Tribunal judiciaire de Bobigny, 19 novembre 2024, RG n° 23/10442
Tribunal judiciaire de Bobigny, 19 novembre 2024, RG n° 23/10442

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny

Thématique : Responsabilité de la caution et conditions de recours en cas de défaillance des débiteurs principaux

Résumé

CONTRAT DE PRÊT IMMOBILIER

M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] ont conclu un contrat de prêt immobilier avec la société Crédit Industriel et Commercial (CIC) le 8 juillet 2019, d’un montant de 548.557,76 euros à un taux de 1,35%, remboursable en 220 mensualités. La société Crédit Logement a agi en tant que caution solidaire pour ce prêt.

MISES EN DEMEURE ET IMPAYÉS

Le 25 août 2022, la société CIC a mis en demeure les emprunteurs de régulariser un impayé de 18.762,13 euros. En réponse, Mme [K] [E] a signalé ses difficultés financières dues à une procédure de divorce, ne pouvant payer que 1.000 euros par mois. La situation a conduit à des mises en demeure successives de la part de Crédit Logement et CIC, avec des montants dus augmentant au fil du temps.

RESILIATION DU CONTRAT DE PRÊT

Le 17 mai 2023, CIC a notifié la résiliation du contrat de prêt, exigeant le paiement de 507.348,80 euros. Des mises en demeure ultérieures ont été envoyées, et le 26 juillet 2023, Crédit Logement a payé 475.551,08 euros à la banque, entraînant des actions judiciaires contre les emprunteurs.

DEMANDES DES PARTIES

Crédit Logement a demandé au tribunal de condamner M. [J] [B] et Mme [K] [E] à payer 502.340,24 euros, ainsi que des dommages et intérêts. En revanche, Mme [K] [E] a contesté la légitimité des demandes de Crédit Logement, arguant de l’absence de contrat direct et de la mauvaise gestion de la situation par la caution.

DECISION DU TRIBUNAL

Le tribunal a condamné M. [J] [B] et Mme [K] [E] à payer 502.340,24 euros à Crédit Logement, avec des intérêts à compter du 2 octobre 2023. Mme [K] [E] a été autorisée à rembourser cette somme en 24 versements mensuels. Les demandes de dommages et intérêts de Crédit Logement ont été rejetées, et les deux parties ont été condamnées aux dépens.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 19 NOVEMBRE 2024

Chambre 7/Section 2
AFFAIRE: N° RG 23/10442 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YJB6
N° de MINUTE : 24/00669

S.A. CREDIT LOGEMENT
Immatriculée au RCS de Paris sous le n°B 302 493 275
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Alain CIEOL,
avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,
vestiaire : 3

DEMANDEUR

C/

Monsieur [J] [P] [B]
[Adresse 2]
[Localité 6]
défaillant

Madame [K] [W] [E] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 5] / FRANCE
représentée par Me Raphaël BENILLOUCHE,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : P0519

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Camille FLAMANT, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 17 Septembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Christelle HILPERT, assistée de Madame Camille FLAMANT, greffier.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon offre du 26 juin 2019, acceptée le 8 juillet 2019, M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] ont conclu un contrat de prêt immobilier « CIC IMMO Prêt modulable » n°30066 10761 00020410702 avec la société Crédit Industriel et Commercial (ci-après « CIC ») d’un montant de 548.557,76 euros, au taux de 1,35% remboursable en 220 mensualités.
La société Crédit Logement s’est engagée en qualité de caution solidaire de M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] à hauteur de la somme empruntée (dossier n°M19045674801).
Par courriers recommandés avec accusé de réception du 25 août 2022, la société CIC a mis en demeure M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] de régulariser leur impayé de 18.762,13 euros sous huitaine, sous peine de prononcer la résiliation du contrat de prêt rendant exigible la totalité des montants dus.
Par courriers recommandés avec accusé de réception du 29 août 2022, distribués les 2 et 3 septembre 2022, la société Crédit Logement a demandé à Mme [K] [E] épouse [B] et M. [J] [B] de payer à la banque la somme de 18.762,13 euros sous huitaine.
En réponse à ce courrier, par courrier électronique du 4 septembre 2022, Mme [K] [E] épouse [B] a fait part à la société Crédit Logement de ses difficultés financières dans un contexte de procédure de divorce, la contraignant à ne payer qu’une somme de 1.000 euros par mois à la banque.
A la suite de la défaillance des emprunteurs dans le paiement des échéances du crédit, la société Crédit Logement a été actionnée par la société CIC.
Par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 25 octobre 2022, dont l’un est retourné à l’expéditeur avec la mention « Pli avisé et non réclamé » pour M. [J] [B], la société Crédit Logement a mis en demeure M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] de lui payer la somme de 23.135,07 euros sous huitaine.
Le 31 octobre 2022, la banque a dressé une quittance subrogative après avoir reçu paiement de la société Crédit Logement de la somme de 23.135,07 euros.

Des échéances de remboursement de ce prêt étant demeurées impayées, par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 3 janvier 2023, distribués les 6 et 20 janvier 2023 à Mme [K] [E] épouse [B] et M. [J] [B], la société Crédit Logement les a mis en demeure de lui payer la somme de 23.135,07 euros sous huitaine.

Par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 4 avril 2023, distribués le 8 avril 2023, la société CIC a mis en demeure M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] de régulariser leur impayé de 12.133,63 euros sous huitaine, sous peine de prononcer la résiliation du contrat de prêt rendant exigible la totalité des montants dus.
Par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 17 mai 2023, l’un distribué le 24 mai 2023 à Mme [K] [E] épouse [B] et l’autre retourné à l’expéditeur avec la mention « Pli avisé et non réclamé » pour M. [J] [B], la société CIC leur a notifié la résiliation du contrat de prêt et les a mis en demeure de lui payer la somme de 507.348,80 euros à lui régler au plus tard pour le 2 juin 2023.
Par deux courriers recommandés avec accusé de réception du 21 juillet 2023 et du 23 août 2023, la société Crédit Logement a mis en demeure M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] de lui payer la somme de 498.686,15 euros sous huitaine.

Le 26 juillet 2023, la banque a dressé une quittance subrogative après avoir reçu paiement de la société Crédit Logement de la somme de 475.551,08 euros.

Par actes de commissaire de justice du 24 octobre et du 6 novembre 2023, la SA Crédit Logement a fait assigner M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] en paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 février 2024, la société Crédit Logement demande au tribunal de :

Condamner solidairement M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] à lui payer les sommes de : 502.340,24 euros, montant de sa créance arrêtée au 2 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du règlement de cette somme, jusqu’à parfait paiement ;1 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 2305 alinéa 3 ancien du code civil,1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner solidairement M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Cieol, avocat ;Débouter M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] de leurs demandes ; Rappeler que l’exécution provisoire est de droit ;
A l’appui de ses prétentions, la société Crédit Logement se fonde sur les articles 2305 ancien et suivants du code civil. Elle soutient que M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] sont tenus de lui rembourser les sommes payées à la banque au titre de la caution de leur prêt immobilier. la société Crédit Logement se fonde sur l’article 2291 du code civil pour rappeler qu’elle peut se rendre caution sans ordre de celui pour lequel on s’oblige et même à son insu.
La société Crédit Logement ajoute qu’elle est en droit de réclamer, en optant pour un recours personnel, à M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] le remboursement des sommes qu’elle a payées au créancier qui l’a appelée en garantie, faute d’avoir été payée par les codébiteurs principaux.

La société Crédit Logement soutient que son obligation de payer la banque est devenue exigible lorsque l’obligation de M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] l’est devenue aussi, précisément lorsqu’ils sont devenus défaillants et que le créancier a actionné la caution. La société Crédit Logement affirme que Mme [K] [E] épouse [B] ne l’a pas informée d’exceptions qu’elle entendait opposer à la banque et ne peut donc reprocher à la caution une faute.

La société Crédit Logement se fonde sur l’article 2308 ancien du code civil pour faire valoir que Mme [K] [E], pour prétendre que la caution doit être privée de son recours contre elle, ne démontre pas les conditions cumulatives de cette disposition à savoir le défaut d’avertissement du débiteur, le paiement par la caution sans avoir été poursuivie par le créancier, et que le débiteur disposait de moyens pour faire déclarer la dette éteinte.

La société Crédit Logement se fonde sur l’article 2305 alinéa 3 ancien du code civil pour affirmer que le non-paiement des sommes réclamées lui a causé un préjudice moral. La société fait valoir qu’elle a été contrainte d’engager des démarches rendues nécessaires par l’obstruction des débiteurs à rembourser leur dette et a entraîné pour la caution des débours, des soucis, des tracas et des frais irrépétibles.

La société Crédit Logement se fonde en outre sur l’article 1343-5 du code civil pour soutenir que si le tribunal entendait accorder des délais, il devra fixer le ou les dates auxquelles le débiteur devra se libérer.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 avril 2024, Mme [K] [E] épouse [B] demande au tribunal de :

Déclarer la société Crédit Logement irrecevable et mal fondée en ses demandes,Débouter la société Crédit Logement de ses demandes,
A titre subsidiaire,
Octroyer à Mme [K] [E] épouse [B] les plus larges délais de paiement en cas de condamnation ;
En tout état de cause,
Condamner la société Crédit Logement à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société Crédit Logement aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Raphaël BENILLOUCHE.
Mme [K] [E] épouse [B] soutient qu’en l’absence de contrat la liant à la société Crédit Logement, cette dernière ne peut se prévaloir d’aucun droit de son égard, le cautionnement supposant un échange des consentements.

Mme [K] [E] épouse [B] affirme que la société Crédit Logement ne peut agir en paiement contre elle puisque qu’une quittance subrogative ne peut permettre d’attester de la réalité du paiement effectif et qu’aucun document ne permet de vérifier les flux bancaires intervenus.

Mme [K] [E] épouse [B] ajoute que la société Crédit Logement a commis une faute en payant la banque deux mois après l’envoi du courrier de résiliation de la banque aux codébiteurs, empêchant Mme [K] [E] épouse [B] de faire valoir sa défense auprès de la banque.

Mme [K] [E] épouse [B] ajoute qu’elle est de bonne foi et que les retards de paiement, liés à sa situation personnelle, sont involontaires de sa part. Elle affirme avoir besoin du bénéfice des plus larges délais de paiement du fait qu’elle soit en instance de divorce avec M. [B], introuvable et opposé à toute vente amiable d’un bien immobilier leur appartenant, la contraignant à faire face à des difficultés financières.

Assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile), avec justification de l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception retourné avec la mention « Pli avisé et non retourné », M. [J] [B] n’a pas constitué avocat.

Régulièrement assignée à domicile, Mme [K] [E] épouse [B] a constitué avocat en la personne de Maître Raphaël BENILLOUCHE.

La décision sera réputée contradictoire en application de l’article 474 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.
L’affaire a été examinée à l’audience publique du 17 septembre 2024 et mise en délibéré au 19 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire,
CONDAMNE solidairement M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 502.340,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2023, au titre du dossier n° M19045674801, et ce jusqu’à parfait paiement,
AUTORISE Mme [K] [E] épouse [B] à se libérer de cette somme en 24 versements mensuels établis ainsi :
2816,12 euros pendant 23 mois, à compter du 1er jour du mois suivant la signification du présent jugement ; 437.569,48 euros (mensualité 24)DIT que les paiements s’imputeront en priorité sur le capital,
ORDONNE qu’à défaut de paiement de tout ou partie d’une seule échéance à bonne date, l’intégralité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,

DÉBOUTE la SA Crédit Logement du surplus de sa demande de paiement ;

DÉBOUTE la SA Crédit Logement de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE solidairement M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Cieol, avocat.
CONDAMNE solidairement M. [J] [B] et Mme [K] [E] épouse [B] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [K] [E] épouse [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier.

Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Christelle HILPERT

 


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