Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Escroquerie aux Cryptomonnaie : le piège de la forclusion
→ RésuméVente du Logement et Fraude InitialeAprès la vente de son logement, madame [K] a déposé le produit de cette vente sur son compte à la Banque Postale. Un potentiel acquéreur lui a ensuite proposé d’investir dans la cryptomonnaie. À partir de février 2022, elle a constaté des opérations frauduleuses sur son compte, avec des virements vers un compte N26 en Allemagne ouvert à son nom. Demande d’Aide et EscroquerieMadame [K] a sollicité l’aide de la Banque Postale pour récupérer ses fonds, mais sans succès. Elle s’est alors tournée vers l’escroc, qui lui a demandé de payer des taxes de 56 085 euros pour débloquer ses fonds. Après avoir d’abord refusé, elle a finalement accepté de payer grâce à un emprunt familial, mais n’a plus eu de nouvelles de l’escroc. Assignation en JusticeN’ayant pas obtenu de remboursement de la Banque Postale, madame [K] a assigné la banque devant le tribunal judiciaire de Bordeaux le 23 septembre 2023, demandant le remboursement de 255 408 euros et 5 000 euros en réparation du préjudice subi. Fin de Non-Reçu de la Banque PostaleLe 26 juin 2024, la Banque Postale a soulevé une fin de non-recevoir, arguant que l’action de madame [K] était irrecevable en raison de forclusion pour les virements effectués avant le 21 avril 2023, totalisant 71 308 euros. Elle a également demandé des dépens et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Arguments de Madame [K]En réponse, madame [K] a soutenu que l’escroc avait ouvert le compte N26 sans son autorisation et qu’elle n’avait pas fait le lien entre les virements demandés et les opérations frauduleuses. Elle a affirmé avoir signalé les opérations frauduleuses à la Banque Postale dans le délai imparti et a contesté la forclusion. Motivation du JugeLe juge a rappelé que la Banque Postale devait prouver la forclusion. Bien que madame [K] ait informé la banque de la fraude, certaines opérations étaient forcloses car signalées après le délai de 13 mois. Cependant, le juge a écarté la fin de non-recevoir pour d’autres virements. Décision du JugeLe juge a déclaré forclose la demande de remboursement pour les virements effectués entre le 28 décembre 2020 et le 19 août 2021, mais a écarté la fin de non-recevoir pour le reste. Les dépens ont été réservés et les demandes d’indemnité des deux parties ont été rejetées. L’affaire a été renvoyée à la mise en état continue pour le 5 février 2025. |
N° RG 23/08068 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YHBZ
INCIDENT
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
38E
N° RG 23/08068 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YHBZ
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[W] [K]
C/
Ste coopérative banque Po BANQUE POSTALE
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Yvan BELIGHA
le LLP CABINET HOGAN LOVELLS
la SCP MIRIEU DE LABARRE TEANI ET ASSOCIES
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,
Greffier, lors des débats et du prononcé :
Isabelle SANCHEZ
DÉBATS
A l’audience d’incident du 15 octobre 2024
Vu la procédure entre :
DEMANDEUR AU FOND
DEFENDEUR A L’INCIDENT
Madame [W] [K]
née le 26 Février 1953 à ROUEN (76)
14 impasse de l’hibiscus Résidence Althaia, 17 ter rue Etche
barne
17385 FRANCE
représentée par Me Yvan BELIGHA, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR AU FOND
DEMANDEUR A L’INCIDENT
Ste coopérative banque Po BANQUE POSTALE
52 rue Georges Bonnac
33900 BORDEAUX
représentée par Maître Thierry MIRIEU-DE-LABARRE de la SCP MIRIEU DE LABARRE TEANI ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Thomas ROUHETTE du LLP CABINET HOGAN LOVELLS, avocats au barreau de PARIS
FAITS ET PROCEDURE
Après avoir vendu le logement qu’elle détenait avec son défunt mari, madame [K] a déposé le produit de cette vente sur son compte bancaire ouvert dans les livres de la Banque Postale.
Alors qu’elle répondait à un potentiel acquéreur s’étant manifesté tardivement que le logement avait été vendu, celui-ci lui proposait de faire fructifier son capital à travers un investissement dans la cryptomonnaie.
A compter du mois de février 2022, madame [K] a constaté que des opérations frauduleuses et des virements bancaires étaient effectués de son compte bancaire La Banque Postale à destination d’un compte N26 en Allemagne, ouvert à son nom.
Après avoir demandé sans succès l’aide de la Banque Postale pour récupérer ses fonds, madame [K] s’est tourné vers le prétendu financier, qui lui a indiqué que le déblocage des fonds impliquait le paiement de taxes à hauteur de 56 085 euros; après avoir d’abord rejeté cette proposition, elle a finalement accepté grâce à un emprunt familial ; elle n’a toutefois plus eu de nouvelles de l’escroc et compris qu’elle avait été victime d’une fraude.
