence, la même faculté appartient au juge des référés.
Après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R. 3252-17 du code du travail, selon le cas, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.
L’octroi du délai doit être motivé. »
L’article R121-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « En matière de compétence d’attribution, tout juge autre que le juge de l’exécution doit relever d’office son incompétence.
Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. Toutefois, après signification du commandement ou de l’acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’ article R. 3252-17 du code du travail, selon le cas, il a compétence pour accorder un délai de grâce.
Le juge de l’exécution peut relever d’office son incompétence. »
L’article 1343-5 du Code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »
Il est constant que la saisie-attribution diligentée le 31 juillet 2024 pour une somme de 41.436,66 euros a été fructueuse à hauteur de 32.030,19 euros, l’effet attributif de cette mesure aujourd’hui non contestée ayant déjà transféré cette somme dans le patrimoine de la défenderesse.
Le solde de la dette, frais inclus, s’élève par conséquent à la somme de 9.406,47 euros.
La SAS PATH produit divers courrier et avis de recouvrement du Trésor Public faisant état d’une dette de TVA à hauteur d’environ 6.000 euros outre une dette d’impôt sur les sociétés à hauteur de 17.044 euros. Elle verse également un mail proposant la saisie de la commission des chefs de service financiers pour obtenir un étalement des dettes fiscales.
Par note en délibéré autorisée mais remise tardivement, la SAS PATH justifie d’un document intitulé « prévisionnel de trésorerie » établi par son expert-comptable. Ce document a été communiqué à la partie adverse par conséquent mise en position d’y répondre.
Nonobstant son caractère tardif, cette note en délibéré, qui a pu faire l’objet d’un débat contradictoire, sera déclarée recevable.
Le document ainsi produit propose deux hypothèses de trésorerie en cas d’accord de délais de paiement ou en cas de rejet. La première hypothèse lui permettrait de limiter son découvert à deux mois alors que le refus de délais de paiement la placerait à découvert de près de 30.000 euros pendant près de 4 mois consécutifs.
La SAS PATH justifie par conséquent de ses difficultés et sollicite un délai de paiement de trois mois soit une durée raisonnable sur une partie très minoritaire de la dette, la créancière ayant déjà perçu la majeure partie de la somme qui lui était due du fait de la saisie.
Il y a donc lieu d’allouer à la SAS PATH des délais de paiement définis au dispositif.
– Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL YESSAL GUI THIOUNE
L’article 1240 du code civil fait obligation à celui causant un dommage à autrui de le réparer. Il est constant que l’exercice d’une action en justice avec une légèreté blâmable ou une mauvaise foi équipollente au dol peut être constitutive d’une telle faute.
En l’espèce, la SAS PATH a entendu contester la saisie-attribution en parallèle du recours introduit au fond devant la Cour d’appel. Elle a également sollicité la suspension de l’exécution provisoire et demande dans le cadre de la présente instance des délais de paiement.
Elle n’a ce faisant qu’exercé ses droits pour obtenir des délais pour apurer sa dette. La présente instance ne saurait donc être considérée comme abusive et la demande de dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DIT que la SAS PATH pourra se libérer de sa dette d’un montant de 9.406,47 euros envers son créancier la SARL YESSAL GUI THIOUNE en 3 mensualités de 3.135,49 euros, la dernière mensualité soldant la dette en principal, frais et accessoires ;
DIT que le premier versement interviendra avant le 5 de chaque mois à compter du mois suivant la notification de la présente décision ;
DIT qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance exacte, la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;
RAPPELLE que la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier ;
RAPPELLE que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant les délais de paiement alloués ;
DEBOUTE la SARL YESSAL GUI THIOUNE de sa demande de dommages et intérêts ;
DEBOUTE la SARL YESSAL GUI THIOUNE de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
Laisser un commentaire