L’Essentiel : Le 15 novembre 2022, l’URSSAF PACA a signalé un travail dissimulé d’un sous-traitant, entraînant une demande de paiement de 27 454 € de cotisations et 10 982 € de majorations. Le 6 mars 2023, une mise en demeure de 42 871 € a été notifiée à la société, qui a contesté cette décision. Après le rejet de son recours par la commission de recours amiable, la société a saisi le tribunal judiciaire de Marseille le 29 novembre 2023. Lors de l’audience, des préoccupations ont été soulevées concernant l’accès au procès-verbal de travail dissimulé, entraînant la réouverture des débats pour le 6 février 2025.
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Contexte de l’affaireLe 15 novembre 2022, l’URSSAF PACA a adressé une lettre d’observations à la société [4] concernant une situation de travail dissimulé d’un sous-traitant. Cette situation a conduit à une demande de paiement de cotisations et de majorations de redressement s’élevant à 27 454 € et 10 982 € respectivement, pour des périodes allant de juin 2017 à décembre 2018. Mise en demeure et contestationLe 6 mars 2023, l’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure pour le paiement total de 42 871 €, incluant les cotisations et les majorations de retard. En réponse, la société a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable, qui a rejeté le recours le 27 septembre 2023, confirmant ainsi le redressement. Saisine du tribunalLe 29 novembre 2023, la société [4] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille pour contester la décision de la commission de recours amiable. L’affaire a été programmée pour une audience le 12 septembre 2024, où la société a formulé plusieurs demandes, notamment l’annulation de la mise en demeure et la production d’informations par l’URSSAF. Arguments des partiesLors de l’audience, la société [4] a demandé l’annulation de la mise en demeure et a contesté le montant des cotisations et des majorations. De son côté, l’URSSAF a demandé le rejet des demandes de la société et la confirmation de la mise en demeure, ainsi que le paiement des sommes dues. Motifs de la décisionLa société [4] a soulevé des préoccupations concernant la transmission restreinte du procès-verbal de travail dissimulé. L’URSSAF a rappelé son obligation de produire ce document en cas de contestation. Le tribunal a noté que le principe de la contradiction n’avait pas été respecté, car la société n’avait pas eu accès au procès-verbal. Réouverture des débatsEn conséquence, le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour le 6 février 2025, avec des instructions précises concernant la communication du procès-verbal à la société [4] et le calendrier pour les observations des parties. Les autres demandes ont été réservées pour une décision ultérieure. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du donneur d’ordre en matière de travail dissimulé selon le Code du travail ?L’article L. 8222-2 du Code du travail impose au donneur d’ordre une obligation de vigilance. Il doit s’assurer que ses cocontractants respectent leurs obligations en matière de travail dissimulé. Cette obligation est précisée par l’article L. 8222-3, qui énonce que le donneur d’ordre doit vérifier que son cocontractant est en règle concernant le paiement des cotisations sociales. En cas de manquement à cette obligation, si un procès-verbal est établi à l’encontre du cocontractant pour travail dissimulé, le donneur d’ordre est tenu solidairement au paiement des sommes dues, conformément à l’article L. 8222-1. Il est important de noter que, selon la décision n°2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions, à condition qu’elles n’interdisent pas au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des sommes dues. Quelles sont les implications de la décision de la Cour de cassation concernant la production du procès-verbal de travail dissimulé ?La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 avril 2023 (2e Civ., pourvoi n°21-17.173), a précisé que l’organisme de recouvrement, en l’occurrence l’URSSAF, est tenu de produire le procès-verbal de travail dissimulé devant la juridiction de sécurité sociale si le donneur d’ordre conteste son existence ou son contenu. Cela signifie que même si la mise en œuvre de la solidarité financière n’est pas subordonnée à la communication préalable de ce document, l’URSSAF doit le fournir en cas de contestation. Cette obligation vise à garantir le respect du principe de la contradiction, qui est fondamental dans le cadre des procédures judiciaires. Ainsi, le donneur d’ordre a le droit de connaître les éléments sur lesquels se fonde la demande de recouvrement, ce qui lui permet de se défendre efficacement. Comment le principe de la contradiction est-il appliqué dans le cadre de cette affaire ?L’article 16 du Code de procédure civile stipule que le juge doit faire respecter le principe de la contradiction. Cela signifie qu’il ne peut retenir dans sa décision que les moyens et documents qui ont été