Suspension de l’exécution provisoire : conditions et enjeux financiers

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Suspension de l’exécution provisoire : conditions et enjeux financiers

L’Essentiel : Le 8 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a débouté Mme [X] [H] de ses demandes, tout en jugeant fondée la demande reconventionnelle de la société Accentys Audit Consultant. Mme [X] [H] a été condamnée à verser 2.500,01 euros pour l’indemnité compensatrice de préavis non effectué et 15.000,06 euros pour la clause de non-concurrence. En réponse, elle a interjeté appel le 20 juin 2025 et a assigné la société en référé, arguant que les manquements de son employeur justifiaient sa prise d’acte. La société a contesté ces arguments, demandant le déboutement de Mme [X] [H].

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 8 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a rendu un jugement déclarant les demandes de Mme [X] [H] non-fondées et l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes. En revanche, la demande reconventionnelle de la société Accentys Audit Consultant a été jugée fondée. Mme [X] [H] a été condamnée à verser plusieurs indemnités à la société, incluant 2.500,01 euros pour l’indemnité compensatrice de préavis non effectué et 15.000,06 euros pour la clause de non-concurrence.

Appel et Assignations en Référé

Le 20 juin 2025, Mme [X] [H] a interjeté appel du jugement. Par la suite, elle a assigné la société Accentys en référé à deux reprises, d’abord pour une audience le 5 septembre 2024, puis pour une autre le 3 octobre 2024. Dans ses dernières conclusions, elle a demandé la suspension de l’exécution provisoire du jugement du 8 novembre 2023, arguant que les manquements de son employeur justifiaient sa prise d’acte.

Arguments de Mme [X] [H]

Mme [X] [H] a soutenu que les reproches de son employeur, une sanction disciplinaire injustifiée, et des menaces de licenciement constituaient des motifs suffisants pour justifier sa prise d’acte. Elle a également allégué que son employeur avait falsifié des documents pour éviter de lui verser sa rémunération variable, et que l’exécution du jugement aurait des conséquences excessives sur sa situation financière.

Réponse de la Société Accentys

La société Accentys a demandé le déboutement de Mme [X] [H] de sa demande de suspension de l’exécution provisoire. Elle a également demandé des indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a contesté les arguments de Mme [X] [H], affirmant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’un licenciement verbal ou d’un avertissement injustifié.

Délibération et Décision

L’affaire a été débattue à l’audience du 9 janvier 2025, où les parties ont convenu de la jonction des procédures. Le premier président a examiné la demande de suspension de l’exécution provisoire, précisant que celle-ci n’était recevable que si des conséquences manifestement excessives étaient prouvées.

Conclusion de la Décision

La demande de Mme [X] [H] a été déclarée sans objet, car l’exécution provisoire de droit n’était pas applicable aux condamnations prononcées. Les dépens ont été laissés à sa charge, sans application de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été signée par la présidente de chambre et la greffière.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour suspendre l’exécution provisoire d’un jugement en appel ?

La suspension de l’exécution provisoire d’un jugement en appel est régie par l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Pour qu’une demande de suspension soit recevable, il faut donc :

1. L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, c’est-à-dire un argument pertinent qui pourrait être pris en compte par la juridiction d’appel.

2. Que l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, qui doivent être prouvées et survenir après la décision de première instance.

Ainsi, la demande de Mme [X] [H] de suspendre l’exécution provisoire doit démontrer ces deux conditions pour être considérée comme fondée.

Quelles sont les conséquences de l’exécution provisoire sur les condamnations pécuniaires ?

Les conséquences de l’exécution provisoire sur les condamnations pécuniaires sont précisées par l’article R. 1454-28 du code du travail, qui indique que :

« Les condamnations au paiement des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 sont de plein droit exécutoires par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. »

Cet article précise également, selon l’article R.1454-14 2°, que :

« Lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable :
a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;
b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement. »

Dans le cas présent, les condamnations pécuniaires infligées à Mme [X] [H] ne relèvent pas de l’exécution provisoire de droit, car elles concernent des sommes dues par le salarié à l’employeur, et non l’inverse.

Quels sont les effets de la jonction des procédures en référé ?

La jonction des procédures en référé permet de traiter ensemble plusieurs demandes qui ont un lien entre elles, facilitant ainsi la gestion des affaires judiciaires. En l’espèce, le premier président a ordonné la jonction des procédures RG n°24/58 et n°24/63, ce qui est conforme à l’article 16 du code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge peut, à tout moment, ordonner la jonction de plusieurs instances lorsque leur examen nécessite une solution identique ou que leur association est de nature à favoriser une bonne administration de la justice. »

Cette jonction permet d’éviter des décisions contradictoires et de simplifier le traitement des affaires, en rendant le processus judiciaire plus efficace.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que :

« Dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie qui perd à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans le jugement rendu, le premier président a décidé de ne pas appliquer cet article, ce qui signifie que Mme [X] [H] ne sera pas condamnée à verser des frais supplémentaires à la société Accentys.

Cette décision peut être interprétée comme une prise en compte des circonstances de l’affaire et des arguments présentés par les parties, mais elle souligne également que les frais de justice peuvent ne pas toujours être compensés, en fonction des éléments de l’affaire.

