L’Essentiel : Mme [B] [I] a été engagée le 2 janvier 2020 par la SAS Les P’tits’Nounettes en tant qu’animatrice petite enfance. Après avoir constaté l’absence de paiement des primes conventionnelles, elle a, avec deux autres salariées, demandé leur versement. L’employeur a refusé, arguant une erreur sur la convention collective. Suite à un désaccord, une rupture conventionnelle a été conclue, et Mme [B] [I] a assigné la SAS devant le conseil de prud’hommes. Le 6 mai 2024, la SAS a été condamnée à verser des sommes dues, mais a interjeté appel, contestant la décision et la convention collective.
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Engagement de Mme [B] [I]Mme [B] [I] a été engagée le 2 janvier 2020 par la SAS Les P’tits’Nounettes en tant qu’animatrice petite enfance sous un contrat à durée indéterminée. Ce contrat stipule que la convention collective « médico sociaux » s’applique à sa relation de travail. Demande de paiement des primesAprès avoir constaté qu’elle n’avait pas perçu les primes conventionnelles, Mme [B] [I] et deux autres salariées ont demandé leur paiement. L’employeur a refusé, arguant que la mention de la convention collective était une erreur, car il n’y avait pas adhésion à celle-ci. Rupture conventionnelle et assignationSuite à ce désaccord, une rupture conventionnelle a été conclue. Le 17 octobre 2022, Mme [B] [I] a assigné la SAS Les P’tits’Nounettes devant le conseil de prud’hommes d’Arras pour obtenir le paiement des primes prévues par la convention collective. Jugement du conseil de prud’hommesLe 6 mai 2024, le conseil de prud’hommes d’Arras a condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser plusieurs sommes à Mme [B] [I], incluant des primes conventionnelles, des salaires dus, des congés payés, des dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que des frais de justice. Appel de la SAS Les P’tits’NounettesLa SAS Les P’tits’Nounettes a interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2024, demandant la suspension de l’exécution provisoire du jugement et contestant l’application de la convention collective, ainsi que le montant des condamnations. Arguments de la SAS Les P’tits’NounettesL’employeur a avancé plusieurs arguments, notamment que la convention collective ne s’appliquait pas, que certaines primes étaient discrétionnaires ou non justifiées, et qu’il n’y avait pas de résistance abusive de sa part. Il a également souligné sa fragilité économique face aux condamnations. Décision du premier président de la cour d’appelLe premier président de la cour d’appel a examiné les conditions légales pour arrêter l’exécution provisoire. Il a constaté que des moyens sérieux d’annulation ou de réformation existaient, notamment concernant le calcul des sommes dues et la situation financière de la SAS Les P’tits’Nounettes. Ordonnance rendueLe 25 novembre 2024, une ordonnance a été rendue, ordonnant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du conseil de prud’hommes du 6 mai 2024, laissant chaque partie responsable de ses dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la convention collective dans le contrat de travail de Mme [B] [I] ?La convention collective mentionnée dans le contrat de travail de Mme [B] [I] est celle des « médico sociaux ». Selon l’article L. 2221-1 du Code du travail, les conventions collectives ont pour but de déterminer les conditions d’emploi et de travail ainsi que les garanties sociales des salariés. L’article L. 2232-1 précise que les conventions collectives s’appliquent aux employeurs et aux salariés qui y adhèrent. Dans ce cas, la SAS Les P’tits’Nounettes a affirmé qu’elle n’était pas adhérente à cette convention, ce qui soulève la question de son application. Il est également important de noter que l’article L. 2261-1 du Code du travail stipule que les conventions collectives étendues s’appliquent à tous les employeurs et salariés d’une branche d’activité, même ceux qui n’ont pas adhéré. Cependant, la convention en question n’est pas étendue, ce qui pourrait limiter son application à la seule entreprise qui y a adhéré. Ainsi, la mention de la convention collective dans le contrat de travail de Mme [B] [I] pourrait être contestée par l’employeur, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ne s’applique pas, surtout si le contrat a été rédigé en tenant compte de cette convention. Quels sont les critères pour suspendre l’exécution provisoire d’un jugement ?L’article 514-3 du Code de procédure civile énonce que l’exécution provisoire de droit peut être suspendue par le premier président de la cour d’appel lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Pour qu’un moyen soit considéré comme sérieux, il doit soulever des questions juridiques qui pourraient justifier une révision du jugement. Dans le cas présent, la SAS Les P’tits’Nounettes a avancé plusieurs arguments, notamment l’absence d’adhésion à la convention collective et le fait que certaines primes ne lui étaient pas dues. De plus, l’article 517-1 du Code de procédure civile, qui s’applique à l’exécution provisoire facultative, impose les mêmes conditions. Cela signifie que la cour doit examiner si les conséquences financières de l’exécution du jugement sont excessives pour l’employeur, ce qui a été reconnu dans ce cas. La situation financière fragile de la SAS Les P’tits’Nounettes a été un facteur déterminant dans la décision de suspendre l’exécution provisoire, car elle risquait de se retrouver en état de cessation des paiements. Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive dans le cadre d’un litige de travail ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie qui perd à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits. Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser des dommages et intérêts pour résistance abusive. La résistance abusive est définie comme le fait pour une partie de s’opposer à une demande sans justification valable, ce qui peut entraîner des conséquences financières. L’article 1382 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, peut également être invoqué dans ce contexte, car il stipule que toute faute engage la responsabilité de son auteur. Dans cette affaire, la SAS Les P’tits’Nounettes a été jugée responsable d’une résistance abusive en raison de son refus de payer les primes conventionnelles, malgré les demandes légitimes de Mme [B] [I]. Cela a conduit à une condamnation à des dommages et intérêts, ce qui souligne l’importance de respecter les obligations contractuelles et conventionnelles dans le cadre d’une relation de travail. Comment se calcule le montant des condamnations en cas de litige sur les primes ?L’article R 1454-28 du Code du travail précise que l’exécution de droit des décisions du conseil de prud’hommes ne porte que sur le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités, dans la limite maximale de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Dans le cas de Mme [B] [I], le conseil de prud’hommes a condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser des sommes spécifiques pour les primes conventionnelles, les salaires dus par la prévoyance, ainsi que des congés payés. Chaque montant a été déterminé en fonction des dispositions de la convention collective applicable, même si l’employeur contestait leur légitimité. Il est essentiel que les demandes de paiement soient chiffrées et justifiées, comme le stipule l’article 1315 du Code civil, qui impose à celui qui réclame une obligation de prouver l’existence de celle-ci. Dans ce cas, la SAS Les P’tits’Nounettes a contesté le montant des primes, arguant qu’elles n’étaient pas dues, ce qui a conduit à un examen approfondi des preuves fournies par les deux parties. Ainsi, le calcul des condamnations repose sur une analyse des éléments de preuve, des dispositions légales et conventionnelles, ainsi que des arguments avancés par chaque partie. |
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2024
N° de Minute :160/24
N° RG 24/00118 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTF
DEMANDEUR :
S.A.S. LES P’TITS NOUNETTES
ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Alain COCKENPOT, avocat au barreau de Douai
DÉFENDERESSE:
Madame [B] [I] épouse [M]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
assistée de M. [E] [H], délégué syndical
PRÉSIDENTE : Michèle Lefeuvre, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 19 juillet 2024 pour remplacer le premier président empêché
GREFFIER : Christian Berquet
DÉBATS : à l’audience publique du 14 octobre 2024
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt cinq novembre deux mille vingt quatre, date indiquée à l’issue des débats, par Michèle Lefeuvre, présidente, ayant signé la minute avec Christian Berquet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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Mme [B] [I] a été engagée le 2 janvier 2020 par la SAS Les P’tits’Nounettes, exploitant une activité de micro-crèches en qualité d’animatrice petite enfance dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Ce contrat, rédigé par l’Association Régionale de Gestion et de Comptabilité (AGRECO) à laquelle a adhéré la société Les P’tits’Nounettes, mentionne que la convention collective «’médico sociaux’» s’applique à la relation de travail.
Constatant ne pas avoir perçu les primes conventionnelles, Mme [B] [I] épouse [M] ainsi que deux autres salariées, a sollicité leur paiement, ce qu’a refusé l’employeur faisant valoir que cette convention collective à laquelle elle n’a pas adhéré a été mentionnée par erreur.
A la suite de ce désaccord, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été conclue.
Par actes du 17 octobre 2022, Mme [B] [I] a fait assigner la SAS Les P’tits’Nounettes devant le conseil de prud’hommes d’Arras aux fins d’être remplie de ses droits, notamment le paiement des différentes primes prévues par la convention collective «’médico sociaux.
Par jugement du’6 mai 2024, le conseil de prud’hommes d’Arras a’condamné la SAS Les P’tits’Nounettes à verser à Mme [B] [I], avec exécution provisoire, les sommes de’:
– 3 000 euros au titre des primes conventionnelles’;
– 4’817 euros au titre des salaires dues par la prévoyance pour la période du 27 avril au 5 juillet 2022 ;
– 481 euros au titre des congés payés y afférents’;
– 1’000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et non-respect de la convention collective’;
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– débouté la SAS Les P’tits’Nounettes de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile’;
– condamné la SAS Les P’tits’Nounettes aux dépens et frais de commissaire de justice (en cas d’exécution forcée de la décision).
