Suspension des procédures d’exécution face à la situation de surendettement : enjeux et limites.

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Suspension des procédures d’exécution face à la situation de surendettement : enjeux et limites.

L’Essentiel : Le 12 mars 2024, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a validé la saisie immobilière des époux [W] pour une créance de 174.606,12 euros due à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel. La vente forcée de leur bien immobilier est fixée au 2 juillet 2024. En réponse, les époux ont interjeté appel le 17 mai 2024, invoquant leur surendettement et demandant la suspension de l’exécution du jugement. La CRCAM a contesté la recevabilité de cet appel. Le 11 septembre 2024, la cour a rejeté leur demande de sursis, soulignant l’irrecevabilité de leur requête pour dépôt hors délai.

Jugement du 12 mars 2024

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France a rendu un jugement le 12 mars 2024, déclarant la procédure régulière et la saisie immobilière valable. Il a établi que la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à l’égard des époux [W] s’élevait à 174.606,12 euros, avec des intérêts à compter du 30 septembre 2022. Le jugement a ordonné la vente forcée d’un bien immobilier appartenant aux époux, situé au [Adresse 7], et a fixé la date de la vente aux enchères publiques au 2 juillet 2024.

Appel des époux [W]

Les époux [W] ont interjeté appel du jugement le 17 mai 2024. Ils ont assigné la CRCAM en référé pour demander la suspension de l’exécution provisoire du jugement. Dans leurs conclusions, ils ont demandé la reconnaissance de leur appel, la constatation de leur situation de surendettement, et l’arrêt de l’exécution du jugement du 12 mars 2024. Ils ont également réclamé des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments des époux [W]

Les époux [W] soutiennent qu’ils sont en situation de surendettement, avec Mme [O] [Z] ayant obtenu l’effacement de ses dettes par un jugement antérieur. Ils affirment que la banque a été informée de cette situation et que la créance du Crédit Agricole a été prise en compte dans le cadre de leur surendettement. Ils demandent donc la suspension des procédures d’exécution à leur encontre.

Réponse de la CRCAM

La CRCAM a contesté la recevabilité de l’appel des époux [W], arguant qu’ils n’avaient pas respecté le formalisme requis pour l’appel en matière d’exécution. Elle a demandé le rejet de toutes les demandes des époux, y compris celles fondées sur l’article 700, et a réclamé des dommages-intérêts à leur encontre.

Décision du 11 septembre 2024

Le 11 septembre 2024, la CRCAM a sommé les époux [W] de communiquer une ordonnance rendue par la cour d’appel. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises et a été appelée à l’audience du 26 septembre 2024, avec un délai accordé aux parties pour déposer leurs dossiers.

Motifs de la décision

La cour a précisé qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur la recevabilité de l’appel. Elle a rappelé que le sursis à exécution ne peut être accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation de la décision contestée. La situation de surendettement des époux [W] a été reconnue, mais la cour a noté que leur requête pour autorisation d’assigner à jour fixe avait été déclarée irrecevable en raison d’un dépôt hors délai.

Conclusion de la décision

Le premier président a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 12 mars 2024 et a condamné les époux [W] aux entiers dépens, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été signée par le premier président et la greffière.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel formé par les époux [W] ?

La recevabilité de l’appel formé par les époux [W] est régie par l’article R.311-7 du code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que « les jugements sont, sauf disposition contraire, susceptibles d’appel. L’appel est formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui en est faite. »

Il est également précisé que, sous réserve des dispositions de l’article R.322-19, l’appel est jugé selon la procédure à bref délai.

Dans le cas présent, les époux [W] ont interjeté appel du jugement du 12 mars 2024, mais la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane a contesté la recevabilité de cet appel, arguant que les époux n’avaient pas respecté le formalisme imposé en matière d’appel de procédure civile d’exécution, notamment le délai de huit jours pour présenter leur requête d’assignation à jour fixe.

Ainsi, la question de la recevabilité de l’appel est complexe et dépend de la conformité des époux [W] aux exigences procédurales.

Quelles sont les conséquences d’une procédure de surendettement sur les procédures d’exécution ?

L’article L.722-2 du code de la consommation stipule que « la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. »

Dans le cas des époux [W], ils ont fait valoir qu’ils se trouvaient en situation de surendettement, ce qui devrait théoriquement suspendre les procédures d’exécution à leur encontre.

