Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny
Thématique : Validité de la signification et régularité des saisies : enjeux et conséquences pour le débiteur
→ RésuméMonsieur [V] [N] a contesté une contrainte de 347 euros émise par l’URSSAF, validée par le tribunal en janvier 2021. En janvier 2022, une injonction et un commandement de saisie-vente ont été signifiés, suivis d’une saisie-attribution en octobre 2022. Le 13 décembre 2023, le juge a prononcé la nullité de cette saisie, faute de preuve de signification du jugement. Une nouvelle saisie a eu lieu en mars 2024, entraînant une assignation de Monsieur [V] [N] contre l’URSSAF. Finalement, le juge a jugé la saisie légitime, déboutant Monsieur [V] [N] de ses demandes et le condamnant à des frais.
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT CONTENTIEUX DU
27 Novembre 2024
MINUTE : 2024/1157
N° RG 24/08348 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZZHM
Chambre 8/Section 2
Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l’exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame HALIFA Zaia, Greffière
DEMANDEUR
Monsieur [V] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant
ET
DÉFENDEUR
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Monsieur [F] [C], muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS
Monsieur UBERTI-SORIN, juge de l’exécution,
Assisté de Madame FAIJA, Greffière
L’affaire a été plaidée le 30 Octobre 2024, et mise en délibéré au 27 Novembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE
Après mise en demeure, une contrainte d’un montant de 347 euros a été émise à l’encontre de Monsieur [V] [N] le 21 juin 2019 laquelle lui a été signifiée le 24 septembre suivant. Ce dernier a formé opposition le 4 octobre 2019.
Par jugement contradictoire rendu le 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a validé la contrainte. Les expéditions exécutoires de cette décision ont été délivrées aux parties par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 21 janvier 2021.
Le 17 janvier 2022, à la demande de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Centre Val de Loire, ci-après l’URSSAF, une injonction et commandement aux fins de saisie vente d’un montant de 504,93 euros ont été signifiés à étude à Monsieur [V] [N].
Le 11 octobre 2022, a été dénoncée à Monsieur [V] [N] une saisie-attribution réalisée auprès de la banque postale le 7 octobre 2022 pour un montant de 746,34 euros.
Par jugement rendu le 13 décembre 2023, le juge de l’exécution de ce siège a prononcé la nullité de la saisie-attribution ainsi pratiquée, faute pour l’URSSAF de rapporter la preuve de la signification du jugement précité.
De nouveau, l’URSSAF a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de Monsieur [V] [N] détenus auprès de la banque postale, laquelle lui a été dénoncée le 12 mars 2024, pour 958,91 euros.
Par exploit d’huissier du 28 mars 2024, Monsieur [V] [N] a fait assigner l’URSSAF aux fins de voir :
vu les articles L.111-2, L.211-1, L.111-3 du code de procédures civiles d’exécution,
vu l’article 503 du code de procédure civile vu l’article 1240 du code civil
Vu les pièces du dossier
– Prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée auprès de la Banque postale le 05 mars 2024 pour un montant de 958,91 euros et signifiée à Monsieur [V] [N] le 12 mars 2024;
– Ordonner la mainlevée de la saisie attribution;
– Condamner l’URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE à verser à Monsieur [V] [N] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens;
– Rappeler que la décision est de plein droit assortie d l’exécution provisoire.
– Condamner URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE à la somme de 2500 € e réparation du préjudice moral de Monsieur [N].
– Condamner URSSAF VAL DE LOIRE aux entiers dépens, y compris le frais bancaire et frais d’Huissier de Justice.
– Dire que la décision est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.
L’affaire a été retenue à l’audience du 30 octobre 2024 et la décision mise en délibéré au 27 novembre 2024, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées.
A l’audience, Monsieur [V] [N] a soutenu sa demande. Il conteste la signification du jugement rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris aux motifs qu’elle a été réalisée à son adresse personnelle, non pas professionnelle.
Dans ses conclusions déposées à l’audience, l’URSSAF demande au juge de l’exécution de :
-DIRE ET JUGER que la saisie-attribution du 5 mars 2024 et dénoncée le 12 avril 2024 est régulière ;
VALIDER la saisie-attribution du 5 mars 2024 effectuée en exécution du jugement du 14 janvier 2021 pour un montant 347 € hors frais ;
REJETER la demande au titre des dommages et intérêts de Monsieur [N] ;
REJETER la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile de Monsieur [N];
– REJETER toutes les autres demandes de Monsieur [N] ;
-CONDAMNER Monsieur [N] au paiement de la somme de 2 000 euros de frais irrépétibles et aux entiers dépens.
