Suspension des effets d’une clause résolutoire en raison de la bonne foi du débiteur et de ses efforts de paiement.

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Suspension des effets d’une clause résolutoire en raison de la bonne foi du débiteur et de ses efforts de paiement.

L’Essentiel : La SCI Oberkampf invest a signé un bail commercial avec la société NNPO le 24 juin 2020, pour un loyer annuel de 78.000 euros HT/HC. Le 11 mars 2024, un commandement de payer a été délivré, réclamant 16.000 euros en principal. Le 6 juin 2024, la SCI a assigné NNPO devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l’expulsion et le paiement des sommes dues. Lors de l’audience du 4 décembre 2024, le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, mais a accordé un délai de 24 mois à NNPO pour régler sa dette, tout en suspendant les effets de la clause.

Constitution du bail commercial

La SCI Oberkampf invest a signé un bail commercial avec la société NNPO le 24 juin 2020, pour des locaux situés à [Adresse 3] [Localité 2]. Le loyer annuel convenu s’élevait à 78.000 euros HT/HC, payable trimestriellement et d’avance.

Commandement de payer

Le 11 mars 2024, la SCI Oberkampf invest a délivré un commandement de payer à la société NNPO, lui réclamant la somme de 16.000 euros en principal, en se basant sur la clause résolutoire du contrat de bail.

Procédure judiciaire

Le 6 juin 2024, la SCI Oberkampf invest a assigné la société NNPO devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion de la défenderesse, ainsi que le paiement de diverses sommes dues, y compris des loyers impayés et des indemnités.

Audience et demandes des parties

Lors de l’audience du 4 décembre 2024, la SCI Oberkampf invest a maintenu ses demandes, actualisant le montant de la dette à 26.550 euros. La société NNPO a reconnu la dette mais a demandé des délais de paiement de 24 mois, invoquant des difficultés financières.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire était acquise, mais a également reconnu les efforts de paiement de la société NNPO. Il a accordé un délai de 24 mois pour régler la dette, suspendant les effets de la clause résolutoire sous certaines conditions.

Indemnité d’occupation et frais

La société NNPO devra payer une indemnité d’occupation provisionnelle équivalente au loyer, sans la majoration de 50% demandée par la bailleresse. Les frais de justice seront à la charge de la société NNPO, qui a été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est un mécanisme qui permet au bailleur de résilier le contrat de bail en cas de non-paiement des loyers.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

En l’espèce, la SCI Oberkampf invest a délivré un commandement de payer le 11 mars 2024, et la société NNPO a reconnu ne pas avoir réglé la totalité de la somme due dans le délai imparti.

Cependant, elle a effectué des paiements partiels, ce qui montre des efforts de sa part pour s’acquitter de sa dette.

Ainsi, bien que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire soient réunies, la bonne foi de la locataire et ses efforts de paiement peuvent influencer la décision du juge.

Quels sont les recours possibles pour le locataire en cas de difficultés financières ?

En cas de difficultés financières, le locataire peut solliciter des délais de paiement.

L’article 1343-5 du Code civil stipule que le juge peut accorder des délais de paiement lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice.

Dans le cas présent, la société NNPO a demandé oralement des délais de paiement de 24 mois, en exposant sa bonne foi et ses difficultés financières.

Le juge a pris en compte ces éléments et a décidé d’accorder un délai de 24 mois pour le règlement de la dette, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire.

Il est important de noter que si le locataire ne respecte pas les échéances convenues, la clause résolutoire pourra retrouver son plein effet, entraînant des conséquences telles que l’expulsion.

Quelles sont les conséquences d’un non-paiement des loyers après l’octroi de délais ?

En cas de non-paiement des loyers après l’octroi de délais, plusieurs conséquences peuvent survenir.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, si le locataire ne s’acquitte pas d’une seule échéance ou du loyer courant, le solde sera immédiatement exigible et la clause résolutoire retrouvera son plein effet.

Cela signifie que le bailleur pourra demander l’expulsion du locataire et de tous occupants des lieux loués.

De plus, la société NNPO sera tenue de payer une indemnité d’occupation provisionnelle, équivalente au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes, jusqu’à la libération effective des lieux.

Ces mesures visent à protéger les droits du bailleur tout en tenant compte des difficultés financières du locataire.

Comment le juge peut-il modérer les clauses pénales dans un contrat de bail ?

Le juge a la possibilité de modérer les clauses pénales dans un contrat de bail en vertu de l’article 1231-5 du Code civil.

Cet article stipule que le juge peut réduire la clause pénale si elle est manifestement excessive.

Dans le cas présent, la SCI Oberkampf invest a demandé une indemnité d’occupation journalière majorée de 50% ainsi qu’une indemnité forfaitaire de 10% des sommes dues.

Le juge a considéré que ces clauses pénales étaient excessives et susceptibles de modération.

Ainsi, il a décidé de ne pas appliquer ces majorations, ce qui montre que le juge peut intervenir pour garantir l’équité dans l’exécution des obligations contractuelles.

Cette modération vise à éviter des conséquences disproportionnées pour le locataire en difficulté.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54244

N° Portalis 352J-W-B7I-C5AR7

N° : 5

Assignation du :
06 juin 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 08 janvier 2025

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.C.I. OBERKAMPF INVEST
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Pierre-Emmanuel TROUVIN de la SELARL CABINET TROUVIN, avocats au barreau de PARIS – #A0354

DEFENDERESSE

La société NNPO
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Baptiste ROBELIN, avocat au barreau de PARIS – #C1024

DÉBATS

A l’audience du 04 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 24 juin 2020, la SCI Oberkampf invest a consenti un bail commercial à la société NNPO portant sur des locaux situés [Adresse 3] [Localité 2], moyennant le paiement d’un loyer annuel de 78.000 euros HT/HC payable trimestriellement et d’avance.

Par acte du 11 mars 2024, la SCI Oberkampf invest a fait délivrer à la société NNPO un commandement de payer la somme de 16.000 euros en principal, visant la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

Se prévalant de l’acquisition de la clause résolutoire, la SCI Oberkampf invest a, par acte du 6 juin 2024, dénoncé aux créanciers inscrits les 11 et 12 juin 2024, assigné la société NNPO devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion de la défenderesse ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si besoin est ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 11.650 euros au titre des loyers et charges impayés au 3 juin 2024, outre l’indemnité forfaitaire de 10% des sommes dues, augmentées d’1,5% des sommes dues par mois de retard supplémentaire à courir jusqu’au complet paiement desdites sommes ; condamner la défenderesse au paiement d’une indemnité d’occupation journalière équivalente au loyer majoré de 50%, outre les charges et taxes, jusqu’à la libération des locaux ;condamner la défenderesse à abandonner le dépôt de garantie d’un montant de 58.500 euros entre ses mains conformément aux stipulations du bail ;condamner la défenderesse au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, incluant le coût du commandement, de la signification de l’assignation et de l’ordonnance, d’éventuelles saisies-attributions et de levée de l’état de nantissement et d’extraits kbis.
A l’audience du 4 décembre 2024, la SCI Oberkampf invest maintient ses demandes et s’oppose à tous délais de paiement au motif que la dette a augmenté depuis l’assignation et que le loyer courant n’est pas réglé régulièrement. Elle actualise sa demande en paiement à la somme de 26.550 euros.

La société NNPO reconnaît la dette mais sollicite oralement des délais de paiement de 24 mois avec suspension des effets de la clause résolutoire du bail, exposant qu’elle est de bonne foi et effectue des paiements partiels dès qu’elle en a la possibilité, en dépit de ses difficultés financières attestées par son expert-comptable.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et à la note d’audience.

MOTIFS

Sur la demande principale aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l’absence d’urgence, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l’absence de toute contestation sérieuse de la validité de cette clause, et, par suite, d’ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable. En outre, le maintien de l’occupant dans les lieux sans droit ni titre par suite du constat de la résiliation du bail constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire au visa de laquelle un commandement de payer a été délivré à la locataire le 11 mars 2024 à hauteur de la somme de 16.000 euros en principal.

Celle-ci ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement dans le délai d’un mois qui lui était imparti, seule la somme de 13.500 euros ayant été réglée dans ce délai. Pour autant, il ressort du relevé de compte locatif produit par la bailleresse que la locataire a apuré les causes du commandement le 16 avril 2024, par un dernier versement de 5.000 euros, soit cinq jours seulement après l’expiration du délai imparti, lequel expirait le 11 avril 2024 à minuit.

Si les conditions d’acquisition de la clause résolutoire du bail sont réunies au 11 avril 2024, les efforts de paiement de la locataire sont manifestes.

De plus, celle-ci a poursuivi ses efforts depuis lors, plusieurs règlements de 2.800 à 5.000 euros étant intervenus entre avril 2024 et novembre 2024. Certes, la dette s’élève à ce jour à 26.550 euros mais il s’agit peu ou prou du montant de la dernière échéance de loyer, celle du 4ème trimestre 2024.

Enfin, son expert comptable atteste qu’elle a rencontré des difficultés financières significatives ces derniers mois mais serait en mesure d’apurer sa dette sur une période de 24 mois.

Dans ces conditions, les efforts de paiement et la bonne foi de la locataire étant réels et ses difficultés financières confirmées par son expert-comptable, un délai de 24 mois lui sera octroyé pour régler sa dette, avec suspension des effets de la clause résolutoire, dans les conditions prévues par l’article L. 145-41 du code de commerce précité.

Il lui est rappelé qu’à défaut de règlement d’une seule échéance ou du loyer courant et des charges et taxes afférentes à leur date prévue, le solde sera immédiatement exigible et la clause résolutoire retrouvera son plein effet, avec toutes conséquences de droit, dont l’expulsion.

La société NNPO sera alors tenue, jusqu’à la libération effective des lieux, au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes, qu’elle aurait dû payer si le bail n’avait pas été résilié, sans la majoration de 50% sollicitée par la bailleresse, celle-ci s’analysant en une clause pénale excessive et susceptible de modération par le juge du fond en application de l’article 1231-5 du code civil.

Au vu du décompte versé aux débats, le montant non sérieusement contestable de l’arriéré locatif s’élève à la somme de 26.550 euros au 3 décembre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse.

La société NNPO, qui ne conteste pas devoir cette somme, sera condamnée à son paiement, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 16.000 euros et à compter de la présente décision sur le surplus, sans l’indemnité forfaitaire de 10% des sommes dues et la majoration supplémentaire d’1,5% réclamées par la bailleresse, ces clauses pénales étant également susceptibles de modération par le juge du fond.

De même, il n’y a pas lieu à référé sur la demande conservation du dépôt de garantie de 58.500 euros, s’agissant là encore d’une clause pénale manifestement excessive et susceptible de modération par le juge du fond.

Sur les frais et dépens

La locataire, partie perdante, sera tenue aux dépens, qui incluront le coût du commandement de payer, celui de l’assignation et de la signification de l’ordonnance, à l’exclusion des autres frais sollicités par la bailleresse, qui sont des frais d’exécution et non des dépens pour certains, sont dépourvus de toute justification pour les autres (s’agissant notamment de l’extrait kbis puisque l’extrait Pappers produit est gratuit).

L’équité commande par ailleurs de dispenser la défenderesse de toute condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Constatons que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail liant les parties sont réunies ;

Condamnons la société NNPO à payer à la SCI Oberkampf invest la somme de 26.550 euros à titre de provision à valoir sur la dette locative au 3 décembre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2024 sur la somme de 16.000 euros et à compter de la présente décision sur le surplus ;

Autorisons la société NNPO à s’acquitter de cette somme en 23 mensualités de 1.100 euros et une 24ème réglant le solde, la première devant intervenir avant le 5 mars 2025 et les suivantes avant le 5 de chaque mois, ces mensualités s’ajoutant aux loyers courants augmentés des charges et taxes afférentes ;

Suspendons les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais et disons qu’elle sera réputée n’avoir jamais joué si la société NNPO se libère de sa dette dans ce délai et si les loyers courants augmentés des charges et taxes afférentes sont payés pendant le cours de ce délai dans les conditions fixées par le bail commercial ;

Disons qu’à défaut de paiement d’une seule des mensualités à bonne date dans les conditions ci-dessus fixées ou du loyer courant augmenté des charges et taxes afférentes à leur échéance :

la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ; la clause résolutoire reprendra son plein effet ; faute de départ volontaire des lieux loués, il pourra être procédé à l’expulsion de la société NNPO et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 3] [Localité 2], avec le concours de la force publique si nécessaire ;le sort des meubles trouvés sur place sera régi par les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;la société NNPO sera condamnée, jusqu’à la libération effective des lieux, à payer à la SCI Oberkampf invest une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes, qui aurait été dû si le bail s’était poursuivi ;
Rejetons le surplus des demandes de la SCI Oberkampf invest ;

Condamnons la société NNPO aux dépens, incluant le coût du commandement de payer ;

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 08 janvier 2025

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY


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