Transmission des éléments médicaux et expertise : enjeux de la contestation des prestations en matière d’accident du travail.

·

·

Transmission des éléments médicaux et expertise : enjeux de la contestation des prestations en matière d’accident du travail.

L’Essentiel : Le 30 mai 2023, M. [C], agent de propreté, a subi un accident du travail lors d’un décapage avec une monobrosse, entraînant une hernie ombilicale. La caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan a pris en charge l’accident, mais la société [9] a contesté la durée des arrêts de travail, saisissant le tribunal de Nanterre. Les parties ont convenu d’une procédure sans audience, et le tribunal a ordonné une consultation médicale pour évaluer les lésions et la durée des arrêts. La caisse a été chargée de transmettre les documents médicaux à l’expert désigné.

Contexte de l’accident

La société [9] a déclaré un accident du travail survenu le 30 mai 2023, impliquant M. [G] [C], agent de propreté. L’accident s’est produit lors d’un décapage avec une monobrosse, où M. [C] a ressenti une douleur au ventre. Un certificat médical a été établi le même jour, indiquant une hernie ombilicale.

Prise en charge par l’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan a pris en charge l’accident déclaré, par une décision datée du 23 juin 2023. En revanche, la société a contesté la durée des arrêts de travail et des soins, saisissant la commission médicale de recours amiable le 8 décembre 2023. Faute de réponse dans le délai imparti, elle a porté l’affaire devant le tribunal judicaire de Nanterre le 4 juin 2024.

Accord pour une procédure sans audience

Les parties ont convenu, par courriels des 8 août et 3 septembre 2024, de procéder sans audience, conformément à l’article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale. La SAS [10], représentant la société [9], a formulé plusieurs demandes au tribunal, notamment la transmission des éléments médicaux à son médecin conseil et la désignation d’un expert.

Réponse de la caisse primaire d’assurance maladie

En réponse, la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan a demandé le rejet des demandes de la société, affirmant que les prestations prescrites à M. [C] étaient opposables. Elle a également proposé une expertise médicale judiciaire si nécessaire, pour examiner la durée des arrêts de travail.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la société avait demandé la transmission des éléments médicaux, tandis que la caisse affirmait avoir déjà transmis les documents nécessaires. Il a noté que la commission médicale avait implicitement rejeté la demande de la société, privant ainsi l’employeur d’un examen médical indépendant.

Ordonnance de consultation médicale

Le tribunal a ordonné une consultation médicale, désignant le Dr [D] [H] pour examiner le dossier de M. [C]. L’expert devra déterminer les lésions causées par l’accident, la durée des arrêts de travail, et évaluer si l’accident a aggravé un état pathologique antérieur.

Transmission des documents médicaux

Le tribunal a également ordonné à la caisse de transmettre tous les éléments médicaux à l’expert et au médecin conseil de la société dans un délai de 15 jours. L’expert devra remettre un rapport écrit dans un délai de deux mois, et le tribunal a réservé les dépens en attendant le rapport.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure à suivre en cas de contestation des décisions médicales relatives à un accident du travail ?

La procédure à suivre en cas de contestation des décisions médicales relatives à un accident du travail est régie par les articles R. 142-8 et R. 142-8-1 du Code de la sécurité sociale.

Ces articles stipulent que les contestations d’ordre médical doivent être soumises à une commission médicale de recours amiable. Cette commission est composée de deux médecins désignés par le responsable du service médical territorialement compétent.

L’article R. 142-8 précise que :

« Les contestations formées dans les matières mentionnées au 1° de l’article L. 142-1, en ce qui concerne les contestations d’ordre médical, sont soumises à une commission médicale de recours amiable. »

De plus, l’article R. 142-8-1 indique que :

« La commission est composée d’un médecin figurant sur les listes dressées en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et d’un praticien-conseil. »

Ainsi, en cas de contestation, l’employeur doit d’abord saisir cette commission avant de pouvoir porter l’affaire devant le tribunal.

Il est important de noter que si la commission ne répond pas dans le délai imparti, l’employeur peut alors saisir le tribunal compétent, comme cela a été fait dans l’affaire en question.

Quels sont les droits de l’employeur en matière de contestation des arrêts de travail d’un salarié suite à un accident du travail ?

L’employeur a des droits spécifiques en matière de contestation des arrêts de travail d’un salarié suite à un accident du travail, notamment en ce qui concerne l’examen médical du dossier.

L’article L. 142-4 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« L’employeur peut contester les décisions prises par la caisse primaire d’assurance maladie concernant les arrêts de travail. »

En cas de contestation, l’employeur peut demander à la caisse de transmettre les éléments médicaux à son médecin conseil.

Dans le cas présent, la société a demandé la transmission des éléments médicaux à son médecin conseil, ce qui est un droit reconnu par la législation.

Cependant, si la caisse ne fournit pas ces éléments, l’employeur peut demander une expertise médicale, comme le prévoit l’article R. 142-10-5 du Code de la sécurité sociale, qui permet une procédure sans audience.

