Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Fixation du loyer d’un bail commercial renouvelé : enjeux de compétence et d’expertise.
→ RésuméExposé du litigeMonsieur [H] [R] a donné à bail commercial à la SARL L’APPARTEMENT un local pour une durée de neuf ans à compter du 30 août 2000, pour un loyer annuel initial de 80.000 francs. En mars 2021, madame [P] [E] a signifié un congé avec offre de renouvellement du bail, proposant un loyer déplafonné de 31.000 euros. En mars 2024, elle a assigné la SARL L’APPARTEMENT pour la fixation du prix du bail renouvelé. Prétentions et moyens des partiesMadame [P] [E] demande au juge de se déclarer incompétent pour statuer sur la prescription de son action, de fixer le loyer à 31.000 euros, et de condamner la société locataire à payer des intérêts et des dépens. La SARL L’APPARTEMENT conteste la prescription et soutient que le renouvellement du bail a été acquis au montant de l’ancien bail, tout en demandant une expertise pour déterminer la valeur locative. MotivationLe juge des loyers commerciaux est compétent pour statuer sur la recevabilité de l’action. La demande de fixation du loyer doit être examinée selon la valeur locative, et les parties s’accordent sur le principe de cette fixation. Une expertise est ordonnée pour évaluer la valeur locative, et un loyer provisionnel de 24.000 euros est fixé en attendant les résultats de l’expertise. Frais du procès et exécution provisoireLes dépens sont réservés en attente de la suite de la procédure. Les frais irrépétibles seront également examinés ultérieurement. L’exécution provisoire est de droit, permettant ainsi la mise en œuvre immédiate de la décision du juge. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
LOYERS COMMERCIAUX
30C
N° RG 24/02805 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y7W3
Minute n° 25/00003
EXPERTISE
Grosse délivrée
le :
à
JUGEMENT RENDU LE QUINZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier.
Le Juge des Loyers Commerciaux,
A l’audience publique tenue le 04 Décembre 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 15 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile
ENTRE :
Madame [P] [E] épouse [J]
née le 30 Décembre 1931 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maître Marie-anne BLATT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
ET :
S.A.R.L. L’APPARTEMENT immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°432 719 169, représentée par M. [C] [M], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
Qualification du jugement : contradictoire et succeptible d’appel dans les conditions de l’article 272 du code de procédure civile
EXPOSE DU LITIGE
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par contrat du 30 août 2000, monsieur [H] [R] a donné à bail commercial à la SARL L’APPARTEMENT, à compter du 30 août 2000 pour une durée de neuf ans, un local situé [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant un loyer annuel initial de 80.000 francs hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de salon de coiffure-esthétique-soins corporels et le négoce de tous produits afférents à ces activités.
Le 23 mars 2021, madame [P] [E] épouse [J], venant aux droits de monsieur [H] [R], a fait signifier au preneur un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 30 septembre 2021, contenant une proposition de payer un loyer renouvelé déplafonné annuel de 31.000 euros hors taxes et hors charges.
Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 30 août 2023, madame [P] [E] épouse [J] a, par acte du 29 mars 2024, fait assigner la SARL L’APPARTEMENT devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2021.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A l’audience, madame [P] [E] épouse [J], soutenant son mémoire déposé au greffe le 23 août 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
à titre principal, se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire pour statuer sur la demande tendant à voir constater la prescription de son action, et surseoir à statuer sur les demandes à moins que le tribunal ne garde la compétence pour le tout,subsidiairement :débouter la société locataire de ses demandes,fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 31.000 euros hors taxes outre les charges et taxes prévues au bail, à compter du 1er octobre 2021,condamner la société locataire au paiement des intérêts en vertu de l’article 1155 du code civil,ordonner la capitalisation des intérêts,fixer un loyer provisionnel annuel de 28.000 euros hors taxes et hors charges dans le cas où une mesure d’instruction serait ordonnée,condamner la société locataire au paiement des dépens et à lui payer une somme de 5.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [J] soutient, sur le fondement de l’article R145-23 du code de commerce, l’incompétence du juge des loyers commerciaux pour statuer sur la prescription soulevée par la société défenderesse.
Sur le fond, elle conteste que la prescription soit acquise, soutenant que le courrier du 27 février 2019 dont se prévaut la locataire pour retenir l’existence d’un renouvellement du bail à cette date, ne constitue pas une acceptation pure et simple du renouvellement, mais uniquement un accord conditionné au montant du loyer. Elle soutient que le bail s’est trouvé renouvelé uniquement par l’effet du congé délivré le 23 mars 2021 à effet du 1er octobre 2021. Subsidiairement, s’il était retenu que le bail s’est renouvelé par l’effet de ce courrier, elle soutient qu’il doit être constaté que ce renouvellement s’est effectué au prix de 24.000 euros hors taxes.
Au soutien de sa demande de fixation du loyer à la valeur locative fixée à la somme de 31.000 euros, elle prétend, au visa de l’article L145-34 du code de commerce, que le loyer doit être déplafonné compte tenu de ce que le bail a atteint une durée supérieure à 12 ans.
Elle fait valoir que si une expertise était ordonnée, les frais devraient être mis à la charge de la société locataire.
A l’audience, la SARL L’APPARTEMENT, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception et remis au greffe le 03 décembre 2024, demande au juge des loyers commerciaux de:
lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à la décision du juge sur la question de sa compétence,dans l’hypothèse où le juge se déclarerait compétent :à titre principal :déclarer irrecevable l’action en fixation du prix du bail renouvelé,en conséquence, fixer le montant annuel du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 27 février 2019 à la somme de 17.943 euros hors taxes et hors chargescondamner madame [J] au paiement des dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,à titre subsidiaire :ordonner une expertise afin de donner son avis sur la valeur locative du local loué à la date de renouvellement du bail,débouter madame [J] de sa demande de loyer provisionnel,condamner madame [J] au paiement des dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL L’APPARTEMENT soutient, sur le fondement de l’article L145-60 du code de commerce, que par courrier du 14 décembre 2018 madame [J] a offert le renouvellement du bail moyennant un nouveau loyer de 31.000 euros, la SARL L’APPARTEMENT ayant accepté par courrier du 27 février 2019 moyennant un loyer de 24.000 euros, et qu’aucune action n’a été entreprise dans le délai de deux années suivant ce renouvellement amiable du bail. Selon elle, le renouvellement était donc acquis au montant de l’ancien bail.
Subsidiairement, si le renouvellement était retenu au 1er octobre 2021 par l’effet du congé délivré le 23 mars 2021, la SARL L’APPARTEMENT expose que la valeur locative ne peut être fixée sur la base d’une expertise non judiciaire et non contradictoire et que la position divergente des parties doit conduire à l’organisation d’une expertise judiciaire.
PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux,
Se déclare compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir formée par la SARL L’APPARTEMENT ;
Déclare recevable l’action engagée par madame [P] [E] épouse [J] ;
Avant dire droit, sur la demande de fixation du prix du bail renouvelé le 1er octobre 2021 entre madame [P] [E] épouse [J] et la SARL L’APPARTEMENT portant sur le local situé [Adresse 1] à [Localité 4], ordonne une mesure d’expertise confiée à monsieur [O] [Z], demeurant [Adresse 3], pour y procéder, avec mission de :
1 – se rendre sur les lieux et les décrire, entendre toutes parties et sachant dont la technicité s’avérerait utile à la solution du litige, se faire remettre tous documents nécessaires par les parties ou par des tiers conformément à l’article 243 du code de procédure civile, recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes selon les modalités de l’article 242 du code de procédure civile,
2 – donner tous éléments de nature à évaluer la valeur locative des locaux à la date du renouvellement en conformité avec les dispositions de l’article L 145-33 du code de commerce, et évaluer ladite valeur, en donnant, en toute hypothèse, le montant du loyer fixé selon les modalités contractuelles par application de l’article L 145-34,
3 – de manière générale, donner tout avis utile à la solution du litige,
Dit que l’expert devra établir un pré-rapport en communiquant ses premières conclusions écrites aux parties, en les invitant à présenter leurs observations, dans le délai de trois mois suivant l’avis de consignation ;
Dit que l’expert devra déposer son rapport définitif en double exemplaire dans le délai de six mois à compter de l’avis de consignation ;
Fixe à la somme de 2.000 euros la provision que le demandeur, madame [P] [E] épouse [J] devra consigner par virement sur le compte de la régie du tribunal judiciaire de Bordeaux (cf code BIC joint) mentionnant le numéro PORTALIS (figurant en haut à gauche sur la première page de la présente décision) dans le délai de deux mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque, et ce à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d’une consignation par application de la loi sur l’aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor ;
Dit que le juge des loyers commerciaux suivra les opérations d’expertise et statuera sur les incidents procédant, le cas échéant, sur simple requête, au remplacement de l’expert empêché ;
Dit que le preneur durant l’instance sera tenu au paiement d’un loyer provisionnel d’un montant annuel de 24.000 euros hors taxes et hors charges ;
Rappelle, en application du troisième alinéa de l’article R 145-31 du code de commerce, qu’en cas de conciliation intervenue au cours d’une mesure d’instruction, l’expert commis constate que sa mission est devenue sans objet et en fait rapport au juge, mention en étant faite au dossier de l’affaire et celle-ci étant retirée du rôle, les parties pouvant demander au juge de donner force exécutoire à l’acte exprimant leur accord ;
Réserve l’examen des demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Ordonne le sursis à statuer sur le surplus des chefs de demande jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;
Dit que dès le dépôt du rapport définitif, le greffe avisera les parties ou les avocats si elles sont représentées, de la date à laquelle l’affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l’exécution de la mesure d’instruction devront être échangés, en application de l’article R 145-31 du code de commerce ;
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;
La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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