La SAS Les P’tits’Nounettes a interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2024.
Par acte en date du’16 juillet 2024, la société Les P’tits’Nounettes a fait assigner Mme [B] [I] devant le premier président de la cour d’appel de Douai aux fins de’voir, au visa de l’article 517-1 du code de procédure civile:
– ordonner la suspension de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Arras le 6 mai 2024′;
– condamner les défenderesses aux entiers dépens.
Elle avance que’:
– sur les moyens sérieux d’annulation ou de réformation’:
– la convention collective des centres médico-sociaux, dont a fait application le premier juge, n’avait pas vocation à s’appliquer puisqu’elle n’est pas adhérente à l’un des syndicats d’employeurs signataire de ladite convention collective et que cette convention n’est pas étendue,
– Il appartenait à Mme [I] de chiffrer et détailler ses demandes et ce, d’autant que le droit au versement de certaines primes, qu’elle n’avait pas vocation à percevoir, ne lui aurait pas été ouvert’;
– la prime de service et d’assiduité’est discrétionnaire pour l’employeur et aucun salarié ne l’a jamais perçue,
– la prime de technicité’a pour référence la filière sociale, éducative et enseignement, qui ne correspond absolument pas aux fonctions dévolues aux salariées au sein de l’entreprise,
– la prime de sujétion spéciale’ est destinée aux directeurs et en outre a été supprimée,
– la prime vêtements de travail n’est pas justifiée en absence de vêtement de travail
– les prestations complémentaires de prévoyance’de Mme [I] sollicitées ne sont pas détaillées et la prévoyance Chorum précise que Mme [I] a obtenu le paiement de sa période d’arrêt de travail.
– elle n’a commis aucune résistance abusive puisqu’elle s’est heurtée à l’incompréhension des salariées qui ont souhaité, malgré l’explication de l’erreur commise par l’expert-comptable, l’application d’une convention collective qui n’a pas vocation à s’appliquer entre les parties,
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– sur les conséquences manifestement excessives’: le montant total des condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes dans les trois jugements du 6 mai 2024 totalise hors charges salariales la somme de 30’000 euros, alors qu’elle présente une fragilité économique et que sa trésorerie est insuffisante pour supporter le montant total des condamnations, au risque de devoir déclarer son état de cessation des paiements,
A l’audience, Mme [B] [I] assistée par M. [H], défenseur syndical, s’est opposée à cette demande.
L’article R 1454-28 du code du travail prévoit que l’exécution de droit des décisions du conseil de prud’hommes ne porte que sur’le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2ème de l’article R1454-14 dans la limite maximale de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile s’appliquant à l’exécution provisoire de droit, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives.
L’article 517-1 du code de procédure civile, s’appliquant à l’exécution provisoire facultative, concernant en l’espèce la condamnation aux dommages-et-intérêts pour résistance abusive, prévoit les mêmes conditions pour que son arrêt puisse être ordonné.
Il ressort des pièces produites que le contrat de travail de Mme [I] prévoit l’application d’une convention collective non étendue, le moyen contestant le fait que cette mention contractuelle vaut reconnaissance de son application à la salariée ne paraissant pas suffisamment sérieux pour entrainer une infirmation sur ce point.
Il n’en est cependant pas de même du moyen tenant à l’absence de calcul et de vérification des sommes qui seraient dues en application de cette convention collective litigieuse, une somme semblant forfaitaire ayant été accordée à la salariée au titre des différentes primes dont le paiement a été sollicité. L’employeur produit également des justificatifs de paiement des indemnités journalières par la prévoyance qui pourraient ne pas avoir été pris en considération. Il justifie ainsi de moyens sérieux susceptibles d’entrainer l’infirmation du jugement sur ces dispositions comme sur celles concernant la résistance abusive au paiement des sommes réclamées.
Par ailleurs, la société Les P’tites Nounettes, petite structure, a une situation financière fragile ne lui permettant pas de faire face au paiement des sommes qu’elle a été condamnée à verser tant à Mme [I] qu’à deux autres salariées, au risque de se trouver en état de cessation des paiements.
Les conditions légales étant ainsi remplies, il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du conseil de prud’hommes du 6 mai 2024.
Par ordonnance contradictoire rendue après débats en audience publique,
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement du conseil de prud’hommes d’Arras du 6 mai 2024,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens.
Ainsi jugé et prononcé le 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe
Le greffier La présidente
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