Transfert de contrat et maintien des droits des salariés : enjeux et obligations des employeurs.

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Transfert de contrat et maintien des droits des salariés : enjeux et obligations des employeurs.

L’Essentiel : Mme [Z] a été engagée par McAfee en 1995, et après plusieurs transferts de contrat, elle a quitté McAfee France en 2018. En 2019, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des sommes dues. Le 27 octobre 2022, le conseil a condamné Intel Corporation et McAfee France à lui verser des indemnités. En appel, Mme [Z] a demandé la confirmation de cette décision tout en réclamant des indemnités supplémentaires pour des manquements d’Intel. La cour a reconnu des manquements d’Intel concernant les congés payés et a condamné la société à verser des indemnités pour divers préjudices.

Engagement et Transferts de Contrat

Mme [Z] a été engagée par la société McAfee en tant qu’analyste financier à partir du 24 mai 1995, avec une ancienneté reconnue depuis le 21 mars 1995. En 2014, McAfee a fusionné avec Stonesoft, devenant McAfee France, et a appliqué la convention collective nationale des entreprises de la papeterie. En 2015, Intel Corporation a acquis McAfee France, entraînant le transfert automatique des contrats de travail, y compris celui de Mme [Z], à partir du 1er juillet 2015. Intel Corporation, spécialisée dans la distribution de logiciels, a appliqué la convention collective nationale des industries de la métallurgie.

Cession d’Activité et Rupture de Contrat

Le 3 avril 2017, l’activité française d’Intel Security a été cédée à McAfee France, qui a repris les contrats de travail. Mme [Z] a quitté McAfee France le 21 novembre 2018. Le 2 avril 2019, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour réclamer des sommes dues, notamment des rémunérations et indemnités.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 27 octobre 2022, le conseil de prud’hommes a condamné solidairement Intel Corporation et McAfee France à verser à Mme [Z] 1 332,46 euros pour la liquidation de son compte épargne temps et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement a également stipulé que les sommes ayant le caractère de salaire produiraient intérêt à compter de la saisine du conseil. Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement le 29 décembre 2022.

Appel et Demandes des Parties

Dans ses conclusions du 24 septembre 2023, Mme [Z] a demandé à la cour de confirmer la décision du conseil de prud’hommes concernant les condamnations financières et d’infirmer le jugement sur le surplus de ses demandes. Elle a également demandé des indemnités pour divers manquements d’Intel Corporation, notamment pour des repos non pris et des préjudices liés à la liquidation de son compte épargne temps.

Arguments de la Société Intel Corporation

Intel Corporation a contesté les condamnations et a demandé l’infirmation du jugement, arguant qu’aucun accord de substitution n’avait été négocié et que les droits des salariés n’avaient pas été violés. La société a également demandé à la cour de débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes.

Motifs de la Décision

La cour a relevé que la société McAfee France n’avait pas été appelée dans la cause et que les transferts de contrat avaient eu lieu dans un cadre légal. Elle a examiné les manquements d’Intel Corporation concernant les congés payés, le compte épargne temps et la prime de vacances, concluant que la société avait effectivement manqué à ses obligations.

Indemnités et Condamnations

La cour a condamné Intel Corporation à verser à Mme [Z] des indemnités pour divers préjudices, notamment 2 000 euros pour l’impossibilité de prendre des congés payés, 1 000 euros pour la liquidation unilatérale de son compte épargne temps, et 390,32 euros pour le solde d’indemnité de congés payés. La cour a également ordonné la capitalisation des intérêts dus et a débouté Mme [Z] de certaines de ses demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les effets du transfert de contrat de travail selon l’article L. 1224-1 du Code du travail ?

Le transfert de contrat de travail, tel que prévu par l’article L. 1224-1 du Code du travail, stipule que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de cette modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Cela signifie que les droits et obligations liés aux contrats de travail sont transférés au nouvel employeur, qui doit respecter les conditions de travail et les avantages acquis par les salariés.

En l’espèce, Mme [Z] a vu son contrat de travail transféré à la société Intel Corporation, ce qui implique que cette dernière est tenue de respecter les droits acquis par Mme [Z] au sein de la société McAfee France.

Il est important de noter que l’article L. 1224-2 précise que le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans certains cas spécifiques, tels que la liquidation judiciaire.

Ainsi, le nouvel employeur ne peut pas refuser aux salariés transférés le bénéfice des avantages collectifs instaurés par des accords collectifs ou des usages en vigueur dans l’entreprise d’origine.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de négociation d’accords collectifs lors d’un transfert de contrat de travail ?

L’article L. 2261-14 du Code du travail stipule que lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause en raison d’une modification juridique, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord.

En l’absence d’accord de substitution, la convention ou l’accord mis en cause continue de s’appliquer pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9.

