Type de juridiction : Tribunal de commerce
Juridiction : Tribunal de commerce de Créteil
Thématique : Progiciel défectueux : pensez à la responsabilité extracontractuelle
→ RésuméLa société BOOKTRIP, spécialisée dans la commercialisation de séjours touristiques, a engagé la société CFD pour développer son site Internet. Cependant, le progiciel a été livré en retard et s’est révélé inexploitable. M. X., dirigeant de BOOKTRIP, a demandé réparation pour la perte de sa rémunération durant la première année d’activité. Sa demande a été rejetée, car il n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice personnel distinct de celui de la société. De plus, la responsabilité de CFD n’a pas été établie, et la transaction amiable signée entre les deux sociétés a mis fin au litige.
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La société BOOKTRIP, startup exploitant un concept innovant de commercialisation de séjours touristiques intégrant l’hébergement et des activités de loisir sur place, a conclu un contrat de prestation informatique avec la société CFD pour développer son site Internet.
Le progiciel n’a pas été développé dans les délais et, selon la société BOOKTRIP, il était inexploitable. Une transaction amiable pour solde de tous comptes est intervenue entre les deux sociétés.
Le dirigeant de la société BOOKTRIP a demandé, en tant que tiers- victime réparation à la société CFD de son préjudice consistant en l’absence de rémunération perçue pendant la première année d’existence de la société BOOKTRIP. Alors que l’activité de BOOKTRIP promettait une croissance exponentielle à l’instar de sites similaires dédiés au tourisme, les difficultés de la société ont induit une perte de sa rémunération de dirigeant envisagée dans le pacte d’associé,
Cette demande d’indemnisation a été rejetée. La police RC souscrite par la société CFD auprès de la compagnie AXA, a bien été mobilisée au titre de la RC couvrant » les dommages immatériels résultant d’un retard dans l’exécution de la prestation ayant pour origine une erreur dans l’exécution de la prestation. »
Et, en application de ce contrat, la compagnie AXA a indemnisé le tiers -victime, au titre d’une déclaration de sinistre à concurrence du montant de la transaction (53.000,00€).
Par ailleurs, le dirigeant ne versait aucun élément qui démontrerait que le principe de sa rémunération à verser par la société BOOKTRIP ait été convenu, ni son montant. Par ailleurs, il ne démontrait ni son dommage, ni la faute, ni le lien de causalité.
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République française
Au nom du peuple français
Tribunal de commerce de Créteil
3e chambre, 6 juillet 2021
La société BOOKTRIP, startup exploitant un concept innovant de commercialisation de séjours touristiques intégrant l’hébergement et des activités de loisir sur place, a conclu un contrat de prestation informatique avec la société CFD TECHNOLOGIES (ci-après la société CFD) en date du 24 octobre 2017 pour développer son site Internet.
Le progiciel n’a pas été développé dans les délais et, selon la société BOOKTRIP, il était inexploitable. Une transaction amiable pour solde de tous comptes est intervenue entre les deux sociétés.
M. X., dirigeant de la société BOOKTRIP, demande, en tant que tiers- victime réparation à la société CFD de son préjudice allégué, consistant en l’absence de rémunération perçue pendant la première année d’existence de la société BOOKTRIP.
Ainsi est née la présente instance.
LA PROCEDURE
Par acte d’huissier en date du 23 juin 2020, délivré par dépôt en l’étude, M. X. a assigné la société CFD devant le Tribunal de céans, lui demandant de :
Vu l’article 1240 du Code civil,
– Dire et juger que la société CFD, par ses inexécutions contractuelles dans le développement du logiciel devant être fourni à la société BOOKTRIP a causé un préjudice au dirigeant de cette dernière, engageant sa responsabilité extra contractuelle vis-à-vis de ce dernier.
– Dire et juger que le préjudice subi par ce tiers au contrat (M. X.) est consécutif de la perte de rémunération qu’il aurait du toucher la première année.
En conséquence,
– Condamner la société CFD TECHNOLOGIES à payer et porter à M. X. la somme de 36.000,00€ au titre de dommages et intérêts.
– Condamner la même à la somme de 3 000,00€ en application de !’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.
Appelée à l’audience collégiale du 7 juillet 2020, à laquelle les parties ont comparu, l’affaire a fait l’objet de renvois.
Puis la mise en état s’est poursuivie, les parties échangeant leurs écritures.
A l’audience du 26 janvier 2021, la société CFD a déposé des » Conclusions n°2″, demandant au Tribunal de :
Vu les articles 1240 et suivants du Code civil,
Vu l’article 32-1 du Code de procédure civile,
A titre principal,
– Débouter M. X. de !’·intégralité de ses demandes en ce qu’il est irrecevable, et à tout le moins mal fondé, à engager la responsabilité extracontractuelle de CFD TECHNOLOGIES en l’absence de toute preuve d’une quelconque faute de cette dernière.
A titre subsidiaire,
– Débouter M. X. de l’intégralité de ses demandes en ce qu’il est irrecevable et à tout au moins mal fondé en ses demandes dans la mesure où il ne justifie pas avoir subi un dommage personnel et distinct de celui de la société BOOKTRIPER.
A titre infiniment subsidiaire,
– Débouter M. X. de l’intégralité de sa demande financière qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.
A titre reconventionnel,
-Condamner M. X. à payer à CFD TECHNOLOGIES une somme de 10.000,00€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
En tout état de cause,
– Condamner M. X. à payer à CFD TECHNOLOGIES une somme de 5 000,00€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Condamner M. X. aux entiers dépens de l’instance :
A l’audience collégiale du 16 mars 2021, M. X., l’affaire a été envoyée à l’audience d’un juge chargé de l’instruire, fixée au 4 mai 2021 pour audition des parties.
A son audience du 4 mai 2021, le juge chargé d’instruire l’affaire a entendu les parties en leur plaidoiries, puis il a clos les débats, mis le jugement en délibéré et dit qu’il serait prononcé le 6 juillet 2021 par mise à disposition au greffe de ce Tribunal.
LES MOYENS DES PARTIES
M. X. expose que :
La société BOOKTRIP dont il est le dirigeant est spécialisée dans un concept innovant de séjours touristiques intégrant l’hébergement commercialisé et les activités de loisirs proposées sur place. Ladite société a conclu en date du 24 octobre 2017, dans le cadre de sa création, un contrat de prestation informatique avec la société CFD ;
Ce contrat a défini les obligations respectives des parties, notamment celles du prestataire informatique en charge de créer un progiciel et un algorithme répondant au cahier des charges de la société BOOKTRIP.
Dans le cadre de la création de la société BOOKTRIP il a dû souscrire plusieurs engagements et cautions bancaires garantissant les crédits souscrits.
Un calendrier d’exécution impératif avait été défini, le concept innovant étant susceptible d’être capté par d’autres startups concurrentes. La société CFD ne l’a pas tenu, alors que la société BOOKTRIP avait déjà noué des partenariats commerciaux avec des sociétés de renom intéressées par ce concept telle la société MUSEMENT, laquelle était susceptible de la racheter à un prix important.
Le progiciel, non seulement n’a pas pu être développé dans les délais, mais il s’est révélé in fine inexploitable, affecté de vices importants dans son architecture-même nécessitant sa refonte.
La société BOOKTRIP ayant dû faire appel une autre société pour créer un nouveau logiciel, elle a engagé la responsabilité contractuelle de la société CFD sur la base du rapport d’expertise de la société WEBQAM versé aux débats. Un accord amiable est intervenu incluant une clause de confidentialité.
Au visa des articles 1199, 2044, 2048, 2049 et 2051 du Code civil, la responsabilité quasi délictuelle de la société CFD est engagée vis-à-vis des tiers -victimes de l’inexécution du contrat,
Ceci implique qu’une réparation lui est due, ayant subi un préjudice distinct subi par la société
BOOKTRIP par sa perte de rémunération de dirigeant
Le protocole transactionnel a été signé entre deux personnes morales à l’exclusion de toute personne physique, en l’espèce lui-même, qui n’est pas partie à ce protocole.
N’étant intervenu qu’en sa seule qualité de représentant de la personne morale, il doit être réputé tiers à la convention, laquelle ne peut lui être opposée, notamment au titre de l’article 6 du protocole (Pièce n°1 page 4).
La lecture du texte de la transaction versé aux débats par la société CFD malgré la clause de confidentialité, montre qu’il n’a pas transigé directement pour son compte, le principe d’autonomie de la personne morale faisant obstacle à ce qu’il puisse être assimilé au contractant lui-même.
Cette transaction à laquelle il n’est pas partie, ne peut lui être opposée au regard de l’article 1199 du Code civil.
En tout état de cause, elle (pièce n°19 page 2) ne stipule pas que la société BOOKTRIP devrait faire renoncer son dirigeant social au préjudice qu’il pourrait invoquer à titre personnel.
Au contraire, cette convention mettant fin au différend entre les sociétés BOOKTRIP et CFD, n’empêche pas les tiers de faire valoir leurs droits.
Les courriers échangés entre avocats préalablement à la signature de la transaction qui ainsi qu’expressément précisé relèvent du secret professionnel (pièce adverse n°13 page 1) ne sauraient être utilisés pour interpréter la transaction en sa défaveur.
Le document « Synthèse des préjudices » versé aux débats ne démontre en rien une quelconque renonciation de sa part à engager une action à titre personnel. Les salaires qui y sont mentionnés par la société BOOKTRIP (pièce adverse n°13 page 6) sont ceux qu’elle lui a payés en tant que développeur, et n’incluent pas sa rémunération au titre de son mandat de dirigeant social étranger à des fonctions techniques de développement informatique.
En conséquence, son action est recevable et ne contrevient pas à la transaction du 3 avril 2019
La jurisprudence permet au tiers-victime d’un préjudice lié à l’exécution défectueuse d’un contrat d’invoquer cette inexécution pour établir la responsabilité quasi-délictuelle du contractant.
Alors que l’activité de BOOKTRIP promettait une croissance exponentielle à l’instar de sites similaires dédiés au tourisme, les difficultés de la société ont induit une perte de sa rémunération de dirigeant envisagée dans le pacte d’associé,
Ces difficultés sont dues à la défaillance contractuelle de la société CFD vis-à-vis de la société
BOOKTRIP.
Il est privé de salaire et se trouve dans une impasse financière, ne percevant plus que de très faibles revenus (pièce n°3) et se retrouvant en situation de surendettement (pièce n°14).
La société CFD était tenue d’une obligation de résultat, et elle y a failli.
Le rapport détaillé de la société WEBQAM montre que c’est la trop grande complexité de l’architecture du logiciel créé par la société CFD qui est à l’origine des dysfonctionnements, celle-ci n’ayant pas pu intégrer dans les codes source, les paramètres et les critères indispensables à l’exploitation par l’utilisateur du site, générant des bugs et des blocages de nature à décourager les touristes se rendant sur la plateforme de BOOKTRIP.
Bien qu’elle ait signé la transaction, admettant ainsi l’inexécution de ses obligations, la société CFD conteste à présent sa responsabilité, alléguant qu’elle n’était pas tenue d’une obligation de résultat, et qu’elle n’aurait indemnisé la société BOOKTRIP qu’à titre purement commercial, hors toute reconnaissance de faute.
Cependant, force est de constater que la police RC souscrite par la société CFD auprès de la compagnie AXA (pièce n°5), a bien été mobilisée au titre de la RC couvrant » les dommages immatériels résultant d’un retard dans l’exécution de la prestation ayant pour origine une erreur dans l’exécution de la prestation. » (Pièce n°5 page 7).
Et, en application de ce contrat, la compagnie AXA a indemnisé le tiers -victime, au titre d’une déclaration de sinistre en date du 13 septembre 2018 à concurrence du montant de la transaction (53.000,00€) (pièce n°20)
En conséquence, le Tribunal retiendra la responsabilité extra contractuelle de la société CFD à son endroit.
La recevabilité de l’action en responsabilité engagée par un associé à l’encontre d’un cocontractant de la société est subordonnée à la justification d’un préjudice personnel et distinct de celui subi par la société elle-même. A ce titre, la perte de rémunérations qu’aurait pu percevoir à l’avenir le dirigeant social constitue un préjudice personnel.
Or le pacte d’associé signé à l’occasion de la création de la société BOOKTRIP prévoyait une rémunération du dirigeant à concurrence de 150.000,00€ par an, à charge de l’augmenter en fonction du résultat avec l’accord uniquement unanime des associés. (Pièce n°16).
Le prévisionnel, quant à lui, prévoyait une augmentation exponentielle des charges de personnel,
passant de 96.714,00€ dans l’année N à 1.328.762,00€ à l’année N+5.
Bien que le retard dans la mise en œuvre du site internet du fait de la société CFD soit particulièrement préjudiciable au regard de l’avance qui aurait pu être prise par rapport à la concurrence, il n’imputera toutefois à la société CFD les conséquences de ses manquements que sur les deux premiers exercices de la société BOOKTRIP.
Il ressort du prévisionnel que, la société BOOKTRIP devait dégager dès la 2e année des résultats bénéficiaires, tout en augmentant la masse salariale y compris sa rémunération. Il était prévu qu’en tant que dirigeant, fortement impliqué dans la création du projet il devait percevoir dès la première année une rémunération de 3.000,00€ par mois, ce qui induit une perte de et salaire, à s’en tenir qu’à la seule période du début d’exploitation, de 36.000,00€.
Ses autres préjudices personnels consistent dans le fait qu’il ensuite été obligé d’accepter de diluer sa participation dans le capital social par les apports de la société SARGAS INVEST (pièce na°18) et de la société DIVISION 70 (pièce n°17), ainsi que le fait de devoir sans doute être appelé par sa banque à honorer son engagement de caution et débourser une somme de 35.000,00€, celle-ci redoutant que la société BOOKTRIP ne puisse survivre à ces avatars.
La société BOOKTRIP a par la suite, dû faire table rase des matrices fournies par la société CFD et s’adresser à un autre prestataire, qui a été agréé par le Ministère de l’économie, ce qui a permis l’obtention d’un crédit d’impôt innovation, démontrant ainsi la viabilité de la société BOOKTRIP dès lors qu’il peut disposer d’un logiciel permettant d’assurer le fonctionnement de sa plateforme de réservation et démontrant a posteriori il préjudice causé par les manquements de la société CFD.
Pour l’heure, la société BOOKTRIP n’est pas en procédure collective, mais incapable de servir quelque rémunération que ce soit à son dirigeant, compte tenu des charges à assumer pour faire repartir son activité dans l’attente du nouveau logiciel, lequel représentera également un coût.
En conséquence, il demande au Tribunal, de condamner la société CFD à lui payer la somme de 36.000,00€, au titre de la perte de rémunération sur une période limitée à un an, correspondant au différé imputable à la société CFD dans le départ d’activité de la société BOOKTRIP, somme à parfaire et compléter le cas échéant, en cas de redressement ou de liquidation de la société BOOKTRIP impliquant la mobilisation des cautions (35.000,00€) qu’il a souscrites auprès du CIC. M. X. verse 16 pièces aux débats, dont :
– Convention de sous-traitance (contrat de prestation informatique)
– Conditions particulières assurance CFO (AAA)
– Contrat de partenariat avec MUSEMENT
– Audit de site par la société WEBQAM
– Compte de résultat prévisionnel
– Pacte d’associe
La société CFD répond que :
La société BOOKTRIP lui a confié la conception et la réalisation de son site Internet par contrat le
24 octobre 2017.
Au cours de la réalisation du projet, des tensions sont apparues avec la société BOOKTRIP en raison du décalage du projet causé par cette dernière qui avait fait évoluer ses besoins.
Les dysfonctionnements et incomplétudes allégués par M. X., résultent en réalité des problèmes d’utilisation et/ou des demandes d’évolution dont la société BOOKTRIP refusait d’assumer les conséquences financières.
Dans leur dernier échange, la société BOOKTRIP demandait réparation d’un préjudice allégué de l’ordre de 600.000,00€, tandis qu’elle-même lui demandait de lui payer la somme de 49.950,00€ HT au titre de prestations réalisées.
Afin d’éviter une dérive judiciaire, elles sont parvenues à un accord transactionnel au mois d’avril 2019, et ce sans aucune reconnaissance de responsabilité de part et d’autre.
La transaction a été exécutée mettant ainsi un terme définitif au différend.
La Cour de cassation autorisant la production en justice d’un acte comportant une clause de confidentialité lorsque celle-ci est nécessaire pour assurer la défense de ses intérêts, elle est parfaitement fondée à produire aux débats la transaction et les documents y afférents.
Le contrat de sous-traitance conclu entre les parties ne porte aucunement sur la fourniture « clé en main » d’un site Internet ; elle n’était donc soumise qu’à une obligation de moyens.
L’article 10 du contrat versé au débats prévoyait expressément que le respect de ses obligations dépendait directement du respect par la société BOOKTRIP de ses propres obligations contractuelles, notamment de son obligation de collaboration.
Elle n’a nullement reconnu avoir engagé sa responsabilité. C’est uniquement afin d’éviter les coûts,
la durée et les aléas d’une dérive judiciaire qu’elle a accepté de signer une transaction, et ce d’autant qu’une expertise judiciaire aurait probablement été ordonnée en cas de procédure judiciaire. Elle a d’ailleurs communiqué dans le cadre des discussions amiables une note technique établie par le Cabinet GM Consultant démontrant que les griefs allégués par la société BOOKTRIP à son encontre n’étaient aucunement justifiés
M. X. n’apporte aucunement la preuve qu’elle aurait commis une quelconque faute susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.
D’ailleurs, aux termes du protocole transactionnel, la société BOOKTRIP a définitivement renoncé à engager sa responsabilité contractuelle.
Dans la mesure où la preuve n’est pas rapportée qu’elle aurait engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la société BOOKTRIP, elle n’a, par voie de conséquence, pas pu engager sa responsabilité extracontractuelle à l’égard de M. X.
La société BOOKTRIP ayant formellement renoncé à mettre en cause sa responsabilité aux termes du protocole transactionnel du mois d’avri12019, aucune faute contractuelle de sa part ne peut être retenue à l’égard de ladite société.
Dès lors, aucune faute extracontractuelle de sa part ne peut être retenue à l’égard de M. X.
Si M. X. considère que la transaction signée par la société BOOKTRIP, aux termes de laquelle la société BOOKTRIP renonce à mettre en cause sa responsabilité, porte atteinte à ses intérêts, il lui appartiendrait de mettre en cause la responsabilité du dirigeant de BOOKTRIP pour faute de gestion, lequel n’est autre que M. X. lui-même.
L’instance que M. X. a initiée à son encontre après avoir formellement validé et signé la transaction en sa qualité de représentant légal de BOOKTRIP est manifestement déloyale et de mauvaise foi.
En conséquence, elle sollicite le débouté de M. X. de l’intégralité de ses demandes en ce qu’il est irrecevable, et à tout le moins mal fondé, à engager sa responsabilité extracontractuelle en l’absence de toute preuve d’une quelconque faute de sa part.
A titre subsidiaire, M. X. ne justifie pas avoir subi un préjudice personnel et distinct de celui de la société BOOKTRIP.
Comme l’indique M. X., lui-même, dans ses écritures, la recevabilité de son action extracontractuelle à son encontre est conditionnée par sa capacité à rapporter la preuve d’avoir subi un préjudice personnel et distinct de celui de la société BOOKTRIP.
M. X. a personnellement signé la transaction intervenue avec elle le 16 avril 2019 (sa pièce 12), et parmi les postes de préjudices allégués par la société BOOKTRIP, figuraient une perte de salaires et divers gains manqués (Pièce na13). Dès lors, la perte de chance de percevoir un salaire d’un montant de 36.000,00€ allégué par M. X. entrait indiscutablement dans l’assiette de l’indemnité transactionnelle qui a mis un terme définitif au litige.
En outre, les gains manqués qui entraient dans l’assiette de l’indemnisation de BOOKTRIP, devaient notamment permettre de rémunérer M. X..
D’ailleurs, il n’est pas exclu que tout ou partie de l’indemnité transactionnelle d’un montant de 55.000,00€ qu’elle a versée à la société BOOKTRIP ait été reversée à M. X..
En conséquence, elle sollicite le débouté de M. X. de l’intégralité de ses demandes en ce qu’il ne justifie pas avoir subi un préjudice personnel et distinct de celui de la société BOOKTRIP.
A titre infiniment subsidiaire, M. X. ne justifie ni du principe, ni du montant de sa demande de dommages et intérêts.
Il allègue avoir perdu une chance de percevoir une rémunération d’un montant de 36.000,00€ en raison des fautes qu’elle aurait commises. Il n’en est rien.
En contrepartie de l’indemnité transactionnelle versée, la société BOOKTRIP s’est déclarée intégralement remplie de ses droits, et a pu poursuivre librement son activité à la suite de la transaction intervenue. Ce sont donc manifestement d’autres facteurs (concurrence, crise sanitaire liée au COVID-19, …) que le différend l’ayant opposé à la société BOOKTRIP, qui sont à l’origine de l’échec commercial du développement de l’activité de cette dernière.
Indépendamment du différend les ayant opposées, la société BOOKTRIP a poursuivi son activité grâce aux prestations qu’elle avait fournies.
Le site Internet de la société BOOKTRIP demeure accessible à l’adresse https://booktripagefr/ sans
rencontrer un quelconque succès commercial.
M. X. se borne à affirmer de manière péremptoire qu’il aurait perdu une chance de percevoir une somme mensuelle de 3.000,00€ sur 12 mois du fait du différend de BOOKTRIP avec elle.
Il ne produit aucune pièce qui justifierait sa demande à hauteur de la somme de 36.000,00€, ne dispose d’aucune fiche de paie de la société BOOKTRIP et ne justifie pas davantage d’un salaire qui ne lui aurait plus été versé par son employeur du fait du litige
Il est incapable de rapporter la preuve que la société BOOKTRIP lui ait déjà versé une quelconque rémunération.
En conséquence, elle sollicite le débouté de M. X. de l’intégralité de sa demande financière qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.
La procédure initiée par M. X. à son encontre est manifestement abusive.
En effet, elle a payé une importante indemnité transactionnelle d’un montant de 55.000,00€ à la société BOOKTRIP, dans l’unique but de mettre un terme définitif au litige et sans aucune reconnaissance de responsabilité de sa part. Il n’est dès lors pas acceptable que M. X. ait engagé une nouvelle procédure à son encontre alors qu’il a, lui-même, signé la transaction.
Si M. X. considérait que la transaction ne permettait pas de mettre un terme définitif au litige, la loyauté aurait dû le conduire à l’en informer. La déloyauté dont il a fait preuve est fautive.
En conséquence, elle sollicite au titre de l’article 32-1 du Code de procédure civile la condamnation de M. X. à lui payer une somme de 10.000,00€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
La société CFD verse 20 pièces aux débats, dont :
– Cahier des charges juin : 2017
– Convention de sous-traitance signée le 24 octobre 2017
– Transaction signée par les deux parties
– Détail du préjudice subi par la société BOOKTRIP au 17 décembre 2018
DISCUSSION
Sur la demande principale
Attendu que M. X. demande au Tribunal de condamner la société CFD à lui payer la somme de 36 000,00€ au titre de dommages et intérêts pour son préjudice consistant en l’absence de rémunérations qu’il aurait dû percevoir de la société BOOKTRIP pendant sa première année d’exploitation.
Attendu que la société CFD s’y oppose, aux motifs que M. X. serait irrecevable et à tout le moins mal fondé à engager sa responsabilité extracontractuelle, que M. X. ne justifierait pas avoir subi un préjudice personnel et distinct de celui de la société BOOKTRIP et que M. X. ne justifierait pas sa demande de dommages et intérêts
Attendu qu’en conséquence des dispositions de l’article 1240 du Code civil, les trois conditions impératives à réunir pour constituer un préjudice sont :
– qu’il soit démontré un dommage subi par la demanderesse
– qu’il soit démontré une faute, commise par la défenderesse
– qu’il soit démontré un lien direct et certain de causalité entre la faute et le dommage.
Sur le dommage
Attendu que M. X. soutient que son dommage consisterait à ne pas avoir perçu une rémunération de 36.000,00€ pendant la première année d’activité de la société BOOKTRIP.
Mais attendu que M. X. ne verse aucun élément aux débats qui ne démontrerait que le principe de cette rémunération à verser par la société BOOKTRIP ait été convenu, ni son montant.
En conséquence, M. X. ne démontre pas son dommage allégué.
Sur la faute
Attendu que la société BOOKTRIP allègue que les retards d’exécution du logiciel commandé seraient imputables à des manquements techniques de la société CFD, mais sans le démontrer.
Attendu que la société CFD oppose que ces retards seraient imputables à des revirements dans les attentes de la société BOOKTRIP et à l’absence de l’implication convenue de cette dernière dans le projet, mais sans le démontrer.
Attendu que la transaction intervenue entre les sociétés BOOKTRIP et CFD ne constitue pas ipso facto une preuve suffisante que la société CFD aurait commis une faute à l’égard de la société BOOKTRIP.
Attendu, en conséquence, que les débats n’ont pas permis d’établir les responsabilités respectives des parties dans ce retard, et donc la faute de la société CFD.
Sur le lien de causalité
Attendu que la cause directe du dommage allégué consistant en l’absence des rémunérations dont M. X. soutient qu’elles auraient dû lui être versées par la société BOOKTRIP, est à chercher dans les décisions de gestion de la société BOOKTRIP.
Attendu qu’il découle de l’accord de la société BOOKTRIP à la transaction survenue que cette dernière considère que les 55.000,00€ versés par la société CFD la satisfont en tant que réparation du dommage allégué.
Attendu que M. X. ne démontre pas que la cause ayant conduit la société BOOKTRIP à ne pas lui verser les rémunérations de 36.000,00€ alléguées convenues serait à chercher dans le retard du développement du logiciel, donc dans les manquements allégués de la société CFD envers la société BOOKTRIP, et non pas en raison d’autres éléments dans l’exploitation et la gestion de la société BOOKTRIP.
En conséquence de ce qui précède, M. X. ne démontrant ni son dommage, ni la faute, ni le lien de causalité le Tribunal le déboutera de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
Attendu que la société CFD demande la condamnation de M. X. à lui payer une somme de 10.000,00€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.
Mais attendu que la société CFD ne démontre pas que M. X. n’aurait pas simplement cherché à défendre ce qu’il estimait être ses droits.
En conséquence, la société CFD ne démontrant pas que la procédure de M. X. serait abusive et vexatoire, le Tribunal la déboutera de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l’article 700 du CPC
Attendu que pour faire reconnaître ses droits, la société CFD a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera M. X. à lui payer une somme de 1.200,00€ au titre de l’article 700 du CPC, déboutera la société CFD du surplus de sa demande et déboutera M. X. de sa demande formée de ce chef
Sur les dépens
Attendu que M. X. succombe, les dépens seront mis à sa charge.
DECISION
Le Tribunal, statuant par un jugement contradictoire en premier ressort,
Déboute M. X. de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute la société CFD TECHNOLOGIES de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. X. à payer à la société CFD TECHNOLOGIES la somme de 1.200,00 euros au titre de l’article 700 du CPC, déboute la société CFD TECHNOLOGIES du surplus de sa demande et déboute M. X. de sa demande formée de ce chef.
Condamne la partie défenderesse aux dépens.
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