Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Responsabilité médicale et conséquences d’une intervention chirurgicale mal exécutée
→ RésuméDiagnostic et interventions chirurgicalesEn 2008, Madame [P]-[M] a été diagnostiquée avec une scoliose, nécessitant une prise en charge médicale. En raison de l’aggravation de sa condition, une intervention chirurgicale a été proposée par le docteur [K]. Le 30 octobre 2015, elle a subi une opération pour corriger sa scoliose, suivie d’une reprise chirurgicale le 16 décembre 2016 pour remplacer des vis pédiculaires, suspectées d’être à l’origine de douleurs. Deux mois après cette intervention, une lombocruralgie gauche a été constatée, entraînant une nouvelle opération le 12 mai 2017 pour retirer une vis mal positionnée. Complications et hospitalisationsAprès la dernière opération, Madame [P]-[M] a été hospitalisée pour une pyélonéphrite aiguë en août 2017. Le 5 novembre 2019, elle a subi une nouvelle intervention chirurgicale en raison d’une lombosciatique, résultant d’un défaut de consolidation de l’ostéosynthèse. Les suites de cette opération ont été marquées par des troubles neurologiques, notamment une atteinte sensitivo-motrice du membre inférieur droit et des complications au niveau de la vessie. Expertise médicale et procédures judiciairesLe 14 février 2020, un certificat médical a été établi, décrivant les séquelles neurologiques et les difficultés rencontrées par Madame [P]-[M]. Elle a alors saisi le Tribunal Judiciaire de Bordeaux pour obtenir une expertise médicale. Le tribunal a ordonné une expertise, et le rapport a été déposé le 31 octobre 2020. Le 6 décembre 2021, le tribunal a mis hors de cause la Polyclinique et a condamné le docteur [K] à verser une provision de 7 500 € à Madame [P]-[M]. Demandes d’indemnisationLe 14 avril 2023, Madame [P]-[M] et son conjoint ont assigné le docteur [K] pour obtenir une indemnisation de 63 779 € pour divers préjudices, incluant des frais médicaux, une assistance tierce personne, et des préjudices moraux. La CPAM de la Gironde a également demandé la reconnaissance de la responsabilité du docteur [K] et le remboursement des frais engagés pour Madame [P]-[M]. Conclusions et décisions du tribunalLe tribunal a reconnu la responsabilité du docteur [K] pour la maladresse chirurgicale lors de l’intervention du 16 décembre 2016. Il a évalué le préjudice de Madame [P]-[M] à 21 547,93 €, après déduction des provisions et des créances des tiers payeurs. Le docteur [K] a été condamné à verser 5 465,80 € à Madame [P]-[M] et 8 582,13 € à la CPAM. Monsieur [C] a également reçu 2 000 € pour son préjudice moral. Les autres demandes ont été rejetées, et le docteur [K] a été condamné aux dépens et à verser des indemnités pour les frais de justice. |
6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 15 Janvier 2025
63A
RG n° N° RG 23/03315 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XWON
Minute n°
AFFAIRE :
[T] [P]-[M] épouse [C], [H] [C]
C/
[E] [K], Caisse CPAM DE LA GIRONDE
Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
Me Laure LABARRIERE
la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats en juge rapporteur :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Lors du délibéré et de la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Madame Rebecca DREYFUS, juge,
greffier présente lors des débats et de la mise à dispostion : Madame Elisabeth LAPORTE,
DEBATS:
A l’audience publique du 13 Novembre 2024,
JUGEMENT:
Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS
Madame [T] [P]-[M] épouse [C]
née le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Laure LABARRIERE, avocat au barreau de LIBOURNE
Monsieur [H] [C]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Laure LABARRIERE, avocat au barreau de LIBOURNE
DEFENDEURS
Monsieur [E] [K]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Maître David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocats au barreau de BORDEAUX
CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
En 2008, Madame [P]-[M] s’est vu diagnostiquer une scoliose, ayant fait l’objet d’une prise en charge médicale.
En raison de l’évolution de sa pathologie, une prise en charge chirurgicale a été proposée par le docteur [K].
Le 30 octobre 2015, Madame [P]-[M] a été opérée par le docteur [K] pour une correction de scoliose avec réalisation d’une arthrodèse de T3 – L3 au sein de la Polyclinique [Localité 8] [11].
Suite à une aggravation des douleurs dorso-lombaires, il a été proposé une reprise chirurgicale pour le remplacement de vis pédiculaires pouvant être à l’origine d’une cruralgie.
Le 16 décembre 2016, Madame [P]-[M] a été opérée pour une reprise par le docteur [K] avec changement des vis pédiculaires.
Deux mois après l’opération, est apparue une lombocruralgie gauche et un scanner réalisé le 03 mai 2017 a mis en évidence une vis pédiculaire L4 à gauche partiellement intracanalaire et une vis extra pédiculaire latérale à droite. Une reprise chirurgicale a été décidée en raison de la cruralgie.
Madame [P]-[M] a été opérée de nouveau le 12 mai 2017. Il a été procédé notamment à l’ablation de la vie pédiculaire de L4 gauche.
Du 24 août au 30 août 2017, Madame [P]-[M] a été hospitalisée pour une pyélonéphrite aigue.
Le 05 novembre 2019, Madame [P]-[M] a été opérée pour une lombosciatique prédominant du côté droit sur un défaut de consolidation d’une ostéosynthèse étendue opérée après plusieurs reprises. Il a été pratiqué une reprise chirurgicale de la scoliose avec une modification du montage.
Les suites opératoires ont été marquées par des troubles neurologiques avec une atteinte sensitivo-motrice partielle du membre inférieur droit et une vessie neurologique.
Le 14 février 2020, le docteur [S] a rédigé un certificat médical décrivant des séquelles neurologiques au niveau du membre inférieur droit, séquelles douloureuses ainsi que séquelles au niveau du dos et au niveau sphinctérien, des auto-sondages et des difficultés d’ordre sexuel.
Dans ces conditions, Madame [P]-[M] a saisi le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux aux fins d’expertise médicale.
Par ordonnance de référé du 25 mai 2020, le Tribunal judiciaire de Bordeaux, a ordonné une mesure d’expertise médicale et a commis le docteur [V] en cette qualité avec mission habituelle en la matière.
Ce dernier a déposé son rapport le 31 octobre 2020.
Par ordonnance en date du 06 décembre 2021, le Tribunal judiciaire de Bordeaux statuant en référé a mis hors de cause la S.A. POLYCLINIQUE [Localité 8] [11], a ordonné une nouvelle mesure d’expertise médicale et a condamné le Docteur [K] à verser une provision de 7 500 € à Madame [P]-[M] à valoir sur la réparation de son préjudice.
Le 28 avril 2022, l’expert judiciaire a déposé son rapport d’expertise définitif.
Madame [P]-[M] et son conjoint, Monsieur [C] ont, par actes d’huissier délivrés le 14 avril 2023, fait assigner devant le présent tribunal le docteur [K] pour voir indemniser leurs préjudices ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13 novembre 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par assignation valant conclusions, Madame [P]-[M] et Monsieur [C], demandent au tribunal de :
– condamner le docteur [K] à verser à Madame [P]-[M] la somme de 63 779 € en réparation de son préjudice, détaillée comme suit :
* 5 029 € au titre du DFT,
* 8 000 € au titre des SE,
* 3 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent,
* 23 000 € au titre de l’assistance tierce personne,
* 24 750 au titre du DFP,
– de déduire la somme de 7500 € reçue au titre des provisions,
– condamner le docteur [K] à verser à Monsieur [C] la somme de 9 000 € au titre de son préjudice moral et matériel par ricochet,
– condamner le docteur [K] à leur verser la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles,
– condamner le docteur [K] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise et d’exécution,
– rendre le jugement opposable et commun à la CPAM de la Gironde.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 07/03/2024, la CPAM de la Gironde demande au tribunal, de :
– DÉCLARER le docteur [K] responsable de l’accident dont a été victime Madame [P]-[M] le 16 décembre 2016 et des préjudices qui en ont résulté pour elle et pour la CPAM DE LA GIRONDE ;
– DÉCLARER que le préjudice de la CPAM DE LA GIRONDE est constitué par les sommes exposées dans l’intérêt de son assurée sociale, Madame [P]-[M], à hauteur de la somme de 8.582,13 € ;
– CONDAMNER le docteur [K] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 8.582,13 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale ;
– CONDAMNER le docteur [K] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.191,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire en application des dispositions des articles 9 et 10 de l’Ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;
– DÉCLARER que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal ;
– FAIRE application des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil ;
– CONDAMNER le docteur [E] [K] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens ;
– DIRE N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit.
Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 14/06/2024, le docteur [K] demande au tribunal de :
– Limiter le montant de l’indemnisation des préjudices subis par Madame [P]-[M] aux postes et quantums suivants :
* 1 631,25 € au titre du DFT
* 4 000 € au titre des souffrances endurées
* 500 € au titre du préjudice esthétique temporaire
* 2 760 € au titre de l’assistance par une tierce personne.
– Déduire du montant de l’indemnisation allouée à Madame [P] [M] le montant de la provision de 7500 €,
– Débouter Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes.
– Réduire à de plus justes proportions le montant de l’indemnité sollicitée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Limiter les prétentions de la CPAM à celles ayant un lien de causalité direct et certain avec la maladresse commise par le concluant à l’occasion de l’intervention du 16 décembre 2016.
– Rejeter le bénéfice de l’exécution provisoire.
Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
DIT que le Docteur [K] est responsable à raison de sa maladresse fautive, des conséquences liées à l’intervention du 16 décembre 2016,
FIXE le préjudice subi par Madame [P]-[M], suite à l’intervention subie le 16 décembre 2016 à la somme totale de 21 546,93 € suivant le détail suivant :
Evaluation du préjudice
Créance CPAM
Créance victime
PREJUDICES PATRIMONIAUX
temporaires
-DSA dépenses de santé actuelles
8 582,13 €
8 582,13 €
0,00 €
– ATP assistance tiers personne
5 200,00 €
5 200,00 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
temporaires
– DFT déficit fonctionnel temporaire
1 765,80 €
1 765,80 €
– SE souffrances endurées
4 000,00 €
4 000,00 €
– PET préjudice esthétique temporaire
1 000,00 €
1 000,00 €
permanents
– DFP déficit fonctionnel permanent
0,00 €
0,00 €
– PE Préjudice esthétique permanent
1 000,00 €
1 000,00 €
– TOTAL
21 547,93 €
8 582,13 €
12 965,80 €
Provision
7500
7 500,00 €
TOTAL après provision
5 465,80 €
CONDAMNE le Docteur [K] à payer à Madame [P]-[M] la somme de
5 465,80 € au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel, après déduction des provisions versées et de la créance des tiers payeurs ;
CONDAMNE le Docteur [K] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 8 582,13 euros au titre des prestations versées pour le compte de son assurée sociale, Madame [P]-[M] ;
CONDAMNE le docteur [K] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1 191 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l’ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 ;
DIT que les sommes allouées ci dessus à la CPAM de la GIRONDE porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil ;
CONDAMNE le docteur [K] à verser à Monsieur [C] la somme de 2 000 € au titre de son préjudice moral en qualité de victime par ricochet ;
REJETTE la demande formée par Monsieur [C] au titre de son préjudice matériel par ricochet
CONDAMNE le docteur [K] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– 2 500 € à Madame [P]-[M] et Monsieur [C],
– 800 € à la CPAM de la Gironde ;
CONDAMNE le docteur [K] aux dépens, qui comprendront ceux de l’instance ayant donné lieu aux ordonnances de référé, ainsi que le coût des expertises judiciaires ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
REJETTE les autres demandes des parties.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Laisser un commentaire