Cela implique que le nouvel employeur doit engager des négociations pour adapter les dispositions conventionnelles antérieures ou élaborer de nouvelles dispositions dans les trois mois suivant la mise en cause.

Dans le cas de Mme [Z], la société Intel Corporation n’a pas engagé de négociations pour adapter l’accord collectif de la papeterie à la nouvelle structure de l’entreprise, ce qui constitue un manquement à ses obligations.

Quels sont les droits des salariés concernant les congés payés en cas de transfert de contrat de travail ?

L’article L. 3141-24 du Code du travail précise que le congé annuel ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Il est également stipulé que l’indemnité ne peut être inférieure à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler pendant la période de congé.

Dans le cas de Mme [Z], il a été établi qu’elle avait des congés payés non pris au moment de son transfert, et la société Intel Corporation a gelé ces congés, ce qui constitue une violation de ses droits.

Le droit aux congés payés doit s’exercer en nature, et le versement d’une indemnité ne peut pas remplacer la prise effective des congés.

Ainsi, la société Intel Corporation a manqué à son obligation de permettre à Mme [Z] de prendre ses congés payés, ce qui a entraîné un préjudice qu’elle doit réparer.

Quelles sont les conséquences de la liquidation unilatérale du compte épargne-temps (CET) par l’employeur ?

L’article L. 3151-3 du Code du travail stipule que tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération ou pour cesser de manière progressive son activité.

En l’espèce, la société Intel Corporation a liquidé le compte épargne-temps de Mme [Z] sans son accord, ce qui constitue un manquement à ses obligations.

La liquidation unilatérale du CET a causé un préjudice à Mme [Z], car elle a perdu la possibilité d’utiliser ses droits accumulés sur le CET.

En conséquence, la société Intel Corporation doit indemniser Mme [Z] pour le préjudice résultant de cette liquidation unilatérale, conformément aux dispositions du Code du travail.

Comment les primes de vacances sont-elles régies lors d’un transfert de contrat de travail ?

Les primes de vacances sont généralement régies par les dispositions de la convention collective applicable à l’entreprise. Dans le cas de Mme [Z], la société Intel Corporation a contesté l’application de la convention collective Syntec, affirmant qu’elle n’était pas applicable.

Il est essentiel de vérifier si la prime de vacances a été accordée conformément aux dispositions de la convention collective en vigueur au moment du transfert.

En l’espèce, le tribunal a confirmé que la prime de vacances versée par la société McAfee France ne relevait pas de la convention collective Syntec, ce qui a conduit à débouter Mme [Z] de sa demande à ce titre.

Ainsi, les primes de vacances doivent être versées conformément aux dispositions de la convention collective applicable, et en l’absence de preuve de leur application, la demande peut être rejetée.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2025

N° RG 22/03835

N° Portalis DBV3-V-B7G-VTCO

AFFAIRE :

[X] [Z]

C/

Société INTEL CORPORATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 octobre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 19/00437

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurence CIER

Me Marine COUTURIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [X] [Z]

née le 12 novembre 1970 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1613

APPELANTE

****************

Société INTEL CORPORATION

N° SIRET : 302 456 199

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Marine COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J132

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 novembre 2024, Monsieur Laurent BABY, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [Z] a été engagée par la société McAfee, en qualité d’analyste financier, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 24 mai 1995, avec reprise d’ancienneté au 21 mars 1995.

En 2014 la société McAfee est devenue McAfee France par suite d’une fusion-absorption par la société Stonesoft. La société McAfee France applique la convention collective nationale des entreprises de la papeterie, fournitures de bureaux, bureautique, informatique, librairie commerce de détail.

En 2015, la société Intel corporation a acquis la société McAfee France au sein de la division Intel security et, dans ce cadre, les contrats de travail ont été transférés de plein droit à la société Intel corporation à compter du 1er juillet 2015. Ce transfert a fait l’objet d’un avenant au contrat de travail de la salariée.

La société Intel corporation est spécialisée dans la distribution de logiciels informatiques. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de cinquante salariés. Elle applique la convention collective nationale des industries de la métallurgie (ci-après « la convention collective de la métallurgie »).

Le 3 avril 2017, l’activité française de la société Intel security a été cédée à la société McAfee France qui a repris les contrats de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Mme [Z] a quitté les effectifs de la société McAfee France à compter du 21 novembre 2018.

