Transfert de mails professionnels vers une messagerie personnelle : risque maximal

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Transfert de mails professionnels vers une messagerie personnelle : risque maximal
L’essentiel : Un salarié ne peut s’approprier des documents de l’entreprise que si cela est strictement nécessaire pour défendre ses droits dans un litige. La transmission de mails professionnels, dont certains confidentiels, constitue un manquement grave à l’obligation de loyauté, rendant impossible la poursuite du contrat de travail. L’employeur a le droit de surveiller la messagerie professionnelle, et les messages envoyés ou reçus sont présumés professionnels. Dans ce cas, la salariée a transféré des courriers sur sa messagerie personnelle sans justification légale, ce qui a conduit à son licenciement pour faute grave, excluant toute indemnité de rupture.

Un salarié ne peut s’approprier des documents appartenant à l’entreprise (transfert par email sur sa messagerie personnelle) que s’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans un litige l’opposant à son employeur, ce qu’il lui appartient de démontrer.

La transmission de nombreux mails professionnels dont certains sont confidentiels, caractérise un manquement du salarié à son obligation de loyauté d’une telle gravité qu’il rendent impossible la poursuite du contrat de travail, caractérisant la faute grave, exclusive des indemnités de rupture.

Droit de contrôle de l’employeur

L’employeur est en droit de bénéficier d’un moyen de surveillance informatique ou de contrôle, lié aux fonctions d’administrateur de la messagerie professionnelle dont il dispose.

Les emails présumés professionnels

Les messages écrits envoyés ou reçus par le salarié au moyen de la boîte mail professionnelle mise à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels.

Déclaration de conformité à la Cnil

En l’occurrence, l’employeur a établi une déclaration de conformité à la Cnil pour la gestion du personnel, en sorte qu’en considération de la présomption de caractère professionnel de l’usage de la boîte professionnelle, l’accès de l’employeur à la boîte mail de la salariée absente, était justifiée par l’alerte mise en place qui s’est déclenchée le 20 novembre 2017, étant précisé qu’il n’est pas contesté que l’employeur avait mis en place le système d’alerte. Il est au demeurant justifié que le 28 novembre 2016 et le 31 mars 2017, la société avait été destinataire de deux avertissements Hadopi, qui avaient nécessité la mise en place de cette alerte pour la sauvegarde de ses intérêts.

Par ailleurs, il a été ci-dessus considéré que la surveillance de la boîte mail personnelle de la salariée n’était pas prouvée.

Par conséquent, la salariée ne saurait se prévaloir d’un système de surveillance illégale des salariés et le mode de preuve est recevable.

Transfert fautif de données confidentielles appartenant à l’employeur

En l’occurrence, il est établi par le procès-verbal de constat d’huissier du 11 mars 2019 que 19 courriers issus de la boîte professionnelle de la salariée ont été transférés sur sa boîte personnelle, mais que certains de ces messages ont servi de ‘mule’, s’agissant de mails contenant plusieurs autres mails regroupés dans un autre et contenant eux-même des pièces jointes.

Aussi c’est bien le listing des mails joint en pièce n°2 du constat qui a été transféré, correspondant à aux 190 mails invoqués au sein de la lettre de licenciement, sans que la valeur probante de ce constat soit utilement remise en cause.

En effet, contrairement à ce qu’elle prétend, le courriel émanant de [H] [M] faisait partie des mails en sa possession puisqu’il lui avait été adressé en copie ainsi que les mails de la pièce 4 du constat et que les mails de la comptable portant sur les grands livres des comptes généraux outre les autres pièces, ces mails ayant été insérés au sein des mails dit ‘mules’.

Or, un salarié ne peut s’approprier des documents appartenant à l’entreprise que s’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans un litige l’opposant à son employeur, ce qu’il lui appartient de démontrer.

Or comme l’a exactement considéré le premier juge, certains des mails transmis ne sont pas en rapport avec la défense des droits de la salariée dans le cadre de la présente instance. Il en est ainsi des courriels de M. [ZT] à Mme [L] [HS] mentionnant en copie Mme [OS] (pièce 65), de la liste des sociétés contactées par l’entreprise pour d’éventuels partenariats dans le cadre des alternances, des mails portant sur la suite de la réunion avec l’administrateur. Ces courriers ne concernent pas plus sa qualité d’associée.

Par ailleurs, l’huissier de justice, a au sein du même constat, constaté que l’essentiel des mails litigieux avait été supprimé de la boîte des mails supprimés et provenait de la récupération des mails issue du système de rétention inhérent au système informatique, manifestant ainsi la volonté de dissimuler ses actes.

