Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Dissimulation d’informations et responsabilité contractuelle dans la vente d’un équidé.
→ RésuméAcquisition de la jument AWAM DE CHAMBINESMadame [N] [S] a acheté en août 2017 la jument AWAM DE CHAMBINES à monsieur [U] [R], son coach, pour participer à des compétitions de saut d’obstacle. Après la vente, la jument a présenté une boiterie, rendant impossible sa participation à ces compétitions. Procédure judiciaire et expertiseMadame [S] a saisi le juge des référés, qui a ordonné une expertise vétérinaire, réalisée par madame [P] [T], dont le rapport a été déposé le 12 novembre 2021. Par la suite, madame [S] a assigné monsieur [R] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux le 23 février 2022 pour obtenir une indemnisation de ses préjudices. Demandes de madame [S]Dans ses conclusions du 16 octobre 2023, madame [S] demande au tribunal de condamner monsieur [R] à lui verser des dommages et intérêts pour divers préjudices, totalisant 50.000 euros, ainsi que le paiement des dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle invoque un dol lié à la dissimulation du passé médical de la jument, affirmant qu’elle n’aurait pas acheté l’animal si elle avait été informée de ses problèmes de santé. Arguments de monsieur [R]Monsieur [R] conteste les demandes de madame [S] et demande à être indemnisé pour préjudice. Il soutient que madame [S] n’a pas prouvé l’existence d’un dol et que la jument ne pouvait être utilisée que comme poulinière. Il affirme également que la jument a pu concourir pendant plusieurs années avant que sa carrière ne soit interrompue. Motivations du tribunalLe tribunal rappelle que le dol implique des manœuvres ou mensonges ayant conduit à obtenir le consentement d’une partie. Il conclut que madame [S] n’a pas prouvé l’existence d’une information déterminante sur l’état de santé de la jument au moment de la vente, et que le dol allégué ne peut donc être caractérisé. Décisions du tribunalLe tribunal déboute madame [S] de ses demandes indemnitaires et également monsieur [R] de sa demande indemnitaire. Madame [S] est condamnée à payer les dépens et une somme de 1.200 euros à monsieur [R] au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement est de droit. |
N° RG 22/01482 – N° Portalis DBX6-W-B7G-WJRD
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE
SUR LE FOND
50D
N° RG 22/01482 – N° Portalis DBX6-W-B7G-WJRD
Minute n° 2024/00613
AFFAIRE :
[N] [S]
C/
[U] [R]
Grosses délivrées
le
à
Avocats : la SELARL CABINET HOULGARD-AVOCATS
Me Clémence DARBON
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Statuant à Juge Unique
Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier
DÉBATS
A l’audience publique du 24 Septembre 2024
JUGEMENT
Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDERESSE
Madame [N] [S]
née le 08 Janvier 1982 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Clémence DARBON, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEUR
Monsieur [U] [R]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Alice HOULGARD de la SELARL CABINET HOULGARD-AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
N° RG 22/01482 – N° Portalis DBX6-W-B7G-WJRD
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Madame [N] [S] a acquis au mois d’août 2017 de monsieur [U] [R], son coach, la jument AWAM DE CHAMBINES avec laquelle elle a participé à plusieurs reprises à des compétitions de saut d’obstacle.
Exposant que la jument a présenté après la vente une boiterie, et que la jument ne pouvait plus être engagée sur des compétitions de saut d’obstacle, madame [S] a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 16 novembre 2020 a ordonné une expertise au contradictoire de monsieur [R], confiée à madame [P] [T], vétérinaire.
L’expert a déposé son rapport le 12 novembre 2021.
