Téléréalité : le contrat de travail exclu

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Téléréalité : le contrat de travail exclu

L’Essentiel : Dans l’affaire Adventure Line Production, la Cour de cassation a souligné que les contrats de participation aux émissions de téléréalité ne sont pas automatiquement requalifiables en contrats de travail. La preuve d’un lien de subordination, caractérisé par l’autorité d’un employeur sur un salarié, n’était pas établie. Les candidats, bien qu’ils participent à un jeu, n’étaient pas soumis à des contraintes horaires ou de contrôle, ce qui exclut la qualification de contrat de travail. L’émission, considérée comme un jeu aléatoire, ne répondait pas aux critères d’un contrat de travail selon le code civil.

: Les contrats de participation aux émissions de téléréalité ne sont pas ipso facto requalifiables en contrat de travail. La preuve du lien de subordination doit toujours être apportée par les candidats. Toute participation à une émission de téléréalité doit être accompagnée de la signature i) des règles de participation au jeu, ii) d’un contrat de cession des attributs de la personnalité (image, voix, relations médias …) ; iii) d’un engagement de confidentialité ; iv) d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage pour chaque journée de tournage.

Affaire Adventure Line Production

Dans l’affaire Adventure Line Production, la Cour de cassation a adopté une motivation lapidaire : la preuve de l’existence d’un lien de subordination caractérisant le contrat de travail n’était pas rapportée. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le contrat de travail se définit concrètement par la mise à disposition que le salarié fait, de sa force (physique ou intellectuelle) et de son temps, au profit de l’employeur -acceptant, en définitive, de soumettre sa liberté aux pouvoirs et instructions de ce dernier, moyennant une rémunération.

Périmètre du lien de subordination

En l’occurrence, la société de production n’exerçait pas un contrôle sur les candidats et ne les sanctionnait pas, excepté en cas de mise en danger de la personne (comme un organisateur de voyage). Les candidats n’étaient pas non plus soumis à des sujétions spatiales et temporelles, telles que des horaires. S’il existait bien un pouvoir d’élimination en cas de manquement aux règles de participation, il s’agissait d’un principe de précaution et de sécurité tout simplement, sans pour autant conduire à un lien de subordination.  En sa qualité d’organisateur du « jeu » la société avait également qualité pour exercer les pouvoirs de sanction à l’encontre des participants méconnaissant le règlement.

Qualification d’une émission en jeu

La société avait produit en 2010 la série télévisée « Famille d’explorateurs » diffusée sur TF1, à raison de neuf épisodes, réalisés en Australie, le dixième et dernier se déroulant en « plateau ». L’émission mettait en concours cinq familles. Le « pitch » consistait à opposer, entre elles, à l’occasion de diverses épreuves filmées, les familles, réunies dans un campement en pleine nature pendant trente jours environ.  Les participants à l’émission votaient pour l’exclusion de certains membres et à l’issue de la dernière épreuve, la famille arrivée en tête, remportait la somme de 20 000 €.

Chaque membre de la famille avait donc participé à un jeu, qui se veut aléatoire, comme en témoigne la durée de leur participation et la perte du gain final. Au sens du code civil, le contrat de jeu est un contrat aléatoire, à savoir une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Au sens de l’article 1108 du code civil, un contrat est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre ses effets, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain. Et précisément, la perte ou le gain résulte de l’aléa et dépend bien d’un évènement incertain, outre l’aspect ludique, le jeu n’implique pas pour les participants l’apport d’une mise. Les conditions de jeu étant réunies, elles ne permettent pas la qualification des relations en contrat de travail.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de participation à une émission de téléréalité ?

La participation à une émission de téléréalité nécessite la signature de plusieurs documents essentiels. Tout d’abord, les candidats doivent signer les règles de participation au jeu, qui définissent les modalités et les attentes de l’émission.

Ensuite, un contrat de cession des attributs de la personnalité est requis, ce qui inclut des droits sur l’image, la voix et les relations médias des participants.

De plus, un engagement de confidentialité est souvent exigé pour protéger les informations sensibles liées à l’émission. Enfin, un contrat de travail à durée déterminée d’usage doit être établi pour chaque journée de tournage, garantissant ainsi une certaine protection juridique pour les participants.

Comment la Cour de cassation a-t-elle tranché dans l’affaire Adventure Line Production ?

Dans l’affaire Adventure Line Production, la Cour de cassation a statué que la preuve du lien de subordination, caractéristique d’un contrat de travail, n’était pas établie.

Le lien de subordination se définit par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres, de contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

La Cour a souligné que les candidats n’étaient pas soumis à un contrôle direct ni à des sanctions, sauf en cas de mise en danger. Cela a conduit à la conclusion que les relations entre les candidats et la société de production ne constituaient pas un contrat de travail.

Quelles sont les caractéristiques du lien de subordination ?

Le lien de subordination est caractérisé par plusieurs éléments clés. Tout d’abord, il implique que le travailleur exécute ses tâches sous l’autorité d’un employeur, qui a le pouvoir de donner des instructions et de contrôler le travail effectué.

De plus, l’employeur a la capacité de sanctionner les manquements, ce qui renforce la notion de subordination.

Dans le contexte des émissions de téléréalité, la Cour a noté que les candidats ne faisaient pas l’objet d’un contrôle strict ni de sanctions, ce qui a conduit à l’absence de lien de subordination.

Comment l’émission « Famille d’explorateurs » est-elle qualifiée juridiquement ?

L’émission « Famille d’explorateurs » est qualifiée de jeu au sens du code civil, ce qui en fait un contrat aléatoire.

Dans ce type de contrat, les effets, tant en termes d’avantages que de pertes, dépendent d’un événement incertain.

Les participants votaient pour l’exclusion de certains membres, et le gain final était soumis à l’issue d’épreuves, ce qui illustre bien le caractère aléatoire de l’émission.

Ainsi, la nature ludique de l’émission, combinée à l’absence d’une mise de la part des participants, empêche la qualification des relations en contrat de travail.

Quelles sont les implications de la qualification d’un contrat de jeu ?

La qualification d’un contrat de jeu a des implications significatives sur la nature des relations entre les participants et l’organisateur.

En tant que contrat aléatoire, il ne crée pas de lien de subordination, ce qui signifie que les participants ne sont pas considérés comme des employés.

Cela a des conséquences sur les droits des participants, notamment en matière de protection sociale et de rémunération.

De plus, cette qualification permet à l’organisateur de définir les règles du jeu sans être soumis aux obligations d’un employeur, ce qui peut influencer la manière dont les émissions de téléréalité sont produites et gérées.


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