C’est donc par une exacte appréciation des pièces du dossier que le premier juge a considéré que le grief tiré de la transmission de nombreux mails professionnels dont certains étaient confidentiels était établi et caractérisait un manquement à son obligation de loyauté d’une telle gravité qu’il rendait impossible la poursuite du contrat de travail, caractérisant la faute grave, exclusive des indemnités de rupture.

Ce faisant la salariée a été déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes indemnitaires subséquentes et rappels de salarie pendant la mise à pied conservatoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour qu’un salarié puisse s’approprier des documents de l’entreprise ?

Un salarié ne peut s’approprier des documents appartenant à l’entreprise que dans des circonstances très spécifiques. Selon le texte, cela n’est permis que si ces documents sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans un litige opposant le salarié à son employeur. Il incombe au salarié de démontrer que l’usage de ces documents est essentiel pour sa défense. Cela signifie qu’il doit prouver que les informations contenues dans ces documents sont directement liées à la contestation qu’il engage contre son employeur. En dehors de ce cadre, toute appropriation de documents, notamment par transfert sur une messagerie personnelle, est considérée comme une violation des obligations professionnelles.

Quelles sont les conséquences d’un manquement à l’obligation de loyauté ?

La transmission de nombreux emails professionnels, dont certains sont confidentiels, constitue un manquement grave à l’obligation de loyauté du salarié. Ce manquement est si sérieux qu’il rend impossible la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, cela caractérise une faute grave, ce qui signifie que le salarié peut être licencié sans droit à des indemnités de rupture. La gravité de la faute est déterminée par la nature des informations divulguées et l’impact que cela peut avoir sur l’entreprise. Ainsi, un salarié qui enfreint cette obligation peut faire face à des conséquences juridiques significatives, y compris la perte de son emploi et l’impossibilité de réclamer des compensations financières.

Quel est le droit de contrôle de l’employeur sur les emails professionnels ?

L’employeur a le droit de surveiller et de contrôler l’utilisation de la messagerie professionnelle mise à disposition des salariés. Cela inclut la possibilité de consulter les emails envoyés ou reçus par le salarié, même en son absence. Cette surveillance est justifiée par le fait que les messages échangés via la boîte mail professionnelle sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf s’ils sont clairement identifiés comme personnels. L’employeur doit cependant respecter certaines règles, notamment en matière de déclaration à la CNIL, pour garantir que cette surveillance est légale et conforme aux droits des salariés.

Quelles sont les implications d’une déclaration de conformité à la CNIL pour l’employeur ?

La déclaration de conformité à la CNIL permet à l’employeur de justifier l’accès à la boîte mail professionnelle d’un salarié, même en son absence. Dans le cas mentionné, l’employeur avait mis en place un système d’alerte en raison de précédents avertissements reçus, ce qui a justifié l’accès à la messagerie. Cette conformité est essentielle pour protéger les intérêts de l’entreprise tout en respectant les droits des salariés. L’employeur doit prouver qu’il a mis en place des mesures adéquates pour surveiller l’utilisation des outils informatiques, tout en respectant la vie privée des employés. En l’absence de preuve de surveillance illégale, l’employeur peut légitimement accéder aux emails professionnels pour des raisons de sécurité ou de conformité.

Quelles preuves peuvent être utilisées pour établir un transfert fautif de données confidentielles ?

Le procès-verbal de constat d’huissier peut servir de preuve pour établir qu’un salarié a transféré des courriers de sa boîte professionnelle vers sa boîte personnelle. Dans le cas étudié, il a été prouvé que 19 courriers avaient été transférés, certains d’entre eux étant regroupés dans des mails dits « mules ». Ces preuves sont cruciales pour démontrer que le salarié a agi de manière inappropriée en s’appropriant des documents qui ne lui étaient pas destinés. De plus, la suppression d’emails litigieux de la boîte de réception peut également être interprétée comme une tentative de dissimulation, renforçant ainsi la position de l’employeur dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Quelles sont les conséquences d’une transmission de mails non liés à la défense des droits du salarié ?

Si un salarié transmet des mails qui ne sont pas directement liés à la défense de ses droits dans un litige, cela peut être considéré comme une violation de ses obligations professionnelles. Dans le cas mentionné, certains courriels transmis par la salariée n’avaient aucun rapport avec sa défense, ce qui a été pris en compte par le juge. Cela signifie que le salarié ne peut pas justifier l’appropriation de ces documents en invoquant la nécessité de sa défense. En conséquence, cela peut renforcer la position de l’employeur dans une procédure de licenciement pour faute grave, car cela démontre un manquement à l’obligation de loyauté et peut justifier la rupture du contrat de travail sans indemnités.

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