Téléréalité : le contrat de travail exclu

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Téléréalité : le contrat de travail exclu

[well type= » »][icon type= »fa fa-cube » color= »#dd3333″] Réflexe juridique : Les contrats de participation aux émissions de téléréalité ne sont pas ipso facto requalifiables en contrat de travail. La preuve du lien de subordination doit toujours être apportée par les candidats. Toute participation à une émission de téléréalité doit être accompagnée de la signature i) des règles de participation au jeu, ii) d’un contrat de cession des attributs de la personnalité (image, voix, relations médias …) ; iii) d’un engagement de confidentialité ; iv) d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage pour chaque journée de tournage. [/well]

Affaire Adventure Line Production

Dans l’affaire Adventure Line Production, la Cour de cassation a adopté une motivation lapidaire : la preuve de l’existence d’un lien de subordination caractérisant le contrat de travail n’était pas rapportée. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le contrat de travail se définit concrètement par la mise à disposition que le salarié fait, de sa force (physique ou intellectuelle) et de son temps, au profit de l’employeur -acceptant, en définitive, de soumettre sa liberté aux pouvoirs et instructions de ce dernier, moyennant une rémunération.

Périmètre du lien de subordination

En l’occurrence, la société de production n’exerçait pas un contrôle sur les candidats et ne les sanctionnait pas, excepté en cas de mise en danger de la personne (comme un organisateur de voyage). Les candidats n’étaient pas non plus soumis à des sujétions spatiales et temporelles, telles que des horaires. S’il existait bien un pouvoir d’élimination en cas de manquement aux règles de participation, il s’agissait d’un principe de précaution et de sécurité tout simplement, sans pour autant conduire à un lien de subordination.  En sa qualité d’organisateur du « jeu » la société avait également qualité pour exercer les pouvoirs de sanction à l’encontre des participants méconnaissant le règlement.

Qualification d’une émission en jeu

La société avait produit en 2010 la série télévisée « Famille d’explorateurs » diffusée sur TF1, à raison de neuf épisodes, réalisés en Australie, le dixième et dernier se déroulant en « plateau ». L’émission mettait en concours cinq familles. Le « pitch » consistait à opposer, entre elles, à l’occasion de diverses épreuves filmées, les familles, réunies dans un campement en pleine nature pendant trente jours environ.  Les participants à l’émission votaient pour l’exclusion de certains membres et à l’issue de la dernière épreuve, la famille arrivée en tête, remportait la somme de 20 000 €.

Chaque membre de la famille avait donc participé à un jeu, qui se veut aléatoire, comme en témoigne la durée de leur participation et la perte du gain final. Au sens du code civil, le contrat de jeu est un contrat aléatoire, à savoir une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Au sens de l’article 1108 du code civil, un contrat est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre ses effets, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain. Et précisément, la perte ou le gain résulte de l’aléa et dépend bien d’un évènement incertain, outre l’aspect ludique, le jeu n’implique pas pour les participants l’apport d’une mise. Les conditions de jeu étant réunies, elles ne permettent pas la qualification des relations en contrat de travail.

Télécharger la décision

Questions / Réponses juridiques

Quelle est la signification de la « période interstitielle » dans le cadre de la requalification de CDD en CDI ?

La « période interstitielle » fait référence à la période qui sépare deux contrats à durée déterminée (CDD) et qui ne remet pas en cause l’existence de la relation de travail.

Cette notion est essentielle lors de la requalification de CDD en CDI, car elle permet de déterminer si les relations entre l’employeur et le salarié ont été rompues ou non.

Ainsi, même si des CDD successifs sont entrecoupés de périodes sans travail, la requalification peut être prononcée si la relation de travail est considérée comme continue.

Les juges examinent la durée de la période interstitielle, le comportement des parties durant cette période, et les circonstances entourant la cessation de la relation de travail.

Comment l’affaire Canal Plus illustre-t-elle la requalification de CDD en CDI ?

L’affaire Canal Plus est un exemple marquant de requalification de CDD d’usage en CDI. Un réalisateur a réussi à faire requalifier ses CDD successifs, malgré une longue période sans travail.

Entre le 1er novembre 2000 et le 13 juin 2014, il a eu des CDD entrecoupés d’une période non travaillée de deux ans et demi, durant laquelle il était aux États-Unis.

Les juges ont dû déterminer si cette longue coupure constituait une « période interstitielle » ou si elle mettait fin à la relation de travail.

Le salarié a prouvé que la société avait cessé de lui fournir du travail, ce qui a été déterminant pour la requalification de ses contrats.

Quels sont les critères pour justifier l’utilisation de CDD dans des emplois à besoin permanent ?

La législation française, notamment à travers les articles L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, encadre l’utilisation des CDD dans des secteurs d’activité spécifiques.

Ces articles stipulent que certains emplois peuvent être pourvus par des CDD lorsque la nature de l’activité est temporaire et qu’il est d’usage de ne pas recourir à des CDI.

Cependant, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée impose que le recours à ces contrats soit justifié par des raisons objectives.

Cela signifie qu’il doit exister des éléments concrets prouvant le caractère temporaire de l’emploi. En cas de litige, le juge doit vérifier cette justification.

Comment le travail du salarié dans l’affaire Canal Plus a-t-il été évalué par rapport à la nature temporaire de son emploi ?

Dans l’affaire Canal Plus, le travail du salarié consistait à réaliser des bandes-annonces pour des films et des émissions diffusées quotidiennement.

Les juges ont constaté que le salarié n’était pas engagé pour une émission spécifique, mais que ses contrats visaient à pourvoir un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Cela a été un élément clé dans la décision de requalification, car l’employeur n’a pas pu prouver que l’emploi de réalisateur avait un caractère temporaire.

Ainsi, la nature permanente de l’activité exercée a conduit à la conclusion que les CDD successifs devaient être requalifiés en CDI.


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