Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny
Thématique : Responsabilité du vendeur et obligations d’information dans la vente immobilière
→ RésuméContexte de la venteLe 16 février 2021, M. [K] a vendu à Mme [Y] un appartement et une cave dans un immeuble en copropriété pour un montant de 183 000 euros, via la société Arbeles Transactions. La vente a été officialisée par un acte notarié le 11 juin 2021. Découverte des vices cachésAprès avoir entrepris des travaux d’aménagement, Mme [Y] a découvert des dégradations importantes, notamment un plancher supérieur en mauvais état, des poutres corrodées et des problèmes de plâtre. Un rapport d’audit datant de 2018, reçu par Mme [Y] le 6 juillet 2021, révélait également l’état préoccupant de l’immeuble. Actions en justiceLe 4 mai 2023, Mme [Y] a assigné M. [K], la société Arbeles Transactions, et le notaire Me [T] pour obtenir une indemnisation. Dans ses conclusions, elle a demandé des compensations financières pour divers préjudices, totalisant 56 481,32 euros, ainsi que des frais de justice. Arguments de Mme [Y]Mme [Y] a invoqué la présence de vices cachés, affirmant que M. [K] n’avait pas informé sur l’état de l’immeuble ni sur l’existence de l’audit. Elle a également soutenu que le carnet d’entretien ne lui avait pas permis d’évaluer correctement l’état de l’immeuble et qu’elle avait cherché des informations auprès de l’agence immobilière. Réponse de M. [K]M. [K] a contesté les demandes de Mme [Y], arguant qu’elle avait connaissance de l’état de l’immeuble avant la vente. Il a également demandé à être garanti par les autres parties en cas de condamnation. Position de la société Arbeles TransactionsLa société Arbeles Transactions a soutenu qu’elle avait fourni toutes les informations nécessaires à Mme [Y] et qu’elle n’avait pas commis de faute. Elle a également demandé à être garantie par M. [K] en cas de condamnation. Arguments des notairesLes notaires ont affirmé qu’ils n’avaient pas été informés des désordres et que Mme [Y] avait accès à des informations suffisantes sur l’état de l’immeuble avant la vente. Ils ont également demandé à être garantis par M. [K]. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu la responsabilité de M. [K] pour vices cachés, condamnant ce dernier à verser 28 000 euros à Mme [Y] pour réduction de prix. Les autres demandes de Mme [Y] ont été rejetées, et M. [K] a été condamné aux dépens. Les demandes de frais irrépétibles ont été déboutées pour chaque partie. |
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COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY
AFFAIRE N° RG 23/04640 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XUFU
N° de MINUTE : 24/00691
Chambre 6/Section 5
JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024
Madame [D] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Thomas WEST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 445
DEMANDEUR
C/
Monsieur [F] [K]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté par Me Stéphane LEVILDIER, LGAVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B0765
Maître [J] [T], Notaire associé, membre de la SAS 14 PYRAMIDES NOTAIRES
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0848
La S.A.S 14 PYRAMIDES NOTAIRES
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0848
La S.A.S. ARBELES TRANSACTIONS
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Arnaud MAGERAND, la SCP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P132
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge
Assistés aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier
DEBATS
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 30 Septembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, greffier.
Monsieur François DEROUAULT a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
Il a rédigé le jugement rendu.
À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.
JUGEMENT
La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant compromis de vente du 16 février 2021 instrumenté par la société Arbeles Transactions, M. [K], en qualité de vendeur, a cédé à Mme [Y], en qualité d’acquéreuse, un appartement et une cave dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 2] à [Localité 9] (Seine-Saint-Denis), moyennant le prix de 183 000 euros.
La vente a été réitérée devant Me [T], de l’études notariale 14 Pyramides Notaires, suivant acte authentique du 11 juin 2021.
Mme [Y] a par la suite entrepris des travaux d’aménagement et a constaté, à la suite de la démolition du faux-plafond, la dégradation avancée du plancher supérieur, la forte corrosion des poutres ainsi que l’écroulement d’une partie du plâtre entre les poutrelles et les poutres.
Le 6 juillet 2021, Mme [Y] a été destinataire d’un rapport d’audit réalisé en 2018 par le cabinet Opus Architecture sur l’immeuble, lequel mettait en évidence son mauvais état général.
Par acte d’huissier en date du 4 mai 2023, Mme [Y] a assigné M. [K], la société Arbeles Transactions, Me [T], l’étude notariale 14 Pyramides Notaires aux fins d’indemnisation de son préjudice.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2024, Mme [Y] demande au tribunal de :
– condamner in solidum M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions à payer la somme de 56 481,32 euros au titre du préjudice subi ;
– débouter les défendeurs de leurs demandes ;
– condamner in solidum M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [K], Maître [T], la société 14 Pyramides Notaires, la société Arbeles Transactions aux dépens.
Mme [Y] engage la responsabilité du vendeur sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, en faisant valoir que :
– le vice était caché au moment de la vente et n’a été découvert par elle qu’à l’occasion de travaux ;
– le vendeur n’a pas attiré son attention sur l’état de l’immeuble et de l’appartement, ni même porté à sa connaissance l’existence de l’audit du cabinet Opus Architecture ;
– que la seule lecture du carnet d’entretien, document recueillant sur plus de 350 pages des échanges de courriels entre des copropriétaires et le syndic de copropriété, ne permettait aucunement à Mme [Y] d’avoir une idée précise de l’état de l’immeuble ;
– qu’elle s’est enquise d’obtenir des renseignements auprès de l’agence immobilière sur l’état actuel de l’immeuble ;
– que le vendeur entretient la confusion entre l’état de l’immeuble et le dégât des eaux intervenu en 2018, de telle sorte que Mme [Y] était dans l’impossibilité d’avoir connaissance du vice ;
– que Mme [Y] est bien fondée à réclamer une réduction du prix de vente à hauteur de 39 250 euros, une réduction des frais de notaire à hauteur de 3 268,75 euros, un préjudice de jouissance estimé à 6 200 euros, un préjudice matériel à hauteur de 7 762,57 euros.
