Suspension des effets d’un titre exécutoire en raison d’allégations d’usurpation d’identité

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Suspension des effets d’un titre exécutoire en raison d’allégations d’usurpation d’identité

L’Essentiel : Le tribunal judiciaire de Lille a constaté, le 3 octobre 2022, la résiliation d’un bail entre Monsieur [U] [J] et Madame [R] [J] d’une part, et Monsieur [M] [C] d’autre part, condamnant ce dernier à verser des sommes aux bailleurs. Le 10 avril 2024, la société INSOR a délivré un commandement de saisie-vente à Monsieur [C], qui a contesté cet acte le 4 juin 2024. Lors de l’audience du 8 novembre 2024, Monsieur [C] a demandé un sursis à l’exécution du jugement, tandis que la société INSOR a accepté un sursis à statuer, qui a été accordé par le juge.

Contexte du litige

Le tribunal judiciaire de Lille a rendu un jugement le 3 octobre 2022, constatant la résiliation d’un bail conclu le 23 janvier 2020 entre Monsieur [U] [J] et Madame [R] [J] d’une part, et Monsieur [M] [C] d’autre part, concernant un bien situé à [Adresse 1]. Ce jugement a également condamné Monsieur [C] à verser diverses sommes aux bailleurs.

Actions de la société INSOR

Le 10 avril 2024, la société INSOR, se prévalant du jugement et d’une subrogation dans les droits des bailleurs, a délivré à Monsieur [C] un commandement aux fins de saisie-vente. En réponse, Monsieur [C] a assigné la société INSOR devant le tribunal le 4 juin 2024 pour contester cet acte d’exécution.

Déroulement de l’audience

Après plusieurs renvois, l’affaire a été entendue le 8 novembre 2024, avec la représentation des parties par leurs conseils. Monsieur [C] a demandé un sursis à l’exécution du jugement du 3 octobre 2022, en raison d’une plainte déposée le 19 avril 2024, ainsi qu’un sursis à statuer jusqu’à l’issue de cette action publique.

Position de la société INSOR

La société INSOR, par l’intermédiaire de son conseil, a indiqué qu’elle n’était pas opposée à la demande de sursis à statuer formulée par Monsieur [C].

Décision du juge de l’exécution

Le juge a rejeté la demande de sursis à exécution, précisant qu’il n’avait pas le pouvoir de suspendre l’exécution d’un titre exécutoire selon l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution. En revanche, il a ordonné un sursis à statuer, considérant que l’issue de la procédure pénale engagée par la plainte de Monsieur [C] pourrait avoir une incidence sur la présente procédure.

Conséquences de la décision

Le juge a décidé que l’instance ne serait plus inscrite au rôle des affaires en cours et qu’elle serait réinscrite à l’initiative des parties ou à la diligence du juge. Les autres chefs de demande et les dépens ont été réservés.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution dans le cadre d’une demande de sursis à exécution ?

L’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution stipule que « le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ».

Cela signifie que le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de suspendre l’exécution d’un titre exécutoire, même si des circonstances nouvelles apparaissent.

Dans le cas présent, Monsieur [C] a demandé un sursis à l’exécution du jugement du 3 octobre 2022, mais cette demande a été rejetée en raison de l’impossibilité pour le juge de suspendre l’exécution d’une décision de justice.

Ainsi, la demande de sursis à exécution a été considérée comme non fondée, conformément à la limitation posée par cet article.

Quelles sont les implications de l’article 378 du code de procédure civile concernant le sursis à statuer ?

L’article 378 du code de procédure civile dispose que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».

Cela signifie qu’une fois qu’un sursis à statuer est accordé, l’instance est suspendue jusqu’à ce qu’un événement déterminé se produise, ce qui peut avoir un impact significatif sur le jugement final.

L’article 379 précise que « le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge ». Cela implique que, même en cas de sursis, le juge reste compétent pour reprendre l’affaire une fois l’événement déterminé survenu.

Dans le cas présent, le juge a ordonné un sursis à statuer en raison de la plainte déposée par Monsieur [C] pour usurpation d’identité, qui pourrait influencer l’issue de la procédure.

La société INSOR n’ayant pas contesté cette demande, le juge a jugé pertinent de suspendre l’instance jusqu’à l’issue de la procédure pénale.

Comment le jugement du 3 octobre 2022 influence-t-il la procédure actuelle ?

Le jugement du 3 octobre 2022 a constaté la résiliation du bail entre Monsieur [C] et les bailleurs, ce qui a conduit à des poursuites pour obtenir le paiement de diverses sommes dues.

Ce jugement constitue un titre exécutoire, ce qui signifie qu’il peut être exécuté sans qu’il soit nécessaire d’attendre une décision ultérieure.

Cependant, Monsieur [C] conteste la validité de ce jugement en invoquant une usurpation d’identité, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la légitimité de l’exécution de ce jugement.

La demande de sursis à statuer a été acceptée, car l’issue de la procédure pénale pourrait potentiellement remettre en question la validité du jugement initial.

Ainsi, bien que le jugement du 3 octobre 2022 soit exécutoire, la contestation de Monsieur [C] et la procédure pénale en cours pourraient influencer l’exécution de ce jugement.

Quelles sont les conséquences de la décision de sursis à statuer sur l’instance en cours ?

La décision de sursis à statuer a pour effet de suspendre le cours de l’instance jusqu’à ce que l’événement déterminé se produise, en l’occurrence, l’issue de la procédure pénale engagée par Monsieur [C].

Cela signifie que l’affaire ne sera pas poursuivie tant que la situation n’est pas clarifiée par la décision pénale.

L’article 379 du code de procédure civile précise que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge, ce qui permet à ce dernier de reprendre l’affaire une fois que l’événement déterminé est survenu.

En conséquence, l’instance ne sera plus inscrite au rôle des affaires en cours et sera réinscrite à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, permettant ainsi une flexibilité dans la gestion de l’affaire.

Cette décision vise à garantir que toutes les questions pertinentes soient résolues avant de poursuivre l’instance, assurant ainsi une justice équitable pour toutes les parties impliquées.

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT AVANT DIRE DROIT rendu le 10 Janvier 2025

N° RG 24/00297 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YN3N

DEMANDEUR :

Monsieur [M] [C]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/5625 du 30/05/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)

représenté par Me Evelyne INGWER, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Raphaël EKWALLA-MATHIEU

DÉFENDERESSE :

S.A.S. INSOR, se subrogeant dans les droits de Monsieur et Madame [J]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Me Caroline LOSFELD-PINCEEL, avocat au barreau de LILLE

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Etienne DE MARICOURT, Juge du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 08 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2025

JUGEMENT prononcé par décision AVANT DIRE DROIT CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00297 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YN3N

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement réputé contradictoire du 3 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Lille, statuant sur un bail censé avoir été conclu le 23 janvier 2020 entre Monsieur [U] [J] et Madame [R] [J],d’une part, et Monsieur [M] [C], d’autre part, portant sur un bien situé [Adresse 1], a constaté la résiliation de ce bail et condamné Monsieur [C] à verser aux bailleurs diverses sommes.

Par acte du 10 avril 2024, la société INSOR, se prévalant de ce jugement et d’une subrogation dans les droits de Monsieur et Madame [J], a fait délivrer à Monsieur [C] un commandement aux fins de saisie-vente.

Par acte d’huissier de justice du 4 juin 2024, Monsieur [C] a fait assigner la société INSOR devant ce tribunal à l’audience du 21 juin 2024 afin de contester cet acte d’exécution.

Après plusieurs renvois à l’initiative des parties, l’affaire a été entendue à l’audience du 8 novembre 2024 au cours de laquelle les parties étaient représentées par leurs conseils.

Dans son assignation à laquelle son conseil s’est référée oralement lors de l’audience, Monsieur [C] présente les demandes suivantes :
-Surseoir à l’exécution du jugement du 3 octobre 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Lille jusqu’à l’issue de l’action publique mise en mouvement à la suite de la plainte déposée le 19 avril 2024 par Monsieur [C],
-En tout état de cause, surseoir à statuer jusqu’à l’issue de l’action publique mise en mouvement à la suite de la plainte déposée le 19 avril 2024 par Monsieur [C].

La société INSOR, représentée par son conseil, a indiqué n’être pas opposée au sursis à statuer.

L’affaire a été mise en délibéré à la date du 10 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à exécution.

Aux termes de l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, « le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution ».

Compte tenu de ce texte, le juge de l’exécution ne dispose pas du pouvoir de suspendre l’exécution d’un titre exécutoire.

La demande sera rejetée.

Sur le sursis à statuer

Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. L’article 379 du même code prévoit que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner s’il y a lieu, un nouveau sursis.

En l’espèce, Monsieur [C] soutient ne jamais avoir régularisé le bail ayant donné lieu au jugement du 3 octobre 2022 et avoir été victime d’une usurpation d’identité. Il justifie avoir déposé une plainte pour de tels faits le 24 avril 2024. Il produit en outre plusieurs documents susceptibles de démontrer qu’il vivait à une autre adresse à la période considérée.

La société INSOR ne s’oppose pas à la demande de sursis à statuer.

Dès lors que l’issue de la procédure pénale engagée par la plainte du 24 avril 2024 est susceptible d’avoir une incidence sur la présente procédure, il y a lieu de surseoir à statuer.

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 380 du code de procédure civile et prononcé par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de sursis à exécution ;

ORDONNE le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale engagée par la plainte du 24 avril 2024 déposée par Monsieur [M] [C] ;

DIT que la présente instance ne sera plus inscrite au rôle des affaires en cours et qu’elle sera réinscrite à l’initiative des parties ou à la diligence du juge ;

RÉSERVE les autres chefs de demande et les dépens.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier,

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Sophie ARES Etienne DE MARICOURT


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