L’organisme social considère que la signification du jugement précité à l’adresse personnelle de Monsieur [V] [N] a été régulièrement réalisée si bien qu’elle était en droit de faire pratiquer une saisie-attribution pour obtenir paiement des sommes auxquelles il a été condamné.
Par courrier reçu le 5 novembre 2024, Monsieur [V] [N] a sollicité la réouverture des débats aux motifs qu’à l’audience du 30 octobre 2024, il avait contesté la signification du jugement, que l’acte avait été signifié à une autre adresse ce qui constituait un fait nouveau,
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à l’exploit introductif d’instance et aux dernières écritures des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la demande de réouverture des débats
Conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article 444 du code de procédure civile, le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.
En l’espèce, lors de l’audience tenue le 30 octobre 2024, les parties ont pu s’exprimer sur le litige les opposant. Par ailleurs, le moyen tiré du défaut de signification du jugement litigieux ne constitue pas un fait nouveau étant précisé qu’au surplus celui-ci a été développé par le demandeur et qu’il y sera répondu ci-après.
Les conditions permettant la réouverture des débats prévues par les dispositions précitées ne sont donc pas remplies.
En conséquence, il sera dit n’y avoir lieu à ordonner la réouverture des débats.
II – Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution
Conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution a été dénoncé à Monsieur [V] [N] le 12 mars 2024 et celle-ci a formé une contestation par assignation du 28 mars 2024, soit dans le délai légal. De plus, il justifie que la contestation a été dénoncée le jour-même à l’huissier qui a pratiqué la saisie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
La contestation est donc recevable en la forme.
II – Sur la demande de nullité de la saisie-attribution
A – Sur le défaut de signification du titre
Dispositions légales applicables
L’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En application de l’article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire. A cet égard, selon l’article 478 du code précité, le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.
En tant qu’actes d’huissier de justice, les actes de signification de décision sont soumis à l’article 649 du code de procédure civile, en vertu duquel la nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. Ainsi, en application de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Conformément aux dispositions de l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne. Aux termes de l’article 655 du code déjà cité, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
Enfin, l’article 659 du même code dispose que lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Réponse du juge de l’exécution
En l’espèce, il ressort du procès verbal de signification du jugement rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris que la signification à personne n’a pas été possible mais que l’huissier a constaté que le nom du destinataire figurait sur la boîte aux lettres et que son domicile avait été certifié par le préposé des postes. En outre, le commissaire de justice a indiqué avoir déposé un avis de passage et adressé à Monsieur [V] [N] la lettre prévue à l’article 658 du code de procédure civile. Enfin, à l’audience, ce dernier reconnaît que l’adresse à laquelle l’officier ministériel a procédé à la signification constitue son domicile.
Par suite, il apparaît que la signification a été régulièrement réalisée et, au surplus, que le demandeur ne rapporte la preuve d’aucun grief. En outre, Monsieur [V] [N] ne rapporte pas la preuve d’avoir interjeté appel de la décision précitée si bien qu’elle apparaît définitive.
Enfin, il ressort du jugement précité qu’il a été rendu entre Monsieur [V] [N] et l’URSSAF si bien qu’il ne peut être valablement soutenu par le demandeur que l’organisme social n’aurait pas qualité à agir suite à la suppression du régime social des indépendants, un tel argument devant être soulevé devant le juge du fond.
Il est ainsi établi que c’est de manière légitime que l’URSSAF a fait pratiquer la saisie-attribution litigieuse.
Pour ces raisons, Monsieur [V] [N] sera débouté de l’ensemble de ses demandes.
IV – Sur les demandes accessoires
a) Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Monsieur [V] [N] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.
b) Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Condamné aux dépens, Monsieur [V] [N] sera également condamné à verser à l’URSSAF la somme de 400 euros au titre de ses frais irrépétibles ; il sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au Greffe,
DIT n’y avoir lieu à réouverture des débats ;
DÉBOUTE Monsieur [V] [N] de l’ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE Monsieur [V] [N] à verser à l’URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Monsieur [V] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [V] [N] aux entiers dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l’exécution provisoire.
Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice de Bobigny le 27 novembre 2024.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXÉCUTION,
Zaia HALIFA Stéphane UBERTI-SORIN
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