A l’égard de l’agence, Mme [Y] soutient, sur le fondement de l’article 1240 du code civil et des dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 que ses préjudices sont en lien causal direct avec la faute de la société Arbeles, qui a failli à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde envers Mme [Y] :
– en s’abstenant de procéder à des vérifications complémentaires auprès du syndic et du vendeur ;
– en s’abstenant de demander la communication de l’audit 2018 et de mentionner son existence à Mme [Y] ;
– en s’abstenant d’attirer l’attention de Madame [Y], qui a exprimé ses inquiétudes à plusieurs reprises, sur l’état alarmant de l’immeuble ;
– en s’abstenant de partager avec Madame [Y] l’information relative aux caves, reçue quelques jours avant la vente.
A l’égard du notaire, Mme [Y] soutient, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, qu’au moment de la signature de l’acte authentique de vente, Madame [Y] n’a pas été informée des désordres affectant l’immeuble dans leur nature, ampleur et conséquences alors que les mentions explicites dans le carnet d’entretien auraient dû l’alerter et l’obliger à exiger la communication d’éléments complémentaires, et plus particulièrement l’audit de 2018, en vertu de son obligation de conseil.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, M. [K] demande au tribunal de :
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner la société Arbeles Transactions, Me [T] et l’office notarial 14 Pyramides Notaires à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– écarter l’exécution provisoire ;
– condamner Mme [Y] à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
M. [K] expose que Mme [Y] avait connaissance de l’état de l’immeuble et de l’appartement avant la signature de l’acte le 11 juin 2018, ainsi qu’en témoignent les documents communiqués, notamment le carnet d’entretien, auquel l’audit du cabinet Opus Architecture n’aurait rien apporté.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la valeur du bien aurait été diminuée du fait de son état, M. [K] soutient qu’il est impossible, au regard des estimations produites, de connaître la part de la perte de valeur liée à la conjoncture et la part imputable aux désordres. Il ajoute que Mme [Y] avait connaissance des travaux qui allaient être entrepris dans l’immeuble, de telle sorte qu’elle est mal fondée à réclamer des dommages et intérêts correspondant au montant de sa quote-part des travaux votés par la copropriété et rendus nécessaires par le rapport d’audit du cabinet Opus Architecture de février 2018.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, la société Arbeles Transactions demande au tribunal de :
– in limine litis, enjoindre à Mme [Y] de produire la totalité des annexes à l’acte de vente du 11 juin 2021 ;
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, condamner M. [K] à garantir la société Arbeles de toute condamnation prononcée à son encontre ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant du préjudice de jouissance à la somme de 1 300 euros ;
– condamner les parties succombantes à payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
La société Arbeles Transactions expose qu’elle n’a pas commis de faute dès lors qu’elle a communiqué à Mme [Y] le carnet d’entretien de l’immeuble qui fait référence en plusieurs points à l’état général de l’immeuble et qu’en tout état de cause, Mme [Y] a reconnu elle-même, dans sa correspondance avec l’agence, qu’elle était informée des dégâts de l’immeuble. L’agence immobilière soutient qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que le rapport d’audit du cabinet Opus Architecture aurait été un élément déterminant dans sa volonté de conclure ou non l’acte de vente. Enfin, s’agissant des caves, la société Arbeles Transaction fait valoir que Mme [Y] était parfaitement informée de ce que des mesures urgentes devaient être prises sur l’immeuble à tout moment compte tenu de son état alarmant, et des risques sur sa structure, de telle sorte que le défaut d’information relatif à l’intervention en urgence dans le sous-sol de l’immeuble suite à l’affaissement du plancher ne revêt pas de caractère déterminant susceptible d’engager la responsabilité de l’agence immobilière.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2024, l’étude notariale 14 Pyramides Notaires et Me [T] demandent au tribunal de :
– débouter Mme [Y] de ses demandes ;
– débouter M. [K] de son appel en garantie ;
– à titre subsidiaire, condamner M. [K] à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
– rejeter l’exécution provisoire ;
– condamner Mme [Y] à payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [Y] aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
Les notaires exposent que Me [T] n’a pas commis de faute dès lors qu’il n’a pas été informé des désordres d’ampleur affectant l’immeuble ; qu’il n’a pas été porté destinataire du rapport d’audit du cabinet Opus Architecture, qui, au demeurant, n’apporte aucun élément nouveau autre que ceux déjà connus de l’acquéreuse ; qu’il lui était impossible de constater l’existence des désordres sans se déplacer sur les lieux, ce qu’il n’était pas tenu de faire ; que Mme [Y] disposait de renseignements précis sur l’état de l’immeuble avant la vente ; que seule la responsabilité de M. [K] peut être recherchée pour avoir tu les défauts structurels de l’immeuble ; qu’en tout état de cause, la cause du préjudice allégué se trouve dans le compromis de vente et non dans l’acte authentique, de telle sorte que le lien de causalité n’est pas caractérisé ; qu’enfin, Mme [Y] ne justifie pas d’un préjudice certain relatif à la perte de valeur, et ne rapporte pas la preuve du bien-fondé des autres postes allégués.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2024.
L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 30 septembre 2024, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 afin qu’y soit rendue la présente décision.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
Condamne M. [K] à payer à Mme [Y] la somme de 28 000 euros au titre de la réduction du prix ;
Déboute Mme [Y] de ses autres demandes ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
Déboute chacune des parties de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle l’exécution provisoire du jugement.
La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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