Tribunal judiciaire de Bobigny, 6 février 2025, RG n° 24/03457
Tribunal judiciaire de Bobigny, 6 février 2025, RG n° 24/03457

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny

Thématique : Expertise sur les risques psychosociaux au sein d’une UES en mutation

Résumé

Contexte de l’affaire

Les sociétés de l’UES BATISANTE ont introduit une assignation le 28 mars 2024 pour contester une délibération du CSE datée du 22 mars 2024, qui avait décidé de recourir à une expertise en raison d’un risque grave. Elles demandent également une indemnisation de 500 € chacune pour couvrir les frais irrépétibles.

Arguments des sociétés demanderesses

Les sociétés soutiennent que la délibération est vague et imprécise, ne prouvant pas l’existence d’un risque grave. Elles affirment que le CSE cherche à mener une enquête sans avoir clairement identifié les risques. De plus, elles estiment que les éléments avancés par le CSE sont exagérés et ne reflètent pas la réalité, arguant que l’externalisation d’une partie du service client au Maroc est en fait un renforcement de ce service.

Position du CSE

Le CSE conteste la recevabilité de la demande, affirmant que l’action aurait dû être intentée par toutes les sociétés de l’UES. Il souligne que les demanderesses n’ont pas prouvé que certaines sociétés ne faisaient plus partie de l’UES. En outre, le CSE présente des éléments montrant que plusieurs réorganisations et alertes ont mis en lumière des conditions de travail difficiles, justifiant la nécessité d’une expertise.

Éléments de preuve présentés

Le CSE a produit des témoignages de salariés faisant état de souffrances au travail, notamment des comportements inappropriés de la part de leurs supérieurs. Des incidents spécifiques ont été rapportés, où des salariés ont été humiliés et ont subi des pressions, entraînant des arrêts de travail. Un médecin du travail a également alerté sur des situations préoccupantes concernant les risques psychosociaux.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré la demande des sociétés recevable, mais a débouté leurs prétentions d’annulation de la délibération du CSE. Il a reconnu l’existence d’un risque psychosocial grave, soutenu par des témoignages et des alertes, et a noté que la répétition des problèmes sur deux ans justifiait la décision du CSE. Les sociétés ont été condamnées à verser 1500 € au CSE pour les frais irrépétibles.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 06 FÉVRIER 2025
SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND

Chambre 9/Section 1
AFFAIRE: N° RG 24/03457 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZCEG
N° de MINUTE : 25/00124

DEMANDERESSES

S.A.S. BSI prise en la personne de son Président, Monsieur [I] [T]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. BSH prise en la personne de son Président, Monsieur [V] [F]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. BSE prise en la personne de son Président Monsieur [O] [N]
[Adresse 13]
[Localité 10]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. GROUPE BATISANTE prise en la personne de son Président, la Société BAI, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 914 155 692, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en la personne de son Président, Monsieur [X] [S]
[Adresse 9]
[Localité 10]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. SDDS prise en la personne de son Président, Monsieur [B] [A]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. 01 CONTROLE prise en la personne de sa Présidente, Madame [K] [J]
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. BATISANTE NORD prise en la personne de son Président, Monsieur [B] [A]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. BATISANTE SUD pris en la personne de son Président, la Société GROUPE BATISANTE, SAS immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 490 864 790, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en la personne de son Président, la Société BAI, SAS immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 914 155 692, dont le siège social est sis [Adresse 9], prise en la personne de son Président, Monsieur [X] [S]
[Adresse 11]
[Localité 3]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

S.A.S. VOLT’AIR prise en la personne de son Président, Monsieur [V] [F]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentée par Maître Blandine DAVID de la SELARL BALAVOINE et DAVID Avocats – BMP & Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R110

C/

DÉFENDEUR

COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE (CSE) DE L’UNITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE BATISANTE CSE de l’Unité Économique et Sociale BATISANTE Pris en la personne de Monsieur [H] [U] et Monsieur [D] [P]
[Adresse 9]
[Localité 10]
représentée par Maître Julien RODRIGUE de la SELARL DELLIEN Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R260

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président,

Statuant sur délégation du président du tribunal judiciaire conformément aux dispositions de l’article 481-1 du code de procédure civile,

Assisté aux débats de Madame Anyse MARIO, greffière.

