L’Essentiel : M. [Y] [D] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 18 novembre 2022, suite à une demande d’hospitalisation d’urgence. Après une transformation en soins ambulatoires, son statut a été requalifié en hospitalisation complète le 5 décembre 2024. Le maintien de cette mesure a été validé par un magistrat le 16 décembre 2024. Le conseil de M. [Y] [D] a contesté cette décision, évoquant des irrégularités dans la procédure. Toutefois, la cour a confirmé la nécessité de l’hospitalisation, soulignant l’absence de conscience des troubles de M. [Y] [D] et a accordé l’aide juridictionnelle provisoire.
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Admission en soins psychiatriquesM. [Y] [D] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 18 novembre 2022, suite à une demande d’hospitalisation d’urgence par un tiers. Cette mesure a été transformée en soins ambulatoires le 13 décembre 2022, avant d’être à nouveau requalifiée en hospitalisation complète par le directeur de l’établissement de soins le 5 décembre 2024. Contrôle judiciaire et appelLe maintien de l’hospitalisation a été validé par un magistrat du tribunal judiciaire de Dieppe le 16 décembre 2024, après un contrôle à douze jours. M. [Y] [D] a ensuite saisi la cour d’appel le 26 décembre 2024. L’audience s’est tenue le 31 décembre 2024, mais M. [Y] [D] n’était pas présent. Arguments du conseilLe conseil de M. [Y] [D] a demandé la mainlevée de l’hospitalisation, arguant de l’absence de délégation de signature pour la requête, du manque de certificats médicaux mensuels, de l’absence d’évaluation annuelle en 2023, et de la tardiveté des notifications des décisions à son client. Il a également demandé une indemnisation pour frais irrépétibles ou l’aide juridictionnelle provisoire. Réquisitions du procureur généralLe procureur général a requis la confirmation de l’ordonnance de maintien de l’hospitalisation par des observations écrites le 30 décembre 2024. Le directeur de l’hôpital n’a pas comparu ni été représenté lors de l’audience. Recevabilité de l’appelL’appel a été jugé recevable, ayant été formé dans les délais et les formes requises. Conditions de maintien de l’hospitalisationLe maintien de la mesure de soins sans consentement repose sur la constatation de troubles mentaux rendant impossible le consentement et nécessitant des soins immédiats. Le juge ne doit pas substituer son avis à celui des psychiatres, qui ont recommandé la poursuite des soins. Compétence de l’auteur de la requêteLa requête a été signée par Mme [E], responsable du bureau des admissions, agissant sur délégation du directeur de l’hôpital. Bien que la délégation de signature ne soit pas jointe au dossier, elle avait été préalablement adressée au greffe de la cour. Absence de certificats médicaux mensuelsLes certificats médicaux mensuels et les décisions de prolongation ne sont pas exigés pour une mesure de soins ambulatoires, qui n’est pas privative de liberté. Les certificats afférents à la réadmission en hospitalisation complète sont présents dans le dossier. Tardiveté de la notification des droitsLa notification des droits a été effectuée le 12 décembre 2024, après la réadmission de M. [Y] [D] en hospitalisation complète. Le retard dans la notification est attribué à l’état de santé du patient, sans constituer une irrégularité. Évaluation médicale et décision finaleDes certificats médicaux ont confirmé la nécessité de maintenir M. [Y] [D] en hospitalisation complète en raison de son état de santé, caractérisé par une symptomatologie maniaque et un manque de conscience de ses troubles. La cour a donc confirmé la décision du juge des libertés et de la détention. Conclusion de la décisionLa cour a accordé à M. [Y] [D] l’aide juridictionnelle provisoire, déclaré recevable son appel, confirmé la décision du 16 décembre 2024, rejeté la demande de frais irrépétibles, et laissé les dépens à la charge du Trésor public. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de maintien de la mesure de soins sans consentement ?Le maintien de la mesure de soins sans consentement est régi par l’article L. 3212-1, I, du Code de la santé publique. Cet article stipule que : « La personne qui fait l’objet de soins sans consentement doit présenter des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et qui nécessitent des soins immédiats. Ces soins doivent être assortis soit d’une surveillance médicale constante requérant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière permettant une prise en charge sous forme d’un programme de soins. » Il est important de noter que le juge ne doit pas substituer son avis à celui des psychiatres, comme le précisent les décisions de la Cour de cassation (Cass. 1ère Civ., 26 octobre 2022, n° 21-13.084). L’appréciation du consentement aux soins est donc un élément médical, et le juge doit se fonder sur les certificats et avis médicaux pour décider du maintien de la mesure. Quelles sont les exigences en matière de certificats médicaux pour l’hospitalisation complète ?L’article L. 3212-7 du Code de la santé publique précise les exigences relatives aux certificats médicaux dans le cadre d’une hospitalisation complète. Cet article indique que : « Lorsqu’une personne est hospitalisée sans son consentement, le médecin doit établir un certificat médical dans les 24 heures suivant l’admission. Ce certificat doit être renouvelé tous les mois et une évaluation annuelle doit être réalisée. » Cependant, il est crucial de souligner que ces exigences