Par requête du 2 avril 2019, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 27 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

. condamné solidairement les société Intel corporation et McAfee France à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 1 332,46 euros au titre de la rémunération de la liquidation de son compte épargne temps

. 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

. dit que les sommes ayant le caractère de salaire produiront intérêt à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes et que la capitalisation des intérêts s’appliquera pour les intérêts dus pour une année entière

. dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail

. débouté M. [Z] du surplus de ses demandes

. débouté les sociétés Intel corporation et McAfee France de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. condamné solidaire les sociétés Intel corporation et McAfee France aux éventuels dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 29 décembre 2022, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [Z] demande à la cour de :

. recevoir Mme [Z] en son appel et la déclarer recevable

. Confirmer la décision en ce que le conseil a condamné solidairement la société Intel corporation avec la société McAfee France à payer à Mme [Z] les sommes de :

. 1 332,46 euros au titre de la rémunération de la liquidation du compte épargne temps ;

. 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. débouter la société Intel corporation de son appel incident au titre de ces condamnations

. Infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 27 octobre 2022 N° RG F 19/00437 en ce qu’elle a débouté Mme [Z] de ses autres demandes ;

Statuant de nouveau

Au titre des manquements de la société Intel corporation dans le cadre du transfert du contrat de travail de McAfee France

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z]

. 5 000 euros au titre des repos supprimés et non pris dans des conditions illicites

.15 000 euros au titre du préjudice résultant de la liquidation imposée de ce compte épargne temps dénoncé sans accord de substitution

Au titre des manquements de la société Intel corporation du 1er juillet 2015 au 3 avril 2017

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] un montant total de 390, 32 euros au titre du rappel de l’indemnité de congés payés pour les années 2015 à 2017

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] 991, 32 euros bruts au titre de la prime de vacances due mais non versée

. Juger la convention de forfait-jours applicable au contrat de travail de Mme [Z] nulle ;

En conséquence,

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommage intérêts faute de comptabilisation des jours effectivement travaillés

. Condamner la société à payer à Mme [Z] un rappel d’heures supplémentaires de 24 632, 52 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées outre la somme de 2 463, 25 euros au titre des congés payés y afférents outre la prime de vacances

Au titre des manquements de la société Intel corporation dans le cadre du transfert du contrat de travail de Intel corporation vers McAfee France du 3 avril 2017

. Condamner la société Intel corporation au paiement d’un solde restant dû de 200 euros au titre des congés payés gelés

. Condamner la société Intel corporation à payer à Mme [Z] 95 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et discrimination et rupture du principe d’égalité entre les salariés au titre de l’absence d’octroi de RSU pour l’année 2016

. Condamner la société Intel corporation à payer au titre de l’ensemble des condamnation l’intérêt légal à compter de l’introduction de la demande et sur l’ensemble des demandes avec capitalisation par application des articles 1343-2 et suivants du code civil

. Débouter la société Intel corporation de ses demandes

. Condamner la société Intel corporation à verser à Mme [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et confirmer la condamnation ordonnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Intel corporation demande à la cour de :

. déclarer recevable et bien fondée la société Intel corporation en son appel incident de la décision rendue le 27 octobre 2022 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt,

Y faisant droit,

. Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés Intel corporation et McAfee France à verser à Mme [Z] la somme de 1 332, 46 euros au titre de la rémunération de la liquidation du compte épargne-temps et 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Confirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

. Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant,

. Condamner Mme [Z] à verser à la société Intel corporation la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner Mme [Z] aux dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que la société McAfee France n’a pas été appelée dans la cause et n’a pas interjeté appel du jugement la condamnant solidairement à verser diverses sommes au salarié avec la société Intel Corporation, laquelle demande l’infirmation de ces chefs de dispositif, dont l’appelant ne sollicite pas la confirmation.

Sur les demandes indemnitaires relatives aux congés payés, au compte épargne temps et à la prime de vacances

Selon la salariée, la société Intel Corporation a manqué à ses obligations dans le cadre des opérations de transfert qu’elle a opérées, au mépris des droits des salariés dès lors qu’elle n’a, lors des transferts, ni négocié d’accord de substitution, ni maintenu les avantages individuels acquis. Elle se fonde sur l’article L. 2261-14 du code du travail dont il ressort selon elle qu’en cas de modification juridique en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, le statut collectif applicable à l’entreprise initiale se trouve mis en cause de manière automatique et cesse de s’appliquer après une période de survie de 15 mois, sauf cessation anticipée par l’intervention d’un accord d’adaptation ou de substitution négocié avec les représentants du personnel ; accord qui fait en l’espèce défaut. Elle ajoute que le nouvel employeur a l’obligation, après la modification, d’entamer des négociations pour adapter les dispositions conventionnelles antérieures à celles nouvellement applicables ou pour élaborer de nouvelles dispositions conventionnelles, de maintenir en vigueur provisoirement des conventions et accords collectifs antérieurement applicables, de maintenir certains de leurs droits aux salariés à l’issue de la période de maintien provisoire des conventions et accords collectifs antérieurs. Elle ajoute qu’il est interdit à l’employeur de s’abstenir de toute négociation et de modifier les contrats de travail, et de faire échec aux règles résultant de l’article L. 2261-9 et suivants du code du travail. En effet, elle précise que les salariés ne peuvent, tant que leur contrat de travail est en cours, valablement renoncer aux avantages qu’ils tirent d’une convention ou d’un accord collectif, même pendant la durée de survie de celle-ci, après dénonciation ou mise en cause.

La salariée ajoute que les manquements de l’employeur ont eu une incidence sur ses congés payés, son compte épargne temps et sa prime de vacances.

L’employeur ne conteste pas qu’aucun accord de substitution n’a été négocié au profit des salariés qui lui ont été transférés par McAfee et il ne conteste pas non plus que l’ancienne convention collective des salariés de McAfee (la convention collective de la papeterie) devait continuer à s’appliquer pendant les 15 mois suivant le transfert. En revanche, il conteste tout manquement relatif aux congés payés, au compte épargne temps et à la prime de vacances de la salariée.

***

L’article L. 2261-9 du code du travail dispose que la convention et l’accord à durée indéterminée peuvent être dénoncés par les parties signataires.

En l’absence de stipulation expresse, la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation est de trois mois.

La dénonciation est notifiée par son auteur aux autres signataires de la convention ou de l’accord.

Elle est déposée dans des conditions prévues par voie réglementaire.

L’article L. 2261-14 du code du travail dispose quant à lui que « Lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

Lorsque la convention ou l’accord qui a été mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans le délai fixé au premier alinéa du présent article, les salariés des entreprises concernées conservent, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois. Cette rémunération s’entend au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à l’exception de la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 242-1.

Lorsque la mise en cause concerne une convention ou un accord à durée déterminée, le deuxième alinéa du présent article :

1° S’applique jusqu’au terme qui aurait été celui de la convention ou de l’accord en l’absence de mise en cause si ce terme est postérieur à la date à laquelle la convention ou l’accord mis en cause cesse de produire ses effets en application du premier alinéa ;

2° Ne s’applique pas si ce terme est antérieur à la date à laquelle cette convention ou cet accord cesse de produire ses effets en application du premier alinéa.

Une nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise concernée, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles stipulations. »

Conformément à l’article 17 IV de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (dite loi « Travail »), les dispositions susvisées s’appliquent à compter de la date à laquelle les accords ou conventions dénoncés ou mis en cause cessent de produire leurs effets, y compris si la date de leur dénonciation ou de leur mise en cause est antérieure à la publication de la présente loi.

Par application de la loi du 8 août 2016, à la notion « de maintien des avantages individuels acquis » a été substituée celle de « maintien de la rémunération perçue ».

Par ailleurs, selon l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de cette modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Il en résulte que l’employeur ne peut refuser aux salariés transférés le bénéfice dans l’entreprise d’accueil des avantages collectifs, qu’ils soient instaurés par voie d’accords collectifs, d’usages ou d’un engagement unilatéral de l’employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d’un usage ou d’un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d’origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d’un accord collectif (Soc., 22 mai 2024, pourvoi n° 23-10.214, publié).

L’article L. 1224-2 dispose quant à lui que le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.

En l’espèce, la salariée, initialement engagé par la société McAfee, à compter du 24 mai 1995 (avec reprise d’ancienneté au 21 mars 1995), a fait l’objet de plusieurs transferts de son contrat de travail étant précisé que le 28 février 2011 la société McAfee a été rachetée par le groupe Intel :

. transfert du 1er janvier 2015 de la société McAfee vers la société Stonesoft devenue McAfee France,

. transfert du 1er juillet 2015 de la société McAfee France vers la société Intel corporation,

. transfert du 3 avril 2017 de la société Intel Corporation vers la société McAfee France.

Il n’est pas discuté que les transferts susvisés ont tous été réalisés par suite de modifications dans la situation juridique de l’employeur au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail. Dès lors, en application de l’article L. 1224-2, le nouvel employeur était tenu, à l’égard des salariés transférés, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification.

Les manquements visés par la salariée sont en lien avec le transfert du 1er juillet 2015 qui a eu lieu entre la société McAfee et la société Intel corporation. Ils se sont poursuivis au-delà du 8 août 2016 de telle sorte que ce sont les textes issus de la « loi Travail » qui sont applicables à l’espèce.

La société McAfee France applique la convention collective nationale de la papeterie tandis que la société Intel corporation applique pour sa part la convention collective nationale des industries de la métallurgie.

La salariée a donc successivement été soumis à deux conventions collectives différentes, avant et après le 1er juillet 2015.

Cette situation dont il résulte la « mise en cause », au sens de l’article L. 2261-14 du code du travail, de la convention collective de la papeterie, est régie par les articles L. 2261-9 et 2261-14 susvisés.

