Tribunal judiciaire de Bordeaux, 15 janvier 2025, RG n° 24/00994
Tribunal judiciaire de Bordeaux, 15 janvier 2025, RG n° 24/00994

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux

Thématique : Fixation du loyer commercial : enjeux de valorisation et obligations contractuelles

Résumé

Exposé du litige

La SCI CURSOL a conclu un bail commercial avec la SARL KASUAL BUSINESS le 27 juillet 2010, pour un local à [Localité 3], avec un loyer annuel initial de 21.600 euros. En septembre 2022, la SCI CURSOL a signifié un congé avec offre de renouvellement, proposant un loyer déplafonné de 65.000 euros à partir du 1er avril 2023. Après une procédure judiciaire, la SCI CURSOL a assigné la SARL KASUAL BUSINESS pour fixer le loyer renouvelé.

Exposé des faits et de la procédure

Le 17 avril 2024, le juge des loyers commerciaux a ordonné une médiation et une expertise. L’expert a rendu son rapport en août 2024, et la SCI CURSOL a assigné la SCP CBF ASSOCIES, mandataire de KASUAL BUSINESS, en novembre 2024. La SCI CURSOL a demandé la fixation du loyer à 42.210 euros, le paiement d’arriérés et des dépens, tandis que la SARL KASUAL BUSINESS a proposé un loyer de 34.000 euros, contestant les demandes de la SCI CURSOL.

Prétentions et moyens des parties

La SCI CURSOL a soutenu que le bail, prolongé au-delà de 12 ans, justifiait un déplafonnement du loyer. Elle a également demandé des intérêts sur les arriérés. De son côté, la SARL KASUAL BUSINESS a contesté la valeur locative, arguant que la configuration des locaux et leur visibilité nuisaient à son activité, et a proposé une valeur locative inférieure.

Motivation

Le juge a rappelé que le loyer doit correspondre à la valeur locative, déterminée selon divers critères. L’expertise a révélé que les locaux étaient en bon état mais peu visibles. La destination des lieux était conforme au bail, et les obligations des parties ont été prises en compte. Les facteurs locaux de commercialité et les prix pratiqués dans le voisinage ont également été analysés, conduisant à une fixation du loyer à 40.200 euros.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Les dépens ont été partagés entre les parties, et aucune des deux n’a obtenu gain de cause sur les frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée, conformément à la loi. Le jugement a été déclaré opposable à la SCP CBF ASSOCIES, mandataire de KASUAL BUSINESS.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

LOYERS COMMERCIAUX

30C
N° RG 24/00994 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YYTH
Minute n° 25/00002

Grosse délivrée
le :
à

JUGEMENT RENDU LE QUINZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 04 Décembre 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 15 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

S.C.I. CURSOL, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Margaux ALBIAC, avocat au barreau de BORDEAUX

ET :

S.A.R.L. KASUAL BUSINESS, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de LIBOURNE

Société CBF ASSOCIES, dont le siège social est sis [Adresse 1]
mandataire judiciaire de la S.A.R.L. KASUAL BUSINESS
Non comparant

Qualification du jugement : réputé contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat du 27 juillet 2010, la SCI CURSOL a donné à bail commercial à la SARL KASUAL BUSINESS, à compter du 1er août 2010 pour une durée de neuf, un local situé [Adresse 2] à [Localité 3], moyennant un loyer annuel initial de 21.600 euros hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’un fonds de commerce de conseil et développement informatique.

Le 08 septembre 2022, le bailleur a fait signifier au preneur un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2023, contenant une proposition de payer un loyer renouvelé déplafonné annuel de 65.000 euros hors taxes et hors charges.

Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 21 mars 2023, la SCI CURSOL a, par acte du 15 décembre 2023, fait assigner la SARL KASUAL BUSINESS devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er avril 2023.

Par jugement du 17 avril 2024, le juge des loyers commerciaux a, avant dire droit sur la demande de fixation à la valeur locative du prix du bail renouvelé le 1er avril 2023, ordonné une mesure de médiation et une mesure d’expertise confiée à monsieur [E].

L’expert a déposé son rapport le 23 août 2024, et le conseil du bailleur a informé le 08 octobre 2024 de l’absence de réalisation de la médiation.

Par acte délivré le 25 novembre 2024, la SCI CURSOL a fait assigner en intervention forcée la SCP CBF ASSOCIES, désigné en qualité de mandataire de la société KASUAL BUSINESS dans le cadre d’un jugement du 28 août 2024 d’ouverture d’une procédure de traitement de sortie de crise, afin que le jugement à intervenir lui soit opposable. La société CBF ASSOCIES n’a pas comparu.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience, la SCI CURSOL, soutenant son mémoire déposé au greffe le 04 novembre 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2023 à la somme de 42.210 euros hors taxes et hors charges,condamner la SARL KASUAL BUSINESS au paiement des intérêts au taux légal sur les arriérés à compter de chaque date d’exigibilité,ordonner la capitalisation des intérêts,condamner la SARL KASUAL BUSINESS à lui payer la somme de 36.067,50 euros hors taxes, soit 42.294 euros TTC au titre de l’arriéré locatif, à parfaire au jour de la décision à intervenir,condamner la SARL KASUAL BUSINESS au paiement des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise amiable et judiciaire, condamner la SARL KASUAL BUSINESS à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI CURSOL soutient, en application des articles L145-33 et L145-34 du code de commerce, que le bail commercial s’étant prolongé pendant une durée supérieure à 12 ans, un déplafonnement du loyer est de droit applicable, et que la valeur locative doit être fixée conformément à l’évaluation retenue par l’expert judiciaire à compter du 1er avril 2023. Elle réclame sur le fondement de l’article 1231-6 du code civil le paiement des intérêts au titre des loyers arriérés, et par application de l’article 1343-2 du même code la capitalisation desdits intérêts.

A l’audience, la SARL KASUAL BUSINESS, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçu le 29 novembre 2024, demande au juge des loyers commerciaux de :
fixer le prix du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2023 à la somme annuelle hors taxes et hors charges de 34.000 euros,débouter la SCI CURSOL de ses autres demandes,condamner la SCI CURSOL au paiement des dépens et à lui payer une indemnité de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL KASUAL BUSINESS soutient que la valeur locative doit être déterminée en retenant une superficie pondérée de 189,8 m² en appliquant au rez-de-jardin un coefficient de pondération de 0,8. Elle ajoute que la configuration des locaux n’est pas idéale pour son activité. Elle fait valoir que les conditions du bail sont dérogatoires du droit commun concernant la destination du bail strictement encadrée, la refacturation de la taxe foncière, et l’interdiction de la sous-location et de la cession isolée du droit au bail sans l’accord du bailleur, ce qui doit conduire à abaisser la valeur locative. Elle soutient que son activité est impactée par le manque de visibilité de la façade et de sa zone géographique freinant son développement commercial. Elle conteste tout caractère notable pour son activité de l’évolution générale des facteurs locaux de commercialité. Selon elle, la valeur locative doit, au regard des inconvénients affectant le local, être réduite par rapport aux références données par l’expert, étant relevé que la valeur locative est en forte baisse de manière globale sur le secteur, et ainsi être fixée à une valeur maximale de 180 euros/m²/an.
Elle s’oppose au paiement des intérêts sollicités, la demande initiale formée par le bailleur portant sur un montant faramineux

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux,

Fixe le prix du loyer du local situé au titre du bail conclu entre la SCI CURSOL et la SARL KASUAL BUSINESS portant sur un local situé situé [Adresse 2] à [Localité 3] renouvelé à effet du 1er avril 2023 à la somme annuelle de 40.200 euros hors taxes et hors charges ;

Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal, à compter du 15 décembre 2023, sur la somme due au titre de la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer réglé, avec capitalisation des intérêts échus pour une année au moins ;

Constate que la demande en paiement au titre de l’arriéré de loyer excède les pouvoirs du juge des loyers commerciaux ;

Ordonne un partage par moitié des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et condamne la SCI CURSOL à en payer la moitié, et la SARL KASUAL BUSINESS à en payer la moitié ;

Déboute la SCI CURSOL et la SARL KASUAL BUSINESS de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déclare le présent jugement opposable à la SCP CBF ASSOCIES, mandataire judiciaire de la société KASUAL BUSINESS dans le cadre d’une procédure de traitement de sortie de crise ;

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire ;

La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Dorine LEE-AH-NAYE, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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