Cependant, il a été établi que la commission de surendettement n’a pas saisi le juge de l’exécution pour obtenir le report de la date d’adjudication, ce qui pourrait affaiblir leur position.

Il est donc crucial de vérifier si toutes les conditions de la procédure de surendettement ont été respectées pour que les époux [W] puissent bénéficier de la suspension des procédures d’exécution.

Quelles sont les conditions pour obtenir un sursis à l’exécution ?

L’article R.121-22 du code des procédures civiles d’exécution précise que « en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. »

La demande de sursis à exécution doit être formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et, si nécessaire, dénoncée au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.

De plus, le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

Dans le cas présent, les époux [W] ont demandé la suspension de l’exécution provisoire du jugement du 12 mars 2024, mais la cour a jugé que leur demande ne pouvait être accueillie en raison de l’irrecevabilité de leur requête d’assignation à jour fixe.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile dispose que « la partie qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, les époux [W] ont demandé la condamnation de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de cet article.

Cependant, le premier président a décidé qu’il n’y avait pas lieu à l’application des dispositions de l’article 700, en raison de la défaite des époux [W] dans leurs prétentions.

Cela signifie que, malgré leur demande, ils n’ont pas réussi à convaincre la cour de la validité de leur appel et de leur situation de surendettement, ce qui a conduit à leur condamnation aux entiers dépens.

COUR D’APPEL

DE [Localité 9]

AUDIENCE DU

21 Novembre 2024

N° RG 24/00046 – N° Portalis DBWA-V-B7I-CO4L

MINUTE N°24/55

[X] [W]

[O] [D] [Z] épouse [W]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE

ORDONNANCE DE REFERE

ENTRE

M. [X] [W]

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représenté par Me Georges-Emmanuel GERMANY de la SELARL AVOCATS CONSEIL ET DEFENSE, avocat au barreau de MARTINIQUE

Mme [O] [D] [Z] épouse [W]

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentée par Me Georges-Emmanuel GERMANY de la SELARL AVOCATS CONSEIL ET DEFENSE, avocat au barreau de MARTINIQUE

DEMANDEURS EN REFERE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

DEFENDERESSE EN REFERE

L’affaire a été appelée à l’audience publique du VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE à la Cour d’Appel DE FORT DE FRANCE par Monsieur Laurent SABATIER, Premier Président, assisté de Madame Rose-Colette GERMANY, greffière présente aux débats, et de Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, présente au délibéré, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile que le prononcé de l’ordonnance serait rendu le TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, prorogé au VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement réputé contradictoire rendu le 12 mars 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :

– Déclare la présente procédure régulière,

– Dit que la saisie immobilière est valable,

– Dit que la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à l’égard de M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W] s’élève à la somme de 174.606,12 euros arrêté au 29 septembre 2022, avec intérêts au taux de 4 % l’an à compter du 30 septembre 2022 sur la somme de 153.483,67 euros, en principal, intérêts, frais et autres accessoires,

– Ordonne la vente forcée de l’immeuble saisi suivant :

Un bien immobilier situé au [Adresse 7], consistant en un terrain à bâtir, portant le n°4 du lotissement dénommé [Localité 8], cadastré section [Cadastre 2] n°[Cadastre 1], d’une surface de 10a et 00ca,

Appartenant à M. [X] [W], et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W], conformément au cahier des conditions de vente,

– Fixe la vente aux enchères publiques de l’immeuble saisi à l’audience d’adjudication du :

Mardi 02 juillet 2024 à 10 heures,

Au Tribunal Judiciaire de Fort-de-France,

Situé [Adresse 10],

[Localité 3]

[‘]

Dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.

Par déclaration du 17 mai 2024, M. [X] [W] et Mme [O] [D] [Z] épouse [W] (ci-après les « époux [W] ») ont interjeté appel du jugement.

Par exploit d’huissier du 25 juin 2024, les époux [W] ont assigné en référé, devant le premier président de la cour d’appel de Fort-de-France, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane (ci-après la « CRCAM ») pour l’audience du 25 juillet 2024 à 10 heures à la cour d’appel de Fort-de-France, aux fins de voir ordonner la suspension de l’exécution provisoire du 15 mars 2024.

Par leurs dernières conclusions, déposées au greffe de la cour d’appel de Fort-de-France le 29 août 2024, les époux [W] demandent au Premier président de :

– Déclarer leur appel recevable,

– Constater qu’ils bénéficient d’une procédure de surendettement des particuliers,

– Juger que leur surendettement emportent suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre du bien sis [Adresse 6],

– Arrêter l’exécution provisoire du jugement rendu le 12 mars 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Fort-de-France,

– Condamner la Caisse de Crédit Agricole de la Martinique à leur payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [W] font valoir qu’ils se trouvent en situation de surendettement, Mme [O] [Z] épouse [W] ayant obtenu l’effacement de ses dettes par jugement du 9 janvier 2024. Ils précisent que la banque a été informée de ce jugement par le tribunal judiciaire, que M. [X] [W] a également bénéficié d’un rétablissement personnel total et que la créance dont le Crédit Agricole est titulaire a été prise en compte en totalité.

En réplique, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane demande à la présente juridiction de :

– Déclarer irrecevable l’appel formé par M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W],

– Débouter M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W] de l’ensemble de leurs demandes, y compris celles fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W] à payer les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les époux [W] n’ont pas respecté le formalisme imposé en matière d’appel de procédure civile d’exécution en ce qu’ils n’ont pas respecté le délai de huit jours qui leur était imparti pour présenter leur requête d’assignation à jour fixe devant le premier président.

Le 11 septembre 2024, la CRCAM a fait sommation aux époux [W] de communiquer l’ordonnance du 14 juin 2024 rendue par la cour d’appel de Fort-de-France (RG n°24/00183).

Renvoyée à plusieurs reprises, l’affaire a été appelée à l’audience du 26 septembre 2024. Les parties ont obtenu un délai jusqu’au 27 septembre 2024 à 14h pour déposer leurs dossiers.

Les débats clos la présente décision a été mise en délibéré au 31 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il n’appartient pas à la présente juridiction, statuant en matière d’exécution provisoire, de se prononcer sur la recevabilité de l’appel formé par l’une des parties.

L’article R.121-22 du code des procédures civiles d’exécution dispose qu’en cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.

Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.

Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.

Aux termes de l’article L.722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires.

L’article R.311-7 du code des procédures civiles d’exécution dispose que les jugements sont, sauf disposition contraire, susceptibles d’appel. L’appel est formé dans un délai de quinze jours à compter de la notification qui en est faite. Sous réserve des dispositions de l’article R. 322-19 et sauf s’il est recouru à la procédure à jour fixe, l’appel est jugé selon la procédure à bref délai.

L’article R.322-19 du code précité dispose que l’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que Mme [O] [D] [Z] épouse [W] a bénéficié d’une procédure de surendettement par jugement du 9 janvier 2024 rendu par le tribunal judiciaire.

Les époux [W] produisent également aux débats un avis de réception de lettre recommandée adressée par le tribunal judiciaire à la CRCAM lui notifiant le jugement.

Le 27 juin 2024, M. [X] [W] a également bénéficié de la procédure de surendettement.

La situation de surendettement des époux [W] fait obstacle à la saisie immobilière dont ils font l’objet.

Les époux [W] indiquent que la commission de surendettement a saisi le juge de l’exécution à fin d’obtenir le report de la date d’adjudication ce qui n’est pas établi par les pièces versées aux débats.

Toutefois, par ordonnance du 14 juin 2024, la cour d’appel de Fort-de-France a déclaré irrecevable la requête à fin d’autorisation d’assigner à jour fixe déposée le 31 mai 2024 formulée par les époux [W].

Cette irrecevabilité résulte de la présentation hors-délai de la requête au premier président de la cour d’appel.

Le recours à la procédure à jour fixe étant une condition de la recevabilité de l’appel, l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement querellé ne saurait être prononcée.

Succombant en leur prétention, les époux [W] seront condamnés aux entiers dépens sans que des considérations d’équité ne commandent de faire l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le premier président, statuant en matière de référé, publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition :

Se déclare incompétent pour statuer sur la demande de recevabilité de l’appel formé par M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W],

Rejette la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 12 mars 2024 formulée par M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W],

Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [W] et Mme [O] [D] [U] [Z] épouse [W] aux entiers dépens.

La présente ordonnance a été signée par Monsieur Laurent SABATIER, premier président, et Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LE PREMIER PRESIDENT,


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