L’Essentiel : La société Cityart Edition a été condamnée pour avoir utilisé de manière illicite des appellations d’origine protégées, telles que « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », dans la commercialisation de sa gamme de thés « Grappe de thé ». Malgré des modifications apportées à la présentation de ses produits, les références aux vins bordelais demeuraient omniprésentes, exploitant ainsi la réputation de ces appellations. Le tribunal a jugé que cette exploitation portait atteinte à la notoriété des appellations, entraînant un préjudice moral pour les plaignants, l’INAO et le CIVB, qui ont obtenu réparation et interdiction d’usage des signes litigieux.
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Les références trop appuyées aux vins d’AOP pour commercialiser des produits distincts des vins et spiritueux peuvent peuvent être sanctionnées au titre du parasitisme. Affaire Cityart EditionUne société de cadeaux-souvenirs a été condamnée pour avoir multiplié les références aux vins du bordelais pour promouvoir ses produits sur ses sites et ses réseaux sociaux et a ainsi exploité indûment la réputation des appellations d’origine correspondantes pour le bénéfice de son commerce. La marque « Grappe de thé»En l’espèce, la marque « Grappe de thé » est présentée par la société Cityart Edition sur les réseaux sociaux comme une marque de thé « sur le modèle des cépages bordelais » ou encore comme la « première marque de thé dédiée aux vignobles de la région ». De plus, de nombreuses références aux vins sont faites. L’usage des dénominations « Nuit tranquille à Saint-Emilion », « Cur de Sauternes » devenu « Cur perdu à Sauternes »,« Amoureux de Margaux » a également été sanctionné. Comportements parasitaires sanctionnésLa société Cityart Edition, spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la distribution de produits souvenirs a fait un usage commercial et des évocations illicites des appellations d’origine « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », protégées depuis 1954 s’agissant de l’appellation « Margaux » et depuis 1936 s’agissant des autres. Protection des appellations d’origine protégéesPour rappel, en application de l’article 103, paragraphe 2, a) et b), du règlement (UE) no 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : « 2. Une appellation d’origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », « goût », « manière » ou d’une expression similaire ; (…) ». La CJUE a considéré que les situations pouvant être couvertes par l’article 16, sous a), du règlement no110/2008 du 15 janvier 2008 portant sur les boissons spiritueuses et rédigé dans les mêmes termes que l’article précité « doivent répondre à l’exigence d’un usage, par le signe litigieux, de l’indication géographique enregistrée à l’identique ou, à tout le moins, de façon fortement similaire, d’un point de vue phonétique et/ou visuel », cette disposition devant être différenciée de celle couverte par le point b), « lequel vise « toute usurpation, imitation ou évocation », c’est-à-dire des situations dans lesquelles le signe litigieux n’emploie pas l’indication géographique en tant que telle, mais la suggère d’une manière telle que le consommateur est amené à établir un lien suffisant de proximité entre ce signe et l’indication géographique enregistrée » (CJUE, 7 juin 2018, Scotch Whisky Association c/ Michael Klotz, C-44/17, points 31 et 32). Dans le cadre d’une utilisation directe ou indirecte de la dénomination protégée, si les produits ne sont pas comparables, outre la preuve de la notoriété de la dénomination protégée, il convient de démontrer l’exploitation de la réputation de cette dénomination. La Cour de justice a par ailleurs dit pour droit que « l’évocation » visée à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 « n’exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d’une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires » (CJUE, 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne c/ GB, C-783/19). Elle ajoute que « le critère déterminant est de savoir si le consommateur, en présence d’une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l’AOP », précisant que « ce lien doit être suffisamment direct et univoque » (points 58 et 59). En revanche, il n’est pas nécessaire que l’évocation entraîne un risque de confusion (CJUE, 21 janvier 2016, Viiniverla Oy, C-75/15).
