Succession et partage : enjeux de la désignation notariale et de la prescription des droits héritiers

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Succession et partage : enjeux de la désignation notariale et de la prescription des droits héritiers

L’Essentiel : L’exposé du litige concerne la succession de [B] [E] et [C] [E], décédés respectivement en 1998 et 2015. Après une donation en 1981, les héritiers se sont opposés sur le partage des biens, entraînant une assignation en justice. Les héritiers [A] [E], [Z] [E] et [X] [U] ont contesté le testament de 2013, désignant [N] et [K] [E] comme légataires universelles. Le tribunal a rejeté les demandes des défenderesses concernant la prescription et a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation, désignant Maître [S] [Y] comme notaire, tout en déboutant les demandes d’indemnités.

Exposé du litige

[B] [E], né en 1921, et [C] [W] épouse [E], née en 1925, ont eu cinq enfants. [B] [E] est décédé en 1998 et [C] [E] en 2015. Par une donation notariée en 1981, ils ont partagé la nue-propriété de plusieurs biens immobiliers entre leurs enfants. En 2013, [C] [E] a rédigé un testament désignant [N] et [K] [E] comme légataires universelles. Les héritiers n’ont pas réussi à s’accorder sur le partage des successions, entraînant une assignation en justice pour l’ouverture des opérations de liquidation et de partage.

Procédures judiciaires

Les héritiers [A] [E], [Z] [E] et [X] [U] ont assigné [N] et [K] [E] devant le tribunal judiciaire de Lille. Les défenderesses ont constitué avocat et la clôture de l’affaire a été ordonnée, avec une invitation à se prononcer sur la recevabilité d’un moyen de prescription. Le juge a déclaré recevable la fin de non-recevoir soulevée par [N] et [K] [E], rejetant l’incident de prescription et renvoyant l’affaire à l’audience de plaidoiries.

Demandes des parties

Les demandeurs ont sollicité le rejet des conclusions des défenderesses, l’ouverture des opérations de liquidation et partage, ainsi que la désignation d’un notaire différent de Maître [P]. Ils ont également demandé des indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les défenderesses ont, quant à elles, demandé la reconnaissance de la prescription de l’action en réduction de legs et la confirmation de leur statut de légataires universelles.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes des défenderesses concernant la prescription et leur statut de bénéficiaires. Il a ordonné l’ouverture des opérations de compte-liquidation-partage de l’indivision entre [B] [E] et [C] [W]. Maître [S] [Y] a été désigné comme notaire pour superviser ces opérations, avec une provision fixée à 5.000 euros. Les demandes des parties concernant les legs et les indemnités ont été déboutées, et le tribunal a précisé que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la prescription sur les demandes de réduction de legs dans cette affaire ?

La question de la prescription est centrale dans cette affaire, notamment en ce qui concerne les demandes de réduction de legs formulées par Mmes [N] et [K] [E]. Selon l’article 921, alinéa 2, du Code civil, « l’action en réduction des libéralités est prescrite par cinq ans à compter du jour où le légataire a eu connaissance de l’atteinte à la réserve ».

Dans le cas présent, Mmes [N] et [K] [E] soutiennent que la prescription est acquise, car aucune action en réduction n’a été exercée dans le délai imparti. Elles affirment avoir eu connaissance de l’atteinte à la réserve à partir de 2016, ce qui, selon elles, prive les demandeurs de tout droit sur les biens concernés.

Il est important de noter que le tribunal a rejeté l’incident de prescription soulevé par Mmes [N] et [K] [E], ce qui signifie que les demandes de réduction de legs ne sont pas considérées comme forcloses à ce stade. Cela implique que les demandeurs peuvent encore faire valoir leurs droits, tant que les conditions de la prescription ne sont pas remplies.

En conséquence, le tribunal a décidé de ne pas faire droit aux demandes tendant à déclarer forcloses les demandes en réduction de legs, laissant ainsi la porte ouverte à d’éventuelles actions futures.

