Afin d’enrayer la chute chronique de son chiffre d’affaires et face à une baisse importante de ses ventes de supports imprimés et donc de son chiffre d’affaires, un groupe de presse est en droit, en vue de préserver sa compétitivité, de se réorganiser et de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris de mettre en place des licenciements économiques. Réorganisation de l’entrepriseUne réorganisation de l’entreprise, lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu’elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi. Sauvegarde de la compétitivitéLa sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement. Appréciation au niveau du groupeLorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national. Data à laquelle apprécier le motif économiqueConstitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le motif économique doit s’apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d’éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité. Obligation du juge prud’homalLe juge prud’homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation. La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique. Indicateurs économiques objectifsLes juges ont validé le plan de licenciements économiques de la société Mondadori France qui a procédé à la réorganisation de ses titres TV et confier à un prestataire spécialisé l’intégralité de la saisie des grilles de programmes ainsi que l’élaboration des pages de programmes, tout en conservant la maîtrise du contenu à valeur ajoutée. Le marché de la presse TV a régressé de plus de 25 % en 10 ans et ce malgré l’augmentation de l’offre de télévision et celle de la consommation télévisuelle. Tous les rapports financiers s’accordent pour considérer qu’il s’agit d’une baisse structurelle, liée essentiellement à la présence d’internet, qui permet la diffusion d’une information gratuite, accessible à tout moment, et qui est considéré comme plus attractif pour les annonceurs. L’importance de la crise économique et financière, intervenue en 2008, a aggravé cette situation entraînant une baisse en volume des ventes de magasines TV et une baisse en valeur du marché. Le nombre élevé de magazines télé (12 titres en 2012) en fait en outre un marché particulièrement concurrentiel. Depuis la crise de 2008, les différents titres télévision ont connu un effondrement de leur diffusion (notamment s’agissant de la vente en kiosque) générant une chute constante des recettes publicitaires au profit de la télévision et de l’affichage sur internet. S’il n’est pas contesté que le marché publicitaire était reparti à la hausse en 2010 et 2011, il n’en est pas moins vrai que la presse magazine n’en a bénéficié qu’à la marge : les pages publicité chutaient de 27 % entre 2005 et 2011 pour l’ensemble de la presse et de 22 % pour la presse magazine. La diffusion entre 2010 et 2011 était toujours en recul de 2,5 %. Cette baisse en volume l’était également en valeur puisque, selon l’institut de recherche et d’études publicitaires (IREP) le secteur d’activité de la presse magazine subissait une chute des recettes publicitaires dans les proportions suivantes : i) sur la période 2004-2011, de 22,6 %, soit de 1 559 millions d’euros à 1 206 millions d’euros ; ii) entre 2008 et 2009, de 18 %, soit de 1 417 millions d’euros à 1 161 millions d’euros ; iii) et entre 2011 et 2012, de 5,5 %, soit de 1 206 millions d’euros à 1 140 millions d’euros. Par ailleurs, il relevait que sur l’année 2011, plus de 360 pages de publicité avaient été supprimées par rapport à l’année précédente, représentant 7,5 % des investissements en volume. Dans le même temps, la presse TV, qui représente 40 % de la presse magazine, subissait une baisse de sa diffusion payée de plus de 23 %. Elle vendait ainsi 715 987 401 exemplaires en 2011 contre 882 967 029 exemplaires en 2004, baisse qui se poursuivait en 2012, pour 4,42 %. Concernant en particulier les titres de presse Mondadori, positionnés sur le segment de marché le plus concurrentiel, la diffusion du titre Télé star passait de 1 274 151 exemplaires en 2005 à 1 037 959 exemplaires en 2011 (soit -18,5 %), tandis que, sur la même période, la diffusion de Télé poche passait de 731 566 exemplaires à 514 518 exemplaires (soit -29,7 %). A cet effondrement des revenus, s’est ajoutée une augmentation régulière des coûts d’exploitation en raison, d’une part, de la hausse du prix du papier et des coûts d’impression et, d’autre part, de l’augmentation des coûts postaux. L’augmentation des tarifs postaux a représenté, entre 2011 et 2012, 6,2 % pour les titres Télé star et Télé poche et que celle des prix du papier a représenté, pour la même période, 7 % d’augmentation pour le titre Télé star et 5,4 % pour le titre Télé poche. Le chiffre d’affaires du groupe Mondadori a chuté de 22,9 % au cours de la période 2007-2011, ce qui présente 448 millions d’euros. Son résultat d’exploitation chutait, pour sa part, de 51,5 % (-138,5 millions d’euros). Cette baisse se poursuivait en 2012, le chiffre d’affaires du groupe perdant encore 6 % (-8,6 % à périmètre constant) par rapport à 2011 et le résultat avant impôt de 49 %. En conclusion, le groupe Mondadori et sa filiale Mondadori Magazine France se trouvaient confrontés, au moment de l’engagement de la procédure de licenciement, et depuis plusieurs années, à un net ralentissement de ses résultats économiques et à une baisse de son chiffre d’affaires. La restructuration était donc légitime pour répondre à l’évolution du secteur, maintenir son niveau de compétitivité et enrayer la chute chronique de son chiffre d’affaires, étant rappelé qu’au regard du marché (désaffection de la presse papier et développement de l’internet) les experts s’accordent à dire qu’aucune perspective de développement ou de conquête de nouveaux clients n’était envisageable. |
→ Questions / Réponses juridiques
Pourquoi un groupe de presse peut-il procéder à des licenciements économiques ?Un groupe de presse peut procéder à des licenciements économiques pour plusieurs raisons, principalement liées à la nécessité de préserver sa compétitivité face à une chute de son chiffre d’affaires. Cette situation peut être causée par une baisse significative des ventes de supports imprimés, ce qui impacte directement les revenus de l’entreprise. Pour faire face à ces défis, la réorganisation de l’entreprise devient une option viable, permettant de prendre des mesures nécessaires, y compris des licenciements, pour maintenir la viabilité économique de l’organisation. Quelles sont les conditions pour qu’une réorganisation soit considérée comme une cause économique de licenciement ?Une réorganisation peut être considérée comme une cause économique de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques. Il est important de noter que cette réorganisation ne doit pas être uniquement liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Elle doit être justifiée par la nécessité de maintenir la compétitivité de l’entreprise dans un environnement concurrentiel, ce qui peut inclure des ajustements structurels et opérationnels. Comment la situation économique d’un groupe est-elle appréciée lors de licenciements ?Lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques doivent être évaluées non seulement au sein de la société elle-même, mais également en tenant compte de la situation économique globale du groupe. Cela signifie que l’analyse ne doit pas se limiter aux sociétés situées sur le territoire national, mais doit inclure toutes les entités du groupe opérant dans le même secteur d’activité. Cette approche permet d’avoir une vision plus complète des défis économiques auxquels l’entreprise est confrontée. Quel est le rôle du juge prud’homal dans le cadre des licenciements économiques ?Le juge prud’homal a pour mission de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement. Il doit vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures envisagées par l’employeur, notamment celles affectant l’emploi ou le contrat de travail. Cependant, il ne peut pas se substituer à l’employeur dans ses choix concernant la mise en œuvre de la réorganisation, ce qui souligne l’importance de la responsabilité de l’employeur dans ce processus. Quels indicateurs économiques ont été pris en compte dans le cas de Mondadori France ?Dans le cas de Mondadori France, plusieurs indicateurs économiques ont été pris en compte pour justifier le plan de licenciements économiques. Le marché de la presse TV a connu une régression de plus de 25 % en dix ans, malgré une augmentation de l’offre de télévision. Cette baisse structurelle est principalement attribuée à la concurrence d’internet, qui offre une information gratuite et accessible, rendant la presse traditionnelle moins attractive pour les annonceurs. Quelles étaient les conséquences de la crise économique de 2008 sur le marché de la presse ?La crise économique de 2008 a eu des conséquences significatives sur le marché de la presse, entraînant une baisse en volume des ventes de magazines TV et une diminution de la valeur du marché. Les différents titres de presse ont connu un effondrement de leur diffusion, particulièrement en ce qui concerne la vente en kiosque, ce qui a généré une chute des recettes publicitaires. Cette situation a été aggravée par l’augmentation des coûts d’exploitation, notamment en raison de la hausse des prix du papier et des coûts d’impression. Comment la baisse des recettes publicitaires a-t-elle affecté la presse magazine ?La presse magazine a subi une chute des recettes publicitaires, avec une baisse de 22,6 % entre 2004 et 2011. Cette diminution a été particulièrement marquée entre 2008 et 2009, où les recettes ont chuté de 18 %. En parallèle, la diffusion des titres de presse TV a également diminué, avec une baisse de plus de 23 % de la diffusion payée, ce qui a eu un impact direct sur les revenus des entreprises de presse. Quelle était la situation financière du groupe Mondadori entre 2007 et 2012 ?Entre 2007 et 2012, le groupe Mondadori a connu une chute de son chiffre d’affaires de 22,9 %, représentant une perte de 448 millions d’euros. Le résultat d’exploitation a également diminué de 51,5 %, ce qui témoigne d’une détérioration significative de la santé financière de l’entreprise. Cette tendance à la baisse s’est poursuivie en 2012, avec une perte supplémentaire de 6 % du chiffre d’affaires par rapport à 2011, soulignant la nécessité d’une restructuration pour maintenir la compétitivité. |
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