COUR D’APPEL

DE [Localité 7]

AUDIENCE DU

21 Janvier 2025

N° RG 24/00058 – N° Portalis DBWA-V-B7I-CPGD

N°RG 24/00063 – N° Portalis

DBWA-V-B7I-CPJZ

MINUTE N°25/02

[X] [H]

C/

SAS ACCENTYS AUDIT CONSULTANT

ORDONNANCE DE REFERE

ENTRE

Mme [X] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat au barreau de MARTINIQUE

DEMANDERESSE EN REFERE

SAS ACCENTYS AUDIT CONSULTANT

[Adresse 3] [Localité 5] [Adresse 6]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascale BERTE de la SELARL BERTE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

DEFENDEUR EN REFERE

L’affaire a été appelée à l’audience publique du NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ à la Cour d’Appel DE FORT DE FRANCE par Premier Président assisté de Madame Sandra DE SOUSA, Greffier, présent aux débats et lors du prononcé, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile que le prononcé de l’ordonnance serait rendu le VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 8 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a statué comme suit :

– Dit et juge les demandes de Mme [X] [H] non-fondées,

– Déboute Mme [X] [H] de l’ensemble de ses demandes,

– Dit et juge fondée la demande reconventionnelle de la société Accentys Audit Consultant,

En conséquence,

– Condamne Mme [X] [H] à payer 2.500,01 euros à la société Accentys Audit Consultant au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué,

– Condamne Mme [X] [H] à payer 15.000,06 euros à la société Accentys Audit Consultant au titre de l’indemnité pour clause de non concurrence,

– Condamne Mme [X] [H] à payer 1.000 euros à la société Accentys Audit Consultant au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne les parties à leurs propres dépens,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 20 juin 2025, Mme [X] [H] a interjeté appel du jugement.

Par exploit d’huissier du 12 août 2024, déposé en étude, Mme [X] [H] a assigné en référé (procédure RG n°24-58), devant le premier président de la cour d’appel de Fort-de-France, la société Accentys Audit Consultant (ci-après la société « Accentys ») pour l’audience du 5 septembre 2024 à 10 heures à la cour d’appel de Fort-de-France.

Par exploit d’huissier du 10 septembre 2024, Mme [X] [H] a assigné en référé (procédure RG n°24-63), devant le premier président de la cour d’appel de Fort-de-France, la société Accentys Audit Consultant (ci-après la société « Accentys ») pour l’audience du 3 octobre 2024 à 10 heures à la cour d’appel de Fort-de-France.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 2 janvier 2025, Mme [X] [H] demande à la présente juridiction de suspendre le bénéfice de l’exécution provisoire attaché au jugement du 8 novembre 2023.

A l’appui de ses prétentions, Mme [X] [H] fait valoir des moyens de réformation du jugement en ce que le conseil a jugé à tort que les manquements de son employeur n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Elle indique que sa prise d’acte est justifiée en raison des reproches intempestifs de son employeur, d’une sanction disciplinaire injustifiée, de la menace de licenciement pour faute grave et d’un licenciement verbal.

Elle relève que l’employeur a falsifié des documents et a trompé le conseil de prud’hommes afin de ne pas lui payer sa rémunération variable.

Elle soutient que l’exécution du jugement risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation financière.

En réplique, la société Accentys demande à la présente juridiction de :

A titre principal :

– débouter Mme [X] [H] de sa demande de suspension du bénéfice de l’exécution provisoire attachée au jugement du 8 novembre 2023,

A titre subsidiaire :

– Condamner Mme [X] [H] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [X] [H] aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient que les condamnations au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité pour la clause de non-concurrence sont exécutoires à titre provisoire. Elle fait valoir que Mme [X] [H] n’a formulé aucune demande portant sur l’exécution provisoire en première instance et n’apporte pas la preuve de l’existence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement à la décision de première instance. Elle conteste les moyens sérieux de réformation du jugement soulevés par Mme [X] [H], indiquant que celle-ci n’apportait pas la preuve de l’existence d’un avertissement injustifié ou qu’elle avait fait l’objet d’un licenciement verbal le 16 octobre 2020.

Renvoyée à plusieurs reprises, l’affaire a été débattue contradictoirement à l’audience du 9 janvier 2025.

A l’audience du 9 janvier 2025les parties ont indiqué ne pas s’opposer à la jonction des procédures RG n°24/00058 et n°24/00063.

Les débats clos la présente décision a été mise en délibéré au 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de prononcer la jonction des procédures 24/58 et 24/63 .

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.

En vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, les condamnations au paiement des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 sont de plein droit exécutoires par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Aux termes de l’article R.1454-14 2° précité, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable :

a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

En l’espèce, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France a condamné Mme [X] [H] à verser à la société Accentys la somme de 2.500,01 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué ainsi que la somme de 15.000,06 euros au titre de l’indemnité pour clause de non-concurrence.

Toutefois, il résulte de la combinaison des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail que l’exécution provisoire de droit n’est applicable qu’à des sommes dues par l’employeur au salarié.

Le jugement du conseil de prud’hommes querellé n’ordonne pas l’exécution provisoire et l’exécution provisoire de droit n’est pas applicable en l’espèce, s’agissant de condamnations non visées par l’exécution provisoire de droit.

La demande formulée par Mme [X] [H] tendant à faire suspendre l’exécution provisoire des condamnations mises à sa charge est ainsi inopérante. Elle sera donc déclarée sans objet.

Il convient de laisser les dépens à la charge de Mme [X] [H]. Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le premier président statuant par délégation en matière de référé, publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition :

Ordonne la jonction des procédures 24/58 et 24/63,

Déclare sans objet la demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 8 novembre 2023 par le conseil de prud’hommes de Fort-de-France formulée par Mme [X] [H],

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [X] [H] aux dépens.

La présente ordonnance a été signée par Madame Christine PARIS, présidente de chambre délégataire de Monsieur le premier président et Madame Sandra DE SOUSA, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE P/ LE PREMIER PRÉSIDENT


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