Transfert de contrats de travail et obligations des cotraitantes dans le cadre d’un marché public

·

·

Transfert de contrats de travail et obligations des cotraitantes dans le cadre d’un marché public

L’Essentiel : La Sarl Ecocyclage, spécialisée dans la gestion des déchets, a vu son marché public attribué à un groupement de cotraitantes. Monsieur [W] [S], agent d’accueil, a contesté la non-reprise de son contrat de travail par ces entreprises. Le conseil des prud’hommes a reconnu le transfert de son contrat et ordonné des dommages et intérêts. Les cotraitantes ont fait appel, arguant l’irrecevabilité des demandes. Cependant, la cour d’appel a confirmé la décision initiale, imposant aux cotraitantes de reprendre Monsieur [W] [S] et de rembourser les salaires dus, renforçant ainsi les droits des salariés lors de changements de prestataires.

Contexte de l’affaire

La Sarl Ecocyclage est une entreprise spécialisée dans la collecte de déchets non dangereux, la location de véhicules et le transport de marchandises. Elle est régie par la convention collective nationale des industries et commerce de la récupération. En novembre 2020, elle a embauché Monsieur [W] [S] en tant qu’agent d’accueil et technicien.

Attribution du marché public

La Communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien (COR) a attribué à la Sarl Ecocyclage un marché public pour l’exploitation de déchetteries et le traitement de déchets. À l’expiration de ce marché en avril 2023, la COR a lancé un nouvel appel d’offres, divisé en trois lots, dont un pour l’exploitation des déchetteries.

Réponse à l’appel d’offres

Monsieur [W] [S] a répondu à l’appel d’offres, tout comme un groupement constitué par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage. Ces deux entreprises ont des activités liées à la gestion des déchets et appliquent des conventions collectives différentes.

Attribution du lot

Le 27 juin 2023, la commission d’appel d’offres a attribué le lot numéro 1 aux cotraitantes Sarl Recyclage Gravats services-RGS et SAS Serfim Recyclage. Par la suite, ces entreprises ont informé la Sarl Ecocyclage qu’elles ne reprendraient pas les contrats de ses salariés.

Demande de Monsieur [W] [S]

Estimant que les nouvelles entreprises étaient tenues de reprendre le personnel de la Sarl Ecocyclage, Monsieur [W] [S] a saisi le conseil des prud’hommes en référé le 26 septembre 2023, demandant la poursuite de son contrat de travail.

Décision du conseil des prud’hommes

Le 5 décembre 2023, le conseil des prud’hommes a reconnu sa compétence et a constaté que le contrat de travail de Monsieur [W] [S] avait été transféré au groupement des cotraitantes. Il a également ordonné le paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et a condamné les cotraitantes à rembourser les salaires et charges à la Sarl Ecocyclage.

Appel des cotraitantes

Les Sarl Recyclage Gravats services-RGS et SAS Serfim Recyclage ont fait appel de cette ordonnance le 27 décembre 2023. Elles ont contesté la décision, arguant que les demandes de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage étaient irrecevables.

Conclusions des parties

Dans leurs conclusions, les cotraitantes ont demandé l’infirmation de l’ordonnance et ont soutenu qu’il n’y avait pas lieu à référé en raison de l’absence de trouble manifestement illicite. Elles ont également demandé le déboutement de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage de toutes leurs demandes.

Réponse de la Sarl Ecocyclage

La Sarl Ecocyclage a demandé la confirmation de l’ordonnance de référé, soutenant que les cotraitantes avaient l’obligation de reprendre le personnel conformément aux engagements pris dans le cadre de l’appel d’offres.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé la compétence du conseil des prud’hommes et a rejeté les demandes d’irrecevabilité des cotraitantes. Elle a ordonné à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS de reprendre le contrat de travail de Monsieur [W] [S] et a condamné les cotraitantes à rembourser les salaires et à payer des dommages et intérêts.

Conclusion

La cour a statué en faveur de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage, confirmant ainsi le transfert de son contrat de travail et les obligations des cotraitantes envers la Sarl Ecocyclage.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence matérielle du conseil des prud’hommes dans ce litige ?

La compétence matérielle du conseil des prud’hommes est régie par le Code du travail, notamment par les articles L. 1411-1 et suivants. Ces articles stipulent que le conseil des prud’hommes est compétent pour connaître des litiges individuels nés à l’occasion d’un contrat de travail.

En l’espèce, le conseil des prud’hommes a été saisi par Monsieur [W] [S] pour statuer sur le transfert de son contrat de travail suite à l’attribution d’un marché public.

Il a été constaté que la formation de référé du conseil des prud’hommes était compétente pour statuer sur ce litige, ce qui a été confirmé en appel.

Ainsi, l’article L. 1411-1 du Code du travail précise que :

« Les conseils de prud’hommes sont compétents pour connaître des litiges individuels nés à l’occasion d’un contrat de travail. »

Cette compétence n’est plus contestée en cause d’appel, ce qui valide la décision initiale du conseil des prud’hommes.

Quelles sont les conditions de transfert des contrats de travail en cas de changement d’employeur ?

Le transfert des contrats de travail en cas de changement d’employeur est principalement régi par l’article L. 1224-1 du Code du travail. Cet article stipule que :

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

Dans le cas présent, la Sarl Ecocyclage a été remplacée par le groupement constitué par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage.

Il a été établi que ces sociétés avaient accepté de reprendre le personnel affecté à l’ancien marché, ce qui constitue un transfert conventionnel des contrats de travail.

L’article R 2111-2 du Code de la commande publique impose également à l’autorité d’achat de communiquer les informations concernant la masse salariale des personnels à reprendre si les conditions prévues par l’article L. 1224-1 sont réunies.

Quelles sont les conséquences d’un engagement non respecté dans le cadre d’un marché public ?

Les conséquences d’un engagement non respecté dans le cadre d’un marché public peuvent être considérées comme un trouble manifestement illicite.

L’article R 1455-6 du Code du travail précise que :

« La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Dans cette affaire, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont été condamnées pour avoir résisté abusivement au transfert du contrat de travail de Monsieur [W] [S].

Le non-respect de l’engagement pris dans le cadre de la procédure de marché public constitue un trouble illicite, justifiant ainsi l’intervention du juge des référés pour ordonner le respect des engagements contractuels.

Comment se prononce le juge sur les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale ?

Le juge se prononce sur les demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale en fonction des éléments de preuve présentés par les parties.

Cependant, l’article 1147 du Code civil stipule que :

« Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, à des dommages et intérêts, en cas d’inexécution de son obligation. »

Dans le cas présent, la demande de Monsieur [W] [S] pour des dommages et intérêts a été rejetée par le juge des référés, car l’appréciation de ce refus et de l’existence du préjudice subi relève du juge du fond.

Ainsi, le juge des référés a confirmé que la décision sur les dommages et intérêts ne pouvait être prise qu’après un examen approfondi des faits et des circonstances entourant l’exécution du contrat de travail.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme d’argent au titre des frais exposés pour la procédure.

Cet article stipule que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont été condamnées à verser des sommes à Monsieur [W] [S] et à la Sarl Ecocyclage au titre de l’article 700.

Cela reflète la volonté du juge de compenser les frais engagés par les parties dans le cadre de la procédure, en tenant compte de l’équité et de la situation respective des parties.

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 24/00031 – N° Portalis DBVX-V-B7I-PMJ4

S.A.S. RECYCLAGE GRAVATS SERVICES RGS

S.A.S. SERFIM RECYCLAGE

C/

[S]

S.A.R.L. ECOCYCLAGE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 05 Décembre 2023

RG : 23/36

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 10 JANVIER 2025

APPELANTES :

S.A.S. RECYCLAGE GRAVATS SERVICES RGS

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et Me Flore PATRIAT de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant du même barreau

S.A.S. SERFIM RECYCLAGE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant du barreau de LYON et Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant même barreau

INTIMÉS :

[P] [S]

né le 24 Septembre 1976 en Tunisie

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Raouda HATHROUBI, avocat au barreau de LYON

S.A.R.L. ECOCYCLAGE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat postulant du barreau de LYON et Me Sébastien PALMIER de l’AARPI Cabinet PALMIER – BRAULT – Associés, avocat plaidant du barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2024

Présidée par Yolande ROGNARD, Magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Agnès DELETANG, Présidente

– Yolande ROGNARD, Conseillère

– Françoise CARRIER, Conseillère horaire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Agnès DELETANG, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl Ecocyclage exerce une activité de collecte des déchets non dangereux, la location de véhicules avec ou sans conducteur et le transport par route de marchandises.

Elle applique la convention collective nationale des industries et commerce de la récupération IDCC 637.

Par contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2020, la Sarl Ecocyclage a engagé Monsieur [W] [S] en qualité d’agent d’accueil et de réception – technicien, Echelon 1A coefficient 130.

La Communauté d’agglomération de l’Ouest Rhodanien, dénommée la COR, avait attribué à la Sarl Ecocyclage un lot de marché public relatif à l’exploitation des déchetteries, de transport et de traitement de déchets non dangereux qu’elle gère.

Le marché étant parvenu à son terme, en avril 2023, la COR a mis en ‘uvre une procédure de marché public et a fait un appel d’offre. Le marché a été divisé en trois lots dont le premier portant sur l’exploitation des déchetteries, le transport et le traitement des déchets non dangereux.

Monsieur [W] [S] a répondu à l’appel d’offre ainsi que le groupement formé par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage, agissant en qualité de cotraitantes avec la Sarl Recyclage Gravats services-RGS en qualité de mandataire.

La SAS Recyclage gravats services- RGS (dénommée SAS EGS ci-après) exerce une activité de récupération de papiers, chiffons, métaux, plastiques, bois, négoce et locations de bennes.

Elle applique la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération du 6 décembre 1971.

La SAS Serfim Recyclage exerce une activité portant sur tous travaux et services concernant la propreté, la collecte des ordures ménagères, la gestion des déchets et déchetteries, le transport routier de marchandises pour le compte d’autrui, la location de véhicules industriels pour le transport routier de marchandises.

Elle applique la convention collective nationale des Activités de déchets.

Le 27 juin 2023, la commission d’appel d’offres a attribué le lot numéro 1 aux cotraitantes Sarl Recyclage Gravats services-RGS et SAS Serfim Recyclage.

Par lettres des 31 août et 20 septembre 2023, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont informé la Sarl Ecocyclage qu’elles ne procédaient pas au transfert des contrats de ses salariés, précédemment affectés au marché public dont la Sarl Ecocyclage était titulaire.

Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage ont estimé que, dans le cadre de la procédure de marché public, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage se sont engagées à reprendre le personnel de la Sarl Ecocyclage affecté à l’exploitation des déchetteries.

Par requête du 26 septembre 2023, Monsieur [W] [S] a saisi le conseil des prud’hommes de [Localité 8] Sur [Localité 7], en sa formation de référé. Il a sollicité qu’il soit ordonné la poursuite de son contrat de travail par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage et subsidiairement par la Sarl Ecocyclage.

Par ordonnance du 5 décembre 2023, le conseil de prud’hommes, en sa formation de référé, s’est déclaré compétent matériellement pour statuer sur le litige.

Il a également :

– Constaté l’existence d’un groupement bénéficiaire de l’appel d’offre, constitué par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage en ce qu’elles se sont conjointement engagées à reprendre, à compter du 1er octobre 2023, le contrat de travail de Monsieur [W] [S] en application de l’article 10 du cahier des clauses administratives particulières,

– Constaté que le contrat de travail de Monsieur [W] [S] a été automatiquement transféré au groupement constitué par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage,

– Dit qu’il n’y avait pas lieu de reclasser Monsieur [W] [S] sur un poste équivalent,

– Ordonné conjointement à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage de payer à Monsieur [W] [S] les sommes de 1000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail et 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné conjointement la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à rembourser à la Sarl Ecocyclage les salaires et charges afférents au contrat de de travail à compter du 1er octobre 2023 ainsi que toutes sommes versées à titre de cotisations aux organismes sociaux,

– Ordonné conjointement à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage de payer la somme de 500 euros à la Sarl Ecocyclage au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Mis à la charge conjointe de la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et de la SAS Serfim Recyclage les dépens.

Par déclaration au greffe du 27 décembre 2023, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont fait appel de l’ordonnance.

Par ordonnance du 8 janvier 2024, la présidente de la chambre sociale de la cour d’appel a autorisé les appelantes à assigner Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage les intimés à jour fixe.

Dans ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 7 novembre 2024, la SAS Serfim recyclage demande à la cour de :

Infirmer l’ordonnance en ses dispositions,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

Déclare irrecevables les demandes principales et incidentes de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage pour défaut d’intérêt à agir,

A titre subsidiaire :

– Dire n’y avoir lieu à référé en l’absence de caractérisation de trouble manifestement et, en tout état de cause, dans la mesure où les demandes formulées par Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage sont sérieusement contestables,

– Débouter Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage de toutes leurs demandes, principales et incidentes, fins et conclusions,

– Condamner Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage au paiement, chacun, à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS la somme de 1 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 novembre 2024, la SARL Recyclage Gravats Service – RGS demande à la cour de :

Infirmer l’ordonnance en ses dispositions

Statuant à nouveau

A titre principal :

Déclare irrecevables les demandes principales et incidentes de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage pour défaut d’intérêt à agir,

Subsidiairement :

– Dire n’y avoir lieu à référé en l’absence de caractérisation de trouble manifestement et, en tout état de cause, dans la mesure où les demandes formulées par Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage sont sérieusement contestables,

– Débouter Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage de toutes leurs demandes, principales et incidentes, fins et conclusions,

– Condamner Monsieur [W] [S] et la Sarl Ecocyclage au paiement, chacun, à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS la somme de 1 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électroniques du 30 octobre 2024, la Sarl Ecocyclage demande à la cour de :

Confirmer l’ordonnance de référé en ce que la formation de référé s’est déclarée compétente matériellement et a :

– Constaté que les Sociétés SERFIM RECYCLAGE et RECYCLAGE GRAVATS RGS se sont conjointement engagées de reprendre à compter du 1er octobre 2023, les contrats de travail des salariés, par application des dispositions de l’article 10 du CCAP Accord cadre, et de la convention collective Nationale des activités du déchet du 16 avril 2019,

– Constaté le transfert automatique des contrats de travail des salariés,

– Dit qu’il n’y a pas lieu de reclasser du salarié,

– Confirmé l’intérêt à agir de la Sarl Ecocyclage,

– Condamné la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à lui rembourser à les salaires et charges afférentes du salarié, après le 1er octobre 2023 ainsi que toutes les sommes versées à titre de cotisations aux organismes sociaux,

– Condamné la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à payer à la Sarl Ecocyclage une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,

Infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a constaté le transfert des contrats de travail au bénéfice du groupement bénéficiaire,

Statuant à nouveau :

– Constater que les Sarl Recyclage Gravats services-RGS et SAS Serfim Recyclage ont remis une offre s’engageant à reprendre tous les salariés affectés à l’ancien marché sur le fondement des dispositions de l’article 10 du CCAP du marché posant une obligation générale de reprise des contrats de travail visés en annexe 18 du marché,

– Constater que ces deux sociétés exercent la même activité emportant application de l’annexe V de la convention collective nationale des activités du déchet du 16 avril 2019,

– Constater le transfert d’une activité économique autonome aux sociétés attributaires, par suite de l’attribution du marché de la COR,

– Constater que la SAS Serfim Recyclage a conclu le contrat de réalisation du marché avec la COR au nom des membres du groupement sur la base de l’offre du groupement,

En conséquence,

– Constater le transfert du contrat de travail des salariés à compter du 1er octobre 2023,

– Constater le transfert des contrats de travail des salariés à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS à compter du 1er octobre 2023 et subsidiairement à la SAS Serfim Recyclage,

– Dire et juger comme étant solidaire, la condamnation de la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et de la SAS Serfim Recyclage à rembourser à la Sarl Ecocyclage les salaires et charges afférentes aux salariés après le 1er octobre 2023 ainsi que toutes les sommes versées à titre de cotisations aux organismes sociaux,

En tout état de cause,

– Condamner la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage aux entiers dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’à payer à la Sarl Ecocyclage la somme de 7.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. les discussions

Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électroniques le 25 avril 2024, Monsieur [W] [S] demande à la cour de :

Confirmer l’ordonnance de référé en date du 5 décembre 2023 en ce qu’elle a :

– Constaté que le contrat de travail de Monsieur [W] [S] a été automatiquement transféré à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage,

– Ordonné conjointement à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage de lui payer les sommes de :

– 1.000 euros de provision sur dommages et intérêts pour résistance abusive et exécution déloyale du contrat de travail

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant :

– Ordonner à titre principal, le transfert du contrat de travail de Monsieur [W] [S] au profit de la SAS Serfim Recyclage à compter du mois d’octobre 2023,

– Ordonner à titre subsidiaire, le transfert du contrat de Monsieur [W] [S] au profit de la Sarl Recyclage Gravats services-RGS à compter du mois d’octobre 2023,

– Condamner la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

1 Sur la procédure :

La SARL Recyclage Gravats Service soutient que la Sarl Ecocyclage a procédé aux licenciements des salariés, la demande de transfert des contrats est irrecevable.

Enfin, l’article 5 du code de procédure a été violé en ce que le juge a statué sur l’existence d’un groupement alors qu’il était demandé le transfert au profit de la SAS Serfim Recyclage ou de la Sarl Recyclage Gravats services-RGS.

La SAS Serfim Recyclage conclue que la formation de référé est compétente sur le fondement des articles R 1455-5 et, R 1455-6 et R1455-7 en précisant que Monsieur [W] [S] et les autres salariés se fondent sur l’existence d’un trouble manifestement illicite.

La Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage n’ont pas développé le moyen mentionné dans le dispositif de leurs conclusions, moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes pour défaut d’intérêt à agir de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage.

Sur la compétence matérielle :

La compétence matérielle du conseil des prud’hommes et de sa formation de référé n’est plus contestée en cause d’appel.

Sur l’exception tirée du défaut d’intérêt :

Selon l’article 122 du code de procédure, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui end à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut d’intérêt.

Les appelantes ne s’expliquent pas sur cette prétention portée au dispositif de leurs conclusions.

S’agissant de Monsieur [W] [S], son contrat n’a pas été rompu contrairement aux affirmations des appelantes. La Sarl Ecocyclage a convoqué les salariés à un entretien préalable sans poursuivre la procédure de licenciement.

En conséquence, Monsieur [W] [S] a un intérêt à agir aux fins de voir statuer sur le transfert ou non de son contrat de travail.

S’agissant de la Sarl Ecocyclage : Elle a été mise en cause en première instance par le salarié. En cause d’appel, elle a été mise ne cause par les appelantes. Ayant qualité de défenderesse, en première instance, puis d’intimée, elle a nécessairement intérêt à agir et à présenter une défense et des demandes reconventionnelles.

Le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt est rejeté.

L’ordonnance qui a statué en ce sens est confirmée en ce qui concerne la SAS Serfim Recyclage. L’ordonnance n’ayant pas statué sur la demande d’irrecevabilité présentée contre Monsieur [W] [S]. Il convient donc d’ajouter en statuant sur cette demande omise.

Sur la violation de l’article 5 du code de procédure civile :

Selon l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Selon l’article 5 dudit code, le juge se prononce sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Les demandes de constat ne constituent pas des prétentions. C’est en violation de ces règles procédurales que le dispositif de l’ordonnance porte sur des constats et sur celui de l’existence d’un groupement formé par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage.

L’ordonnance est infirmée sur ce point.

Il convient de statuer à nouveau.

2 Sur les demandes :

La Sarl Recyclage Gravats services-RGS soutient qu’il n’y a pas lieu à référé, aucun trouble manifestement illicite n’étant démontré en l’absence de toute précision sur la règle de droit violée.

La Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage soutiennent qu’aucun trouble illicite n’est démontré. L’article L. 1224-1 du code du travail dont les conditions ne sont pas réunies n’est pas applicable. En l’absence d’entité économique autonome, aucun transfert légal n’est possible. Par ailleurs, les règles du transfert conventionnel ne sont pas, non plus applicables, puisque les différentes sociétés ne relèvent pas de la même convention collective. Enfin, la COR n’a jamais imposé la reprise du personnel et aucun engagement n’a été souscrit par les appelantes dans le cadre de la procédure de marché.

Les intimés ont contesté les moyens et arguments.

En droit,

L’article R 1455-5 du code du travail stipule que dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans les limites de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différent.

L’article R 1455-6 énonce que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l’article R 1455-7 dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Selon l’article 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre el nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

En application des règles du code de la commande publique, et notamment l’article R 2111-2, l’autorité d’achat est tenue de communiquer les informations concernant la masse salariale des personnels à reprendre si les conditions prévues par l’article L 1224-1 du code du travail sont réunies.

L’article R 2132-1 du code de la commande publique dispose que les documents de la consultation sont l’ensemble des documents fournis par l’acheteur ou auxquels il se réfère afin de définir son besoin et décrire les modalités de la procédure de passation, y compris pour permette aux opérateurs économiques de déterminer la nature et l’étendue du besoin et de décider de demande ou non à participer à la procédure. L’ensemble de ces pièces a force obligatoire.

En l’espèce,

Il résulte des pièces produites que :

– Par acte d’engagement du 13 juillet 2023, la SAS Serfim recyclage s’est engagée, au nom des membres du groupement, sur la base de l’offre du groupement, en qualité de mandataire,

– Le cahier des clauses administratives particulières énonce en son article 10 – Conditions d’exécution des prestations- que  » toute société de déchets sera contrainte de reprendre le personnel tel que prévu dans la convention collective nationale des activités de déchets du 16 avril 2019 « ,

– L’annexe 18 des annexes au cahier du CCTP établit la liste du personnel à reprendre, elle porte sur neuf emplois, d’agents d’accueil et de chauffeur poids-lourds.

– Le mémoire technique établi par la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage mentionne au paragraphe 2.2- Personnel d’exploitation-  » Conformément à la convention collective, nous prévoyons la reprise des personnels en place, soit dix postes ventilés sur cinq sites.

– L’analyse de l’offre de la SAS Serfim recyclage prévoit que  » les cinq gardiens actuellement en poste seront repris « .

Il ne ressort pas des pièces produites que l’appel d’offre nécessitait le transfert de moyens humains et matériels d’une entité économique.

Dès lors, les conditions relatives au transfert légal des contrats des salariés ne sont pas réunies.

Cependant, la COR a imposé la reprise du personnel à  » toute société de déchets  » conformément à la convention collective nationale du 16 avril 2019.

La Sarl Ecocyclage est une société dont l’activité porte sur le traitement de déchets. La Sarl Recyclage Gravats services-RGS exerce une activité qui porte sur la récupération de déchets. C’est eu égard à ces activités de  » société de déchets  » que le lot concernant l’exploitation de déchetteries leur a été attribué.

Pailleurs, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la Sarl Ecocyclage ont expressément répondu qu’elles s’engageaient à reprendre le personnel en place. Elles ont donc accepté de procéder au transfert des contrats.

En conséquence, les contrats de travail des salariés de la précédente attributaire du marché d’exploitation des déchetteries ont été transférés conventionnellement et volontairement.

Il n’existe aucune contestation sérieuse quant à l’engagement de la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et de la SAS Serfim Recyclage de reprendre le personnel, selon leur qualité d’emploi, à compter du 1er octobre 2023. Ce non-respect de l’engagement constitue également un trouble illicite en ce qu’il est une violation de l’engagement contractuel pris dans le cadre de la procédure de marché public.

L’ordonnance qui a statué en ce sens est confirmée en ce qu’elle a fait droit aux demandes en application des deux articles précités.

S’agissant des modalités du transfert :

Selon l’article 1984 du code civil, le mandat est l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

En, l’espèce, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont répondu à l’appel d’offre, en qualité de cotraitantes et donc sous forme d’un groupement d’entreprises, dépourvu de personnalité morale. C’est pourquoi, la Sarl Recyclage Gravats services-RGS s’est engagée , au nom de sa cotraitante, sur la base de l’offre du groupement, en qualité de mandataire.

En conséquence, le transfert des contrats de travail ne peut être ordonné, à titre conservatoire, qu’à l’égard de la mandataire, à charge pour elle d’en faire son affaire avec sa mandante.

L’ordonnance de référé doit être infirmée en ce qui concerne cette modalité du transfert des contrats de travail.

Il convient donc d’ordonner à la Sarl Recyclage Gravats services-RGS de reprendre les contrats de travail, dont celui de Monsieur [W] [S], jusqu’à ce qu’il soit statué au fond, à charge pour elle d’en faire son affaire avec sa cotraitante.

La Sarl Ecocyclage a assumé les salaires et cotisations sociales de Monsieur [W] [S] à compter du 1er octobre 2023. La Sarl Recyclage Gravats services-RGS, es-qualité de mandataire, est condamné à rembourser à la Sarl Ecocyclage, à titre provisionnel les sommes exposées à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale :

Monsieur [W] [S] n’a pas conclu au soutien de cette demande. L’ordonnance a retenu que la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage ont résisté abusivement au transfert du contrat de travail et a fait droit à la demande de dommages et intérêts.

Cependant, l’appréciation de ce refus et de l’existence du préjudice subi relève du juge du fond et non de la formation des référés, qui juge de l’évidence.

La décision est réformée sur ce chef de disposition.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’ordonnance est confirmée en ce qu’elle a statué sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur [W] [S] et de la Sarl Ecocyclage ainsi que sur les dépens.

En cause d’appel, l’équité et la situation respective des parties commandent de condamner la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à payer à Monsieur [W] [S] la somme de 1 000 euros et à la Sarl Ecocyclage celle de 1 000 euros.

La Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage sont condamnées aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme l’ordonnance en ce qu’elle a :

– Dit la formation de référé compétente matériellement,

– Débouté la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage de leurs demandes d’irrecevabilité des demandes de la Sarl Ecocyclage,

– Condamné la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à payer les sommes de 1000 euros à Monsieur [W] [S] et de 500 euros à la Sarl Ecocyclage l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage aux dépens d’instance,

Infirme la décision pour le surplus et ajoutant :

– Dit y avoir lieu à référé,

– Rejette le moyen d’irrecevabilité des demandes de Monsieur [W] [S],

– Condamne la Sarl Recyclage Gravats services-RGS, es-qualité de mandataire de la SAS Serfim Recyclage, à reprendre le contrat de travail de Monsieur [W] [S] à compter du 1er octobre 2023 et jusqu’à ce qu’il soit statué au fond du droit,

– Déboute Monsieur [W] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– Condamne la Sarl Recyclage Gravats services-RGS, es-qualité de mandataire de la SAS Serfim Recyclage, à rembourser à la Sarl Ecocyclage les salaires, congés payés et cotisations acquittés pour Monsieur [W] [S] depuis le 1er octobre 2023,

– Condamne la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage à payer la somme de 1 000 euros à Monsieur [W] [S] et celle de 1 000 euros à la Sarl Ecocyclage au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la Sarl Recyclage Gravats services-RGS et la SAS Serfim Recyclage aux entiers dépens d’appel.

Le greffier La présidente


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon