Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Contrefaçon de logiciel : un délit continu ?
→ RésuméLa contrefaçon de logiciel soulève des questions complexes, notamment sur la prescription de l’action en réparation. Selon le tribunal, l’action engagée par la société MaPlace contre l’Office de Tourisme de Bordeaux est prescrite, car elle avait connaissance des faits contrefaisants depuis 2010. La jurisprudence stipule que le délai de prescription commence à courir dès la commission de la contrefaçon, même si celle-ci se prolonge dans le temps. Ainsi, malgré l’utilisation continue des logiciels litigieux, la société MaPlace ne peut revendiquer des actes de contrefaçon sur une période antérieure à cinq ans avant l’assignation.
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Contrairement à une idée reçue, la répétition de l’utilisation de logiciels contrefaisant, n’est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription de l’action en contrefaçon ou du moins, à engendrer une application distributive de la période de prescription aux seuls actes antérieurs à plus de cinq ans avant l’assignation.
L’action en réparation des atteintes portées aux droits de l’auteur relève de la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de ceux-ci a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Le délai de prescription de l’action civile en réparation des atteintes au droit d’auteur, y compris en matière de contrefaçon de logiciel, commence à courir à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a eu connaissance, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée.
En l’espèce, les faits de contrefaçon dénoncés résident dans l’utilisation depuis 2010 des logiciels contrefaisants développés par la SARL ENKIEA à savoir une application de billetterie INANNA fonctionnant avec le système de vente en ligne GUICHENET. Or, la prescription quinquennale était donc acquise.
L’affaire oppose la société MaPlace à ses anciens salariés, M. [M] [L] et M. [N] [L], ainsi qu’à la société ENKIEA SOLUTIONS. La cour d’appel de Bordeaux a jugé que M. [K] [L] est l’auteur du logiciel SimpleCLIC, que MaPlace détient des droits d’exploitation sur ce logiciel, et que le logiciel INANNA est une contrefaçon du logiciel SimpleCLIC. La société MaPlace a obtenu une indemnisation de 384 620 euros pour contrefaçon de droit d’auteur et concurrence déloyale. L’Office de Tourisme de Bordeaux a été condamné à cesser l’utilisation des logiciels contrefaisants et à payer des dommages et intérêts. Par la suite, MaPlace a assigné l’Office de Tourisme pour des actes de contrefaçon antérieurs à la désinstallation des logiciels litigieux. Les parties ont formulé des demandes contradictoires, notamment sur la propriété des licences des logiciels et sur la responsabilité des différentes parties. La question de l’incidence de la procédure collective de la société ENKIEA sur le litige est également soulevée.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
2 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG n°
18/05257
N° RG 18/05257 – N° Portalis DBX6-W-B7C-SHVI
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE
79A
N° RG 18/05257 – N° Portalis DBX6-W-B7C-SHVI
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A.R.L. MAPLACE, [K] [L]
C/
Association OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE, [M] [L], [N] [L], S.A.R.L. ENKIEA SOLUTIONS, SELARL HIROU
Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL 28OCTOBRE
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
Me David LEMEE
la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE
N° RG 18/05257 – N° Portalis DBX6-W-B7C-SHVI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 02 JUILLET 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,
Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 04 Juin 2024 sur rapport de Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT:
Réputé contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
DEMANDEURS :
S.A.R.L. MAPLACE
10 place Maréchal de Lattre de Tassigny
33500 LIBOURNE
représentée par Maître Marie-pierre CAZEAU de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Monsieur [K] [L]
né le 30 Novembre 1959 à PONFERRADA (ESPAGNE)
17 rue des Mûres
33500 LIBOURNE
représenté par Maître Marie-pierre CAZEAU de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
DEFENDEURS :
Association OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE
12 cours du XXX juillet
33000 BORDEAUX
représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Benoît PRUVOST de la SELARL 28OCTOBRE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant
Monsieur [M] [L]
né le 29 Septembre 1961 à PONFERRADA (ESPAGNE)
41 chemin Terrefort
33133 GALGON
représenté par Me David LEMEE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Monsieur [N] [L]
né le 06 Juillet 1963 à PONFERRADA (ESPAGNE)
43 chemin Terrefort
33133 GALGON
représenté par Me David LEMEE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A.R.L. ENKIEA SOLUTIONS
43 chemin de Terrefort
33133 GALGON
représentée par Me David LEMEE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
SELARL HIROU, agissant en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la SARL ENKIEA SOLUTIONS
6-7 boulevard Aristide Briand
BP 237
33506 LIBOURNE
défaillant
EXPOSE DU LITIGE
Par arrêt du 6 juin 2017 de la cour d’appel de Bordeaux, devenu irrévocable suite au rejet du pourvoi en cassation prononcé le 24 novembre 2021, opposant la société MaPlace à ses anciens salariés, M. [M] [L] et M. [N] [L] et à la société créée par ces derniers, la société ENKIEA SOLUTIONS, a été jugé les points suivants:
– M. [K] [L] (frère de M.[M] [L] et M. [N] [L]) est l’auteur du logiciel SimpleCLIC,
– la société MaPlace détient des droits d’exploitation sur le logiciel SimpleCLIC,
– la société MaPlace est propriétaire des droits patrimoniaux sur le logiciel GUICHENET,
– le logiciel INANNA est une contrefaçon du logiciel Simple CLIC,
-la société ENKIEA SOLUTIONS, M. [M] [L] et M. [N] [L] ont été condamnés au titre de la contrefaçon de droit d’auteur et de la concurrence déloyale à payer à la société MaPlace une indemnisation d’un montant de 384 620 euros.
La SARL ENKIAE a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de redressement judiciaire le 20 novembre 2017.
Suite à la décision de la cour d’appel de Bordeaux, la société MaPlace a mis en demeure par courrier du 5 janvier 2018, l’Office de Tourisme de Bordeaux, son ancien client, de cesser l’utilisation des logiciels contrefaisants distribués par la société ENKIEA.
La société MaPlace a été autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de l’Office de Tourisme, qui a donné lieu à un constat par commissaire de justice du 15 mai 2018.
Puis, la société Ma Place a obtenu du juge des référés de Bordeaux par ordonnance du 28 mai 2018 la condamnation de l’Office de Tourisme de Bordeaux, sous astreinte, à une interdiction d’utilisation de ces logiciels avec obligation de les désinstaller sous astreinte outre une condamnation à une provision de 18 000 euros.
Parallèlement, le Président du tribunal de commerce de Libourne a rejeté, par ordonnance de référé du 26 juin 2018, la demande de l’Office de Tourisme de Bordeaux tendant au maintien provisoire de l’exploitation des logiciels litigieux.
L’office de Tourisme de Bordeaux a fait constater le 6 juillet 2018 par commissaire de justice la désinstallation des logiciels INANNA et Guichenet.
Concomitamment, considérant que l’exploitation des logiciels INANNA et Guichenet depuis 2010 constitue des actes de contrefaçon, la société MaPLACE et M. [K] [L] ont fait assigner, le 8 juin 2018, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, l’Office de Tourisme de Bordeaux aux fins d’indemnisation des actes survenus entre 2013 et 2018, antérieurement à la désinstallation des logiciels.
L’Office de Tourisme de Bordeaux a fait assigner, par actes du 17 décembre 2018, en intervention forcée, la société ENKIA Solutions et M. [M] [L] et M. [N] [L] ainsi que la SELARL HIROU, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la procédure de redressement judiciaire de la SARL ENKIEA, aux fins d’être relevé indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de l’utilisation des logiciels litigieux.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 février 2024, auxquelles il y a lieu de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, la SARL MaPlace et M. [K] [L] demandent au tribunal, au visa des articles 1240 et suivants du Code civil, L113-1, L122-6 et L331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle,
– DECLARER recevables et bien fondés la société MAPLACE et M. [K] [L] en leurs demandes.
– DIRE ET JUGER que l’Office de Tourisme de Bordeaux a réalisé des actes de contrefaçon en utilisant les logiciels INANNA et GUICHETNET sans l’accord de la société MAPLACE, conformément à l’article 122-6 du Code de la Propriété Intellectuelle.
– DIRE ET JUGER que la société MAPLACE n’a commis aucune faute susceptible d’exclure ou de limiter son droit à réparation ;
– DIRE ET JUGER que la Sté MAPLACE se réserve le droit de parfaire le quantum de son préjudice en cours d’instance ;
– CONDAMNER l’Office de Tourisme de Bordeaux à verser 2 618 395,34 € euros de dommages et intérêts à la société MAPLACE, en réparation de son préjudice matériel ;
Subsidiairement, si le Tribunal devait retenir la seule attestation versée aux débats par l’OT de BORDEAUX lui-même et non corroborée par d’autres pièces,
– CONDAMNER l’OT de Bordeaux à verser la somme de 2 000 000 euros à la société MAPLACE à titre de dommages et intérêts pour les actes de contrefaçon.
– CONDAMNER l’Office de Tourisme de Bordeaux à verser 5 000 € de dommages et intérêts à M. [K] [L], en réparation de son préjudice moral ;
– ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution.
– DEBOUTER l’Office de Tourisme de Bordeaux, la Sté ENKIEA et Messieurs [M] et [N] [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions concernant la Sté MAPLACE.
– CONDAMNER l’Office de Tourisme de Bordeaux à payer la somme de 5 000 euros à la société MAPLACE, et la somme de 5 000 euros à M. [K] [L], conformément aux dispositions de l’article 700 du CPC.
– CONDAMNER l’Office de Tourisme de Bordeaux en tous les dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
– METTRE A LA CHARGE de l’Office de Tourisme de Bordeaux le montant des sommes retenues par l’Huissier par application des dispositions de l’article A444-32 du Code de Commerce dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, une exécution forcée s’avérait nécessaire.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 mars 2014, auxquelles il y a lieu de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, l’Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole, demande au tribunal, au visa des articles L 122-6 et L 131-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, 1103, 1104, 1353 ,1626 et 2224 du Code Civil, de :
– Recevoir l’Office de Tourisme de Bordeaux en ses conclusions et le déclarer bien fondé,
– Déclarer la société MAPLACE irrecevable ou à tout le moins mal fondée à agir à son encontre et la débouter de ce fait de ses demandes, fins et prétentions,
– Débouter la société ENKIEA SOLUTIONS, ainsi que de Messieurs [N] et [M] [L] de leurs demandes, fins et prétentions,
A titre principal :
– Accueillir l’Office de tourisme de Bordeaux en sa fin de non-recevoir et ainsi, dire que la société MAPLACE est irrecevable à agir à son encontre pour être prescrite,
A titre subsidiaire :
– Dire et juger que l’Office de tourisme de Bordeaux n’a pas violé les droits de la société MAPLACE,
– Dire et juger que l’Office de tourisme de Bordeaux n’a pas utilisé les logiciels litigieux en connaissance de leur caractère contrefaisant,
– Dire et juger que la société MAPLACE n’a caractérisé aucun acte de contrefaçon de la part de l’Office de Tourisme de Bordeaux,
– Débouter la société MAPLACE de l’ensemble de ses demandes et prétentions à ce titre à l’encontre de l’Office de Tourisme de Bordeaux,
A titre très subsidiaire :
– Constater que la société MAPLACE s’est abstenue de solliciter l’arrêt de l’utilisation des logiciels Inanna et Guichetnet par l’Office de Tourisme de Bordeaux dès la connaissance des faits litigieux,
– Constater que la société MAPLACE s’est abstenue de mettre en cause l’Office de Tourisme de Bordeaux dès la connaissance des faits litigieux, dans le cadre du contentieux engagée à l’encontre de la société ENKIEA SOLUTIONS,
– Constater que la société MAPLACE a déjà obtenu la réparation judiciaire du préjudice qu’elle aurait subi du fait de la contrefaçon des logiciels litigieux,
– Dire et juger que la société MAPLACE ne saurait donc obtenir la condamnation de l’Office de tourisme de Bordeaux un préjudice déjà réparé dans le cadre de l’action judiciaire intentée
contre la société ENKIEA SOLUTIONS et ayant abouti à sa lourde condamnation,
– Dire et juger que l’abstention susvisée de la société MAPLACE à mettre en cause, à tout le moins à informer l’Office de tourisme de Bordeaux est constitutive d’une faute qui a directement contribué à la réalisation et à l’ampleur de son préjudice alléguée,
– Débouter la société MAPLACE de ses demandes d’indemnisation du préjudice découlant de l’utilisation des logiciels contrefaisants,
A titre infiniment subsidiaire :
– Dans l’hypothèse où le Tribunal Judiciaire de céans entrerait en voie de condamnation à l’encontre de l’Office de Tourisme de Bordeaux, prendre en considération le comportement fautif de la société MAPLACE dans l’évaluation des préjudices dont elle entend demander réparation,
– Réduire la période à prendre en compte au titre de la contrefaçon à celle courant de la mise en demeure de l’Office de tourisme de Bordeaux à la date de désinstallation des logiciels litigieux telle que constatée par huissier,
– Appliquer comme taux de redevance au titre de l’exploitation des logiciels litigieux le taux de 1% sur les ventes réalisées via Inanna et sur la base d’un chiffre d’affaires de 860.302 euros,
En tout état de cause :
– Dire que l’Office de Tourisme de Bordeaux est bien fondé à solliciter l’application de la garantie contractuelle de la société ENKIEA SOLUTIONS,
– Condamner la société ENKIEA SOLUTIONS et Messieurs [N] et [M] [L] à garantir l’Office de Tourisme de Bordeaux et à le relever de toutes les condamnations de quelque nature que ce soit qui pourraient être prononcées à son encontre,
– Condamner la société MAPLACE à lui payer la somme de 10.000 Euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, à parfaire.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, M. [M] [L], M. [N] [L] et la SARL ENKIA SOLUTIONS demandent au tribunal , au visa des articles 31 du code de procédure civile, 1626 et suivants du Code Civil, 1134 anciens et suivants du Code Civil, 1147 ancien du code civil,
– DECLARER irrecevables les demandes de la société MAPLACE et de monsieur [K] [L] et par voie de conséquence celles de l’Office de tourisme faute d’intérêt à agir,
– METTRE hors de cause [N] [L] et Monsieur [M] [L],
En tout état de cause,
Vu que l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE est bien propriétaire de la licence d’usage du logiciel SIMPLECLIC et des serveurs GUICHETNET et BDS pour les avoir acquis auprès de la société MAPLACE,
Vu l’absence de cession de licence d’INANNA et de GuicheNet par la société ENKIEA à l’Office de tourisme,
Vu le comportement fautif de l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE,
Vu l’absence de corrélation entre le chiffre d’affaires de l’Office de tourisme et l’éventuel préjudice,
Vu l’impossibilité d’utiliser GuicheNet en l’état sur la billetterie en ligne de l’Office de tourisme,
Vu la fixation du préjudice par l’arrêt du 06 juin 2017,
– DIRE et JUGER que l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE est bien propriétaire de la licence d’usage du logiciel SIMPLECLIC et des serveurs GUICHETNET et BDS pour les avoir acquis auprès de la société MAPLACE et conséquence,
– DEBOUTER l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE de l’intégralité de ses demandes et prétentions dirigées tant à l’encontre de la société ENKIEA SOLUTIONS qu’à l’encontre de Monsieur [N] [L] et Monsieur [M] [L].
RECONVENTIONNELLEMENT :
– CONDAMNER l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX METROPOLE à payer à la société ENKIEA la somme de 14 223,12 € avec intérêt de droit à compter du jugement,
– ECARTER l’exécution provisoire de droit
– DEBOUTER l’Office de tourisme de ses plus amples demandes,
– CONDAMNER l’OFFICE DE TOURISME ET DES CONGRES DE BORDEAUX
METROPOLE à payer à la société ENKIEA la somme de 4 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2024.
Suite aux messages du conseil de la Société ENKIAE indiquant qu’elle faisait l’objet d’un plan de redressement et qu’un commissaire à l’exécution du plan nouvellement désigné n’avait pas été appelé à la procédure, le tribunal a demandé que les parties produisent leurs observations sur l’incidence de la procédure collective sur le litige en cours notamment sur les points suivants: la créance de l’Office de Tourisme envers la société Enkiea au titre d’une garantie d’éviction est elle née avant ou après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire. Est elle soumise à déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective. Son recouvrement relève t- il du plan de redressement ou du droit commun.
L’Office de Tourisme et des congrés de Bordeaux Métropole et la SARL ENKIEA ont notifié leur note en délibéré le 6 et 7 juin 2024.
MOTIVATION
sur la prescription de l’action en contrefaçon à l’encontre de l’Office de Tourisme
Moyens des parties
L’Office de Tourisme de Bordeaux soutient que l’action en contrefaçon engagée à son encontre par acte du 8 juin 2018 est prescrite alors que la société Ma Place avait connaissance des faits dénoncés comme contrefaisants depuis plus de 5 ans ainsi que le révèle les actes de procédure de 2010 dans le litige opposant les sociétés Ma Place et Enkiea.
Elle rétorque à l’argumentation adverse que la jurisprudence exclut désormais la notion de délit continu et retient que le délai de prescription commence à courir à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a connaissance, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée.
La société Ma Place et M. [K] [L] répliquent que la contrefaçon est un délit continu et que les actes d’utilisation des logiciels contrefaisants ont continué à se perpétrer jusqu’en 2018, ce qui permet à la société MaPlace de solliciter une indemnisation pour les actes réalisés entre 2013 et 2018.
Ils rétorquent à l’argumentation de l’Office de Tourisme que la jurisprudence qui est citée concerne un acte unique contrefaisant et non une utilisation répétée de logiciel, comme en l’espèce.
Sur ce
L’action en réparation des atteintes portées aux droits de l’auteur relève de la prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de ceux-ci a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, les faits de contrefaçon dénoncés résident dans l’utilisation depuis 2010 des logiciels contrefaisants développés par la SARL ENKIEA à savoir une application de billetterie INANNA fonctionnant avec le système de vente en ligne GUICHENET.
L’Office de Tourisme produit un contrat d’assistance technique et fonctionnelle en date du 23 août 2010 avec la société ENKIEA dont l’objet est une prestation de service d’assistance technique suite à “l’installation du système de billetterie INANNA”.
Aux conditions générales de ce contrat, il est stipulé:
“ ENKIEA Solutions possède la paternité du gestionnaire de bases de données BDS et assure son développement. (..) Enkia Solutions développe activement l’application de billetterie Inanna pour une gestion locale, distante ou de réseau de vente”. Enkiae Solutions développe activement l’application de vente de billets via Internet GuichetNet, celle-ci seconde de façon optimale votre système de billetterie Inanna”
L’Office de Tourisme, qui reconnaît l’utilisation des deux logiciels contrefaisants, soutient néanmoins que l’action indemnitaire fondée sur cette utilisation contrefaisante est prescrite alors que la SARL Ma Place avait connaissance des faits dénoncés comme contrefaisants depuis 2010.
Il ressort de la lecture de l’assignation délivrée le 10 novembre 2010 par la SARL Ma Place à la SARL ENKIEA Solutions et aux consorts [L] que, dans le cadre de ce litige, dans lequel elle revendiquait la titularité de droits d’auteur sur les logiciels SimpleClic et GuicheNet, et dénonçait une utilisation contrefaisante de ces logiciels par la SARL ENKIEA, la société Ma Place avait parfaitement connaissance de l’utilisation par l’Office de Tourisme des produits distribués par la société ENKIEA.
Ainsi, écrivait elle, en page 7: “ L’Office de Tourisme de Bordeaux (client important et de longue date de MAPLACE) vient de résilier son contrat après être devenu client ENKIEA”. La SARL MAPLACE citait les constatations réalisées lors d’une saisie contrefaçon sur l’ordinateur de M. [M] [L], concernant les interventions de la société ENKIEA Solutions auprès de l’Office de Tourisme.