débattus contradictoirement par les parties. Dans le cas présent, la société [4] a contesté l’existence et le contenu du procès-verbal de travail dissimulé. Cependant, l’URSSAF n’a pas communiqué ce document à la société, ce qui a empêché cette dernière de formuler des observations à son sujet. Par conséquent, le tribunal a conclu que le principe de la contradiction n’avait pas été respecté, justifiant ainsi la réouverture des débats. Cette décision vise à garantir que toutes les parties aient la possibilité de présenter leurs arguments et de contester les éléments de preuve présentés contre elles. Quelles sont les conséquences de la réouverture des débats ordonnée par le tribunal ?Le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour permettre à la société [4] de prendre connaissance du procès-verbal de travail dissimulé et de formuler ses observations. Cette réouverture est conforme à l’article 444 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’ordonner une telle mesure lorsque le respect du principe de la contradiction n’a pas été observé. Le calendrier établi par le tribunal prévoit plusieurs étapes : – Transmission du procès-verbal à la société [4] avant le 29 novembre 2024. Cette procédure vise à garantir un débat équitable et à permettre au tribunal de rendre une décision éclairée sur les demandes des parties. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/04468 du 19 Novembre 2024
Numéro de recours: N° RG 23/05045 – N° Portalis DBW3-W-B7H-4IAI
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [4]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Me Pierre BRUNO, membre du cabinet B&M ASSOCIÉS, avocats au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDEUR
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 7]
[Localité 3]
représenté par madame [I] [O], inspectrice juridique munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 12 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente
Assesseurs : DEODATI Corinne
BUILLES Jacques
Greffier : DALAYRAC Didier,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2024
NATURE DU JUGEMENT contradictoire insusceptible de recours
Le 15 novembre 2022, les inspecteurs du recouvrement de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (l’URSSAF) PACA ont adressé une lettre d’observations à la société [4] mettant en œuvre la solidarité financière du donneur d’ordre suite au constat d’une situation de travail dissimulé d’un sous-traitant, pour un montant de 27 454 € de cotisations et 10 982 € de majorations de redressement concernant les périodes relatives aux interventions de la SASU [6] effectuées pour son compte entre le 14 juin 2017 et le 31 décembre 2018.
L’URSSAF a notifié à la société une mise en demeure datée du 06 mars 2023, tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d’observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant total de 42 871 €.
Par courrier du 25 avril 2023, la société a contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable, laquelle a – par décision explicite du 27 septembre 2023 – rejeté le recours et confirmé le redressement.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception reçu le 29 novembre 2023, la société [4] a – par l’intermédiaire de son avocat – saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contester cette décision.
L’affaire a été retenue à l’audience du 12 septembre 2024.
Par voie de conclusions soutenues oralement à l’audience, la société [4] demande au tribunal de :
la dire fondée à contester la mise en demeure datée du 06 mars 2023 s’agissant du recouvrement de pénalités et majorations de retard en lien avec des cotisations et contributions contestées, pour un montant de 42 871 € sur les périodes 2017 et 2018 ; annuler purement et simplement ladite mise en demeure ; enjoindre à l’URSSAF de produire des informations relatives aux sommes effectivement dues par [6], notamment de justifier du procès-verbal de contrôle, des sommes dues, des suites pénales et des sommes effectivement recouvrées à ce jour ; à défaut de production de ces éléments, débouter l’URSSAF de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Par voie de conclusions soutenues oralement par un inspecteur juridique, l’URSSAF PACA demande au tribunal de :
débouter la société [4] de ses demandes ; confirmer le bien-fondé de la décision de la commission de recours amiable du 27 septembre 2023 et de la mise en demeure du 06 mars 2023 ; condamner la société [4] à lui payer la somme de 42 871 €, soit 27 454 € en cotisations, 10 981 € en majorations de redressement et 4 436 € en majorations de retard due au titre de la mise en demeure du 06 mars 2023 ; condamner la SAS [4] à lui régler la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; s’opposer à toute autre demande.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions déposées par la partie présente à l’audience, reprenant l’exposé complet de ses moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 19 novembre 2024.
La société [4] déplore la transmission restreinte qu’a faite l’URSSAF du procès-verbal de travail dissimulé établi à l’encontre de la société [6].
L’URSSAF, quant à elle, rappelle que la cour de cassation considère qu’en cas de contestation par le donneur d’ordre de l’existence ou du contenu de ce document, l’organisme de recouvrement est tenu de produire ce document devant la juridiction de sécurité sociale, ce qu’elle a fait en l’occurrence.
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L’article L. 8222-2 du code du travail met à la charge du donneur d’ordre une obligation de vigilance qui l’oblige à s’assurer que ses cocontractants respectent leurs obligations en matière de travail dissimulé, telles que prévues à l’article L. 8222-3 dudit code. A défaut, si un procès-verbal est établi à l’encontre du cocontractant sur ce fondement, le donneur d’ordre est tenu solidairement au paiement des sommes énoncées à l’article L. 8222-1 du même code.
Par une décision n°2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le conseil constitutionnel a déclaré conforme à la constitution les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 8222-2 précité, sous réserve qu’elles n’interdisent pas au donneur d’ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l’exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.
Il en résulte que si la mise en œuvre de la solidarité financière du donneur d’ordre n’est pas subordonnée à la communication à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé établi à l’encontre de son cocontractant, l’organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation, par le donneur d’ordre, de l’existence ou du contenu de celui-ci (2e Civ., 6 avril 2023, pourvoi n°21-17.173).
L’article 16 du code de procédure civile prévoit que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».
Enfin, en application de l’article 444 du code de procédure civile, le juge peut ordonner la réouverture des débats.
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En l’espèce, il est constant que la société conteste l’existence ou le contenu du procès-verbal établi à l’encontre de la société [6] évoqué dans la lettre d’observations du 15 novembre 2023.
L’URSSAF est donc tenue de communiquer le procès-verbal de travail dissimulé à la juridiction, ce qu’elle a fait en adressant au président du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille – par courrier reçu le 07 mai 2024 – le procès-verbal établi à l’encontre de la société [6] relevant l’infraction de travail dissimulé pour la période du 18 avril 2017 au 31 mai 2021.
Le procès-verbal n’ayant pas été communiqué par la juridiction à la société [4], cette dernière n’a pas pu formuler des observations sur ce dernier, de sorte que le principe de la contradiction ne peut pas être considéré comme respecté.
Par conséquent, il y a lieu de rouvrir les débats à l’audience du 06 février 2025 à 9 heures à charge pour la juridiction de communiquer le procès-verbal qui lui a été transmis le 07 mai 2024 à la société [4] et de recueillir les observations des deux parties sur ce point selon le calendrier suivant :
transmission du PV à la société [4] par le greffe du pôle social avant le 29 novembre 2024 ;observations de la société [4] sur ce point avant le 20 décembre 2024 ;éventuelles observations de l’URSSAF en réplique avant le 23 janvier 2025 ; fin des échanges le 30 janvier 2025.
Les autres demandes seront réservées.
Le tribunal, par jugement contradictoire insusceptible de recours,
ORDONNE la réouverture des débats à l’audience du 06 février 2025 à 9 heures à charge pour la juridiction de communiquer le procès-verbal qui lui a été transmis le 07 mai 2024 à la société [4] et de recueillir les observations des deux parties sur ce point selon le calendrier suivant :
transmission du PV à la société [4] par le greffe du pôle social avant le 29 novembre 2024 ;observations de la société [4] sur ce point avant le 20 décembre 2024 ;éventuelles observations de l’URSSAF en réplique avant le 23 janvier 2025 ; fin des échanges le 30 janvier 2025.
DIT que la notification de la présente vaut convocation ;
RESERVE les autres demandes.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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