Comment le tribunal a-t-il statué sur l’ouverture des opérations de partage de l’indivision ?

L’article 815 du Code civil stipule que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ». En l’espèce, les parties s’accordent sur l’ouverture des opérations de partage de l’indivision ayant existé entre [B] [E] et [C] [W] épouse [E].

Le tribunal a constaté qu’aucune des parties ne contestait l’ouverture des opérations de partage, ce qui a conduit à l’acceptation de la demande d’ouverture des opérations de compte-liquidation-partage. Cela signifie que le tribunal a reconnu le droit des parties à demander le partage de l’indivision successorale, conformément aux dispositions du Code civil.

De plus, l’article 840 du même code précise que « le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ». Dans ce cas, le tribunal a jugé que les conditions étaient réunies pour procéder à l’ouverture des opérations de partage, en raison de l’absence d’accord amiable entre les parties.

Quelle est la procédure de désignation d’un notaire pour les opérations de partage ?

La désignation d’un notaire pour les opérations de partage est régie par l’article 1364 du Code de procédure civile, qui dispose que « si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations ».

Dans cette affaire, le tribunal a constaté l’opposition des requérants à ce que Maître [H] [P] poursuive sa mission en tant que notaire commis. En conséquence, le tribunal a décidé de désigner d’office un notaire, Maître [S] [Y], pour procéder aux opérations de partage. Cette décision a été prise afin d’assurer une gestion impartiale et efficace des opérations de partage, en réponse aux préoccupations soulevées par les parties.

Il est également précisé que le notaire désigné devra établir la masse partageable et procéder à toutes les investigations nécessaires pour déterminer la situation active et passive de l’indivision, conformément aux articles 1365 à 1376 du Code de procédure civile. Cela inclut la convocation des parties et la demande de tout document utile à l’accomplissement de sa mission.

Quelles sont les implications des demandes accessoires formulées par Mmes [N] et [K] [E] ?

Les demandes accessoires formulées par Mmes [N] et [K] [E] portent sur plusieurs points, notamment la reconnaissance de leur qualité de bénéficiaires à hauteur de 50 % chacune des droits de l’indivision successorale de [C] [E], ainsi que la demande d’inclure dans la mission du notaire le calcul d’éventuelles indemnités de réduction des legs universels.

Cependant, le tribunal a rejeté ces demandes, soulignant qu’aucun acte de partage amiable de la succession de [C] [E] n’avait été versé aux débats. De plus, aucune des parties n’avait sollicité l’ouverture des opérations de partage judiciaire de cette succession, ce qui est une condition préalable pour établir les droits des parties dans cette succession.

L’article 4 du Code de procédure civile précise que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». Dans ce contexte, le tribunal a constaté que les demandes formulées par Mmes [N] et [K] [E] ne répondaient pas aux exigences légales, car elles n’étaient pas fondées sur des éléments probants.

En conséquence, le tribunal a décidé de renvoyer certaines questions devant le notaire, notamment celles relatives à la fixation de la valeur locative des biens et à l’éventuelle indemnité d’occupation, afin de permettre une évaluation appropriée dans le cadre des opérations de partage.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01

N° RG 23/05262 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XEFK

JUGEMENT DU 10 JANVIER 2025

DEMANDEURS:

M. [A] [E]
[Adresse 3]
[Localité 28]
représenté par Me Hubert SOLAND, avocat au barreau de LILLE

M. [Z] [E]
[Adresse 6]
[Localité 19]
représenté par Me Hubert SOLAND, avocat au barreau de LILLE

Mme [X] [E] épouse [U]
[Adresse 10]
[Localité 25]
représentée par Me Hubert SOLAND, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES:

Mme [N] [E]
[Adresse 8]
[Localité 27]
représentée par Me Catherine VANNELLE, avocat au barreau de LILLE

Mme [K] [E]
[Adresse 15]
[Localité 17]
représentée par Me Catherine VANNELLE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture rendue en date du 09 Février 2024, avec effet différé au 15 Mars 2024.

A l’audience publique du 05 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 Janvier 2025.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Nicoals VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Janvier 2025 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

[B] [E], né le [Date naissance 1] 1921, et [C] [W] épouse [E], née le [Date naissance 2] 1925, ont eu cinq enfants :

[Z] [E] ;[A] [E] ;[N] [E] ;[K] [E] ;[X] [E].
[B] [E] est décédé le [Date décès 22] 1998 à [Localité 28] et [C] [E], son épouse, le [Date décès 7] 2015 à [Localité 27].

Suivant donation notariée reçue par Maître [D], notaire à [Localité 28], du 7 novembre 1981, les époux [E] ont procédé à une donation entre vifs à titre de partage anticipé de la nue-propriété de plusieurs immeubles leur appartenant tant en propres qu’à titre d’acquêts de communauté au bénéfice de leurs 5 enfants.

Par testament olographe du 24 juin 2013, [C] [E] a institué Mmes [N] et [K] [E] comme légataires universelles, chacune pour moitié.

Les parties ne sont pas parvenues à un partage amiable des successions.

Par actes de commissaire de justice en date des 24 et 25 mai 2023, M. [A] [E], M. [Z] [E] et Mme [X] [U] née [E] ont fait assigner Mmes [N] et [K] [E] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d’ouverture des opérations de liquidation partage de l’indivision suite aux décès de [B] et [C] [E].

Sur cette assignation, Mmes [N] et [K] [E] ont constitué avocat.

La clôture a été ordonnée par ordonnance du 9 février 2024 et a été différée 15 mars 2024, le juge de la mise en état ayant, par bulletin du 12 janvier 2024, invité les parties à se prononcer sur la recevabilité du moyen tiré de la prescription à défaut d’avoir été soulevé par des conclusions d’incident devant le juge de la mise en état.

Par ordonnance d’incident du juge de la mise en état en date du 27 septembre 2024, il a été déclaré recevable la fin de non-recevoir soulevée par Mmes [N] et [K] [E], rejeté l’incident de prescription invoquée par elles et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries prise à juge rapporteur du 5 novembre 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 15 mars 2024, M. [A] [E], M. [Z] [E] et Mme [X] [U] née [E] sollicitent du tribunal de :

Débouter Mmes [N] et Mme [E] de leurs dernières conclusions comme contenant des demandes irrecevables ;
Les débouter de leur demande d’article 700 du code de procédure civile et de leur demande de frais et dépens ;
Ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre les ayants droits de [B] [E] et [C] [E] et de désigner tel notaire qu’il plaira au tribunal pour procéder aux opérations de liquidation partage après avoir établi un acte de dévolution successorale exhaustif étant précisé que le notaire sera un notaire différent de Maître [P] ;
Condamner Mmes [N] et Mme [K] [E] à leur payer la somme de 5.000€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonner l’emploi des dépens en frais et privilèges de compte liquidation et partage.

Les requérants soutiennent que les demandes des défenderesses ne sont constituées que de demande de dire et juger, constater, inclure dans la mission du notaire et qu’elles doivent dès lors être purement et simplement rejetées, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

S’agissant de la demande d’ouverture des opérations, ils constatent que les défenderesses ont acquiescé à cette demande et ne peuvent plus s’y opposer.

Ils s’opposent à la désignation du notaire déjà en charge de la succession en raison des liens qu’il entretient avec les défenderesses et de l’absence de diligences dans le règlement des successions.