Il découle de ces textes que la « mise en cause » produit les mêmes effets que « la dénonciation », c’est-à-dire, une survie provisoire de l’accord collectif mis en cause durant 15 mois puis, en l’absence d’accord de substitution conclu dans ce délai, le « maintien de la rémunération perçue » au profit des salariés concernés.

Le délai de survie provisoire de l’accord collectif mis en cause a pour but de permettre l’organisation de négociations afin d’adapter l’accord à la nouvelle structure de l’entreprise ou de définir de nouvelles dispositions, de sorte que sa caducité ne peut pas être invoquée (Soc., 21 oct. 2008, Bull. civ. V, n° 195 ; Soc., 13 déc. 2017, pourvoi n°16-26.553 pour une fusion-absorption).

À cet égard, viole l’article L. 2261-14 du code du travail la société qui prend la décision de procéder à une « application immédiate et exclusive » aux salariés dont le contrat de travail a été transféré d’une convention collective de branche différente de celle mise en cause (Soc., 4 mars 2009, Bull. civ. V, n° 58, pour une fusion).

Il n’est en l’espèce pas contesté qu’après le transfert de la salariée de la société McAfee France vers la société Intel corporation le 1er juillet 2015, cette dernière société n’a pas engagé de négociations en vue d’adapter l’accord collectif mis en cause à la nouvelle structure de l’entreprise ou à définir de nouvelles dispositions.

En tout état de cause, le transfert de la salariée n’a pu avoir pour effet de supprimer les avantages qu’elle avait acquis du fait de l’application de la précédente convention collective, celle-ci continuant de produire effet pendant les 15 mois suivant le transfert.

La salariée reproche à la société Intel corporation la remise en cause des droits qu’elle avait acquis au titre de ses congés payés (1), au titre d’un accord de compte épargne temps (CET) (2) et de la prime de vacances (3).

(1) Sur le « gel » des congés payés

La salariée établit que, selon son bulletin de paie du mois de juin 2015 émis par le cédant, la société McAfee, il lui restait à prendre un « solde CP2 » de 20 jours et un « solde CP1 » de 2,08 jours.

Son bulletin de paie du mois de juillet 2015 émis par le cessionnaire, la société Intel Corporation, montre qu’il n’a été crédité que de 13 jours de congés payés.

La salariée expose que 23,5 jours ont été « gelés ». La société ne le conteste pas.

La société Intel corporation explique ce « gel » par le fait que la période d’acquisition des congés payés au sein de McAfee (du 1er juin au 31 mai de l’année suivante) différait de celle appliquée au sein d’Intel (du 1er janvier au 31 décembre), et que les congés payés en cours d’acquisition ont quant à eux été affectés à un compte distinct, pour être payés ultérieurement.

Effectivement, la société Intel corporation a payé au salarié une indemnité compensatrice de congés payés de 5 802,61 euros au titre des congés payés gelés.

Néanmoins, à juste titre la salariée soutient que le droit aux congés payés doit s’exercer en nature.

En effet, en application des articles L. 3141-12, L. 3141-14, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail et eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Il en résulte que le versement d’une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés (Soc., 13 juin 2002, pourvoi n°11-10.929).

Le droit au congé annuel payé constitue en effet un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en ‘uvre par les autorités nationales ne peut être effectuée que dans les limites énoncées par la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (CJCE 26 juin 2001, aff. C-173/99). L’article 7§1 de cette directive, qui prévoit que chaque travailleur doit bénéficier d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, s’oppose à ce qu’une disposition nationale permette que des jours de cette période minimale de congés, non pris au cours d’une année donnée, soient remplacés par une indemnité financière au cours d’une année ultérieure (CJCE 6 avril 2006, aff. C-124/05).

La société Intel corporation ne pouvait donc, comme elle l’a fait, « geler » les congés payés acquis par la salariée, même si elle avait l’intention de les lui rétribuer plus tard.

Il en est résulté, pour la salariée qui n’a pu prendre de façon effective les congés qu’elle avait acquis dans le cadre de son contrat de travail avec la société cédante, un préjudice qu’il convient, par voie d’infirmation, de réparer par une indemnité de 2 000 euros, somme au paiement de laquelle la société Intel corporation sera condamnée.

(2) Sur la liquidation du CET

La salariée expose que la société Intel corporation lui a imposé de liquider son CET, ce qui lui a causé un préjudice, la société Intel corporation exposant quant à elle qu’elle n’a commis aucun manquement.

Le code du travail prévoit, en ce qui concerne le CET, des dispositions d’ordre public (articles L. 3151-1 à L. 3151-4), des dispositions relatives au champ de la négociation collective (articles L. 3152-1 à L. 3152-4) et des dispositions supplétives (articles L. 3153-1 et L. 3153-2).

Au cas d’espèce, il n’est pas discuté que la convention collective de la papeterie ne prévoyait pas de prescriptions particulières relativement au CET.

En revanche, la convention collective de la métallurgie prévoit plusieurs mesures relatives au CET. En particulier, la société Intel corporation fait valoir à juste titre que la convention collective de la métallurgie ne contient aucune stipulation prévoyant un transfert automatique de la valeur du compte épargne-temps en cas de changement d’employeur, même dans le cadre de l’article L. 1224-1 du code du travail et qu’elle prévoit, au contraire, une liquidation de plein droit du compte épargne-temps, ajoutant que la valeur du compte ne peut être transférée de l’ancien au nouvel employeur qu’en cas « d’accord écrit des trois parties ». La société ajoute, également à raison, qu’un tel accord écrit tripartite n’a nullement été conclu en l’espèce et qu’aucune demande de transfert n’a été formulée par la salariée et, toujours à raison, que le document interne à la société Intel ne contient aucune disposition prévoyant un transfert du compte épargne-temps au nouvel employeur.

De fait, d’une part, l’article 11.7 de l’accord du 3 mars 2006 applicable aux entreprises relevant de la convention collective de la métallurgie, prévoit : « La valeur du compte peut être transférée de l’ancien au nouvel employeur par accord écrit des trois parties. Après le transfert, la gestion du compte s’effectuera conformément aux règles prévues par l’accord collectif applicable dans la nouvelle entreprise » (pièce 12 de l’employeur). D’autre part, il n’est pas discuté qu’aucun accord tripartite n’a été conclu entre les parties.

Toutefois, ainsi qu’il a été relevé plus haut, le transfert du contrat de travail de la salariée de la société McAfee France vers la société Intel corporation a eu pour effet de laisser jusqu’au 1er octobre 2016 la convention collective de la papeterie produire ses effets.

Or, comme rappelé ci-dessus, cette convention collective ne prévoit pas de dispositions particulières relativement au CET.

Par conséquent, en vertu du principe de faveur, seules les dispositions d’ordre public et supplétives prévues par le code du travail s’appliquent au cas d’espèce.

L’article L. 3153-2 du code du travail dispose qu’à défaut de stipulation conventionnelle prévoyant les conditions de transfert des droits d’un employeur à un autre, le salarié peut : 1° Percevoir, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble des droits qu’il a acquis ; 2° Demander, en accord avec l’employeur, la consignation auprès d’un organisme tiers de l’ensemble des droits, convertis en unités monétaires, qu’il a acquis. Le déblocage des droits consignés se fait au profit de la salariée bénéficiaire ou de ses ayants droit dans des conditions fixées par décret.

L’article L. 3151-3 alinéa 1 dispose que tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération ou pour cesser de manière progressive son activité.

L’employeur ne pouvait donc liquider tout ou partie du CET de la salariée qu’à la demande de celle-ci.

En l’espèce, la salariée ne disposait pas d’un CET lors de son transfert de la société McAfee France vers la société Intel Corporation en juin 2015. En revanche, il n’est pas discuté qu’elle a acquis des jours par la suite et que la société Intel corporation a liquidé 17 jours de ce CET en lui allouant une indemnité.

Il n’est donc pas discuté que, comme le soutient la salariée, une partie de son CET a été liquidée à l’initiative de la société Intel corporation. Or, l’accord de la salariée, qui était requis, n’a pas été recherché par le nouvel employeur, ce qui caractérise un manquement de sa part.

La salariée invoque au titre de ce manquement un préjudice consistant selon elle d’une part en la perte d’une chance de pouvoir utiliser son CET ultérieurement, et d’autre part dans le fait que les fonds qui lui ont été versés par l’employeur au titre de la liquidation de son CET ont été soumis à l’impôt sur le revenu.

Le fait, pour la salariée, d’avoir perdu une chance de pouvoir utiliser son CET est établi ce qui a eu pour conséquence la perte du droit de consigner et la perte de la possibilité de cesser de manière progressive son activité. Il en est résulté un préjudice qu’il convient de réparer par une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, somme au paiement de laquelle, par voie d’infirmation, la société Intel corporation sera condamnée.

(3) Sur la prime de vacances

La salariée fait valoir que son contrat de travail avait été transféré de la société McAfee (qui, selon elle, appliquait la convention collective Syntec) vers la société McAfee France à effet du 1er novembre 2014 et que, pour cette raison, la société McAfee France a versé en juin 2015, la prime de vacances prévue par les dispositions conventionnelles applicables à McAfee France.

La société Intel corporation objecte qu’elle n’avait aucune raison d’appliquer à la salariée la convention collective Syntec et, en particulier, les dispositions qu’elle prévoit relativement à la prime de vacances.