ne s’appliquent pas aux soins ambulatoires. Dans le cas de M. [Y] [D], il a été sous soins ambulatoires du 13 décembre 2022 au 5 décembre 2024, période durant laquelle les certificats mensuels et les décisions de prolongation ne sont pas requis. Ainsi, le moyen soulevé concernant l’absence de certificats médicaux mensuels et d’évaluations annuelles a été rejeté, car ces documents ne sont pas exigés dans le cadre d’une mesure de soins ambulatoires. Quelles sont les conséquences d’une notification tardive des droits ?La notification des droits d’une personne hospitalisée sans consentement est essentielle pour garantir le respect de ses droits. Selon l’article L. 3212-4 du Code de la santé publique : « La personne hospitalisée doit être informée, dans les meilleurs délais, des motifs de son hospitalisation, de ses droits et des voies de recours. » Dans le cas de M. [Y] [D], la notification de la décision d’hospitalisation complète et des droits y afférents a été effectuée le 12 décembre 2024, soit une semaine après son admission le 5 décembre 2024. Il a été constaté que ce retard était dû à l’état de santé de M. [Y] [D], qui nécessitait un isolement et un contrôle médical. Par conséquent, la cour a jugé qu’il n’y avait ni irrégularité ni grief résultant de cette tardiveté, et le moyen a été rejeté. Quelles sont les implications de l’anosognosie dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique ?L’anosognosie, qui est le manque de conscience de sa maladie, a des implications significatives dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique. Dans le cas de M. [Y] [D], plusieurs certificats médicaux ont attesté de son état, indiquant qu’il était inaccessible et présentait des propos incohérents. L’article L. 3212-1, I, du Code de la santé publique, mentionne que le consentement aux soins est un élément médical. L’absence de conscience de sa maladie, comme l’anosognosie, peut justifier le maintien de la mesure de soins sans consentement, car cela signifie que le patient ne peut pas donner un consentement éclairé. Les certificats médicaux ont clairement décrit l’absence de consentement et la nécessité de poursuivre des soins dans le cadre d’une hospitalisation complète, ce qui a conduit à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 2 JANVIER 2025
Brigitte HOUZET, conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)
Assistée de Mme DEMANNEVILLE, greffière lors des débats et Mme VESPIER, greffière lors du délibéré ;
APPELANT :
Monsieur [Y] [D]
né le 31 Octobre 1966 à [Localité 5]
Résidence habituelle :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Lieu d’admission :
Etablissement Public CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 2]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Victoric BELLET, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMÉ :
CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 2]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Non comparant, non représenté
Vu l’admission de M. [Y] [D] en soins psychiatriques au centre hospitalier de [Localité 2] à compter du 18 novembre 2022, sur décision de son directeur sur demande d’un tiers ;
Vu la réintégration de M. [Y] [D] en soins psychiatriques au centre hospitalier de [Localité 2] à compter du 5 décembre 2024 sur décision de son directeur ;
Vu la saisine en date du 10 décembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de DIEPPE par monsieur le directeur du centre hospitalier de [Localité 2] ;
Vu l’ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire en date du 16 décembre 2024 ordonnant la poursuite de l’hospitalisation complète sous contrainte de M. [Y] [D] ;
Vu la déclaration d’appel formée à l’encontre de cette ordonnance par M. [Y] [D] et reçue au greffe de la cour d’appel le 26 décembre 2024 ;
Vu les avis d’audience adressés par le greffe ;
Vu la transmission du dossier au ministère public ;
Vu le certificat médical du docteur [N] [J] en date du 27 décembre 2024,
Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 30 décembre 2024,
Vu les courriers de M. [D] [Y] en date du 31 décembre 2024,
Vu les pièces transmises par Me Victoric BELLET, avocat au barreau de Dieppe, en date du 31 décembre 2024,
Vu les débats en audience publique du 31 décembre 2024 ;
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [Y] [D] a été admis en soins psychiatriques sans consentement dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers en urgence le 18 novembre 2022.
La mesure a été transformée en soins ambulatoires le 13 décembre 2022 et à nouveau transformée en hospitalisation complète par décision du directeur de l’établissement de soins le 5 décembre 2024.
Cette mesure a été maintenue par décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire de DIEPPE, exerçant son contrôle à douze jours, en date du 16 décembre 2024.
M. [Y] [D] a saisi la cour d’appel le 26 décembre 2024.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 31 décembre 2024, laquelle s’est tenue publiquement au siège de la juridiction.
M. [Y] [D] n’a pas comparu.
Par des conclusions reprises oralement à l’audience, le conseil de M. [Y] [D] sollicite la mainlevée de l’hospitalisation sous contrainte, faisant valoir :
– l’absence de délégation de signature confiée au signataire de la requête saisissant le juge
– l’absence de plusieurs certificats mensuels et et décisions de prolongations mensuelles
– l’absence d’évaluation mensuelle en 2023
– l’absence ou la tardiveté des notifications des décisions à l’intéressé.
Il sollicite également la condamnation du préfet à lui payer la somme de 1 500 euros en paiement de ses frais irrépétibles et, à défaut, le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.
Le procureur général a requis, par observations écrites du 30 décembre 2024, la confirmation de l’ordonnance.
Le directeur de l’hôpital n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
Sur la recevabilité de l’appel
L’appel formé dans les formes et délais requis est recevable.
Sur le fond
Le maintien de la mesure de soins sans consentement obéit aux conditions générales de l’article L. 3212-1, I, du même code et impose seulement la constatation de l’existence de troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et qui nécessitent des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante requérant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière permettant une prise en charge sous forme d’un programme de soins (1re Civ., 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-17.091).
Il n’appartient pas au juge de substituer son avis à celui des psychiatres, consignés dans les certificats et avis médicaux circonstanciés prescrivant la poursuite des soins selon des modalités thérapeutiques déterminées. (Cass. 1ère Civ., 26 octobre 2022 n°21-13.084 et Cass. 1ère Civ., 27 septembre 2017, n° 16-22.544)
L’appréciation du consentement aux soins est un élément médical.
Sur la compétence de l’auteur de la requête :
Il résulte des éléments du dossier que le premier juge a été saisi par requête signée de Mme [E], responsable du bureau des admissions, agissant sur délégation du directeur du Centre Hospitalier de [Localité 2]. La délégation de signature n’est pas jointe au dossier mais a été préalablement adressée au greffe de la cour, conformément à l’usage, le conseil de l’appelant y ayant accès.
Le moyen manque donc en fait et sera rejeté.
Sur l’absence de plusieurs certificats médicaux mensuels, décisions de prolongation et de l’évaluation annuelle 2023 :
Il convient de rappeler que M. [Y] [D] a fait l’objet de soins dans un cadre ambulatoire du 13 décembre 2022 au 5 décembre 2024. Les certificats médicaux mensuels, les décisions de prolongation et l’évaluation annuelle sont exigés en application de l’article L3212-7 du code de la santé publique dans le cas d’une hospitalisation complète, mesure privative de liberté. Aucun texte n’en impose la production dans le cadre d’une mesure de soins ambulatoires, qui n’est pas privative de liberté.
Au dossier de M. [Y] [D] sont joints les certificats médicaux afférents à sa réadmission en hospitalisation complète le 5 décembre 2024, objet du litige.
Le moyen sera donc rejeté.
Sur la tardiveté de la notification des droits :
M. [Y] [D] a été réadmis en hospitalisation complète le 5 décembre 2024. Cette décision et les droits y afférents lui ont été notifiés le 12 décembre 2024.
Il ressort des éléments du dossier que M. [Y] [D] a été placé en isolement dès son admission, ledit isolement ayant été contrôlé par le juge le 9 décembre 2024 et son maintien ayant été ordonné en raison de l’état de santé de l’intéressé, alors sensible aux stimulations qui exacerbaient sa symptomatologie maniaque sous-jacente.
Il apparaît par conséquent que la notification de la décision et des droits y afférents a été retardée en raison de l’état de santé de M. [Y] [D].
Il n’en résulte ni irrégularité ni grief.
Le moyen sera donc rejeté.
Sur le fond :
Le collège de psychiatrie a émis, le 26 novembre 2024, un avis favorable à la poursuite de soins sans consentement sous surveillance médicale constante en milieu hospitalier en raison de la fragilité de la situation médicale et de l’adhésion aux soins.
Le certificat médical nécessaire à la réadmission en soins psychiatriques en date du 5 décembre 2024 établi par le Docteur [F] indique que M. [Y] [D] présente une recrudescence de la symptomatologie de son trouble bipolaire de type maniaque entraînant un retentissement fonctionnel important avec de grandes difficultés au niveau de son activité professionnelle. Il précise que la rechute pourrait être due à une mauvaise observance et que le patient refuse les soins qu’on lui propose. Il conclut à une réintégration en HC.
Dans son certificat du 6 décembre 2024, le docteur [M] constate que le patient est inaccessible, les propos incohérents, qu’il demande l’arrêt du traitement et n’a aucune conscience de ses troubles.
Dans son certificat du 27 décembre 2024, le docteur [J] constate une légère amélioration, permise par les traitements, néanmoins M. [Y] [D] reste anosognosique, sthénique, présente des troubles du comportement, un discours incohérent. L’acceptation du traitement reste très superficielle et il existe un risque de mise en danger sur l’extérieur.
Ce faisant, le certificat médical décrit suffisamment l’absence de consentement et la nécessité de poursuivre des soins dans le cadre d’une hospitalisation complète.
Au regard de ce dernier certificat médical, il convient de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention ayant ordonné le maintien de la mesure.
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;
Accorde à M. [Y] [D] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,
Déclare recevable l’appel interjeté par Monsieur [Y] [D] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 16 Décembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de DIEPPE
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Rejette la demande en paiement de frais irrépétibles,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Fait à Rouen, le 2 janvier 2025.
LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,
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