Par conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 14 mars 2024, Mmes [N] et [K] [E] sollicitent du tribunal :

Dire et juger fondée en droit, par application de l’article 921 alinéa 2 du Code civil, la demande de prescription soulevée par Mesdames [N] et [K] [E] concernant le défaut d’action en demande par Madame et Messieurs [E] [X], [A] et [Z], de la réduction du leg universel dont bénéficient Mesdames [N] et [K] [E]
Déclarer forclose, comme étant prescrite, toute demande de réduction du leg consenti par Madame [C] [E] à Mesdames [N] et [K] [E]-En conséquence, dire et juger que Madame et Messieurs [X], [Z] et [A] [E] ne peuvent solliciter « l’ouverture des opérations de compte liquidation partage de l’indivision ayant existé entre Monsieur [B] [E] et Madame [C] [E] et de désigner tel notaire qu’il plaira au Tribunal pour procéder aux opérations de liquidation partage après avoir établi un acte de dévolution successorale exhaustif » pour ce qui concerne les droits, parts et biens de Madame [C] [E], et notamment le bien situé à [Localité 30] en Belgique cadastré section A numéro [Cadastre 11] W.

Rejeter en conséquence la demande de Madame et Messieurs [E] [X], [A] et [Z] de voir dire et jugée non fondée la demande de prescription soulevée par Mesdames [N] et [K] [E] concernant cette action, telle que cette demande figure dans les conclusions de fond des demandeurs signifiées le 4 janvier 2024.
Constater que Mesdames [N] et [K] [E] sont définitivement bénéficiaires à hauteur de 50% chacune des droits, parts et biens de [C] [E] du fait du legs universel à elles consenti le 24/06/2016.
Constater que pour ce qui ne concerne pas les droits, parts et biens de Madame [C] [E], Mesdames [E] [N] et [K] n’ont pas d’opposition à ce qu’il soit ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre les ayants droits de Monsieur [B] [E] et Madame [C] [E] et désigner pour y procéder, Maitre [H] [P], Notaire à [Localité 27] dont l’étude est sise [Adresse 20] à [Localité 27].
Dire et juger que leur qualité de légataires universelles, non contestée et non contestable du fait de la prescription acquise en application de l’article 921 alinéa 2 du Code civil, comme par souci de bonne justice, elles sont fondées à solliciter et à obtenir la désignation de Maitre [P], Notaire à [Localité 27], pour les opérations de succession, leur qualité de légataires universelles valant sur les parts de leur mère. Désigner Madame ou Monsieur le Président de Chambre des Notaires pour procéder ou faire procéder à toutes les opérations dont s’agit.
Débouter Messieurs [A] et [Z] [E] ainsi que Madame [X] [U] née [E] de leur demande visant à voir désigner un autre notaire, sachant que Maitre [P] connait le dossier de succession, comme ayant été le rédacteur du testament de Madame [C] [E], comme ayant accompli les actes et étant d’ores et déjà intervenu dans le dossier avec la plus grande impartialité comme il se doit pour un Notaire.
Constater que la succession de Madame [C] [E] n’est concernée que par deux biens immobiliers, soit la parcelle sise à [Localité 30] en Belgique et les droits indivis de la parcelle [Cadastre 24] ainsi que l’empiétement du bâtiment de la parcelle [Cadastre 21] sur la parcelle [Cadastre 24], toutes deux sises [Adresse 16] à [Localité 28].
Constater qu’il résulte que Mesdames [N] et [K] [E] sont définitivement bénéficiaires, à hauteur de 50 % chacune de la part de Madame [C] [E] du fait du legs universel, dans la parcelle [Cadastre 24] située à [Localité 28] [Adresse 16].
Dire que le notaire calculera l’éventuelle indemnité de réduction des legs universels résultant du testament de Madame [E] si la prescription n’était par impossible pas acquise au profit de Mesdames [N] et [K] [E].Inclure dans la mission du Notaire, ou étendre sa mission, ou celle de tout sachant qu’il souhaitera s’adjoindre, que la parcelle [Cadastre 24] ainsi que l’empiétement du bâtiment de la parcelle [Cadastre 21] sur la parcelle [Cadastre 24] devront faire l’objet d’une fixation de valeur locative avec établissement de baux permettant à l’indivision de récupérer les loyers qui lui sont dus depuis le décès de leur mère, Madame [C] [E].
Débouter Madame [X] [E] et Messieurs [A] et [Z] [E] de leur demande de voir ordonner l’emploi des dépens en frais de privilèges de compte liquidation et partage.

Dire qu’il serait inéquitable de ne pas laisser à la charge des demandeurs le poids financier de leurs dépens, sachant qu’ils ont sans aucun droit ni titre disposé à leurs seuls bénéfices, et au détriment de leurs co indivisaires, de la parcelle [Cadastre 24] qui appartient à la seule indivision et qui n’a pas fait l’objet de donation partage à leur profit, sans jamais chercher à régulariser leur situation vis-à-vis des concluantes, puis dans le cadre amiable des opérations de succession par devant notaire, préférant engager une action en justice qu’ils se doivent d’assumer.
Condamner Madame [X] [E] et Messieurs [A] et [Z] [E] solidairement aux entiers dépens de procédure et aux frais d’expertise en tant que de besoin.
Dire qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mesdames [N] et [K] [E] les frais irrépétibles de procédure, leur volonté ayant toujours été de mener des opérations sereines par devant notaire dans le cadre amiable ; alors même qu’elles ne pouvaient que constater :
– qu’elles avaient été abusées au moins par leurs frères [A] et [Z] de loyers concernant une parcelle [Cadastre 24] appartenant à l‘ indivision et non à Messieurs [A] et [Z] [E] ;

– que la demande touchant les immeubles justifierait l’ouverture des opérations d’ouverture de liquidation est non fondée, tous les immeubles ayant été vendus par leurs propriétaires de leur vivant, M et Mme [E].

– que la demande touchant les loyers de la [Adresse 29] à [Localité 27] qui justifierait l’ouverture des opérations de liquidation est non fondée, Madame [X] [E] percevant lesdits loyers pour son compte personnel, en sa qualité de bénéficiaire de la donation-partage de 1981, depuis le jour du décès de Madame [C] [E].

Condamner en conséquence Messieurs [Z] et [A] [E] ainsi que Madame [X] [E] qui s’est associée à la procédure de ses deux frères exprimant ainsi son accord aux manœuvres abusives réalisées et revendiquées, à payer solidairement à Mesdames [N] et [K] [E] la somme de 5000 € à chacune au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

A l’appui de leurs demandes, Mmes [N] et [K] [E] font valoir que la prescription de l’action en réduction de legs est acquise soit en l’absence d’action en réduction exercée dans un délai de 5 années suivant le décès ou de deux années suivant leur connaissance de l’atteinte à la réserve. Elles considèrent que la preuve de la connaissance à compter de l’année 2016 est établie ce qui prive les demandeurs de tous droits tant sur le terrain de [Localité 30] qui était un bien propre de leur mère que sur la parcelle de [Localité 28] qui était un bien commun des parents.

Sur le fond, elles soutiennent ne pas s’opposer à l’ouverture des opérations pour ce qui ne concerne pas les biens et droits de leur mère.

Elles précisent qu’un bien immobilier sis en Belgique échappe à toute indivision avec les demandeurs, en application du legs à leur profit et que s’agissant du second bien immobilier sis [Adresse 16] à [Localité 28], à défaut d’accord, il sera vendu à la barre du tribunal.

Elles invoquent que Messieurs [A] et [Z] [E], s’ils disposent de la parcelle [Cadastre 21], utilisent également la parcelle voisine [Cadastre 24] appartenant à l’indivision et sur laquelle empiète un immeuble. Elles sollicitent dès lors la régularisation d’un bail et d’un compte de loyers.

Enfin, elles invoquent que la lenteur du règlement de la succession n’est pas imputable à Maître [P] et sollicitent sa désignation. Elles font valoir qu’en tant que légataires universelles de la succession de leur mère, les demandeurs ne peuvent s’opposer à ce choix de notaire.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

La décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

Motifs de la décision

1. A titre préliminaire, il est rappelé que, par ordonnance du 27 septembre 2024, le juge de la mise en état a :

Rejeté l’incident de prescription invoquée par Mmes [N] et [K] [E] ;
Dès lors, les demandes présentées in limine litis par Mmes [N] et [K] [E] tendant à déclarer l’action forclose en application de l’article 921 du code civil sont sans objet.

2. Par ailleurs, aucune des parties à l’instance ne sollicite l’ouverture des opérations de partage de l’indivision successorale de [C] [W]. Il n’y a donc pas lieu de « constater, dire et juger » que Mmes [N] et [K] [E] sont définitivement bénéficiaires à hauteur de 50 % chacune des droits de l’indivision successorale de [C] [W]. Ainsi, la prétention de Mmes [N] et [K] [E] sera rejetée.

Sur la demande d’ouverture des opérations de partage judiciaire de l’indivision ayant existé entre [B] [E] et [C] [W] épouse [E]

3. L’article 815 du code civil dispose que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. »

Aux termes de l’article 840 de ce même code, le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer.

4. En l’espèce, il n’est pas versé aux débats d’acte de notoriété suite au décès de [B] [E] ni de livret de famille. Les parties s’accordent pour dire que celui-ci est décédé le [Date décès 22] 1998, laissant pour lui succéder :

[C] [W] épouse [E] ;Son épouse,

[Z] [E] ;[A] [E] ;[N] [E] ;[K] [E] ;[X] [E] ;
Ses enfants.

5. Selon attestation du 28 janvier 2021 de Maître [H] [P], [C] [W] épouse [E] est décédée à [Localité 27] le [Date décès 7] 2015 laissant pour lui succéder :

[Z] [E] ;[A] [E] ;[N] [E] ;[K] [E] ;[X] [E] ;Ses enfants.

6. Il ressort de ces éléments que l’ensemble des copartageants est dans la cause et la procédure est recevable.

7. Les parties s’accordent sur l’ouverture de opérations de partage de l’indivision ayant existé entre [B] [E] et [C] [W] épouse [E].

En conséquence, il convient d’accueillir la demande d’ouverture des opérations de compte-liquidation-partage de l’indivision ayant existé entre [B] [E] et [C] [W] épouse [E].

Sur la désignation d’un notaire

8. Selon l’article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et à défaut par le tribunal.

9. Compte tenu de l’opposition des requérant pour que Mme [H] [P], ayant établi l’attestation du 28 janvier 2021, poursuive sa mission en qualité de notaire commis, il y a lieu de désigner d’office un notaire commis. Ainsi, Maître [S] [Y], Notaire à [Localité 27], sera désigné notaire commis.

Il y a lieu de fixer une provision pour le notaire à hauteur de 5.000 euros.

Il sera rappelé qu’il appartiendra au notaire de procéder à toutes investigations pour déterminer notamment la situation active et passive de l’indivision et notamment l’existence de comptes bancaires et placements financiers de toutes natures en interrogeant le Fichier FICOBA.

Dans le cadre de la poursuite des opérations de partage, il convient de rappeler qu’en application des articles 1365 à 1376 du code de procédure civile :

– le notaire liquidateur a une mission de liquidation globale : il doit établir les comptes entre les copartageants, la masse partageable, faire l’estimation des biens pour l’établissement de son état liquidatif, déterminer les droits des parties, composer les lots à répartir et dresser l’état liquidatif ;

– le notaire liquidateur dispose d’un délai d’un an suivant sa désignation pour dresser son acte liquidatif, sauf existence d’une cause de suspension dudit délai ; en raison de la complexité des opérations, ce délai ne peut être prorogé pour une durée supérieure à une année ;

– le notaire liquidateur dispose de moyens pour réaliser sa mission : il doit convoquer les parties et leur demander tout document utile à l’accomplissement de sa mission. Si la valeur ou la consistance des biens le justifie, il peut s’adjoindre un expert choisi d’un commun accord entre les copartageants, ou à défaut, désigné par le juge commis.

Il peut faire appel au juge commis en cas de difficulté ou lui demander de tenter une conciliation entre les parties. Il peut également solliciter, en cas d’inertie de l’un des cohéritiers, la désignation d’un représentant (article 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile) ;

– le juge commis est juge conciliateur et juge de la mise en état. Il veille au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai imparti. Il peut, sur demande ou d’office, adresser des injonctions aux parties ou au notaire, prononcer des astreintes et procéder au remplacement du notaire. Il statue sur toutes les demandes concernant l’instruction des opérations de partage judiciaire, mais ne peut trancher au fond ;

– si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge commis qui constate la clôture de la procédure ;

– en cas de désaccord persistant entre les copartageants, le juge du fond disposera du procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et d’un projet d’état liquidatif adressés par le notaire. Il disposera également le cas échéant du rapport écrit du juge commis concernant les points de désaccord subsistants ;

– si le juge du fond est saisi pour statuer définitivement sur les points de désaccord, l’article 1374 du code de procédure civile pose le principe d’une instance unique en vue de trancher toutes les demandes des parties relatives aux opérations de liquidation, comptes et partage, ce qui induit pour celles-ci une obligation de concentration des demandes. Toute demande distincte présentée après le rapport du juge commis devra être déclarée irrecevable sauf si le fondement de cette nouvelle prétention est né ou a été révélé postérieurement à l’établissement du rapport par le juge commis.

Sur les demandes de Mmes [N] et [K] [E]
11. Aux termes de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. En l’espèce, il est demandé au tribunal de « constater, dire et juger que la succession de [C] [E] n’est concernée que par deux biens immobiliers, soit la parcelle sise à [Localité 30] en Belgique et les droits indivis de la parcelle [Cadastre 24] ainsi que l’empiétement du bâtiment de la parcelle [Cadastre 21] sur la parcelle [Cadastre 24], toutes deux sises [Adresse 16] à [Localité 28] ».

Le tribunal comprend de cette demande que seuls deux biens immobiliers qui dépendent de la succession de [C] [W] épouse [E] seraient en indivision avec la succession de [B] [E].

Il revient à Mmes [N] et [K] [E] de démontrer cette allégation. Elles énoncent notamment en page 5 de leurs conclusions que « tous les biens, tels que cités dans l’assignation de MM. [Z] et [A] et Mme [X] [E] avaient été vendus par [B] [E] et [C] [W] épouse [E] :

-[Adresse 9] [Localité 28],
-[Adresse 13] [Localité 28],
-[Adresse 14] [Localité 28], (acheté et revendu par M. [Z] [E], demandeur),
-[Adresse 18] [Localité 28],
-[Adresse 23] [Localité 28],
-[Adresse 5] à [Localité 28],
-[Adresse 4] [Localité 28],
-[Adresse 12] [Localité 28],
-Ferme de [Localité 26] en Belgique,

Demeure (…) un terrain enclavé situé à [Localité 30], en Belgique, cadastré section A numéro [Cadastre 11] W pour une contenance de 20 ares, qui appartenait en propre) [C] [E] pour l’avoir recueilli dans les successions confondues de son oncle. »

Toutefois, ils ne versent aux débats aucune pièce justificative des ventes alléguées, de sorte qu’il convient de renvoyer les parties devant le notaire commis sur cette question. (Civ 1ère, 27 mars 2024, n° 22-13041).

13. Il est également demandé au tribunal de « constater, dire et juger » qu’il résulte que Mmes [N] et [K] [E] sont définitivement bénéficiaires, à hauteur de 50 % chacune de la part de [C] [E] du fait du legs universel, dans la parcelle [Cadastre 24] située à [Localité 28], [Adresse 16].

Toutefois, il n’est versé aux débats aucun acte de partage amiable de la succession de [C] [E] et aucune n’est des parties n’a sollicité l’ouverture des opérations de partage judiciaire de ladite succession.

Par ailleurs, l’attestation du 28 janvier 2021 aux termes de laquelle est repris les dernières volontés de [C] [E] selon testament olographe du 24 juin 2013 ainsi que la dévolution successorale, n’est pas suffisante pour déterminer les droits des parties dans la succession de [C] [E]. Il appartenait aux parties, en cas d’impossibilité de parvenir à un partage amiable, de solliciter l’ouverture d’un partage judiciaire de la succession de [C] [E].

Il convient de rejeter cette demande.

14. Il est également demandé que le notaire calcule l’éventuelle indemnité de réduction des legs universels résultant du testament de [C] [E] si la prescription n’était par impossible pas acquise.

Il convient également de rejeter cette demande à défaut d’avoir sollicité l’ouverture des opérations de partage judiciaire de la succession de [C] [E].

15. Il est aussi demandé d’inclure dans la mission du notaire que la parcelle [Cadastre 24] ainsi que l’empiètement du bâtiment de la parcelle [Cadastre 21] sur la parcelle [Cadastre 24] devront faire l’objet d’une fixation de valeur locative avec établissement de baux permettant à l’indivision de récupérer les loyers qui lui sont dus depuis le décès de [C] [E].

Le tribunal ne peut que constater que cette prétention ne répond pas aux exigences de l’article 4 du code de procédure civile dès lors que l’occupant n’est pas dénommé et les allégations de perception de loyers à titre exclusif par certains indivisaires ne sont pas corroborées.

Il convient de renvoyer cette question devant le notaire (Civ 1ère, 27 mars 2024, n° 22-13041).

Sur les demandes accessoires

16. Les dépens seront employés en frais privilégiés du partage.

17. L’équité commande de ne pas faire droit aux demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DIT sans objet les demandes tendant à déclarer forclose les demandes en réduction de leg et les demandes subséquentes ;

DEBOUTE Mmes [N] et [K] [E] de leur prétention tendant à dire qu’elles sont définitivement bénéficiaires à hauteur de 50 % chacune des droits de l’indivision successorale de [C] [W] épouse [E] ;

ORDONNE l’ouverture des opérations de compte-liquidation-partage de l’indivision ayant existé entre [B] [E] et [C] [W] épouse [E] ;

DÉSIGNE pour procéder auxdites opérations Maître [S] [Y], Notaire à [Localité 27], sous le contrôle du juge spécialement affecté à la surveillance des opérations de partage de ce tribunal, lequel est commis pour surveiller ces opérations ;

PRECISE qu’en cas d’empêchement du notaire ou du juge commis, il sera procédé à son remplacement à la requête de la partie la plus diligente par voie d’ordonnance ;

DIT qu’il appartiendra aux parties de verser entre les mains du notaire désigné une provision d’un montant de 5.000 euros qui sera nécessaire à l’accomplissement de sa mission et DIT qu’en cas de difficulté, il devra en être référé au juge commis ;

RENVOIE au notaire commis la mission d’établir la masse partageable ;

DEBOUTE Mmes [N] et [K] [E] de leur prétention tendant à dire qu’elles sont définitivement bénéficiaires, à hauteur de 50 % chacune, de la part de [C] [E] dans la parcelle [Cadastre 24] située à [Localité 28], [Adresse 16], du fait du legs universel;

DEBOUTE Mmes [N] et [K] [E] de leur prétention tendant à dire que le notaire calculera l’éventuelle indemnité de réduction des legs universels résultant du testament de [C] [E] si la prescription n’était par impossible pas acquise ;

RENVOIE au notaire commis la mission d’établir une éventuelle indemnité d’occupation ou un éventuel loyer à la charge de l’éventuel occupant des parcelles situées [Adresse 16] à [Localité 28] ;

ORDONNE l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


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