L’Essentiel : Le 10 octobre 2016, la SCI Althilau a signé un bail commercial avec la SARL [E] Musik pour des locaux de 500 m², d’une durée de neuf ans. En raison de loyers impayés, la SCI a émis plusieurs commandements de payer, dont un de 16.882,77 euros en septembre 2023. La SARL a demandé des délais de paiement, accordés par le tribunal, qui a constaté l’acquisition de la clause résolutoire. Finalement, la SARL a été condamnée aux dépens, tandis que la SCI a été déboutée de sa demande de remboursement des frais liés au commandement de payer.
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Contrat de bail commercialPar acte notarié du 10 octobre 2016, la SCI Althilau a conclu un contrat de bail commercial avec la SARL [E] Musik pour des locaux d’environ 500 m², situés à [Adresse 7] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans. Commandements de payerLe 15 juin 2020, la SCI Althilau a émis deux commandements de payer à la SARL [E] Musik, l’un pour un montant de 5.849,89 euros et l’autre pour 15.623,87 euros, en raison de loyers et charges impayés. Demande de délais de paiementLe 10 juillet 2020, la SARL [E] Musik et Mme [N] [X] [E] ont assigné la SCI Althilau pour obtenir des délais de paiement sur une dette locative de 14.110,87 euros, ce qui a conduit à une ordonnance du juge des référés le 23 septembre 2020, accordant des délais de paiement. Demande d’étalement des loyersLe 31 mai 2023, la SARL [E] Musik a demandé à la SCI Althilau d’étaler le paiement des loyers d’avril, mai et juin 2023, ce qui a été accepté par la SCI Althilau le 19 juin 2023. Nouveau commandement de payerLe 27 septembre 2023, la SCI Althilau a émis un nouveau commandement de payer à la SARL [E] Musik pour un montant de 16.882,77 euros, menaçant d’invoquer la clause résolutoire du bail. Assignation au tribunalLe 29 novembre 2023, la SCI Althilau a assigné la SARL [E] Musik devant le tribunal judiciaire d’Amiens pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, demander la résiliation du bail et ordonner l’expulsion. Clôture de l’instruction et audienceL’instruction a été clôturée le 24 octobre 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries le 27 novembre 2024, avec mise en délibéré au 29 janvier 2025. Demandes de la SCI AlthilauDans ses dernières conclusions, la SCI Althilau a demandé la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, la résiliation du bail, l’expulsion de la SARL [E] Musik, et le paiement d’une indemnité d’occupation. Demandes de la SARL [E] MusikLa SARL [E] Musik a demandé un délai de six mois pour s’acquitter des sommes dues, la suspension des effets du commandement de payer, et a contesté les demandes de la SCI Althilau. Motivations du tribunalLe tribunal a constaté que la clause résolutoire avait été acquise le 27 octobre 2023, mais a accordé des délais de paiement à la SARL [E] Musik jusqu’au 30 mars 2024, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire. Décisions sur les manquements du bailleurLe tribunal a rejeté les demandes de la SARL [E] Musik concernant les manquements de la SCI Althilau à ses obligations, notamment en ce qui concerne les infiltrations et l’entretien des espaces verts. Frais du procèsLa SARL [E] Musik a été condamnée aux dépens, tandis que la SCI Althilau a été déboutée de sa demande de remboursement des frais du commandement de payer. Frais irrépétiblesLa SARL [E] Musik a été condamnée à verser à la SCI Althilau la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de la clause résolutoire dans le bail commercial selon l’article L. 145-41 du code de commerce ?La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du code de commerce, qui stipule que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ». Dans le cas présent, la SCI Althilau a délivré un commandement de payer à la SARL [E] Musik le 27 septembre 2023, lui intimant de régler une somme de 16.882,77 euros. Ce commandement mentionnait expressément la clause résolutoire prévue dans le bail commercial, ainsi que le délai d’un mois imparti au preneur pour régulariser sa situation. La SARL [E] Musik n’ayant pas apuré sa dette dans ce délai, la clause résolutoire a été considérée comme acquise à la date du 27 octobre 2023, conformément aux dispositions de l’article L. 145-41. Quelles sont les conditions pour suspendre les effets de la clause résolutoire selon l’article L. 145-41 et l’article 1343-5 du code civil ?L’article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce prévoit que « les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée ». L’article 1343-5 du code civil précise que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». Dans cette affaire, la SARL [E] Musik a sollicité des délais de paiement pour apurer sa dette. Le tribunal a constaté que la SARL [E] Musik avait effectivement réglé ses dettes dans le délai accordé, ce qui a permis de suspendre les effets de la clause résolutoire. Ainsi, la clause résolutoire n’a pas joué, car les conditions de suspension étaient remplies. Quels sont les droits et obligations du bailleur selon l’article 1719 du code civil ?L’article 1719 du code civil énonce que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ». Dans le cadre de cette affaire, la SARL [E] Musik a soulevé des manquements de la SCI Althilau à ses obligations, notamment en ce qui concerne des infiltrations d’eau et des dégradations des espaces verts. Cependant, le tribunal a constaté que la SCI Althilau avait pris des mesures pour remédier aux infiltrations et que les dégradations étaient dues à des tiers, ce qui exonérait le bailleur de sa responsabilité selon l’article 1725 du code civil. Ainsi, la SCI Althilau n’a pas été condamnée à effectuer des réparations. Comment sont déterminés les dépens selon l’article 696 du code de procédure civile ?L’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». Dans cette affaire, la SARL [E] Musik, qui n’a pas apuré les causes du commandement de payer dans le délai imparti, a été condamnée aux dépens. Cependant, le tribunal a précisé que les frais du commandement de payer ne pouvaient pas être inclus dans les dépens, car ils n’avaient pas été établis par un commissaire de justice désigné à cet effet par décision de justice. Ainsi, la SCI Althilau a été déboutée de sa demande de remboursement des frais liés au commandement de payer. Quelles sont les conditions pour obtenir des frais irrépétibles selon l’article 700 du code de procédure civile ?L’article 700 du code de procédure civile dispose que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Dans cette affaire, la SARL [E] Musik a été condamnée à payer à la SCI Althilau la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles. Le tribunal a pris en compte la situation économique de la partie condamnée et a jugé que cette somme était justifiée au regard des frais engagés par la SCI Althilau pour défendre ses droits. Ainsi, la demande de la SARL [E] Musik de ne pas être condamnée à ces frais a été rejetée. |
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JUGEMENT CIVIL
1ère Chambre
Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l’expulsion
Sans procédure particulière
AFFAIRE :
S.C.I. ALTHILAU
C/
S.A.R.L. [E] MUSIK
Répertoire Général
N° RG 23/03686 – N° Portalis DB26-W-B7H-HYPR
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Expédition exécutoire le : 29/01/25
à : Me Lebegue
à : Me Delahousse
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Expédition le :
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à : Expert
à : AJ
TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’AMIENS
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J U G E M E N T
du
VINGT NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
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Dans l’affaire opposant :
S.C.I. ALTHILAU (RCS DE BOULOGNE SUR MER 440 574 572)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Stéphanie LEBEGUE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Agnès GRANDET, avocat au barreau d’AMIENS
– DEMANDEUR (S) –
– A –
S.A.R.L. [E] MUSIK (RCS D’AMIENS 326 261 427)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS
– DÉFENDEUR (S) –
Le TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS a rendu le jugement contradictoire suivant par mise à disposition de la décision au greffe, après que la cause eut été retenue le 27 Novembre 2024 devant :
– Monsieur Aurélien PETIT, juge au tribunal judiciaire d’AMIENS, qui, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de procédure civile, a tenu seul(e) l’audience, assisté(e) de :
– Madame Céline FOURCADE, Greffière, pour entendre les plaidoiries.
Par acte notarié du 10 octobre 2016, la SCI Althilau, bailleur, et la SARL [E] Musik ont régularisé un contrat de bail commercial portant sur des locaux d’une surface totale d’environ 500 m² dans un immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 6] (Somme), cadastré section ZB n° [Cadastre 5], pour une durée de neuf années à compter du 10 octobre 2016.
Suivant acte extrajudiciaire du 15 juin 2020, la SCI Althilau a fait commandement à la SARL [E] Musik de lui payer la somme de 5.849, 89 euros au titre de la facture de révision du loyer du 5 février 2020 (536, 58 euros), de la facture du loyer et des charges de mars 2020 (5.138, 92 euros) et des frais (174, 39 euros), dans le délai d’un mois.
Suivant acte extrajudiciaire du même jour, la SCI Althilau a fait commandement à la SARL [E] Musik de lui payer la somme de 15.623, 87 euros au titre des factures de loyers et charges des mois d’avril, mai et juin 2020 (5.138, 92 euros x 3), outre les frais (207, 11 euros).
Par acte de commissaire de justice du 10 juillet 2020, la SARL [E] Musik et Mme [N] [X] [E] ont fait assigner la SCI Althilau devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Amiens afin d’obtenir des délais de paiement pour se libérer de la dette locative de 14.110, 87 euros sur une période de douze mois et de dire que Mme [N] [X] [E] bénéficiera des mêmes délais en sa qualité de caution.
Par ordonnance du 23 septembre 2020, le juge des référés de ce tribunal a ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire contenue dans le bail du 10 octobre 2016, condamné la SARL [E] Musik à verser à la SCI Althilau une provision de 14.110, 87 euros, dit qu’elle pourra s’acquitter de sa dette en douze échéances de 1.175, 90 euros à compter du mois de novembre 2020, dit que faute de payer en plus du loyer courant une seule de ces échéances le tout deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire sera acquise, dit que Mme [N] [X] [E] bénéficie des mêmes délais, condamné la SARL [E] Musik aux dépens et rejeté la demande formée par la SCI Althilau au titre des frais irrépétibles.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 31 mai 2023, la SARL [E] Musik a sollicité de la SCI Althilau l’étalement du paiement des loyers d’avril, mai et juin 2023 sur une période de douze mois.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juin 2023, la SCI Althilau a accepté le paiement de ces trois loyers en douze mensualités.
Suivant acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023, la SCI Althilau a fait commandement à la SARL [E] Musik de lui payer la somme de 16.882, 77 euros dans le délai d’un mois sous peine de se prévaloir de clause résolutoire du bail commercial.
Par acte de commissaire de justice du 29 novembre 2023, la SCI Althilau a fait assigner la SARL [E] Musik devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire ainsi que la résiliation du bail, d’ordonner son expulsion et de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 24 octobre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 27 novembre 2024 et mise en délibéré au 29 janvier 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2024, la SCI Althilau demande au tribunal de :
constater l’acquisition de la clause résolutoire ; constater la résiliation du bail à compter du 27 octobre 2023 ; ordonner l’expulsion de la SARL [E] Musik et de tous occupants de son chef dans le mois de la signification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin ; condamner la SARL [E] Musik à lui payer la somme de 5.864, 64 euros par mois à titre d’indemnité d’occupation à compter du mois de novembre 2023 et jusqu’à libération effective des lieux ; A titre subsidiaire,
prononcer la résiliation du bail ; ordonner l’expulsion de la SARL [E] Musik et de tous occupants de son chef dans le mois de la signification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin ; condamner la SARL [E] Musik à lui payer la somme de 5.864, 64 euros par mois à titre d’indemnité d’occupation à compter du mois de novembre 2020 et jusqu’à libération effective des lieux ; débouter la SARL [E] Musik de ses demandes de condamnation à procéder à des réparations sous astreinte ; En tout état de cause,
condamner la SARL [E] Musik aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ; condamner la SARL [E] Musik à lui payer la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
Au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce, ainsi que subsidiairement des articles 1277 et suivants du code civil, la SCI Althilau, qui indique avoir pu procéder au recouvrement de sa créance en suite d’une saisie-attribution diligentée au cours de la présente instance, se prévaut de l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 27 octobre 2023. Elle sollicite le prononcé de la résiliation du bail à cette date motifs pris notamment du non-paiement des loyers. Par ailleurs, elle s’oppose à la demande de délais de paiement de la SARL [E] Musik, soulignant, d’une part, qu’elle doit faire face à ses propres charges et, d’autre part, qu’elle n’a pas à être contrainte de faire des avances de trésorerie à sa cocontractante. La SCI Althilau sollicite en outre le paiement d’une indemnité d’occupation à compter du mois de novembre 2023. Aux demandes reconventionnelles de la SARL [E] Musik, la SCI Althilau répond qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’entretien.
Suivant dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2024, la SARL [E] Musik demande au tribunal de :
lui accorder rétroactivement un délai de six mois pour s’acquitter des causes du commandement de payer délivré le 27 septembre 2023 ; dire et juger que pendant le cours de ces délais les effets du commandement de payer doivent être suspendus ; constater que pendant le cours des délais ainsi accordés, le règlement des causes du commandement de payer susvisé est intervenu ; débouter la SCI Althilau de sa demande de constatation des effets de la clause résolutoire et des demandes subséquentes ; débouter la SCI Althilau de sa demande de résiliation du bail commercial et des demandes subséquentes ; débouter la SCI Althilau de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 19.410, 88 euros ; prendre acte de ce que la somme de 3.130, 24 euros TTC, trop perçue au 26 mars 2024 par la SCI Althilau, est venue se compenser avec l’échéance de loyer et charges du mois d’avril 2024 ; débouter la SCI Althilau de sa demande au titre des frais irrépétibles ; enjoindre la SCI Althilau à procéder aux réparations suivantes : remettre en état les espaces verts en bordure de parking ; prendre toute mesure pour prévenir les infiltrations d’eau dans le magasin ; installer une gouttière à l’angle avant-gauche du toit afin de supprimer les trombes d’eau dégoulinant lors des pluies ; assurer la sécurité, le bon état et la mise aux normes des organes de sécurité incendie, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du deuxième mois suivant la signification du jugement ; se réserver la liquidation de l’astreinte ; juger n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement au cas de constatation ou de prononcé de la résiliation du bail ; statuer ce que de droit sur les dépens.
Au visa des articles 1104 et suivants, 1227 et suivants, 1343-5 du code civil, ainsi que L. 145-41 du code de commerce, la SARL [E] Musik, qui se prévaut du paiement de sa dette, demande que lui soit accordée rétroactivement un délai de paiement, de sorte qu’il soit constaté que la clause résolutoire n’a pas joué. Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail commercial, la SARL [E] Musik réplique, au visa des articles 1227 et 1228 du code civil, que sa dette a été apurée et qu’il convient de tenir compte des conséquences économiques et sociales qu’une telle sanction entraînerait. Reconventionnellement, la SARL [E] Musik soutient que la SCI Althilau manque à ses obligations dès lors qu’elle subit des troubles de jouissance en raison d’infiltrations, des dégradations des espaces verts et des éléments en béton bordant le parking, de sorte qu’elle en sollicite la réparation sous astreinte.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur la demande principale d’acquisition de la clause résolutoire
Aux termes de l’article L. 145-41 alinéa 1er du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».
En l’espèce, le bail commercial régularisé le 10 octobre 2016 stipule la clause résolutoire suivante : « En cas de non-exécution, totale ou partielle, ou de non-respect, par le preneur de la clause de (…) paiement à son échéance de l’un des termes du loyer, des charges et impôts récupérables par le bailleur (…), le présent bail sera résilié de plein droit un mois après (…) un commandement de payer délivré par acte extrajudiciaire au preneur de régulariser sa situation. A peine de nullité, ce commandement doit mentionner la déclaration par le bailleur d’user du bénéfice de la présente clause ainsi que le délai d’un mois imparti au preneur pour régulariser sa situation ».
Il ressort des pièces versées aux débats que la SCI Althilau a, par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023 qui vise expressément la clause résolutoire prévue au bail commercial, fait commandement à la SARL [E] Musik de lui payer la somme de 16.882, 77 euros, répartie comme suit : 22.153, 20 euros en principal au 5 septembre 2023, 18, 53 euros au titre de l’article A 444-31 du code de commerce et 195, 68 au titre des frais, déduction faite du règlement de la somme de 5.484, 64 euros le 8 septembre 2023, ce dans le délai d’un mois.
Il n’est pas contesté qu’alors que le commandement de payer visant la clause résolutoire et le délai d’un mois imparti au preneur pour régulariser sa situation a été délivré le 27 septembre 2023, la SARL [E] Musik ne s’est intégralement acquittée de ses causes que postérieurement au 27 octobre 2023.
En l’absence d’apurement de la dette visée dans le délai prescrit, l’acquisition du bénéfice de la clause résolutoire sera constatée au profit de la SCI Althilau à la date du 27 octobre 2023 pour la somme de 16.882, 77 euros.
Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire
L’article L. 145-41 alinéa 2 du code de commerce prévoit que « Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
L’article 1343-5 du code civil dispose que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiement s’imputeront d’abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite ».
La suspension des effets de la clause résolutoire implique l’octroi de délai. Dans l’hypothèse où le juge constate que les sommes commandées ont été intégralement réglées, le juge peut accorder au débiteur de bonne foi, rétroactivement, des délais de paiement jusqu’à la date où le paiement est effectivement intervenu, constater ensuite dans la même décision que le paiement est intervenu dans le délai accordé et dire enfin que la clause résolutoire n’a pas joué (Cass., 3e civ., 12 mai 2016, n° 15-14.117).
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties qu’en suite de difficultés financières, la SCI Althilau a accepté que la SARL [E] Musik lui verse, en sus du loyer mensuel, la somme de 1.371, 16 euros en remboursement de précédents loyers impayés, le 1er de chaque mois à compter de juillet 2023 et jusqu’en mai 2024. La SCI Althilau a toutefois exigé de la SARL [E] Musik un paiement régulier sous peine de déchéance du terme et d’exigibilité des sommes dues.
Il ressort encore du décompte fourni par elle que la SARL [E] Musik s’est acquittée du paiement de la somme de 1.371, 16 euros en mai, juin, juillet et août 2023 alors que le loyer n’était pas payé pour les mois d’avril à juin 2023. En outre, la SARL [E] Musik n’a pas payé l’échéance de 1.371, 16 euros du mois de septembre 2023, ce qui a entraîné la signification du commandement de payer du 27 septembre 2023.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 octobre 2023, la SARL [E] Musik s’est rapprochée du commissaire de justice mandaté par sa cocontractante pour solliciter l’étalement de sa dette d’un montant de 20.782, 04 euros à cette date, sur une période de 18 mois par le paiement d’échéances mensuelles de 1.154, 56 euros. Elle a également procédé au paiement de l’échéance de septembre 2023 ainsi que des frais de l’acte extrajudiciaire.
La SCI Althilau n’a pas donné une suite favorable à cette demande, choisissant d’assigner la SARL [E] Musik devant ce tribunal par acte extrajudiciaire du 29 novembre 2023.
Toutefois, la SARL [E] Musik s’est acquittée mensuellement du loyer et de l’échéance proposée jusqu’au 2 février 2024, date à laquelle la SCI Althilau a fait procéder à une saisie-attribution sur le compte bancaire de sa cocontractante.
Il s’ensuit que les sommes commandées ont été intégralement réglées, ce dont conviennent les parties, au plus tard à la date de la mainlevée du 20 mars 2024 suivant décompte du commissaire de justice en date du 15 mai 2024.
Compte tenu des difficultés économiques du preneur qui ressortent notamment de la lettre recommandée avec avis de réception qu’il a adressée au bailleur le 17 octobre 2023 ainsi que des éléments comptables faisant état d’une baisse du chiffre d’affaires en lien avec les événements nationaux et internationaux ayant occasionné une hausse des coûts de l’énergie et des transports ainsi que des difficultés d’approvisionnement, du montant relativement faible de la dette locative, de ce que la saisie-attribution a été pratiquée en suite de la perception par le preneur d’une indemnité d’éviction et de l’absence d’incident de paiement depuis le règlement des sommes commandées, la SARL [E] Musik ne peut être considérée comme de mauvaise foi.
Ainsi, s’il ne saurait être question de sous-estimer la lassitude du bailleur qui lui a déjà accordé amiablement des délais de paiement, il apparaît opportun de permettre à la SARL [E] Musik de conserver son activité professionnelle et de restaurer avec la SCI Althilau une relation de confiance.
Il sera donc accordé rétroactivement à la SARL [E] Musik des délais de paiement jusqu’au 30 mars 2024 inclus pour apurer les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023, de sorte que la suspension de ses effets sera ordonnée.
Constatant que les causes du commandement sont payées, il sera jugé que la clause résolutoire visée au commandement de payer du 27 septembre 2023 n’a pas joué.
Corrélativement, la SCI Althilau sera déboutée de sa demande d’expulsion sous astreinte et de condamnation de la SARL [E] Musik à lui payer une indemnité d’occupation.
Sur la demande reconventionnelle au titre des manquements du bailleurs à ses obligations
Aux termes de l’article 1719 du code civil, « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale un logement. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
Il ressort des pièces versées aux débats que par courriel du 13 juillet 2024 la SARL [E] Musik a alerté la SCI Althilau de la survenance d’infiltrations au sein du magasin et de l’écoulement d’eau en provenance de la toiture sur le parking à proximité de gaines d’alimentations électriques et de gaz en l’absence de gouttière.
Concernant les infiltrations, la SARL [E] Musik ne démontre pas que ces fuites seraient récurrentes depuis 2016. Surtout, la SCI Althilau justifie avoir fait intervenir la SARL Métropole Couverture le 17 juillet 2024 pour procéder à l’enlèvement de déchets végétaux au niveau du chéneau et au nettoyage de la toiture, mettant ainsi fin aux infiltrations déplorées le 13 juillet précédent (facture n° 2024073385). Elle justifie également que l’écoulement d’eau sur le parking dénoncé par la SARL [E] Musik s’est effectué par un trop-plein pour pallier l’inefficacité de la descente d’eau pluviale bouchée par les déchets végétaux (schéma explicatif).
Par conséquent, il n’y a pas lieu d’enjoindre à la SCI Althilau de prendre toute mesure pour prévenir les infiltrations d’eau dans le magasin et d’installer une gouttière à l’angle avant gauche du toit, ce sous astreinte.
S’agissant des dégradations des enrobés en béton et des espaces verts bordant le parking, la SARL [E] Musik s’est plainte auprès de la SCI Althilau, par lettre recommandée du 3 août 2022, des désordres occasionnés par un commerce voisin à l’occasion de travaux empiétant sur le fonds loué. Un constat extrajudiciaire établi la veille à la requête de la SCI Althilau témoigne de ces dégradations, cette dernière ayant mis en demeure la société Fête Sensation d’intervenir pour y remédier par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juin 2023. Cependant, il ressort des explications des parties que la société Fête Sensation n’a pas déféré à cette injonction.
A cet égard, il est rappelé qu’en vertu de l’article 1725 du code civil « le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voie de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel ». Partant, il n’y a pas lieu d’enjoindre à la SCI Althilau de remettre en état les espaces verts en bordure de parking, ce sous astreinte.
Enfin, si la SARL [E] Musik déplore qu’à l’occasion de la visite annuelle des organes de sécurité incendie du 28 juillet 2020 la SARL Axi’s Protect a constaté la présence d’un exutoire vrillé ne s’ouvrant pas complètement ainsi que la non-conformité d’un câblage du système d’alarme incendie, elle ne justifie pas de la persistance de ces défauts par la production du dernier rapport pour l’année 2024. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’enjoindre à la SCI Althilau d’assurer la sécurité, le bon état et la mise aux normes des organes de sécurité incendie, ce sous astreinte, ce d’autant que le bail commercial met à la charge du preneur l’entretien, la réparation et le remplacement de l’alarme incendie.
Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 alinéa 1er du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
La SARL [E] Musik, qui n’a pas apuré les causes du commandement de payer dans le délai d’un mois de sa délivrance, devra supporter les dépens.
En revanche, ne peuvent être inclus dans les dépens les frais du commandement de payer établi par un commissaire de justice non désigné à cet effet par décision de justice. Au surplus, le coût de cet acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023, qui aurait pu être inclus dans les frais irrépétibles, a d’ores et déjà été remboursé par la SARL [E] Musik à la SCI Althilau par virement du 18 octobre 2023.
La SCI Althilau est donc déboutée de sa demande de condamnation de la SARL [E] Musik à lui rembourser le coût du commandement de payer signifié le 27 septembre 2023.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (…). Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent ».
La SARL [E] Musik, condamnée aux dépens, est condamnée à payer à la SCI Althilau la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal :
CONSTATE l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial du 10 octobre 2016 liant la SCI Althilau à la SARL [E] Musik relativement aux locaux commerciaux dans un immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 6] (Somme), cadastré section ZB n° [Cadastre 5], à la date du 27 octobre 2023, pour la somme de 16.882,77 euros, par l’effet du commandement de payer signifié par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023 ;
ACCORDE rétroactivement à la SARL [E] Musik des délais de paiement jusqu’au 30 mars 2024 inclus pour apurer les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023 ;
SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant les délais accordés ;
CONSTATE que la SARL [E] Musik a apuré en intégralité les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023 pendant les délais accordés ;
DIT que la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial conclu entre la SCI Althilau et la SARL [E] Musik, et visée au commandement de payer signifié par acte extrajudiciaire du 27 septembre 2023, n’a pas joué ;
DEBOUTE la SCI Althilau de sa demande d’expulsion sous astreinte et de condamnation de la SARL [E] Musik à lui payer une indemnité d’occupation ;
DEBOUTE la SARL [E] Musik de sa demande d’enjoindre à la SCI Althilau à procéder aux réparations suivantes : remettre en état les espaces verts en bordure de parking ; prendre toute mesure pour prévenir les infiltrations d’eau dans le magasin ; installer une gouttière à l’angle avant gauche du toit afin de supprimer les trombes d’eau dégoulinant lors des pluies ; assurer la sécurité, le bon état et la mise aux normes des organes de sécurité incendie, ce sous astreinte ;
CONDAMNE la SARL [E] Musik aux dépens ;
DEBOUTE la SCI Althilau de sa demande de condamnation de la SARL [E] Musik à lui rembourser le coût du commandement de payer signifié le 27 septembre 2023 ;
CONDAMNE la SARL [E] Musik à payer à la SCI Althilau la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement est signé par le président et la greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRESIDENT
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