République française TRIBUNAL 3ème chambre No RG 21/07290 JUGEMENT DEMANDERESSES Etablissement public L'[10] DÉFENDERESSE S.A.S. CITYART EDITION COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-présidente DÉBATS A l’audience du 03 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l’audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'[10] (ci-après « l'[9] ») est un établissement public administratif qui a notamment pour mission de reconnaître, contrôler, promouvoir et défendre les appellations d’origine, et le Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7] (ci-après « le CIVB ») représente les professionnels de la viticulture, du négoce et du courtage des vins de Bordeaux. Ils reprochent à la société Cityart Edition, spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la distribution de produits souvenirs liés à la ville de [Localité 7], d’avoir fait un usage commercial et des évocations illicites des appellations d’origine « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », protégées depuis 1954 s’agissant de l’appellation « Margaux » et depuis 1936 s’agissant des autres. MOTIVATION I. Demandes en usage illicite d’appellations d’origine protégées 1. Atteinte aux appellations d’origine protégées « [Localité 7] », « Sauternes », « Margaux » et « Saint-Emilion » 14. En application de l’article 103, paragraphe 2, a) et b), du règlement (UE) no 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : « 2. Une appellation d’origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation », « goût », « manière » ou d’une expression similaire ; (…) ». 15. La CJUE a considéré que les situations pouvant être couvertes par l’article 16, sous a), du règlement no110/2008 du 15 janvier 2008 portant sur les boissons spiritueuses et rédigé dans les mêmes termes que l’article précité « doivent répondre à l’exigence d’un usage, par le signe litigieux, de l’indication géographique enregistrée à l’identique ou, à tout le moins, de façon fortement similaire, d’un point de vue phonétique et/ou visuel », cette disposition devant être différenciée de celle couverte par le point b), « lequel vise « toute usurpation, imitation ou évocation », c’est-à-dire des situations dans lesquelles le signe litigieux n’emploie pas l’indication géographique en tant que telle, mais la suggère d’une manière telle que le consommateur est amené à établir un lien suffisant de proximité entre ce signe et l’indication géographique enregistrée » (CJUE, 7 juin 2018, Scotch Whisky Association c/ Michael Klotz, C-44/17, points 31 et 32). 16. Dans le cadre d’une utilisation directe ou indirecte de la dénomination protégée, si les produits ne sont pas comparables, outre la preuve de la notoriété de la dénomination protégée, il convient de démontrer l’exploitation de la réputation de cette dénomination. 17. La Cour de justice a par ailleurs dit pour droit que « l’évocation » visée à l’article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 « n’exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d’une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires » (CJUE, 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne c/ GB, C-783/19). Elle ajoute que « le critère déterminant est de savoir si le consommateur, en présence d’une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l’esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l’AOP », précisant que « ce lien doit être suffisamment direct et univoque » (points 58 et 59). En revanche, il n’est pas nécessaire que l’évocation entraîne un risque de confusion (CJUE, 21 janvier 2016, Viiniverla Oy, C-75/15). 19. La société Cityart Edition commercialise depuis fin 2017 une gamme de thés sous la marque « Grappe de thé », au sein de laquelle figurent les thés « Nuit tranquille à Saint-Emilion », « Cur de Sauternes » devenu « Cur perdu à Sauternes », « Les étoiles de [Localité 7] blanc » devenu « Les étoiles blanches de [Localité 7] », « Printemps à [Localité 7] », « Noël à [Localité 7] » et « Amoureux de Margaux ». 20. Or, il ressort des pièces versées aux débats que la marque « Grappe de thé » est présentée par la société Cityart Edition sur les réseaux sociaux comme une marque de thé « sur le modèle des cépages bordelais » (pièce demandeurs no 11-2) ou encore comme la « première marque de thé dédiée aux vignobles de la région » (pièces demandeurs no 11-1). De plus, de nombreuses références aux vins sont faites sur les comptes Facebook « Grappe de thé », « Cityart Edition » et « [Localité 7] Shop » (un des points de vente des produits de la défenderesse) pour présenter les thés litigieux. Ainsi par exemple, les thés « Amoureux de Margaux » et « Cur perdu à Sauternes » sont décrits comme embaumant « les arômes de ces grands vins de [Localité 7] » (pièce demandeurs no 11-2, page 8). Dans d’autres cas, les publications présentant les thés litigieux sont accompagnés des hashtags (ou mots-dièse) suivants : vin de Saint-Emilion, médoc, vin de [Localité 7], ou encore vignobles bordelais (pièce demandeurs no 11-2, par exemple pages 14, 17 et 20). Or, les hashtags permettent de référencer une publication au sein d’un réseau social, de sorte que les publications portant sur les thés « Grappe de thé » pourront apparaître aux côtés d’autres publications référencées sous les hashtags susmentionnés et portant sur des vins. Des photographies de raisin sont par ailleurs également visibles sur les comptes Facebook précités, entre des publications présentant les thés litigieux, faisant là encore référence au vin. En outre, des coffrets souvenirs sont offerts à la vente sur le site www.cityart-edition.com, comportant à la fois des bouteilles de vin et des thés de la marque « Grappe de thé », ce qui renforce l’association entre les deux (pièce demandeurs no 11-2, page 52). 21. Si la marque « Grappe de thé » est composée de plusieurs éléments verbaux et figuratifs, le terme « grappe » fait immédiatement penser au raisin, notamment lorsqu’il est associé à des noms connus pour le vin. De plus, si l’arbre représenté est un arbre à thé comme le soutient la défenderesse, cette représentation à côté du terme « Grappe » conduit le consommateur à penser d’abord à une vigne. A cela s’ajoute que les thés litigieux reprenant les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » font partie d’une gamme plus large au sein de laquelle sont également vendus les thés « Le mélange des vignerons » et « Après les vendanges » (pièce demandeurs no 11-2, pages 79 et suivantes). 22. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que si les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » sont des noms de ville, et que le site internet www.grappedethe.com ne fait dorénavant référence qu’aux seules villes pour présenter les thés en cause, non seulement les villes de Margaux-Cantenac, Saint-Emilion et Sauternes sont essentiellement associées, dans l’esprit du public, aux vignobles du bordelais (pièces demandeurs no 13-2 à 13-4), mais en plus la société Cityart Edition a multiplié les références aux vins du bordelais pour promouvoir ses produits sur ses sites et ses réseaux sociaux et a ainsi exploité la réputation des appellations d’origine correspondantes pour le bénéfice de son commerce. 23. L’utilisation commerciale illicite des appellations d’origine protégées est donc constituée. 2. Mesures réparatrices |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sanctions ont été imposées à la société Cityart Edition ?La société Cityart Edition a été condamnée pour avoir utilisé de manière illicite des appellations d’origine protégées, notamment « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes ». Le tribunal a ordonné plusieurs sanctions, dont : 1. **Indemnisation** : Cityart Edition doit verser 10 000 euros en réparation du préjudice causé à l’INAO et au CIVB, qui défendent ces appellations. 2. **Interdictions** : La société est interdite d’utiliser les signes « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, pendant six mois. 3. **Destruction de produits** : Elle doit rappeler et détruire les thés portant ces appellations, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. 4. **Frais de justice** : Cityart Edition est également condamnée à payer 6 000 euros au titre des frais irrépétibles. Ces mesures visent à protéger la réputation des appellations d’origine et à prévenir toute exploitation indue de leur notoriété. Quels comportements ont été qualifiés de parasitaires dans cette affaire ?Les comportements parasitaires de la société Cityart Edition se manifestent par l’utilisation commerciale et les évocations illicites des appellations d’origine protégées. En particulier, la société a multiplié les références aux vins du bordelais pour promouvoir ses thés, ce qui a été jugé comme une exploitation indue de la réputation des appellations. Les dénominations de ses produits, telles que « Nuit tranquille à Saint-Emilion » et « Amoureux de Margaux », ont été considérées comme des tentatives d’associer ses thés à la renommée des vins de ces régions. Cela a conduit à une dilution de la valeur des appellations, créant un risque de confusion pour les consommateurs. Le tribunal a ainsi estimé que ces pratiques constituaient un parasitisme, car elles tiraient profit de la notoriété des appellations sans respecter les règles de protection qui leur sont associées. Comment la protection des appellations d’origine est-elle régie par la législation européenne ?La protection des appellations d’origine est régie par le règlement (UE) no 1308/2013, qui établit des règles pour les produits agricoles. Selon l’article 103, les appellations d’origine protégées (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP) bénéficient d’une protection contre : 1. **Utilisation commerciale** : Toute utilisation directe ou indirecte de la dénomination protégée pour des produits comparables qui ne respectent pas le cahier des charges est interdite. 2. **Exploitation de la réputation** : L’utilisation qui exploite la réputation d’une appellation d’origine est également prohibée. 3. **Usurpation et évocation** : Toute usurpation, imitation ou évocation de l’appellation, même si l’origine est indiquée, est sanctionnée. La CJUE a précisé que l’évocation n’exige pas que les produits soient identiques ou similaires, mais que le lien dans l’esprit du consommateur soit suffisamment direct et univoque. Quels éléments ont conduit à la décision du tribunal dans cette affaire ?La décision du tribunal repose sur plusieurs éléments clés : 1. **Notoriété des appellations** : Les appellations « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » bénéficient d’une forte notoriété, reconnue tant au niveau national qu’international. 2. **Utilisation des dénominations** : Cityart Edition a utilisé des noms de thés qui évoquent directement ces appellations, ce qui a été jugé comme une exploitation de leur réputation. 3. **Communication sur les réseaux sociaux** : La société a multiplié les références aux vins dans sa communication, renforçant l’association entre ses thés et les appellations d’origine. 4. **Perception du consommateur** : Le tribunal a estimé que les consommateurs pourraient établir un lien direct entre les thés et les appellations, ce qui constitue une évocation illicite. Ces éléments ont conduit à la conclusion que l’utilisation des appellations d’origine par Cityart Edition était illicite et nuisait à la réputation des appellations protégées. |
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