Après avoir demandé vainement le remboursement des sommes détournées à la Banque Postale, elle a, par acte signifié le 23 septembre 2023, assigné la Banque Postale devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de la voir condamner, sur le fondement des articles L. 133-18, L. 133-19, L. 133-23 et L. 133-24 du code monétaire et financier à lui rembourser la somme de 255 408 euros et la condamner à lui verser 5000 euros en réparation du préjudice subi.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2024, la SA BANQUE POSTALE a saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES SUR L’INCIDENT
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2024 , la Banque Postale a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevable l’action en remboursement de madame [K] pour cause de forclusion, en ce qui concerne le remboursement des virements litigieux intervenus antérieurement au 21 avril 2023, soit sur la somme de 71 308 euros correspondant à la somme demandée par madame [K] dans ses dernières écritures au fond. Elle demande en outre sa condamnation aux dépens, dont distraction au profit du cabinet TML Avocats et sa condamnation à lui verser 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu’en application de l’article L. 133-24 du code monétaire er financier, l’utilisateur des services de paiement doit signaler sans tarder à son prestataire de service de paiement une opération de paiement non autorisée mentionnée à l’article L. 133-18, ou mal exécutée, et ce au plus tard dans les 13 mois de la date de débit sous peine de forclusion.
Elle reproche à Madame [K] de ne pas l’avoir mise en mesure de déterminer précisément les opérations critiquées réalisées à son insu, et d’avoir a fait évoluer sa position en admettant être à l’origine de certaines opérations, de sorte que le décompte adressé par Madame [K] à la Banque Postale, du fait de son caractère imprécis et ambigu, ne saurait constituer une notification valable au sens de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier. Elle souligne que ce n’est que depuis ses conclusions régularisées le 21 mai 2024 que madame [K] a indiqué que 27 opérations étaient des opérations non autorisées. Si comme elle le prétend il convient d’appliquer le régime des opérations non autorisées (ce que la Banque Postale conteste), l’ensemble des opérations critiquées antérieures au 21 avril 2023 sont forcloses ; la dernière opération critiquée datant du 9 décembre 2022, la Banque Postale soutient qu’elle est intégralement forclose.
En réplique, par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2024, madame [K] demande au juge de la mise en état de déclarer son action recevable et de condamner la Banque Postale à lui verser 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait d’abord valoir que l’escroc a ouvert un compte bancaire N26 sans son autorisation, ni transmission de documents personnels. A compter du mois de février 2022, elle a remarqué des opérations frauduleuses et virements bancaires effectués sur son compte à destination d’un compte en Allemagne mais aussi à destination de l’Irlande, l‘Espagne, le Portugal et la Lituanie. Elle souligne que l’escroc a sollicité de sa part la réalisation de deux virements de 30 000 euros les 29 avril 2022 et 10 mai 2022. Si elle a également réalisé des virements les 16 et 21 juin 2021 à hauteur de 15 000 et 45 000 euros à la demande de l’escroc, elle n’a pas fait le lien avec les opérations frauduleuses constatées et les virements demandés. Elle estime qu’il n’est pas démontré qu’elle est personnellement à l’origine de l’ouverture du compte N26 ou qu’elle est personnellement à l’origine des virements exécutés sur ce compte. Elle souligne que le solde des 27 virements frauduleux s’élève à 71 308 euros, constituant son préjudice et reproche à la Banque Postale de ne jamais être intervenue. Elle rappelle qu’après avoir déposé plainte, elle a signalé à La Banque Postale avoir été victime d’opérations frauduleuses par courrier daté du 18 octobre 2022 ; elle en déduit avoir agi dans le délai de 13 mois à compter de la découverte et de la connaissance effective des opérations frauduleuses courant février 2022. Elle regrette que la Banque postale ne soit jamais intervenue, lui assurant seulement que son dossier sera traité, alors qu’elle est suivie pour dépression et est considérée comme étant en invalidité supérieure à 80%, ce qui rendait particulièrement impérieuse l’intervention de la Banque Postale.
Elle en déduit que son action fondée sur les dispositions du code monétaire et financier n’est pas forclose. Elle ajoute que son action est également fondée sur les dispositions du droit commun, issues des articles 1103 et 1194 du code civil, au titre de l’obligation de vigilance, non soumise à la forclusion prévue par le code monétaire et financier, de sorte que son action est recevable.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, exclusivement susceptible de recours en même temps que le jugement au fond en application de l’article 795 du code de procédure civile, dans sa version applicable au 1er septembre 2024, prononcée par mise à disposition au greffe,
DECLARE FORCLOSE la demande de remboursement mais seulement pour les virements effectués entre le 28 décembre 2020 et le 19 août 2021 (soit un montant total de 41 000 euros) fondée sur les articles L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier,
ECARTE la fin de non-recevoir soulevée en raison d’une forclusion pour le surplus
RESERVE les dépens
REJETTE la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile formée par la Banque Postale et par Madame [K]
RENVOIE l’affaire à la mise en état continue du 05 février 2025, pour conclusions de la Banque Postale
La présente décision a été signée par Madame Marie WALAZYC, Juge de la mise en état, et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,
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