Il est donc essentiel pour l’employeur de suivre ces procédures pour garantir ses droits et s’assurer que les décisions prises sont justifiées.

Quelles sont les conséquences d’une décision implicite de rejet par la commission médicale de recours amiable ?

La décision implicite de rejet par la commission médicale de recours amiable a des conséquences significatives pour l’employeur.

Selon la jurisprudence, une telle décision prive l’employeur de la possibilité d’obtenir un examen médical du dossier de son salarié par des médecins indépendants.

Cela est en contradiction avec les articles R. 142-8 et R. 142-8-1 du Code de la sécurité sociale, qui prévoient que la commission doit examiner les contestations médicales de manière impartiale.

En conséquence, si la commission ne répond pas, l’employeur peut se retrouver dans une situation où il ne peut pas contester efficacement les décisions prises par la caisse.

Cela a été reconnu dans le jugement, où il a été décidé qu’une consultation médicale aux frais de la CNAMTS était nécessaire pour examiner le dossier de M. [C].

Ainsi, la décision implicite de rejet peut entraîner des retards dans la résolution des litiges et des complications supplémentaires pour l’employeur dans la gestion des arrêts de travail de ses salariés.

Quels sont les délais et modalités de transmission des éléments médicaux dans le cadre d’une expertise médicale ?

Les délais et modalités de transmission des éléments médicaux dans le cadre d’une expertise médicale sont clairement définis par le tribunal.

Dans le jugement, il est ordonné au service médical de la caisse d’adresser, par courriel, l’ensemble des éléments médicaux concernant M. [C] dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la décision.

Cette exigence est conforme aux principes de transparence et de collaboration entre les parties, permettant ainsi à l’expert de disposer de toutes les informations nécessaires pour mener à bien sa mission.

Le tribunal a également précisé que le médecin conseil de la société doit adresser à l’expert et au service médical de la caisse toutes pièces ou avis qu’il jugerait utiles dans les mêmes délais.

Ces dispositions visent à garantir que l’expert puisse examiner le dossier de manière exhaustive et rendre un rapport éclairé sur les questions soulevées, notamment la durée des arrêts de travail et la nature des lésions.

Il est donc crucial pour les parties de respecter ces délais afin d’assurer le bon déroulement de la procédure d’expertise.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
25 Novembre 2024

N° RG 24/01477 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZSPB

N° Minute : 24/00684

AFFAIRE

Société [9]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Société [9]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Ayant pour avocat, Maître Julien LANGLADE, avocat au barreau du Val-de-Marne , vestiaire : P458

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]

***

Vu l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et l’article 828 du code de procédure civile prévoyant une procédure sans audience;

L’affaire a été jugée le 25 Novembre 2024 en vertu d’une procédure sans audience par :

Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente
Jérôme DILLAT, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Karine RENAT, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffière lors du prononcé : Sonia BENTAYEB.

JUGEMENT

Prononcé avant dire droit, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal.

EXPOSE DU LITIGE

La société [9] a établi le 5 juin 2023, une déclaration d’accident du travail concernant l’un de ses salariés, M. [G] [C], exerçant en qualité d’agent de propreté. Il est fait mention d’un accident survenu le 30 mai 2023, dans les circonstances suivantes : Le collaborateur réalisait un décapage avec monobrosse. La victime aurait ressenti une douleur au niveau du ventre lors de l’utilisation de la monobrosse. Un certificat médical initial a été établi le 30 mai 2023, constatant une hernie ombilicale.
Ces éléments ont été transmis à la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan qui a pris en charge l’accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 23 juin 2023. La société a saisi la commission médicale de recours amiable par courrier recommandé du 8 décembre 2023 aux fins de contester la durée des arrêts et des soins. En l’absence de réponse de la commission dans le délai imparti, elle a saisi le pôle social du tribunal judicaire de Nanterre en date du 4 juin 2024.

Les parties ont donné leur accord par courriels des 8 août et 3 septembre 2024, pour une procédure sans audience conformément aux dispositions de l’article R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de ses conclusions, la SAS [10] venant aux droits de la société [9] demande au tribunal :
– De déclarer son recours recevable ;
A titre liminaire
– D’enjoindre la caisse de transmettre au Dr [Z] l’ensemble des éléments justifiant du bien-fondé des prestations services à M. [C], ensuite de l’accident du 30 mai 2023 ;
– De renvoyer l’affaire à une audience ultérieure ;
Si le tribunal ne faisait pas droit à cette demande
– D’ordonner la mise en œuvre d’une mesure d’instruction relative aux arrêts de travail prescrits à M. [C], ensuite de son accident du 30 mai 2023 ;
– De désigner tel expert qu’il plaira ; (j’ai supprimé les missions conformément à ce que m’a dit [Y]) ;
A titre subsidiaire
– De constater que le médecin qu’elle a désigné n’a été rendu destinataire d’aucun document permettant de vérifier le bien-fondé des prestations servies à M. [C], consécutivement à l’accident du 30 mai 2023 ;
– De juger que l’ensemble des prestations servies à M. [C] ensuite de l’accident du 30 mai 2023 est inopposable à son égard.

