Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Responsabilité médicale et conséquences d’une intervention chirurgicale inappropriée
→ RésuméInterventions chirurgicales de Madame [V]Le 15 février 2018, Madame [V] a subi une chirurgie plastique abdominale avec transposition ombilicale par le docteur [D]. Un an plus tard, le 28 février 2019, une nouvelle intervention a été réalisée pour retirer un excès cutané graisseux de 700 g et plusieurs nodules. Suite à des complications, notamment une désunion partielle de la cicatrice et un hématome, plusieurs interventions supplémentaires ont été nécessaires, dont une ablation de la tuméfaction le 19 avril 2019 et une abdominoplastie le 6 juin 2019. Complications et réhospitalisationsMadame [V] a présenté des complications post-opératoires, notamment un écoulement de sa cicatrice et la présence d’un hématome. Une échographie a révélé un volumineux hématome, et le 28 août 2019, un abcès profond a été évacué, mettant en évidence des débris et des remaniements fibro-inflammatoires. Elle a été réhospitalisée à plusieurs reprises pour des problèmes cicatriciels, avec des interventions pour traiter les complications. Expertise et réclamationsFace à la persistance de ses problèmes de santé, Madame [V] a saisi la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’Aquitaine. Une expertise a été ordonnée, concluant à l’absence de consolidation de son état. Insatisfaite des propositions d’indemnisation, elle a assigné le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] devant le tribunal pour obtenir réparation de son préjudice. Demandes d’indemnisationMadame [V] a formulé des demandes d’indemnisation, incluant des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’un préjudice moral pour son fils. La CPAM de la Gironde a également demandé la reconnaissance de la responsabilité du docteur [D] et du centre médical pour les préjudices subis par Madame [V]. Arguments des partiesLe docteur [D] a contesté sa responsabilité, arguant que l’intervention avait été réalisée à la demande de Madame [V] et avec l’accord du médecin de la sécurité sociale. Il a également soutenu que les complications étaient dues à des infections nosocomiales et a demandé un partage de responsabilité avec le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9]. Ce dernier a, quant à lui, demandé à être exonéré de toute responsabilité. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré le docteur [D] entièrement responsable des préjudices subis par Madame [V] en raison de ses manquements dans la prise en charge médicale. Il a condamné le docteur à verser des indemnités à Madame [V] pour son préjudice corporel et d’impréparation, tout en réservant la demande de préjudice moral pour son fils. La demande de la CPAM a été suspendue en attendant la consolidation de l’état de santé de Madame [V]. |
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMETN MIXTE
SURSIS A STATUER
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 15 Janvier 2025
63A
RG n° N° RG 22/06269 – N° Portalis DBX6-W-B7G-W33C
Minute n°
AFFAIRE :
[M] [V]
C/
HOPITAL MEDICAL PRIVE [9], [N] [D], CPAM de la GIRONDE
Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SCP BAYLE – JOLY
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – [E]
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats en juge rapporteur :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Lors du délibéré et de la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
Madame Rebecca DREYFUS, juge,
greffier présente lors des débats et de la mise à dispostion : Madame Elisabeth LAPORTE,
DEBATS:
A l’audience publique du 13 Novembre 2024,
JUGEMENT:
Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDERESSE
Madame [M] [V]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS
Association HOPITAL MEDICAL PRIVE [9] pris en la personne de son président en exercice
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Marina RODRIGUES de l’AARPI GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX
Monsieur [N] [D]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Maître Paola JOLY de la SCP BAYLE – JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX
CPAM de la GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 15 février 2018, Madame [V] a subi une chirurgie plastique abdominale avec transposition ombilicale réalisée par le docteur [D] au sein du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] .
Le 28 février 2019, le docteur [D] a procédé à une nouvelle intervention et a retiré un excès cutané graisseux de 700 g et plusieurs nodules.
Le 17 mars, Madame [V], présentant un écoulement de sa cicatrice, s’est rendue aux urgences où il a été constaté une désunion partielle de la cicatrice. Le prélèvement bactériologique a mis en évidence un staphylocoque doré.
Une échographie réalisée le 17 avril 2019, a mis en évidence un volumineux hématome pariétal de la fosse iliaque.
Le 19 avril 2019, le docteur [D] a procédé à l’ablation de la tuméfaction, ainsi qu’à l’évacuation de l’hématome.
Le 30 avril, le docteur [L], remplaçante du docteur [D], a procédé à l’ablation de la lame, la pose d’une mèche, et l’évacuation d’un hématome.
Devant la persistance d’un excès cutané du flanc gauche, le docteur [D] a complété l’abdominoplastie le 6 juin 2019.
Le 28 août 2019, le Docteur [Y], de la Clinique Mutualiste de [Localité 7], a évacué un abcès profond, et a constaté la présence de débris. Il a effectué l’ablation du trajet fistuleux, avec la pose de deux mèches. Le résultat du prélèvement effectué lors de l’opération a mis en évidence des remaniements fibro-inflammatoire avec cystotéatonécrose.
Madame [V] a été réhospitalisée du 2 au 6 janvier 2020 à la Clinique du Médoc pour reprise complète de la cicatrice.
Du 21 au 29 janvier 2020, Madame [V] a été réhospitalisée à la Clinique du Médoc pour prise en charge des problèmes cicatriciels, avec mise en place de poches de recueil.
Le 14 novembre 2020, une échographie de paroi a confirmé la présence de nodules et collections liquidiennes.
Madame [V] s’interrogeant sur la qualité de sa prise en charge notamment par le docteur [D] au CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] , a saisi la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’Aquitaine.
Une expertise a été ordonnée par la CCI, confiée au docteur [X] qui a déposé son rapport définitif le 13 décembre 2020, constatant notamment l’absence de consolidation de Madame [V].
Estimant que les propositions d’indemnisation formulées par l’assureur du docteur [D] étaient insuffisantes, Madame [V] a, par actes d’huissier délivrés le 24 août 2022, fait assigner devant le présent tribunal le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] pour voir indemniser son préjudice ainsi que, en qualité de tiers payeurs, la CPAM de la Gironde.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 13 novembre 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 14/02/2024, Madame [V] demande au tribunal de :
– À titre principal :
– Dire et Juger que le docteur [D] sera tenu d’indemniser l’entier préjudice de Madame [V].
– Condamner le docteur [D], à payer à Madame [V] les sommes provisionnelles suivantes portant intérêt au taux légal à compter de l’assignation au fond :
• Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 3853,20 € sauf Mémoire
• Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 34 275 €
• Au titre du préjudice d’impréparation : 4000 €
– Condamner solidairement le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] , à payer à Madame [V], es qualité de représentante légale de son fils mineur [W] [V] une somme de 3000 € au titre de son préjudice moral.
– à titre subsidiaire :
– Condamner le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] , solidairement, au paiement à Madame [M] [V] des sommes provisionnelles suivantes portant intérêt au taux légal à compter de l’assignation au fond :
• Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 3853,20 € sauf Mémoire
• Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 34 275 €
– condamner le docteur [D] à lui verser la somme 4000 € au titre du préjudice d’impréparation,
– Condamner le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] , solidairement,à payer à Madame [V], es qualité de représentante légale de son fils mineur [W] [V] une somme de 3000 € au titre de son préjudice moral.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– Dire qu’il n’y aura lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir
– Condamner le docteur [D] ou/et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICALWALLERSTEIN solidairement au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l‘article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 06/06/2024, la CPAM de la Gironde demande au tribunal, de :
– DECLARER le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] responsables de l’accident dont a été victime Madame [V] le 15 février 2018 et des préjudices qui en ont résulté pour la CPAM DE LAGIRONDE ;
– DÉCLARER que le préjudice de la CPAM DE LA GIRONDE est constitué par les sommes
exposées dans l’intérêt de son assurée sociale, Madame [M] [V] ;
– CONDAMNER IN SOLIDUM le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] à indemniser la CPAM DE LA GIRONDE de son préjudice ;
– CONDAMNER IN SOLIDUM le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE une indemnité provisionnelle de 50.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;
– SURSEOIR À STATUER sur le montant de l’indemnité due à la CPAM DE LA GIRONDE
dans l’attente de la consolidation de l’état de santé de Madame [M] [V] ;
– CONDAMNER IN SOLIDUM le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens ;
– DIRE N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit.
Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 10/11/2023, le docteur [D] demande au tribunal de :
à titre principal :
– DEBOUTER Madame [V] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre du docteur [D],
– DEBOUTER le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] de ses demandes à l’encontre du Docteur [D],
– DEBOUTER la CPAM de toutes ses demandes formulées à l’encontre du docteur [D],
– CONDAMNER Madame [V] aux entiers dépens
à titre subsidiaire :,
– dire que la responsabiltié du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] est engagée du fait de l’infection nosocomiale présentée par Madame [V]
– dire que le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] sont tenus de réparer solidairement les préjudices subis par Madame [V] à hauteur de 50 % chacun;
– dire que le docteur [D] ne sera tenu à l’indemnisation des préjudices de Madame [V] qu’à hauteur de 50%,
– FIXER le montant de la provision due à Madame [V] à la somme de 7.660,86 €, détaillée comme suit :
– Les frais de déplacement : 810,86 €
– Les souffrances endurées : 4.000 €
– Le déficit fonctionnel temporaire total : 340 €
– Le déficit fonctionnel temporaire partiel : 2.510 €
– DEBOUTER Madame [V] de sa demande de provision au titre des préjudices suivants
– L’assistance par tierce personne temporaire,
– Le préjudice esthétique temporaire,
– Le préjudice d’impréparation,
– Le préjudice moral subi par son fils.
– JUGER que la créance provisoire de la CPAM de la GIRONDE n’est établie ni dans son principe ni dans son quantum
– DEBOUTER la CPAM de la GIRONDE de sa demande de provision
– ECARTER l’exécution provisoire de droit,
A défaut,
– AUTORISER le docteur [D] à consigner le montant des condamnations sur le compte séquestre du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats.
– RAMENER à de plus justes proportions la somme sollicitée par Madame [V] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 24/06/2024, le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] demande au tribunal de :
– Déclarer le docteur [D] seul responsable des dommages subis par Madame [V],
– Débouter en conséquence Madame [V], le docteur [D] et la CPAM de la GIRONDE de l’ensemble de leurs demandes formées à l’encontre du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] .
– Condamner le docteur [D] à verser au CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] une indemnité de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens, et ce avec distraction au profit de Maître Marina [E], conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
DECLARE le docteur [D] entièrement responsable du préjudice subi par Madame [V] du fait de l’intervention du 15 février 2018 et des complications infectieuses qui ont suivi, en raison de ses manquements fautifs ;
CONDAMNE le docteur [D] à verser à Madame [V] la somme de 8 000 € à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel ;
DECLARE le docteur [D] responsable d’un manquement au devoir d’information envers Madame [V] ;
CONDAMNE le docteur [D] à verser à Madame [V] la somme de 4 000 € au titre du préjudice d’impréparation découlant du manquement au devoir d’information ;
RESERVE la demande formée par Madame [V] es qualité de représentante légale tendant à voir condamner le docteur [D] à verser la somme de 3 000 € au titre du préjudice moral de son fils [W] [V] ;
SURSOIT à statuer sur le montant de l’indemnité due à la CPAM DE LA GIRONDE dans l’attente de la consolidation de l’état de santé de Madame [V] ;
REJETTE la demande de la CPAM de la Gironde aux fins de condamner in solidum le docteur [D] et le CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] à lui verser une indemnité provisionnelle de 50 000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;
REJETTE les demandes en condamnation formées à l’encontre du CENTRE MEDICO-CHIRURGICAL [9] ;
CONDAMNE le docteur [D] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile:
– 2 000 € à Madame [V],
– 800 € à la CPAM de la Gironde,
– 1 500 € au CENTRE MEDICO CHIRURGICAL [9] ;
CONDAMNE le docteur [D] aux dépens et dit que Me [E] pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande du docteur [D] aux fins d’être autorisé à consigner le montant des consignations sur le compte séquestre du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
REJETTE les autres demandes des parties.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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