Par acte délivré le 23 février 2022, madame [N] [S] a fait assigner monsieur [U] [R] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
La clôture est intervenue le 04 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2023, madame [N] [S] sollicite du tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
condamner monsieur [R] à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de :15.000 euros pour réticence dolosive et manquement à l’obligation d’information,20.921 euros pour les frais d’entretien du cheval,10.000 euros pour son préjudice de jouissance,5.000 euros pour son préjudice moral,Condamner monsieur [R] au paiement des dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande indemnitaire, madame [S] fait valoir, sur le fondement des articles 1137, 1138 et L111-1 du code de la consommation, l’existence d’un dol commis par le vendeur, caractérisé par la dissimulation volontaire du passé médical de la jument. Elle soutient que l’historique de la jument retraçant l’existence d’une boiterie intermittente qui avait conduit à mettre un terme à sa carrière, permet de retenir qu’elle n’aurait pas dû être vendue comme un cheval de sport. Elle prétend que monsieur [R] a acquis la jument en tant que poulinière, en étant informé à cette occasion des difficultés médicales de la jument contre la somme de 1.000 euros, et qu’il lui a revendu plus de huit fois son prix en la présentant comme une jument saine et apte aux compétitions sportives envisagées. Elle prétend que le vendeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de lui avoir délivré l’information sur le passé du cheval, et qu’il a au contraire volontairement dissimulé ces éléments. Elle soutient que ces informations étaient déterminantes de son consentement en ce qu’elle cherchait une jument pour effectuer des compétitions de saut d’obstacle avec pour but de la revendre ensuite, et qu’elle n’aurait pas acquis cette jument si elle avait été informée des éléments médicaux.
Elle allègue n’avoir pu utiliser la jument qu’à l’occasion de quelques compétitions et non de manière intensive, la carrière d’AWA DE CHAMBINES ayant dû être régulièrement interrompue en raison de la boiterie intermittente dont elle était victime.
Elle conteste la force probante de l’expertise judiciaire en contestant les compétences professionnelles de l’expert, les conditions de déroulé de l’expertise, et les éléments erronés retenus.
Elle prétend subir un préjudice destiné à réparer les manœuvres dolosives mises en œuvre qu’elle chiffre à 15.000 euros correspondant au prix d’achat de la jument de 8.713 euros et à sa déception quant à la qualité de l’achat, outre la somme de 20.921 euros au titre des frais d’entretien exposés jusqu’à ce qu’elle confie la jument à un tiers. Elle indique également supporter un préjudice de jouissance pour ne pas avoir pu utiliser la jument conformément à son souhait et ne pas avoir pu la revendre en réaliser une plus-value, ayant au surplus été contrainte d’acheter un nouveau cheval pour pouvoir poursuivre l’équitation qu’elle n’entendait pas arrêter. Elle allègue enfin d’un préjudice moral constitué par le fait qu’elle a été affectée par le comportement de celui qui était son coach depuis de nombreuses années et du fait des procédés employés pour la conduire à contracter.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2023, monsieur [U] [R] demande au tribunal de :
débouter madame [S] de l’intégralité de ses demandes,condamner madame [S] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,condamner madame [S] au paiement des dépens et à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Monsieur [R] fait valoir que madame [S] ne rapporte pas la preuve du dol allégué, en l’absence de démonstration de l’existence d’une pathologie de boiterie au moment de la vente et du fait que la jument ne pouvait être vouée qu’à la destination de poulinière. Selon lui, le seul élément qui empêche la poursuite de concours pour cette jument est la perte définitive et totale de l’œil gauche imputable à un défaut de soins par madame [S].
Il expose que madame [S] a pu concourir avec la jument pendant plusieurs années avant de mettre un terme à sa carrière sportive.
Il soutient que madame [S] ne supporte aucun préjudice, qu’elle n’entretient plus la jument laquelle été confiée à un tiers qui a fait réaliser les soins nécessaires.
A l’appui de sa demande indemnitaire, fondée sur l’article 32-1 du code de procédure civile, monsieur [R] expose que la procédure, infondée et injustifiée, est en réalité guidée par l’appât du gain de madame [S], et qu’elle lui occasionne un préjudice financier et psychologique depuis plus de deux années.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Déboute madame [N] [S] de ses prétentions indemnitaires ;
Déboute monsieur [U] [R] de sa prétention indemnitaire ;
Condamne madame [N] [S] au paiement des dépens ;
Condamne madame [N] [S] à payer à monsieur [U] [R] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute madame [N] [S] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement assorti de l’exécution provisoire de droit ;
La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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