Elle dénonçait ainsi (page 10): “ les pires craintes de M. [K] [L] s’avéraient donc exactes, l’utilisation sans droit des logiciels MAPLACE et le détournement organisé de l’ensemble de la clientèle de la société MAPLACE était bien orchestré, et de toute évidence efficace. Il ressort des énonciations des déclarants que non seulement ils reconnaissent que SimpleClic est un logiciel de la Société MaPlace mais qu’en outre ils démarchent volontairement les clients de cette dernière pour leur proposer leur service.”
Ainsi, s’il apparaît que le contrat souscrit en 2010 entre l’Office de Tourisme et la société ENKIEA n’a été produit que dans les procédures opposant en 2018 l’Office de Tourisme à la société MA PLACE, en revanche, cette dernière avait manifestement connaissance de ce partenariat dès 2010 et en conséquence de l’utilisation par l’Office de Tourisme des produits distribués par la société ENKIEA dès cette date.
Il est donc établi que la société MAPLACE, et nécessairement son dirigeant directement concerné par la procédure, avait connaissance dès 2010 des faits contrefaisants, à savoir l’utilisation des logiciels litigieux distribués par ENKIAE.
Or le délai de prescription de l’action civile en réparation des atteintes au droit d’auteur commence à courir à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a eu connaissance, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée.
La prescription quinquennale était donc acquise à l’égard de l’Office de Tourisme, au jour de l’assignation le 8 juin 2018.
Il est indifférent que l’utilisation des logiciels litigieux se soit répétée entre 2010 et 2018 dès lors que cette utilisation continue est le prolongement normal de leur mise en oeuvre par la société ENKIAE en 2010, dont la société MAPLACE avait incontestablement connaissance au plus tard lors de la délivrance de l’assignation le 10 novembre 2010 en contrefaçon de ses logiciels par cette société à qui il était clairement reproché un détournement de client (dont l’Office de Tourisme) pour la mise en oeuvre de cette contrefaçon.
Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, la répétition de l’utilisation des logiciels contrefaisant, n’est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription ou du moins, puisque c’est la thèse défendue par les demandeurs, à engendrer une application distributive de la période de prescription aux seuls actes antérieurs au 8 juin 2013 (soit ceux antérieurs à plus de cinq ans avant l’assignation), dès lors que cette utilisation était connue dès 2010 et s’est inscrite dans la durée.
En conséquence, l’action en contrefaçon introduite à l’encontre de l’Office du Tourisme doit être déclarée prescrite.
En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer ni sur l’autre fin de non recevoir tirée d’un défaut d’intérêt à agir soulevée par la société ENKIEA et les consorts [L], ni sur les demandes indemnitaires ni sur l’appel en garantie, dont l’objet est directement en lien avec la demande principale.
Sur la demande reconventionnelle de la société ENKIEA
Moyens des parties
La société ENKIEA fait valoir que dans le cadre du contrat d’assistance souscrit par l’Office de Tourisme, elle a effectué des prestations convenues au titre de l’année 2018 qui n’ont jamais été contestées par l’Office de Tourisme. Dans la mesure où la prestation de la société ENKIEA ne saurait souffrir de la qualification d’usage de logiciels contrefaits, il est sollicité la condamnation de l’Office de Tourisme à lui payer la somme de 14 223,12 euros.
L’Office de Tourisme rétorque qu’il est maladroit de solliciter le règlement de factures visant des logiciels contrefaisants alors que c’est la société ENKIEA qui les a fournis et qu’elle doit en assumer les conséquences.
Sur ce
L’Office de Tourisme apparaît bien fondé à opposer une exception tirée du principe général selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude alors qu’il ressort des éléments soumis aux débats que les prestations dont il est sollicité le paiement portaient sur des logiciels contrefaisants.
La demande en paiement sera rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’Office de Tourisme l’intégralité de ses frais irrépétibles. La Société MaPlace et M. [K] [L] seront condamnés à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, par mesure d’équité, les autres parties seront déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
– DIT que l’action en contrefaçon introduite à l’encontre de l’Office de Tourisme de Bordeaux est prescrite,
– REJETTE la demande en paiement de la société ENKIAE,
– CONDAMNE la SARL MAPLACE et M. [K] [L] à payer à l’Office du Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– REJETTE les autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE la SARL MAPLACE et M. [K] [L] aux dépens.
La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
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