Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Conflit contractuel et enjeux de distribution dans le secteur viticole
→ RésuméI – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIESLa SCEA CORRE MAQUIN a assigné la SAS SOVEX GRANDSCHATEAUX devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, demandant le retrait de bouteilles de vin Chateau Macquin de la grande distribution, la communication de ventes effectuées, une provision pour dommages et intérêts, ainsi que le remboursement de frais de justice. La demanderesse soutient que la défenderesse a violé un engagement contractuel en vendant son vin à prix réduit dans des enseignes de grande distribution, malgré des mises en demeure restées sans réponse. II – MOTIFS DE LA DÉCISIONLe tribunal a examiné les demandes de retrait des bouteilles et d’ajout d’une clause d’interdiction de vente en grande distribution. Il a constaté que l’interdiction de vente n’était pas clairement établie dans les contrats, et que la défenderesse n’avait pas de lien contractuel avec les enseignes concernées. De plus, aucune preuve d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite n’a été apportée. La demande de provision a également été rejetée, car l’obligation de la défenderesse était contestable. La demande de communication de contrats a été jugée disproportionnée et susceptible de porter atteinte au secret des affaires. III – DÉCISIONLe juge des référés a débouté la SCEA CORRE MAQUIN de toutes ses demandes et a condamné cette dernière à verser 6 000 euros à la SAS SOVEX GRANDSCHATEAUX pour les frais de justice, tout en ordonnant l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
57B
Minute n° 24/985
N° RG 24/02271 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZXZ4
3 copies
GROSSE délivrée
le 25/11/2024
à la SELARL CABINET REYNAL – PERRET
Me Kristell COMPAIN-LECROISEY
Rendue le VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 04 Novembre 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
DEMANDERESSE
S.C.E.A. CORRE MACQUIN, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Kristell COMPAIN-LECROISEY, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
S.A.S. SOVEX GRANDS CHATEAUX prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Maître Charlotte DE REYNAL de la SELARL CABINET REYNAL – PERRET, avocats au barreau de BORDEAUX
I – FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Par acte du 29 octobre 2024, la SCEA CORRE MAQUIN, après y avoir été autorisée, a fait assigner à l’audience du 04 novembre 2024 la SAS SOVEX GRANDSCHATEAUX, au visa des articles 485, 145, 834 et suivants du code de procédure civile, et 1240 et suivants du code civil,devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir :
– ordonner à la défenderesse prise en la personne de son représentant légal de retirer dans un délai maximum de 24 heures toutes les bouteilles de vins Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion de toutes les enseignes de grande distribution dans toute la France et autres pays où ce vin est commercialisé, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– lui ordonner de communiquer le nom de tous les grossistes, clients auxquels elle a vendu du vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion millésimes 2020 et 2021 et le nombre de bouteilles vendues, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– la condamner à lui payer une provision de 100 000 euros à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;
– la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’exécution en ce compris les frais de constat d’huissier du 02 octobre 2024 ;
– débouter la SAS SOVEX GRANDSCHATEAUX de l’ensemble de ses demandes plus amples et contraires ;
– ordonner l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute.
La demanderesse expose qu’elle a pour activité principale la culture de la vigne ; que par l’intermédiaire de son courtier M.[B], elle vend la récolte de son vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion à deux négociants : la société LA PASSION DES TERROIRS, et la société SOVEX GRANDSCHATEAUX ; que les bordereaux d’achat mentionnent expressément l’interdiction faite aux négociants de vendre ce vin en grande distribution ; qu’elle a appris courant juin 2024 que la société SOVEX GRANDSCHATEAUX vendait son vin à prix cassé en grande surface en violation de ses engagements contractuels ; qu’en dépit de sa sommation du 17 juillet 2024, la situation perdure puisque son vin est commercialisé dans les enseignes Leclerc et Intermarché dans plus de quinze départements dans le cadre notamment des foires aux vins ; que ses mises en demeure et tentatives de règlement amiable sont restées vaines ; que ce comportement constitue un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin en urgence ; que dans la perspective d’une action au fond, elle est fondée à demander la coimmunication du nombre de bouteilles vendues et des coordonnées des grossistes à qui elle les a vendues ; que d’ores et déjà, l’attitude fautive de la défenderesse lui cause un préjudice direct, certain et personnel qui justifie l’allocation d’une provision.
L’affaire a été fixée à l’audience du 04 novembre 2024.
Les parties ont conclu pour la dernière fois :
– la SCEA CORRE MAQUIN, le 31 octobre 2024, par des écritures aux termes desquelles elle maintient ses demandes en précisant qu’elles portent sur les millésimes 2019, 2020 et 2021 et y ajoutant, demande :
– d’ordonner à la défenderesse de communiquer les contrats conclus avec la SCASO, centre approvisonnement Sud Ouest, et avec toutes les centrales d’achat de l’enseigne E.Leclerc, avec la SCALANDES et toutes les sociétés auxquelles elle a vendu directement du vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion millésimes 2019, 2020 et 2021 et le nombre de bouteilles vendues, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– d’ordonner à la défenderesse de communiquer tous les contrats de vente signés avec les grossistes, négociants, clients et autres parties auxquels elle a vendu du vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion millésimes 2019, 2020 et 2021 et le nombre de bouteilles vendues, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– d’ordonner à la défenderesse de mentionner dans tout contrat de vente en cours et à venir la clause d’interdiction de vendre en grande distribution du vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion, sous astreinte de 20 000 euros par contrat ne comportant pas cette clause et sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– d’interdire à la défenderesse de vendre en direct ou indirectement du vin Chateau Macquin appellation Saint Georges Saint Emilion sans mentionner la clause d’interdiction de vente en grande distribution, sous astreinte de 20 000 euros par manquement constaté ;
– la société SOVEX GRANDSCHATEAUX le 1er novembre 2024, par des écritures aux termes desquelles elle sollicite le débouté de la SCEA CORRE MAQUIN de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait valoir qu’aucune urgence n’est démontrée ; que la demande de provision est sérieusement contestable et infondée dans son principe comme dans son montant ; que de même, les demandes de retrait du vin et de mention sur les contrats de vente de l’interdiction de vente en grande distribution se heurtent à des contestations sérieuses ; que la preuve n’est pas rapportée d’un dommage imminent ni d’un trouble manifestement illicite ; que les demandes sont irrecevables et infondées ; que la demande de communication des contrats doit être rejetée, à titre principal en l’absence d’intérêt légitime, à titre subsidiaire faute d’être légalement admissible en raison de sa disproportion, à titre infiniment subsidiaire en raison de l’atteinte qu’elle porte à la protection du secret des affaires.
Elle soutient que la seule obligation contractuellement mise à sa charge est de ne pas vendre en direct aux enseignes de la grande distribution ; qu’elle a respecté cette obligation puisqu’elle a revendu le vin à des revendeurs ; que si ces derniers ont revendu à la grande distribution, la demanderesse ne peut lui en faire grief ; qu’elle ne démontre l’existence ni d’un préjudice ni d’un lien de causalité avec sa prétendue faute ; que même si elle a accepté de respecter l’interdiction de vendre à la grande distribution, cette interdiction ne lui est pas opposable en l’absence de véritable contrat écrit signé par une personne habilitée à l’engager ; qu’elle est en outre interdite par les principes du droit de la concurrence en l’absence de réseau de distribution sélective ; qu’elle ne peut valoir interdiction de revente hors réseau par ses propres clients faute d’être prévue de façon expresse et écrite ; que le juge des référés est incompétent en l’absence d’urgence, de dommage imminent et de trouble manifestement illicite et en présence de contestations sérieuses ; que la demande de retrait, qui consiste à lui enjoindre de procéder au retrait de ses produits dans certaines enseignes qui ne sont pas parties à la procédure et avec lesquelles elle n’est pas liée contractuellement, est irrecevable.
La présente décision se rapporte à ces écritures pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
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