En réplique, la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN demande au tribunal :
A titre principal
– De rejeter l’ensemble des demandes de la société ;
– De déclarer opposable à la société l’ensemble des prestations (soins et arrêts de travail) prescrits à M. [C] au titre de l’accident du travail dont il a été victime le 30 mai 2023 ;
– De condamner la société aux dépens ;
A titre subsidiaire
– Si la présente juridiction l’estimait nécessaire, il sera ordonné une expertise médicale judiciaire dont la mission ne pourra qu’être en relation avec la durée des arrêts de travail prescrits à M. [C] au titre de l’accident du travail dont il a été victime le 30 mai 2023.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre à l’audience pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La société sollicite la transmission des éléments médicaux à son médecin conseil, et subsidiairement, une mesure d’expertise, faute de transmission de ses éléments.
En réplique, la caisse soutient avoir transmis, le rapport médical ainsi que les prescriptions médicales concernant le dossier de M. [C] par lettre recommandée du 12 avril 2024.
Le tribunal observe que la caisse produit l’accusé de réception daté du 17 avril 2024.

Toutefois, il résulte de la combinaison des articles R. 142-8 et R.142-8-1 du code de la sécurité sociale que les contestations formées dans les matières mentionnées au 1°, en ce qui concerne les contestations d’ordre médical, et aux 4°, 5° et 6° de l’article L. 142-1, et sous réserve des dispositions de l’article R. 711-21, le recours préalable mentionné à l’article L. 142-4 est soumis à une commission médicale de recours amiable, commission composée de deux médecins désignés par le responsable du service médical territorialement compétent, à savoir un médecin figurant sur les listes dressées en application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 et spécialiste ou compétent pour le litige d’ordre médical considéré et un praticien-conseil.

Il s’en déduit qu’en rendant une décision implicite de rejet, la commission a privé l’employeur de la possibilité d’avoir un examen médical du dossier de son salarié par des médecins indépendants dont l’un disposant sinon d’une spécialité, du moins d’une compétence particulière dans le domaine médical concerné.
En conséquence, l’analyse du médecin conseil de la caisse étant contestée, il convient de recourir à une consultation médicale aux frais de la CNAMTS dans les termes du dispositif. C’est donc dans ce cadre que s’effectueront les échanges de pièces sollicités par la société.
Il sera sursis à statuer sur les autres demandes des parties dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert. Les dépens seront également réservés dans cette attente.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et par mise à disposition au greffe ;

AVANT DIRE DROIT, ordonne une consultation et commet pour y procéder le :

Dr [D] [H]
[Adresse 2]
[Courriel 8]
Tél : [XXXXXXXX01],:

Qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission, de :

Consulter les pièces du dossier qui lui seront transmises par les parties et leur médecin conseil ;
Procéder à l’examen sur pièces du dossier de M. [G] [C] ;

Déterminer les lésions provoquées par l’accident du travail du 30 mai 2023 de M. [G] [C];
Fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;

Dire si l’accident a seulement révélé ou s’il a temporairement aggravé un état pathologique antérieur ou survenu postérieurement et totalement étranger aux lésions initiales et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;

Dire, en tout état de cause, à partir de quelle date la prise en charge des lésions, prestations soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n’est plus médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif à l’accident déclaré ;

Préciser à partir de quelle date cet état pathologique évoluant pour son propre compte est devenu la cause exclusive des arrêts et soins.

ORDONNE au service médical de la caisse d’adresser exclusivement par courriel dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la présente, à l’expert et au médecin conseil de la société ([Courriel 11]) l’ensemble des éléments médicaux concernant M. [G] [C] (certificat médical initial, certificats de prolongation, certificat de nouvelle lésion éventuelle, décision de consolidation et de séquelles, rapport d’évaluation, avis rendus…);

ORDONNE également au médecin conseil de la société d’adresser à l’expert et au service médical de la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan ([Courriel 7] en spécifiant  » Confidentiel – à l’intention du service médical « ) et dans les mêmes délais toute pièce ou avis qui lui semblerait utile ;

DIT que le consultant devra adresser un rapport écrit au greffe du présent tribunal dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;

DIT qu’il en adressera directement copie aux parties et au médecin conseil de la société ;

RAPPELLE que la rémunération du médecin consultant est réglementée par l’arrêté du 29 décembre 2020 et prise en charge par la CNAM à hauteur de 80,50 € ;

ORDONNE un sursis à statuer ;

DIT que le dossier sera rappelé à l’audience dès le dépôt des conclusions d’une des parties après rapport de l’expert désigné, sauf aux parties à accepter une procédure sans audience ou à la société requérante à se désister de son action.

RÉSERVE les dépens.

Et le présent jugement est signé par Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Première vice-présidente et par Sonia BENTAYEB, Greffière, présentes lors du prononcé.

LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon