Suspension de l’instance en raison d’une enquête pénale sur des pratiques frauduleuses dans le secteur médical

·

·

Suspension de l’instance en raison d’une enquête pénale sur des pratiques frauduleuses dans le secteur médical

L’Essentiel : Mme [K], orthoptiste, a été engagée par l’association [10] depuis 2019, avec un salaire initial de 3 158,16 euros, augmenté à 4 348,73 euros en 2020. En arrêt de travail depuis octobre 2022, elle a notifié la rupture de ses contrats en janvier 2023 et saisi le conseil de prud’hommes en mars. Elle demande la reconnaissance de ses employeurs comme co-employeurs, la fixation de son ancienneté, et des compensations pour heures supplémentaires et harcèlement moral. L’Unedic a demandé un sursis à statuer en raison d’une enquête pénale sur des fraudes au sein des associations employeuses.

Contexte des Associations

L’association [10], située dans le Val-de-Marne, exerçait une activité médicale et a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Créteil le 14 juin 2023, suivi d’une liquidation judiciaire le 5 juillet 2023. De même, l’association Perenium Santé, basée dans les Yvelines, a également été soumise à une procédure de redressement judiciaire le même jour, avec une conversion en liquidation prononcée le 6 septembre 2023.

Situation de Mme [K]

Mme [W] [K], orthoptiste, a été engagée par l’association [10] en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 1er février 2019, avec une rémunération initiale de 3 158,16 euros. Son salaire a été augmenté à 4 348,73 euros en janvier 2020. À partir du 20 janvier 2022, elle a travaillé pour l’association Perenium Santé tout en continuant à travailler pour l’association [10], sans nouvel avenant ou contrat. Un contrat à durée indéterminée avec Perenium Santé a été présenté, mais Mme [K] n’a pas signé ce document.

Arrêt de travail et rupture des contrats

Mme [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie à partir du 12 octobre 2022. Le 5 janvier 2023, elle a notifié la rupture de ses contrats de travail par deux courriers adressés aux deux associations. Elle a ensuite saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 29 mars 2023 pour faire valoir ses droits.

Demandes de Mme [K]

Dans sa requête, Mme [K] a demandé la reconnaissance de ses employeurs comme co-employeurs, la fixation de son ancienneté, et le versement de diverses sommes liées à des heures supplémentaires, des congés payés, ainsi que des dommages et intérêts pour travail dissimulé et harcèlement moral. Elle a également demandé la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Procédure pénale et sursis à statuer

L’Unedic a demandé un sursis à statuer en raison d’une enquête pénale en cours concernant des fraudes au sein des associations employeuses de Mme [K]. Le conseil de prud’hommes a ordonné ce sursis le 15 janvier 2024, en considérant que la décision pénale pourrait influencer le litige.

Appel de Mme [K]

Mme [K] a interjeté appel du jugement de sursis à statuer, demandant la reprise de l’instance prud’homale. Elle a contesté le sursis, arguant que ses demandes n’étaient pas liées aux enquêtes pénales en cours.

Arguments des parties

L’Unedic a soutenu que les employeurs de Mme [K] étaient impliqués dans des fraudes, ce qui pourrait avoir des implications sur les demandes de Mme [K]. De son côté, Mme [K] a affirmé qu’elle n’était pas impliquée dans ces fraudes et que ses demandes étaient fondées sur des manquements de ses employeurs.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, considérant qu’il était dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu’à la décision pénale définitive. Elle a également condamné Mme [K] aux dépens d’appel et a débouté ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité de la requête en contestation du placement en rétention administrative ?

La recevabilité de la requête en contestation du placement en rétention administrative est régie par les articles L.741-1, L.741-10, L.742-1 à L.742-3, L.742-10, L.743-3 à L.743-17, R.743-1 et suivants du Code de l’Entrée et de Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Selon l’article L.743-12, en cas de violation des formes prescrites par la loi, toute juridiction ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Dans le cas présent, le Conseil de l’intéressé a soutenu que certaines pièces justificatives manquaient à la requête, notamment le procès-verbal de notification des droits en audition libre. Cependant, il a été établi que seules les pièces permettant de vérifier les conditions de notification du placement en rétention sont nécessaires.

Ainsi, les pièces produites ont suffi à vérifier la régularité de la procédure, rendant la requête recevable.

Quelles sont les exceptions de procédure soulevées par Monsieur [K] [W] ?

Monsieur [K] [W] a soulevé plusieurs exceptions de procédure, notamment l’absence de notification des droits lors de l’audition libre et la durée injustifiée de la garde à vue.

L’article 61-1 du Code de procédure pénale stipule que toute personne entendue en audition libre doit être informée de ses droits. Toutefois, il a été constaté que l’audition libre n’a pas conduit à la notification du placement en rétention, et que les droits ont été notifiés lors de la garde à vue.

Concernant la durée de la garde à vue, l’article 63 du Code de Procédure Pénale précise que celle-ci ne peut excéder 24 heures. Dans ce cas, la garde à vue a été prolongée pour permettre le placement en rétention, mais n’a pas excédé la durée légale, rendant cette exception irrecevable.

Quelles sont les conditions de validité de l’arrêté de placement en rétention administrative ?

L’article R.741-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile précise que l’autorité compétente pour ordonner le placement en rétention est le préfet du département.

Il est également établi que le préfet peut déléguer sa signature à un fonctionnaire sous sa responsabilité, à condition que cette délégation soit publiée. Dans le cas présent, il a été prouvé que le signataire de l’arrêté avait bien reçu cette délégation, rendant l’arrêté valide.

Ainsi, l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur [K] [W] a été rejetée, car l’arrêté a été signé par une personne habilitée.

Comment la décision de placement en rétention administrative respecte-t-elle l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ?

L’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme stipule que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ». Dans le cas de Monsieur [K] [W], bien qu’il vive avec sa compagne et leurs enfants, l’arrêté de placement en rétention ne porte pas atteinte à son droit à une vie familiale normale.

Il a été constaté que le requérant n’a pas fourni de preuves concrètes démontrant que la mesure de rétention serait disproportionnée par rapport à sa situation familiale. Par conséquent, la contestation fondée sur l’article 8 a été écartée.

Quelles sont les justifications de la prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est justifiée par plusieurs éléments, notamment l’obligation de quitter le territoire français et l’absence de garanties de représentation.

Les articles L.743-13 et L.743-14 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile stipulent que la rétention peut être prolongée si l’éloignement est imminent et que l’individu ne présente pas de garanties suffisantes pour éviter qu’il ne se soustraie à cette obligation.

Dans le cas de Monsieur [K] [W], il a été établi qu’il n’avait pas respecté les obligations de son assignation à résidence et qu’il ne justifiait pas d’une situation régulière en France. Par conséquent, la prolongation de la rétention pour 26 jours a été ordonnée pour garantir l’exécution de la décision d’éloignement.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JANVIER 2025

N° RG 24/01091 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WOTV

AFFAIRE :

[W] [K]

C/

S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de l’association [10]

Association AGS CGEA [Localité 14] Association soumise à la loi de 1901, SIRENE 775.671.878 agissant en la personne du Directeur Général dûment habilité à cet effet

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 15 janvier 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 23/00197

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Thomas ANDRE

Me Cyril HEURTAUX

Me Sophie CORMARY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

Madame [W] [K]

née le 13 septembre 1978 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentant : Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0920

Substitué par : Me Béryl OBER, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMÉES

S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de l’association [10]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentant : Me Cyril HEURTAUX de la SELARL ABHEURT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2473

Substitué par Me Nicolas DABRETEAU, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de l’association PERENIUM SANTE

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentant : Me Cyril HEURTAUX de la SELARL ABHEURT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2473

Substitué par Me Nicolas DABRETEAU, avocat au barreau de PARIS

****************

PARTIES INTERVENANTES

Association AGS CGEA [Localité 14] Association soumise à la loi de 1901, SIRENE 775.671.878 agissant en la personne du Directeur Général dûment habilité à cet effet

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

Association AGS CGEA IDF EST Association soumise à la loi du 1er juillet 1901, SIRENE 775.671.878, agissant en la personne de son Directeur Général dûment habilité à cet effet

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

Substitué par : Me Capucine BOYER CHAMMARD, avocat au barreau de PARIS

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Isabelle CHABAL, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,

Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,

Madame Isabelle CHABAL, conseillère,

Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,

Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,

EXPOSE DU LITIGE

L’association [10], dont le siège était situé centre commercial [10], [Adresse 4] à [Localité 12], dans le département du Val-de-Marne, exerçait une activité médicale.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 14 juin 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte la concernant. Une conversion en liquidation judiciaire a été prononcée le 5 juillet 2023, avec désignation de la Selarl JSA en qualité de liquidateur.

L’association Perenium Santé, dont le siège était situé [Adresse 11] à [Localité 13], dans le département des Yvelines, exerçait une activité médicale.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 14 juin 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte la concernant. Une conversion en liquidation judiciaire a été prononcée le 6 septembre 2023, avec désignation de la Selarl JSA en qualité de liquidateur.

Mme [W] [K], née le 13 septembre 1978, a été engagée par l’association [10] par contrat à durée indéterminée à temps plein en date du et à effet au 1er février 2019 en qualité d’orthoptiste, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 158,16 euros pour 35 heures de travail hebdomadaire.

Selon avenant du 2 janvier 2020, sa rémunération mensuelle brute a été portée à 4 348,73 euros pour 39 heures de travail hebdomadaire.

Mme [K] prétend qu’à compter du 20 janvier 2022, elle a travaillé pour le compte de l’association Perenium Santé tout en continuant à travailler plusieurs samedis par mois pour le compte du [10], sans signature d’un avenant ou d’un nouveau contrat de travail.

Est versé au débat un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein liant Mme [K], en qualité d’orthoptiste, à l’association Perenium Santé, à compter du 1er avril 2022, dont Mme [K] indique qu’elle ne l’a pas signé faute d’accord sur ses dispositions.

Mme [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 12 octobre 2022.

Par deux courriers adressés le 5 janvier 2023 aux associations [10] d’une part et Perenium Santé d’autre part, Mme [K] a notifié la prise d’acte de la rupture de ses contrats de travail.

Par requête du 29 mars 2023, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles des demandes suivantes :

– recevoir Mme [K] en ses demandes et l’en déclarer recevable,

– dire que l’association [10] et l’association Perenium Santé étaient co-employeurs de Mme [K],

– fixer l’ancienneté de Mme [K] à la date du 1er février 2019,

sur l’exécution de la relation contractuelle,

– ordonner à la Selarl JSA, en qualité de liquidateur judiciaire de l’association Perenium Santé de remettre à Mme [K] un bulletin de salaire pour le mois de novembre 2022, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant le prononcé du jugement à intervenir,

– dire que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte,

– fixer solidairement au passif des liquidations judiciaires des associations [10] et Perenium Santé, ou à défaut l’une et/ou l’autre des passifs, les sommes suivantes au profit de Mme [K] :

– au titre des heures supplémentaires effectuées sur le mois de septembre 2022 : 1 373,36 euros brut,

– congés payés afférents : 137,34 euros brut,

– rappel d’heures supplémentaires accomplies de mars à août 2022 : 681,92 euros brut,

– congés payés afférents : 68,19 euros brut,

– au titre du solde de congés payés acquis à la date de rupture : 4 013,35 euros brut,

– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 44 947,38 euros,

– dommages et intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail : 10 000 euros,

– pour la période du 12 octobre 2022 au 7 janvier 2023 au titre du complément de salaire conventionnel durant son arrêt maladie : 10 448,72 euros net,

sur la rupture de la relation contractuelle,

à titre principal,

– requalifier la prise d’acte effectuée par Mme [K] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer la date de rupture au 7 janvier 2023,

– fixer le salaire mensuel moyen de référence à la somme de 7 491,23 euros bruts, et subsidiairement 7 319,96 euros bruts,

– fixer solidairement au passif des liquidations judiciaires des associations [10] et Perenium Santé, ou à défaut l’une et/ou l’autre des passifs, les sommes suivantes au profit de Mme [K] :

. indemnité légale de licenciement : 5 930,55 euros net,

. indemnité légale de licenciement subsidiairement : 5 794,97 euros net,

. indemnité compensatrice de préavis : 14 982,46 euros brut,

. indemnité compensatrice de préavis subsidiairement : 14 639,92 euros brut,

. indemnité de congés payés sur préavis : 1 498,25 euros brut,

. indemnité de congés payés sur préavis subsidiairement : 1 463,99 euros brut,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 29 964,92 euros net,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse subsidiairement : 29 279,84 euros net,

à titre subsidiaire,

– requalifier chacune des prises d’acte effectuées par Mme [K], la première auprès de l’association Perenium Santé et la seconde auprès de l’association [10], en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer la date de rupture au 7 janvier 2023 pour l’association Perenium Santé et au 9 janvier 2023 pour l’association [10],

– fixer le salaire mensuel moyen de référence à la somme de 3 725,10 euros pour l’association [10] et 7 418,61 euros pour l’association Perenium Santé,

– fixer au passif de l’association [10] les sommes suivantes au profit de Mme [K] :

. indemnité légale de licenciement : 2 949,04 euros net,

. indemnité compensatrice de préavis : 7 450,20 euros brut,

. congés payés sur préavis : 745,02 euros brut,

. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 900,40 euros net,

– condamner l’association Perenium Santé à régler à Mme [K] les sommes suivantes :

. indemnité légale de licenciement : 5 873,07 euros net,

. indemnité compensatrice de préavis : 14 837,22 euros brut,

. indemnité de congés payés sur préavis : 1 483,72 euros brut,

– indemnité pour licenciement sans cause : 29 674,44 euros net,

sur les autres demandes,

– ordonner à la Selarl JSA, es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de l’association Perenium Santé et de l’association [10] d’avoir à remettre à Mme [K] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 15ème jour après le prononcé de la décision à intervenir,

– dire que le conseil se réservera le droit de liquider l’astreinte,

– dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal avec anatocisme, à compter de la réception par l’une ou l’autre des défenderesses de la convocation devant le bureau de jugement pour les sommes de nature salariale, et à compter de la date de la décision à intervenir pour le surplus,

– article 700 du code de procédure civile (fixation aux passifs des liquidations judiciaires des associations [10] et Perenium Santé, ou à défaut à l’un et/ou à l’autre des passifs) : 3 000 euros,

– laisser les dépens à la charge des liquidations judiciaires,

– déclarer le jugement à intervenir opposable et commun à l’AGS CGEA d'[Localité 14] et à l’AGS CGEA IDF Est,

– exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile) de la décision à intervenir.

Les délégations AGS-CGEA d'[Localité 14] et AGS-CGEA Ile-de-France Est avaient, quant à elles, présenté les demandes suivantes :

– constater que la CPAM et l’AGS ont déposé plainte et qu’une information judiciaire a été ouverte,

– constater que l’issue de la procédure pénale relative aux mêmes faits est susceptible d’avoir une influence sur le présent litige,

– en conséquence, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ordonner le sursis à statuer.

Par jugement contradictoire rendu le 15 janvier 2024, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Versailles a :

– ordonné le sursis à statuer y compris pour les demandes reconventionnelles dans l’attente de la décision pénale définitive,

– ordonné le retrait du rôle du rang des affaires en cours,

– dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de demander la reprise de l’instance prud’homale dès que la décision pénale sera rendue en déposant au greffe la copie de ladite décision quand la cause du sursis aura disparu afin de rétablir l’affaire au rôle,

– réservé les dépens.

Par ordonnance de référé du 28 mars 2024, le premier président de la cour d’appel de Versailles a autorisé Mme [K] à interjeter immédiatement appel du jugement de sursis à statuer et à saisir la cour selon la procédure à jour fixe à l’audience du 4 octobre 2024.

Mme [K] a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 avril 2024.

Mme [K] a fait délivrer assignation par actes de commissaire de justice remis à personne morale, le 15 avril 2024 à la Selarl JSA, le 17 avril 2024 à l’Unedic délégation AGS-CGEA d'[Localité 14] et le 19 avril 2024 à l’Unedic délégation AGS-CGEA Ile-de-France Est.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n°1 signifiées par voie électronique le 2 octobre 2024, Mme [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 15 janvier 2024 rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

. ordonné le sursis à statuer y compris pour les demandes reconventionnelles dans l’attente de la décision pénale définitive,

. ordonné le retrait du rôle du rang des affaires en cours,

. dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de demander la reprise de l’instance prud’homale dès que la décision pénale sera rendue en déposant au greffe la copie de ladite décision quand la cause du sursis aura disparu afin de rétablir l’affaire au rôle,

statuant à nouveau,

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la Selarl JSA et des AGS,

– rejeter la demande de sursis à statuer et dire n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

– renvoyer en conséquence l’affaire devant le conseil de prud’hommes afin qu’elle soit réinscrite à une audience du bureau de jugement pour être plaidée,

– condamner solidairement la Selarl JSA, l’UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 14] et l’UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile-de-France Est, à verser à Mme [K] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement, fixer cette somme au passif des liquidations judiciaires des associations [10] et Perenium santé pour moitié chacun,

– condamner solidairement la Selarl JSA, l’UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 14] et l’UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile-de-France Est aux entiers dépens de l’instance d’appel, et subsidiairement, fixer les dépens au passif des liquidations des associations [10] et Perenium Santé et dire que ces dépens bénéficieront d’un règlement privilégié.

Par conclusions adressées par voie électronique le 24 septembre 2024, l’Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Versailles le 15 janvier 2024,

en conséquence,

dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

– ordonner le sursis à statuer,

– débouter Mme [K] de ses demandes,

– juger inopposables à l’AGS les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

La Selarl JSA et la délégation AGS-CGEA d'[Localité 14] ont constitué avocat mais n’ont pas conclu.

Le 25 septembre 2024, la Selarl JSA a communiqué par voie électronique un bordereau de pièces et a déposé à l’audience du 4 octobre 2024 un dossier de plaidoiries comportant les pièces visées. Ces pièces seront prises en compte quand bien même l’intimé n’a pas conclu, ce qui induit qu’il est réputé s’être approprié les motifs du jugement en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Hors les cas où la mesure de sursis à statuer est prévue par la loi, le juge du fond apprécie discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Mme [K] a pris acte de la rupture des contrats de travail la liant d’une part à l’association [10] et d’autre part à l’association Perenium santé.

Elle a ensuite saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir requalifier sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir fixer au passif des liquidations judiciaires de ses anciens employeurs des créances relatives à l’exécution du contrat de travail et à la rupture dudit contrat.

L’Unedic a sollicité en première instance un sursis à statuer qui a été prononcé par le conseil de prud’hommes dans l’attente de la décision pénale définitive à intervenir sur une plainte déposée par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), en retenant que la décision pénale pourra être de nature à apporter un éclairage sur les éventuelles irrégularités du comportement des employeurs évoquées par la demanderesse.

Mme [K] s’oppose au sursis à statuer tandis que l’Unedic demande la confirmation du jugement.

L’Unedic expose que les employeurs de Mme [K] font partie du groupe Cilaé qui a défrayé la chronique pour ses malversations vis-à-vis de la CPAM. Elle relate qu’ils ont été cités dans l’émission Cash investigation « Hold up sur la sécu, à qui profite la fraude ‘ » diffusée le 8 décembre 2022 sur la chaîne de télévision France 2 comme étant des établissements au sein desquels de nombreux cas de fraude à la sécurité sociale auraient été perpétrés, notamment par des médecins et dentistes y exerçant, au moyen de facturations d’actes non réalisés et de surfacturations frauduleuses ; que la CPAM a déposé plainte à l’encontre de ces centres dentaires compte tenu de l’ampleur des fraudes constatées, le préjudice s’élevant à plusieurs millions sur toutes les sociétés du groupe ; que l’AGS a également déposé plainte avec constitution de partie civile du chef d’escroquerie et d’escroquerie en bande organisée.

Elle souligne que parmi les modes opératoires de la fraude, la plainte de la CPAM évoque l’utilisation frauduleuse de cartes CPS [carte de professionnel de santé], pratique que dénonce Mme [K] en indiquant, sans en justifier, qu’elle est intervenue à plusieurs reprises pour en solliciter la cessation par ses employeurs. Elle en conclut que Mme [K], dont elle prétend qu’elle est citée dans les plaintes, connaissait l’existence de la fraude et y était associée par l’utilisation de sa carte à des fins frauduleuses. Elle soupçonne Mme [K] d’avoir activement participé à la fraude afin de percevoir une rémunération qui était considérablement supérieure à la moyenne des revenus perçus par ses collègues orthoptistes en France en 2023, sur laquelle elle base toutes ses demandes financières.

Elle fait valoir que la procédure pénale permettra de déterminer quels sont les actes qui ont été pratiqués de manière effective par Mme [K], le montant de la fraude orchestrée et le rôle qu’elle y a joué, que la décision pénale est susceptible de caractériser la fraude, les responsabilités de tous ceux qui y ont participé et d’influer sur la décision à intervenir, sur les montants sollicités par Mme [K], les conditions d’exécution des contrats de travail et de leurs ruptures.

Elle conteste les arguments invoqués par Mme [K] pour s’opposer au sursis à statuer, invoquant le risque que cette dernière a pris en prenant acte de la rupture de son contrat de travail après la diffusion de l’émission Cash investigation, le fait qu’elle ne justifie ni de ce qu’elle ne pouvait pas s’inscrire à Pôle emploi, ni de sa situation actuelle ni de son préjudice.

Mme [K] s’oppose quant à elle au sursis à statuer en relatant ses interrogations quant à sa situation d’emploi liées aux bulletins de salaire qui lui étaient remis, aux irrégularités dans le paiement de ses heures de travail et le décompte de ses congés payés, la dégradation générale de sa relation de travail depuis le début de l’année 2022 dès lors qu’elle faisait l’objet de pressions constantes de sa hiérarchie pour assurer un planning de rendez-vous surchargé, situation qui l’a conduite à être placée en arrêt de travail le 12 octobre 2022, qui s’est prolongé.

Elle invoque la nécessité pour elle d’obtenir rapidement une décision de justice puisque dans l’attente de la décision du conseil de prud’hommes elle se retrouve sans emploi ni indemnité ni prise en charge par les organismes sociaux (notamment l’assurance chômage). Elle souligne qu’elle a dénoncé ses conditions de travail et adressé sa prise d’acte bien avant la diffusion de l’émission Cash investigation et qu’elle doit être payée du salaire correspondant à un travail effectué sans attendre une décision pénale.

Elle fait encore valoir qu’elle n’est pas visée par la plainte, que la demande de sursis à statuer ne repose que sur des présuppositions totalement incertaines, que la décision pénale n’aura pas d’incidence sur les demandes qu’elle présente dès lors qu’il ne s’agit pas d’un licenciement à l’initiative de l’employeur pour des fautes commises par le salarié.

Elle indique qu’il n’est pas démontré que l’action publique a été mise en mouvement de manière effective. Elle souligne que seules deux plaintes de la CPAM concernent des centres de santé où elle a travaillé, qu’il s’agit de plaintes simples et non de plaintes avec constitution de partie civile, que la plainte de l’AGS n’est pas versée au débat et qu’il n’est pas établi qu’elle vise les centres dans lesquels Mme [K] aurait travaillé.

Elle fait encore valoir qu’elle n’est ni visée ni mentionnée par les plaintes de la CPAM et qu’elle n’a pas accès à la procédure pénale, que les plaintes ne concernent que l’activité dentaire et non l’ophtalmologie à laquelle elle était rattachée, que les faits visés par les plaintes sont sans lien avec les demandes prud’homales, que l’infraction pénale constituée par une éventuelle fraude de ses employeurs envers l’assurance maladie n’est pas de nature à exercer une influence sur la solution du litige, qu’elle était payée à l’heure de travail et selon un taux horaire fixe et non en fonction du montant facturé par son employeur à la sécurité sociale, que son salaire n’est pas étonnant compte tenu du nombre d’heures travaillées.

L’article 4 du code de procédure pénale dispose que :

« L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »

Aux termes de l’article 1er du code de procédure civile « L’action publique pour l’application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi.

Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code. »

L’action publique est mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée aux termes d’une citation directe ou d’une plainte avec constitution de partie civile mais non au moyen d’une plainte simple.

En l’espèce, il ressort des pièces produites par la Selarl JSA que Mme [K] a travaillé au sein de deux associations qui font partie du groupe Cilaé Santé, lequel a été mis en cause par l’émission télévisée Cash investigation diffusée le 8 décembre 2022 sur France 2 pour des pratiques frauduleuses en matière de soins dentaires (pièces 1 et 2).

L’assurance maladie a adressé plusieurs plaintes simples au procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris pour escroquerie, faux et usage de faux, fausse déclaration en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un organisme de protection sociale un paiement indû, à l’encontre de plusieurs centres de santé, dont les deux au sein desquels Mme [K] a travaillé :

– l’association Perenium santé, par lettre de la CPAM des Yvelines du 17 juillet 2023 visant des fraudes concernant des soins dentaires (pièce 3),

– le [10] situé à [Localité 12], par lettre de la CPAM du Val-de-Marne du 13 juillet 2023 visant également des fraudes concernant des soins dentaires (pièce 4).

Ces plaintes visent le numéro de parquet, le nom du magistrat auquel le dossier a été confié et le service de gendarmerie saisi de l’enquête.

Est également produit un article de presse paru le 2 février 2024 qui évoque des pratiques frauduleuses commises dans des centres d’ophtalmologie (Ophtalmologie Express et Alliance Vision) et une enquête qui vise également les centres Cilaé (pièce 5).

Il en ressort que l’action publique a été mise en mouvement à l’encontre de plusieurs centres de santé du groupe Cilaé, principalement pour des pratiques frauduleuses en matière de soins dentaires mais également en matière d’ophtalmologie.

L’AGS communique un récepissé du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile qu’elle a déposée auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, enregistrée le 28 juin 2024, contre X des chefs d’escroquerie et de tentative d’escroquerie en bande organisée (pièce 1 de l’Unedic). La plainte n’étant pas produite, il n’est pas établi qu’elle concerne les employeurs, l’activité ou les agissements de Mme [K].

Si Mme [K] n’est pas nommément visée dans les plaintes de la CPAM, ces dernières concernent toutefois une fraude étendue, l’enquête devant déterminer quels en sont les auteurs.

Le litige prud’homal ne repose certes pas sur une contestation formée par Mme [K] d’un licenciement fondé sur des fautes qu’elle aurait commises, dont la procédure pénale permettrait d’établir la matérialité. Cependant Mme [K] a reproché à son employeur d’avoir utilisé son numéro ADELI en son absence pour facturer des prestations qu’elle n’a pas elle-même effectuées, pratique qui était utilisée dans le cadre de la fraude dénoncée.

Mme [K] invoque des manquements de son employeur à ses obligations qu’il lui appartient d’établir pour voir aboutir sa demande de requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans ce cadre, ses demandes salariales (heures supplémentaires, solde de congés payés, complément de salaire durant son arrêt de maladie) reposent sur un salaire mensuel brut revendiqué supérieur à 7 000 euros, soit un montant particulièrement élevé pour sa profession. Le conseil de prud’hommes s’interrogera nécessairement sur la réalité des heures supplémentaires invoquées alors que Mme [K] a elle-même dénoncé une utilisation frauduleuse de sa carte ADELI.

Enfin Mme [K] ne justifie ni qu’elle a sollicité son inscription à Pôle emploi et s’est vu opposer un refus de prise en charge, ni de sa situation professionnelle ou de ses revenus actuels.

Ainsi la décision pénale à rendre à l’issue de l’enquête en cours permettra de déterminer la réalité de la fraude dénoncée, son ampleur et ses auteurs et de savoir notamment si Mme [K] y a participé.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’une décision pénale définitive intervienne sur les plaintes déposées à l’encontre des employeurs de Mme [K].

La décision de première instance sera en conséquence confirmée.

Sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a réservé les dépens de première instance.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de Mme [K], qui sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 janvier 2024 par le conseil de prud’hommes de Versailles,

Y ajoutant,

Condamne Mme [W] [K] aux dépens d’appel,

Déboute Mme [W] [K] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure pénale.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière en préaffectation, La présidente,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon