Souvenirs à touristes : l’association à une marque impossible ?

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Souvenirs à touristes : l’association à une marque impossible ?

L’Essentiel : Les objets-souvenirs posent un défi particulier en matière de protection par le droit des marques. En effet, les touristes, souvent étrangers, ne sont pas toujours en mesure d’identifier l’origine d’un produit. Ainsi, la fonction principale de la marque, qui est de relier une société à ses produits, est compromise. Par ailleurs, la protection par le droit d’auteur est limitée, notamment pour des objets comme les boîtes à musique, dont la forme est souvent dictée par des impératifs fonctionnels. En conséquence, la concurrence déloyale et le parasitisme ne sont pas retenus, car la liberté du commerce prime dans ce contexte.

Statut particulier des objets-souvenir

C’est acquis, les touristes ne sont pas d’ici et, conséquence intéressante en droit des marques, tous ne sont donc pas aptes à identifier l’origine d’un produit aussi commun qu’un objet souvenir. Précisément, la fonction principale de la marque est de permettre de faire le lien entre une société et ses produits. Comme illustré par cette affaire, l’objet-souvenir n’est pas le candidat idéal à une protection efficace par le droit des marques.

Boîtes à musique souvenir : la contrefaçon exclue

Une société qui a pour activité principale la création de jeux et de jouets n’a pu obtenir de  protection par les droits d’auteur, sur une boîte à musique à manivelle ronde en papier cartonné. Concernant ces boîtes à musique souvenirs, les juges ont considéré que l’approche visuelle était souvent similaire dans la conception et la clientèle ciblée est identique, à savoir le touriste qui ne peut être trompé sur l’origine d’un produit dont il ignore tout, uniquement guidé par des choix esthétiques.

Question de la forme et des fonctionnalités

Par ailleurs, la protection conférée par le droit d’auteur ne peut s’appliquer à la forme d’une oeuvre qu’à la condition que la forme ne soit pas entièrement dictée par sa fonction, et suppose que l’auteur ait été animé, dans la conception de l’oeuvre arguée de contrefaçon, du souci de donner à celle-ci une valeur nouvelle dans le domaine de l’agrément et séparable du caractère fonctionnel de l’objet envisagé.

Si effectivement, la forme de la boîte à musique n’était pas dictée par des impératifs techniques ou utilitaires, la combinaison de ses caractéristiques (choix des formes, proportions, dimensions, ouvertures, matières, inscriptions et couleurs adoptées)  ne conférait pas à la boîte une originalité suffisante.

Parasitisme et concurrence déloyale

Le parasitisme, notamment par la vente de boîtes similaires dans les mêmes circuits de distribution (les boutiques de souvenirs et de cadeaux), n’a pas non plus été retenu. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits privatifs puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce. A ce titre, une pratique commerciale trompeuse à l’égard d’un consommateur constitue un acte de concurrence déloyale entre concurrents.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, qui s’apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d’un savoir-faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

En l’occurrence, il a été jugé que le fait que la commercialisation des boites à musique se fasse auprès de distributeurs spécialisés dans les ventes de souvenirs et de cadeaux est inévitable compte tenu de son activité concurrentielle sans pour autant que ce fait puisse être considéré avec l’évidence requise en référé comme fautif.

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Q/R juridiques soulevées :

Quel est le statut des objets-souvenir en matière de droit des marques ?

Les objets-souvenir, en tant que produits souvent associés à des expériences touristiques, présentent un statut particulier en matière de droit des marques. En effet, ces objets ne sont pas toujours capables d’identifier clairement l’origine d’un produit, car les touristes, qui ne sont pas familiers avec le marché local, peuvent avoir des difficultés à établir un lien entre un produit et une marque spécifique.

La fonction principale d’une marque est de créer un lien entre une entreprise et ses produits. Cependant, dans le cas des objets-souvenir, cette fonction est souvent compromise. Les touristes, en raison de leur manque de connaissance sur les marques locales, peuvent être influencés par des choix esthétiques plutôt que par une identification claire de la marque. Cela rend les objets-souvenir moins susceptibles de bénéficier d’une protection efficace par le droit des marques.

Pourquoi la contrefaçon n’est-elle pas retenue pour les boîtes à musique souvenir ?

Dans le cas des boîtes à musique souvenir, la protection par les droits d’auteur n’a pas été accordée à une société spécialisée dans les jeux et jouets. Les juges ont estimé que la conception visuelle de ces boîtes à musique était souvent similaire, et que la clientèle ciblée, principalement composée de touristes, ne pouvait pas être trompée sur l’origine d’un produit qu’elle ne connaissait pas.

Les juges ont également noté que les choix esthétiques, qui peuvent influencer l’achat, ne suffisent pas à établir une contrefaçon. En d’autres termes, même si les boîtes à musique peuvent sembler similaires, cela ne constitue pas une violation des droits d’auteur, car les consommateurs ne sont pas en mesure de faire la distinction entre les différentes marques sur la base de l’apparence seule.

Quelles sont les conditions pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur ?

Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, sa forme ne doit pas être entièrement dictée par sa fonction. Cela signifie que l’auteur doit avoir conçu l’œuvre avec l’intention de lui donner une valeur esthétique ou artistique, distincte de son caractère fonctionnel.

Dans le cas des boîtes à musique, bien que leur forme ne soit pas entièrement dictée par des impératifs techniques, la combinaison des caractéristiques telles que les formes, dimensions, et couleurs n’a pas été jugée suffisamment originale pour justifier une protection par le droit d’auteur. En d’autres termes, l’absence d’originalité dans la conception a conduit à un refus de protection.

Comment le parasitisme et la concurrence déloyale sont-ils définis dans ce contexte ?

Le parasitisme et la concurrence déloyale sont des concepts juridiques qui visent à protéger les entreprises contre des pratiques commerciales déloyales. Le parasitisme se produit lorsqu’une entreprise profite des investissements ou du savoir-faire d’une autre sans compensation, tandis que la concurrence déloyale se concentre sur la création d’un risque de confusion chez les consommateurs concernant l’origine d’un produit.

Dans le cas des boîtes à musique, le fait que ces produits soient vendus dans des circuits de distribution similaires n’a pas été considéré comme une pratique fautive. La liberté du commerce permet la reproduction de signes qui ne sont pas protégés, tant qu’il n’y a pas de confusion sur l’origine du produit. Ainsi, le parasitisme n’a pas été retenu, car la commercialisation des boîtes à musique dans des boutiques de souvenirs est une pratique normale dans ce secteur concurrentiel.


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