DÉBATS

Audience publique du 19 Décembre 2024.
Délibéré fixé le 30 janvier 2025, prorogé au 06 février 2025

EXPOSÉ DU LITIGE

Par assignation du 28 mars 2024, les sociétés composant l’UES BATISANTE demandent que soit annulée la délibération du CSE de l’UES en date du 22 mars 2024 décidant de recourir à une expertise pour risque grave et que le CSE soit condamné à leur payer à chacune la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles.

Elles font valoir :

– que les formulations de la délibération , vagues et imprécises, ne permettent pas de démontrer l’existence d’un risque grave, identifié et actuel ;

– que c’est en réalité une mesure d’investigation que le CSE entend voir confier à l’expert, les risques invoqués n’étant pas clairement identifiés ni caractérisés par des éléments objectifs et matériellement vérifiables;

– que les éléments présentés par le CSE sont très largement exagérés et ne correspondent pas à la réalité de la situation ;

– qu’ainsi, l’externalisation d’une partie du service client au Maroc constitue en réalité un renforcement de ce service permettant aux salariés de se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée, sans que soit aucunement envisagé un démantèlement progressif du service ;

Le CSE conclut à l’irrecevabilité des demandes en faisant valoir que l’action intentée contre le CSE de l’UES devait l’être par l’ensemble des sociétés constituant cette UES et que les demanderesses ne justifient nullement que les sociétés SAGEX, CHRISTAL, DEP, ETB, BATISANTE RHÔNES ALPES ne font plus partie de l’UES alors qu’elles sont mentionnées dans l’accord conclu pour en définir le périmètre.

Subsidiairement, le CSE conclut au débouté des demanderesses en leurs prétentions en faisant valoir :

– que plusieurs réorganisations, sous-traitances et autres techniques managériales ont mis à mal les collaborateurs des différentes entreprises;

– que les sociétés reconnaissent être en perpétuelle mutation démontrée par la multiplication des rachats de sociétés et des fusions ;

– qu’une expertise réalisée en 2022 démontre la fragilité de la population des salariés et l’environnement pénible dans lequel il évolue ;

– que le DUERP se contente de mentionner que deux responsables n’ont relevé aucun facteur de dangerosité relatif aux RPS le jour de leur passage ;

– que le PAPRIPACT, pourtant obligatoire, n’est pas produit par l’employeur ni présent sur la base de données ;

– que plusieurs alertes ont été effectuées de 2021 à 2024 ;

– que lors d’une enquête 2 salariés ont témoigné des difficultés qu’ils rencontrent dans leurs conditions de travail caractérisant des RPS ;

– que le 24 mai 2024 le médecin du travail a interpellé la direction et les élus en évoquant à la suite de ses constats cliniques et d’autres données concordantes des situations préoccupantes et la nécessité de prendre en compte les risques psychosociaux et l’organisation du travail qui les génèrent ;

– que des salariés témoignent de ce qu’ils subissent qui concorde avec l’affichage sur les toilettes de cette phrase “pour regarder discrètement des séries, ici tu ne te cacheras pas”.

Vu les conclusions des parties ;

PAR CES MOTIFS,

LE PRÉSIDENT
Statuant par jugement public, contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

– DÉCLARE les sociétés demanderesses recevables en leurs prétentions ;

– DÉBOUTE les demanderesses de leurs demandes ;

– CONDAMNE solidairement les sociétés demanderesses à payer la somme de 1500 € au CSE de l’UES BATISANTE ;

-CONDAMNE solidairement les sociétés demanderesses aux dépens.

La minute a été signée par Monsieur Ulrich SCHALCHLI, Vice-Président et Madame Anyse MARIO, greffière présente lors de la mise à disposition.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Anyse MARIO Ulrich SCHALCHLI

 


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