**

En l’espèce, le contrat de travail de la salariée avait été transféré de la société McAfee à la société McAfee France le 1er novembre 2014. Il ressort des bulletins de paie émis par la société McAfee que cette société appliquait également la convention collective de la papeterie, contrairement à ce que soutient la salariée.

Certes, le bulletin de paie de la salariée du mois de juin 2015 montre que la société McAfee France lui a versé une prime de vacances de 710,73 euros.

Il n’est en tout état de cause pas établi que la prime litigieuse a été accordée au salarié au visa de la convention collective Syntec, qui n’était pas applicable au sein de l’une comme de l’autre des sociétés.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur le solde d’indemnité de congé payé et l’indemnisation des congés payés gelés

S’agissant de l’indemnité de congé payé, la salariée se fonde sur l’article L. 3141-24 du code du travail qui prévoit la prise en compte de sa rémunération totale pour le calcul de son indemnité de congés payés, comprenant notamment les primes, les heures supplémentaires. Elle ajoute que deux méthodes pour calculer l’indemnité de congés payés due à un salarié étant prévues, l’employeur doit retenir la plus favorable au salarié entre d’une part la méthode du 1/10ème pour laquelle il convient alors d’additionner la rémunération brute de la salariée de la période de référence pendant laquelle ont été acquis les congés payés, et multiplier par 10%, et d’autre part la méthode du maintien de salaire pour laquelle il convient de calculer le « salaire théorique » que la salariée aurait perçu si elle était venu travailler. Elle ajoute qu’en adoptant la méthode du 1/10ème, il lui reste dû un rappel d’indemnité de congés payés, l’employeur n’ayant pas pris en compte dans son calcul toutes les sommes qui devaient l’être.

S’agissant de l’indemnisation des congés payés gelés, outre la demande de dommages-intérêts que la salariée forme au titre du gel de ses congés payés qui a été précédemment examinée, elle expose que leur liquidation a été mal calculée par l’employeur qui a commis plusieurs erreurs.

En réplique, s’agissant de l’indemnité de congé payé, la société Intel corporation objecte que tous les éléments de la rémunération ne doivent pas être pris en compte pour sa détermination. Elle précise que les éléments variables de la rémunération devant être pris en compte sont ceux qui rétribuent l’activité individuelle de la salariée et ne rémunèrent pas déjà la période de congés. Elle ajoute que selon le code du travail, ne doivent pas non plus être prises en compte les sommes versées au titre de la participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise ou de l’intéressement des salariés qui n’ont pas le caractère de salaire conformément aux articles L. 3312-4 et L. 3325-1 du code du travail de même que les avantages en nature dont la salariée continue à profiter pendant son congé.

Sur les congés payés gelés, la société objecte que l’assiette de rémunération prise en compte pour déterminer le montant des congés payés gelés incluait, conformément aux règles du code du travail, outre le salaire fixe, la rémunération variable versée en contrepartie du travail personnel de la salariée (commissions et primes) et les indemnités de congés payés. Elle précise que les seules sommes ayant été exclues de l’assiette correspondent aux avantages en nature dont la salariée continue de bénéficier pendant ses congés (sur le bulletin de paie ligne « Voiture compensation » et « Av nature autres ») en application de l’article L. 3141-25 du code du travail et les gains issus des plans d’actions qui ne sont pas la contrepartie d’un travail personnel (sur le bulletin de paie lignes « avantage SPP » et « Av. Stock options ») comme le prévoit la jurisprudence.

***

L’article L. 3141-24 du code du travail dispose que « I.-Le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l’indemnité de congé de l’année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l’article L. 3141-3, l’indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II.-Toutefois, l’indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l’établissement.

III.-Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d’application du présent article dans les professions mentionnées à l’article L. 3141-32. »

Ce texte prescrit donc que l’indemnité de congé payé est égale au dixième de la rémunération totale perçue par la salariée au cours de la période de référence (méthode dite du dixième) mais ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si la salariée avait continué à travailler (méthode dite du salaire théorique).

Sur le solde de l’indemnité de congés payés

En l’espèce, la cour relève d’abord que les calculs que la salariée soumet à la cour n’intègrent pas les rappels de salaire qu’elle demande, dans le cadre de la présente procédure, au titre des heures supplémentaires. Elle présente en effet un calcul de son indemnité compensatrice de congé payé en ne tenant compte que du salaire qu’elle a perçu.

La cour relève ensuite que la salariée opte, dans son calcul, pour la méthode du 1/10ème. L’employeur ne conteste pas que cette méthode doit être retenue.

Selon cette méthode, il convient d’inclure dans la rémunération annuelle de référence servant au calcul de l’indemnité de congés payés, toutes les sommes ayant une nature de salaire à l’exclusion, s’agissant des primes, de celles calculées sur l’année entière, périodes de congés comprises. D’une manière générale, doivent être exclues les sommes qui n’ont pas le caractère de salaire ou qui ne sont pas la contrepartie directe ou indirecte de l’activité de la salariée.

S’agissant du salaire perçu par la salariée, il convient de relever que celle-ci présente dans ses conclusions un calcul précis montrant qu’elle déduit des sommes qu’elle a perçues les avantages pour lesquels elle a été rémunérée au titre de « l’avantage voiture », au titre des stock options, ou au titre de l’avantage SPP.

Elle ne retient en définitive dans son calcul que des sommes qui correspondent à son salaire fixe. Les sommes que la salariée retient excluent également son intéressement et ses avantages en nature.

D’après ce calcul précis et correct, qui n’intègre aucune somme qui devrait en être exclu, et que la cour adopte, il reste dû au salarié les sommes suivantes :

. Pour l’année 2015 : 0 euros,

. Pour l’année 2016 : 72,92 euros,

. Pour l’année 2017 : 317,40 euros,

. soit un total de : 390,32 euros.

Il convient donc, infirmant en cela le jugement, de condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 390,32 euros à titre de solde d’indemnité de congés payés.

Sur la liquidation des congés payés gelés

La salariée reproche à l’employeur d’avoir exclu de l’assiette l’avantage en nature correspondant à son véhicule, et de ne pas avoir procédé à une comparaison entre la règle du 1/10ème et la règle du maintien de salaire.

Toutefois, la salariée ne pouvait voir intégré dans l’assiette de calcul de ses congés payés gelés un avantage en nature dont elle a bénéficié.

Ensuite, c’est à juste titre que l’employeur expose que la salariée, qui demande un rappel de 200 euros, ne détaille pas son calcul.

C’est donc à tort que la salariée demande le paiement d’un solde.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il déboute la salariée de ce chef de demande.

Sur la liquidation du compte épargne-temps

L’employeur conclut à l’infirmation du jugement qui l’a condamné à payer un solde de 1 332,46 euros au salarié. Il expose que le code du travail ne comporte aucune règle de valorisation des droits acquis sur le CET. Il ajoute qu’en l’absence d’accord collectif d’entreprise, le calcul de l’indemnité doit être déterminé par référence à l’accord de branche de la métallurgie (article 11.5) et à son document interne relatif au fonctionnement du CET et que, selon ces textes, le calcul de l’indemnité compensatrice est effectué « sur la base du salaire perçu par le salarié à la date de la rupture ». Il ajoute qu’interrogée sur ce point, l’inspectrice du travail a confirmé que la base de l’indemnisation consistait en la « rémunération au moment du transfert », ce qui a été appliqué par la société, puisque le calcul de l’indemnité compensatrice a été effectué sur la base de la rémunération mensuelle brute perçue par la salariée à la date de la liquidation, soit mars 2017. Il précise à cet égard que la salariée, dont la rémunération au jour de la liquidation était de 5 350,75 euros brut, a donc perçu une indemnité de (5 350,75 euros ÷ 21,67) X 23,5 jours = 5 802,61 euros.

La salariée reproche pour sa part à l’employeur d’avoir calculé son indemnité due au titre de la monétisation de son CET sans tenir compte de la moyenne de sa rémunération sur les 12 derniers mois ce qui a eu pour conséquence une sous-évaluation de l’indemnité qui lui a été accordée. Il conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

***

L’article 11.5 « valorisation des éléments » de l’accord de branche de la métallurgie du 3 mars 2006 invoqué par l’employeur prévoit : « Lors de son alimentation, le compte épargne temps est exprimé en temps ou en argent.

Lorsque le compte est exprimé en temps, tout élément qui n’est pas exprimé en temps, alimentant le compte, est c

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en ce qu’il déboute Mme [Z] de sa demande au titre de la prime de vacances, de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance, de sa demande au titre de la liquidation des congés payés gelés, de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, de sa demande au titre des RSU, et condamne la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

INFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT privée d’effets la convention de forfait annuel en jours de la salariée,

CONDAMNE la société Intel corporation à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

. 2 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de l’impossibilité de prendre des congés payés acquis,

. 1 000 euros de dommages-intérêts au titre de la liquidation unilatérale du compte épargne-temps,

. 390,32 euros à titre de solde d’indemnité de congés payés,

. 2 000 euros de dommages-intérêts au titre du dépassement du nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait,

DIT que les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire sont assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les condamnations au paiement des rappels de salaire sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Intel corporation de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DÉBOUTE Mme [Z] de sa demande relative à la liquidation de son compte épargne-temps,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Intel corporation à payer à Mme [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Intel corporation aux dépens de la procédure d’appel.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »’

La Greffière La Présidente


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