Taxe sur les vidéogrammes : la CJUE saisie

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Taxe sur les vidéogrammes : la CJUE saisie

L’Essentiel : Dans le cadre de leur demande de restitution de la Taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, Carrefour Hypermarchés et Fnac ont saisi le Conseil d’Etat, qui a renvoyé la question à la CJUE. Cette dernière devra examiner si une importante augmentation des ressources fiscales nécessite une nouvelle notification à la Commission européenne. Entre 2007 et 2011, le produit des taxes affectées au financement des aides au cinéma a augmenté de près de 60 %, dépassant le seuil de 20 % fixé par le règlement. Le ministre des Finances soutient qu’aucune notification n’est requise, arguant qu’il n’y a pas de modification substantielle du régime initial.

Des réponses à enjeu

Dans le cadre de leur demande de restitution de la Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public, les sociétés Carrefour Hypermarchés et Fnac, ont obtenu du Conseil d’Etat la saisine préjudicielle de la CJUE. La Cour européenne devra se prononcer sur plusieurs questions déterminantes dont les réponses pourraient ébranler le système français d’aides au secteur de l’audiovisuel et du cinéma.

En effet, la Commission européenne a approuvé, par une décision du 10 juillet 2007, la modification du mode de financement du régime d’aides résultant de la réforme de la taxe due, mais les prévisions d’augmentation pouvaient dans l’hypothèse la plus favorable, atteindre 16, 5 millions d’euros par an, là où l’augmentation du produit annuel s’est élevée, en réalité, à 67 millions d’euros en moyenne entre 2007 et 2011 (une augmentation de plus de 20 % du budget initial tel que déclaré à la Commission).

Il s’agira donc de déterminer, si en cas d’importante augmentation du produit des ressources fiscales / majoration des barèmes ou taux de la taxe, affectée au régime des aides (par rapport aux prévisions fournies à la Commission européenne), une nouvelle procédure de notification européenne doit intervenir.

Augmentation de la Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes

Les sociétés Carrefour Hypermarchés et Fnac ont fait valoir une importante augmentation entre 2007 et 2011 du produit global de la taxe sur les billets de cinéma, de la taxe sur les services de télévision et de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, qui sont les trois taxes affectées au financement des aides au cinéma et à l’audiovisuel.

Elles en ont déduit que le mode de financement de ces aides a connu une modification substantielle et que le seuil de 20 % fixé par le règlement (CE) n° 784/2004 a été dépassé. A l’appui de ce moyen, le rapport de la Cour des comptes d’août 2012 sur la gestion et le financement du CNC, dont il ressort que le produit des trois taxes qui lui sont affectées a augmenté de près de 60 % entre 2007 et 2011 et de 46, 3 % après neutralisation des changements de méthode comptable, du fait notamment de la forte progression du produit de la taxe sur les services de télévision, passé de 362 millions d’euros en 2007 à 631 millions d’euros en 2011, imputable notamment à la modification de l’assiette de cette taxe par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Position du Gouvernement

Le ministre des finances a fait valoir qu’aucune notification complémentaire à la Commission européenne n’est nécessaire, faute de modifications ayant affecté le régime initial dans sa substance même.

Obligation de notification à la Commission

L’article 108 du TFUE impose aux Etats membres de notifier à la Commission européenne tous les  projets tendant à modifier une aide existante. Par ailleurs, le TPUE (Affaires T-231/06 et T-237/06, 16/12/2010) a indiqué que  ce n’est pas  »toute aide existante modifiée » qui doit être considérée comme une aide nouvelle, mais c’est seulement la modification en tant que telle qui est susceptible d’être qualifiée d’aide nouvelle et que c’est donc seulement dans l’hypothèse où la modification affecte le régime initial dans sa substance même que ce régime se trouve transformé en un régime d’aides nouveau.

La CJUE (Affaire C-44/935, 9/08/1994)  a jugé que l’apparition d’une aide nouvelle ou la modification d’une aide existante ne peut pas, lorsque l’aide résulte de dispositions légales antérieures qui ne sont pas modifiées, être appréciée d’après l’importance de l’aide et notamment d’après son montant financier à chaque moment de la vie de l’entreprise. C’est par référence aux dispositions qui la prévoient, à leurs modalités et à leurs limites qu’une aide peut être qualifiée de nouveauté ou de modification : « on ne saurait contraindre les Etats membres, sans introduire un facteur d’insécurité juridique, à notifier à la Commission et à soumettre à son contrôle préventif toutes les mesures qui peuvent avoir des incidences sur le fonctionnement du marché commun, sur le jeu de la concurrence ou simplement sur le montant effectif, pendant une période déterminée, d’aides qui existent dans leur principe mais qui varient, dans leur montant, selon le chiffre d’affaires de l’entreprise ».

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sociétés ont demandé la restitution de la Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes ?

Les sociétés Carrefour Hypermarchés et Fnac ont formulé une demande de restitution de la Taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public.

Cette demande a été portée devant le Conseil d’Etat, qui a ensuite saisi la CJUE (CJUE) pour obtenir des éclaircissements sur des questions déterminantes.

Ces questions pourraient avoir des implications significatives sur le système français d’aides au secteur de l’audiovisuel et du cinéma, ce qui souligne l’importance de cette affaire.

Quel a été l’impact de la décision de la Commission européenne en 2007 ?

La Commission européenne a approuvé, le 10 juillet 2007, une modification du mode de financement du régime d’aides lié à la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes.

Cette décision a permis d’anticiper une augmentation des ressources fiscales, qui, dans le meilleur des cas, aurait pu atteindre 16,5 millions d’euros par an.

Cependant, la réalité a montré que le produit annuel a en fait augmenté de 67 millions d’euros en moyenne entre 2007 et 2011, soit une hausse de plus de 20 % par rapport au budget initial.

Quelles taxes sont affectées au financement des aides au cinéma et à l’audiovisuel ?

Les taxes concernées par le financement des aides au cinéma et à l’audiovisuel incluent la taxe sur les billets de cinéma, la taxe sur les services de télévision, et la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes.

Entre 2007 et 2011, ces taxes ont connu une augmentation significative, ce qui a conduit les sociétés Carrefour Hypermarchés et Fnac à conclure que le mode de financement des aides avait subi une modification substantielle.

Le rapport de la Cour des comptes d’août 2012 a également confirmé une augmentation de près de 60 % du produit de ces taxes durant cette période.

Quelle est la position du Gouvernement concernant la notification à la Commission européenne ?

Le ministre des Finances a soutenu qu’aucune notification complémentaire à la Commission européenne n’était nécessaire.

Il a argumenté qu’il n’y avait pas eu de modifications substantielles affectant le régime initial des aides.

Cette position repose sur l’idée que les changements dans le produit des taxes ne justifient pas une nouvelle notification, car le régime d’aides en lui-même n’a pas été modifié dans sa substance.

Quelles sont les obligations de notification selon l’article 108 du TFUE ?

L’article 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) impose aux États membres de notifier à la Commission européenne tous les projets visant à modifier une aide existante.

Cela inclut les modifications qui pourraient affecter le régime initial des aides.

Cependant, selon le Tribunal de l’Union européenne (TPUE), seule la modification qui impacte le régime initial dans sa substance doit être considérée comme une aide nouvelle, ce qui limite les obligations de notification.

Comment la CJUE a-t-elle interprété la notion d’aide nouvelle ?

La CJUE a précisé que l’apparition d’une aide nouvelle ou la modification d’une aide existante ne peut pas être évaluée uniquement en fonction de son montant financier.

Elle a souligné que c’est la nature des dispositions légales qui prévoient l’aide, ainsi que leurs modalités et limites, qui déterminent si une aide est nouvelle ou modifiée.

Cette interprétation vise à éviter une insécurité juridique pour les États membres, en ne les obligeant pas à notifier chaque variation d’aide qui pourrait survenir.


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