Tribunal judiciaire de Bordeaux, 21 novembre 2024, RG n° 21/09828
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 21 novembre 2024, RG n° 21/09828

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Responsabilité du mandataire immobilier : enjeux de l’obligation de conseil et d’évaluation des biens.

Résumé

Contexte de la vente

M [U] [N], propriétaire non occupant d’un appartement et d’un box, a loué son bien à Mme [G] [V] depuis le 1er août 1985. Il a confié la gestion de ce bien à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et a également mandaté cette société pour la vente de son bien, fixant le prix à 187.200€, avec une commission de 12.200€ à la charge de l’acquéreur.

Offre d’achat et compromis de vente

Le 29 avril 2019, M [L] [N], neveu du propriétaire, a proposé d’acheter le bien pour 180.000€, incluant la commission d’agence. Le propriétaire a donné pouvoir au mandataire pour signer un compromis de vente, qui a été signé le 3 mai 2019. La locataire a donné congé le 26 juillet 2019, prenant effet le 31 août 2019, et la vente a été réitérée par acte authentique le 1er août 2019.

Problèmes fiscaux et mise en demeure

Le 18 février 2021, l’Administration fiscale a envisagé de requalifier la vente en donation déguisée. Suite à des échanges, elle a proposé une rectification le 29 avril 2021, augmentant le montant déclaré dans l’acte de vente. Le 6 juillet 2021, le conseil du propriétaire a mis en demeure le mandataire de verser 272.808€ pour manquement à son obligation de conseil, notamment concernant l’estimation du prix de vente.

Procédure judiciaire

Le 15 décembre 2021, M [U] [N] a assigné la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALIAN devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux, demandant diverses indemnisations. Depuis, le demandeur a abandonné ses demandes contre la société GALIAN. L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2024, et les débats ont eu lieu le 19 septembre 2024.

Prétentions du demandeur

M [U] [N] demande au Tribunal de le déclarer fondé dans ses demandes et de condamner la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à lui verser plusieurs sommes pour préjudices liés à la vente, notamment pour perte de chance de vendre à un prix plus élevé, ainsi que pour des dommages moraux et le remboursement de la commission d’agence.

Prétentions du défendeur

La SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS conteste les demandes du propriétaire, demandant son débouté et affirmant que le propriétaire a accepté l’offre d’achat de son neveu. Elle soutient avoir respecté ses obligations et que les allégations de manquement à l’obligation de loyauté ne sont pas fondées.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a débouté le propriétaire de ses demandes concernant le manquement à l’obligation de conseil et de loyauté, tout en reconnaissant un préjudice de 48.074€ pour perte de chance de vente à un prix supérieur. La SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS a été condamnée à verser cette somme, avec capitalisation des intérêts, et les dépens ont été répartis entre les parties.

N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

50Z

N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA

Minute n° 2024/00618

AFFAIRE :

[U] [N]

C/

S.A.S. CITYA IMMOBILIER ATLANTIS, S.C.A. GALIAN

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
Me Jean-françois ABADIE
Me Sabrina GOZLAN-JANEL
Me Catherine LATAPIE-SAYO

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats
Isabelle SANCHEZ, Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Septembre 2024,
Délibéré du 21 novembre 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDEUR :

Monsieur [U] [N]
né le 23 Avril 1947 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Me Jean-françois ABADIE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Me Sabrina GOZLAN-JANEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant

N° RG : N° RG 21/09828 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WAUA

DEFENDERESSES :

S.A.S. CITYA IMMOBILIER ATLANTIS RCS BORDEAUX 403 028 723
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

S.C.A. GALIAN RCS PARIS 662 028 471
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Me Catherine LATAPIE-SAYO, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

M [U] [N] (ci-après “le propriétaire”) a été propriétaire non occupant d’un appartement et d’un box situé [Adresse 2] (ensemble ci-après “le bien”), lequel bien a été loué depuis le 1er août 1985 à Mme [G] [V] (ci-après “la locataire”).

Le propriétaire a confié un mandat de gestion du bien à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS (ci-après “le mandataire”)

Le 8 novembre 2018, il lui a également confié un mandat exclusif aux fins de vente du dit bien.

Le prix de vente a été fixé à la somme de 187.200€, outre une commission de 12.200€ TTC à la charge de l’acquéreur.

Le 29 avril 2019, M [L] [N], neveu du propriétaire, et son épouse se sont portés acquéreurs du bien, et ont formulé une offre d’un montant de 180.000 Euros, incluant par ailleurs la commission d’agence.
Le même jour, le propriétaire a donné pouvoir au mandataire pour signer un compromis de vente portant sur le bien au prix de 180.000 euros, outre une commission de 13 300 euros à la charge du vendeur.

Le compromis de vente a été signé le 3 mai 2019.

Par courrier réceptionné par le mandataire le 26 juillet 2019, la locataire a donné congé prenant effet au 31 août 2019.

La vente du bien a été réitérée en date du 1er août 2019, par acte authentique rédigé par Maître [F], notaire.

Le 18 février 2021, l’Administration fiscale a proposé au propriétaire de requalifier la vente en donation déguisée.

Puis, compte tenu des réponses apportées, le 29 avril 2021 l’Administration fiscale a adressé à l’acquéreur une proposition de rectification, afin de rehausser le montant déclaré dans l’acte authentique de vente.

Par lettre recommandée du 6 juillet 2021, le conseil du propriétaire a mis en demeure le mandataire d’avoir à lui verser la somme globale de 272.808€ au motif d’un manquement à son obligation de conseil, notamment lors de l’estimation du prix de vente de ce bien immobilier, estimant que le prix de vente paraissait inférieur à la valeur vénale d’un tel bien et a proposé de rectifier le montant des droits proportionnels d’enregistrement ainsi que la taxe sur la publicité foncière, fixés à hauteur de 10.452€ et de le porter ainsi à 16.848€.

Par lettre du 6 août 2021, le conseil du mandataire a répondu aux griefs allégués.

L’Administration fiscale a finalement abandonné ses poursuites.

Procédure:

Par assignation délivrée le 15/12/2021, M [U] [N] a assigné d’une part la SAS CITYA IMMOBILIER ALTANTIS et d’autre part la société GALIAN devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de condamnation in solidum à diverses indemnisations pour insuffisance du prix de vente, absence de délivrance d’un congé au locataire, remboursement du montant de la commission du mandataire et préjudice moral.

Il convient de préciser que depuis cette assignation :

– les défendeurs ont constitué avocat et fait déposer des conclusions,

– le demandeur ne forme plus aucune demande à l’encontre de la société GALIAN qu’il dit avoir attrait par erreur.

L’ordonnance de clôture est en date du 3/07/2024.

Les débats s’étant déroulés à l’audience du 19/09/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 21/11/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le propriétaire, M [U] [N] :

Dans ses dernières conclusions en réplique n°3, notifiées par voie électronique le 3/11/2023 et reprises à l’audience, au visa des dispositions de l’article 1231-1 et 1991 du code civil le demandeur sollicite du Tribunal de :

(à titre principal)

RECEVOIR Monsieur [U] [N] en ses demandes et l’y déclarer bien fondé ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 188.998 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance d’avoir pu vendre son bien à un prix de 355.698 euros outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 69.453 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de chance d’avoir pu vendre son appartement libre de toute occupation, outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 13.300 euros correspondant au montant de la commission d’agence outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral outre intérêts de retard à compter du 7 juillet 2021, date de réception du courrier de mise en demeure ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à régler à Monsieur [U] [N] la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CITYA IMMOBILIER ATLANTIS aux entiers dépens.

DEBOUTER la CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALIAN de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles ;

SUBSIDIAIREMENT, AVANT DIRE DROIT

ORDONNER une mesure d’expertise et donner mission à l’expert de :

Entendre les parties et recueillir les pièces utiles à sa mission ;

Donner son avis, à la date du 8 novembre 2018, sur la valeur, libre et occupé, du lot de copropriété n°5 de l’ensemble immobilier sis à [Adresse 8], au 4ème étage ;

Donner acte à Monsieur [U] [N] de ce qu’il consignera la provision sur frais et honoraires d’expertise qu’il plaira au tribunal de fixer ;

Réserver les dépens.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le mandataire, la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et la société GALAN :

Dans ses dernières conclusions en date du 23/01/2024 le défendeur demande au tribunal de :

PRENDRE ACTE du désistement de Monsieur [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN,

Par suite, DEBOUTER Monsieur [U] [N] de l’ensemble de ses demandes présentées à l’encontre de la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS,

En toute hypothèse,

DEBOUTER Monsieur [U] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l’encontre de la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et de la société GALIAN,

VOIR CONDAMNER Monsieur [U] [N] à verser la somme de 4.000 euros respectivement à la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et à la société GALIAN sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

– DÉBOUTE les défendeurs de leur demande de prendre acte du désistement de M [U] [N] à l’encontre de la société GALIAN ;

– CONDAMNE la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à payer à M [U] [N] la somme de 48.074€, outre les intérêts au taux légal, avec capitalisation des dits intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil à compter du jugement ;

– DÉBOUTE M [U] [N] de ses demandes indemnitaires formées contre le mandataire sur les fondements d’un manquement de ce dernier à ses obligations de conseil relatif à la délivrance d’un congé et de loyauté ;

– CONDAMNE la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS et M [U] [N] aux entiers dépens ;
– CONDAMNE au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile :

– la SAS CITYA IMMOBILIER ATLANTIS à payer à M [U] [N] la somme de 1.500€ ,

– M [U] [N] à payer à la société GALIAN la somme de 1.500€ ;

– RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,

– REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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