Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Thématique : Nullité d’une saisie-attribution sur un compte indivis et contestation recevable
→ RésuméContexte de l’affaireMonsieur [D] [I] a initié une saisie-attribution sur le compte bancaire de Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] en se basant sur plusieurs décisions judiciaires, dont une ordonnance de non-conciliation et un jugement homologuant un protocole d’accord. Cette saisie a été effectuée le 31 juillet 2024 et dénoncée le 7 août 2024. Contestation de la saisieEn réponse, Monsieur et Madame [L] ont assigné Monsieur [D] [I] devant le juge de l’exécution pour contester la saisie. Ils ont demandé la jonction des deux instances, la nullité de la saisie-attribution, ainsi que la restitution de la somme saisie, en arguant que le compte était indivis et donc insaisissable. Arguments des partiesLes consorts [L] ont soutenu que la saisie était illégale car elle concernait un compte indivis alimenté par des revenus locatifs. Ils ont également contesté la validité de la créance de Monsieur [I], affirmant qu’il n’avait pas de titre exécutoire valide. De son côté, Monsieur [I] a plaidé l’irrecevabilité de la contestation et a demandé la validation de la saisie, affirmant que le compte n’était pas indivis et qu’il avait un titre exécutoire. Décision du jugeLe juge a ordonné la jonction des deux instances, a déclaré la contestation recevable et a annulé la saisie-attribution, considérant que le compte était effectivement indivis et insaisissable. La demande de restitution de la somme saisie a été jugée sans objet, car les fonds n’avaient pas encore été attribués à Monsieur [I]. Demandes de dommages et intérêtsLes demandes de dommages et intérêts des consorts [L] ont été rejetées, le juge n’ayant pas constaté de préjudice lié à la saisie. De même, la demande de Monsieur [I] pour des dommages et intérêts a été déboutée, car son action était fondée. Condamnations et fraisMonsieur [I] a été condamné aux dépens et à verser 1.000 euros à chacun des demandeurs au titre des frais non compris dans les dépens. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 14 Janvier 2025
DOSSIER N° RG 24/07583 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZQ3W
Minute n° 25/ 11
DEMANDEURS
Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 4]
Madame [U] [L]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 6]
représenté par Maître Laetitia GARNAUD de la SELARL SOL- GARNAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
Monsieur [D] [I]
né le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Pierre SIRGUE du CABINET BERREBI & SIRGUE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 03 Décembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 14 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 14 janvier 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d’une ordonnance de non-conciliation rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux le 2 mars 2018, d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 3 mars 2022 et d’un protocole d’accord en date du 14 avril 2022 homologué par un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 26 janvier 2023, Monsieur [D] [I] a fait diligenter une saisie-attribution sur le compte bancaire détenu par Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] par acte en date du 31 juillet 2024 , dénoncée par actes du 7 août 2024.
Par actes de commissaire de justice en date du 5 septembre 2024, Monsieur et Madame [L] ont fait assigner Monsieur [D] [I] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de contester cette saisie.
A l’audience du 3 décembre 2024 et dans leurs dernières conclusions, les consorts [L] sollicitent que les deux instances soient jointes, qu’ils soient déclarés recevables en leur contestation et que les prétentions de Monsieur [I] soient rejetées. A titre principal, ils demandent que soit prononcée la nullité de la saisie-attribution. A titre subsidiaire ils sollicitent la mainlevée de la mesure de saisie et la restitution de la somme de 15.654,58 euros outre la condamnation du défendeur aux dépens, à leur verser à chacun la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts et la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [I] font valoir que les deux instances concernent la même saisie-attribution et le même défendeur. Ils soutiennent que leur contestation est recevable au regard de la dénonciation à l’huissier instrumentaire et au tiers saisi de leur contestation. Sur le fond, ils font valoir que la saisie a été pratiquée sur un compte indivis et par conséquent insaisissable, alimenté par des revenus locatifs de biens détenus par l’indivision qu’ils ont légalement créée. Au soutien de leur demande de mainlevée, ils contestent que Monsieur [I] détienne une créance liquide, certaine et exigible, la saisie ayant été pratiquée pour le recouvrement de sommes dues en vertu d’un remboursement anticipé de prêt qui n’a pas été accepté par Madame [L] alors que les décisions statuant sur la séparation du couple prévoyaient toutes cette condition. Ils contestent par ailleurs que Monsieur [I] détienne un titre exécutoire valide, le protocole d’accord signé en 2022 donc postérieurement au remboursement des dits prêts soldant définitivement les comptes antérieurs entre les parties. Ils indiquent enfin avoir subi un préjudice du fait de cette saisie qu’ils estiment abusive au regard des créances que Madame [L] détient elle-même, au titre des frais exposés pour les enfants communs, à l’encontre de son ex-époux.
A l’audience du 3 décembre 2024 et dans ses dernières écritures, Monsieur [I] conclut à titre principal à l’irrecevabilité de la contestation. Subsidiairement, il conclut au rejet de toutes les demandes et à la validation de la saisie-attribution. Il demande en outre la condamnation des défendeurs aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 euros de dommages et intérêts outre 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le défendeur soulève l’irrecevabilité de la contestation en l’absence de dénonciation à l’huissier ayant instrumenté la saisie ainsi qu’au tiers saisi. Au fond, il soutient que les demandeurs ne démontrent pas que le compte saisi est indivis, alors que l’appellation de compte joint donnée par le tiers saisi n’établit qu’une présomption qui peut être renversée. Il soutient être titulaire d’un titre exécutoire, l’ensemble des décisions rendues dans le litige entre les ex-époux prévoyant un partage des frais de scolarité et Madame [L] ayant accepté la souscription des deux prêts étudiants objet de la créance, s’étant même portée caution pour l’une d’entre eux et reconnaissant dans ses écritures versées pendant la procédure de divorce en être débitrice. Il conteste que le protocole signé entre les ex-époux ait induit une renonciation aux créances échues entre les parties, faisant valoir qu’il a régulièrement acquitté les sommes mises à sa charge, y compris via les nombreuses mesures d’exécution forcée mises en œuvre par Madame [L]. Il soutient que la présente action est abusive alors que Madame [L] a reconnu la dette.
L’affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la jonction de l’instance n°RG 24/07584 à l’instance n°RG 24/07583 ;
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire détenu par Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Aquitaine par acte en date du 31 juillet 2024, dénoncée par actes du 7 août 2024, à la diligence de Monsieur [D] [I], recevable ;
ANNULE le procès-verbal de saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire détenu par Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Aquitaine à la diligence de Monsieur [D] [I] par acte en date du 31 juillet 2024 et sa dénonciation en date du 7 août 2024 ;
ORDONNE mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire détenu par Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Aquitaine à la diligence de Monsieur [D] [I] par acte en date du 31 juillet 2024 ;
DIT que la demande de restitution de la somme de 15.654,58 euros est sans objet ;
DEBOUTE Monsieur [O] [L] et Madame [U] [L] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
DEBOUTE Monsieur [D] [I] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [D] [I] à payer à Monsieur [O] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [I] à payer à Madame [U] [L] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [I] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
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