Société victime d’une publication virulente sur les réseaux sociaux

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Société victime d’une publication virulente sur les réseaux sociaux

L’Essentiel : Une publication virulente sur les réseaux sociaux dénonçant les prix d’un magasin ne constitue pas nécessairement un délit de presse. La société concernée doit choisir un fondement juridique sans cumul avec la responsabilité de droit commun. Selon l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, l’assignation doit préciser le fait incriminé et le texte de loi applicable. L’assignation qui retient à la fois les qualifications d’injure et de diffamation est nulle, car cela crée une incertitude préjudiciable à la défense, contrevenant ainsi à la protection de la liberté d’expression.

Une publication virulente sur les réseaux sociaux dénonçant les prix pratiqués par un magasin ne relève pas nécessairement des délits de presse. La société victime de ladite publication doit choisir son fondement juridique, sans cumul possible avec la responsabilité de droit commun.

Aux termes de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicable devant les juridictions civiles et plus spécifiquement devant le juge des référés, la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé, indiquer le texte de loi applicable à la poursuite. La citation doit également préciser l’élection de domicile dans la ville où siège de la juridiction saisie et être notifiée tant au prévenu qu’au ministère public, toutes ces formalités étant prescrites à peine de nullité de la poursuite.

Est nulle l’assignation retenant pour le même fait la double qualification d’injure et de diffamation ; cette interdiction de recourir à des qualifications cumulatives des propos incriminés s’oppose également à ce que le demandeur invoque tout à la fois les dispositions spéciales de la loi sur la presse et l’article 1240 du Code civil relatif au droit commun de la responsabilité civile ; cette rigueur procédurale participe de la protection de la liberté d’expression.

En l’espèce, le gérant et sa société éponyme ont fondé leur action sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, 24, 29, 32, 33 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 1240 du code civil ; dans l’assignation qu’ils ont fait délivrer le 7 mai 2020, la publication initiale de l’auteur sur son compte Facebook est à la fois qualifiée de diffamation, prévue et réprimée par les articles 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse et de dénigrement, (article 1240 du code civil).

Les commentaires qui en ont découlé ainsi que les réactions subséquentes de l’auteur sont, pour leur part, qualifiés indifféremment de délits d’injure ou incitation à la destruction, dégradation et détérioration volontaire, prévus et réprimés par les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 et de dénigrements ;

Par ce cumul de qualifications, consistant à invoquer, tout à la fois et à titre principal, les dispositions spéciales de la loi sur la presse et l’article 1240 du Code civil relatif au droit commun de la responsabilité civile, les demandeurs ont créé pour l’auteur des propos en cause, une incertitude préjudiciable à sa défense ; cette incertitude contrevient à l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 (nullité de l’assignation et, conséquemment, d’annuler l’ordonnance rendue à sa suite).

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT DU 17 JUIN 2021

N° RG 20/12713

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGVIN

Z X

C/

A Y

S.A.S.U. Y GROUP

LE PROCUREUR GENERAL

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par monsieur le président du tribunal judiciaire d’Aix-en-provence en date du 08 Décembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/00366.

APPELANTE

Madame Z X,

demeurant 2 Rue des Boeufs – 13090 AIX-EN-PROVENCE

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Michel BOULAN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur A Y

né le […] à MARSEILLE,

demeurant […]

S.A.S.U. Y GROUP,

dont le siège social est […]

représentée et assistée par Me Dorothée NAKACHE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant Cour d’Appel – Palais de Justice – 20 Place de Verdun – 13616 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 1

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Mai 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. B C, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. B C, Président

Mme Sylvie PEREZ, Conseillère

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Sophie SETRICK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2021.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2021,

Signé par M. B C, Président et Sophie SETRICK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame Z X, retraitée, Présidente bénévole de la structure d’action sociale ‘La Provence’ de la ville d’Aix-en-Provence a, lors du premier confinement de l’année 2020, organisé une action de confection de masques afin de les mettre gratuitement à la disposition des personnels considérés comme placés en première ligne dans la lutte contre la pandémie de Covid 19.

Selon ses dires, plus de 5 500 masques ont été mis à la disposition des hôpitaux du secteur, des ‘Restos du Coeur’, des ambulanciers du Pont d’Arc et des équipages des véhicules sanitaires légers.

Ayant besoin de diverses fournitures, des bénévoles se sont rendus dans le magasin à l’enseigne ‘Aix Mousse et Tissus’, sis 56-58 avenue de Lattre de Tassigny à Aix-en-Provence, où ils ont acheté, le 15 avril 2020, des élastiques, aiguilles et bobines de fils pour un montant de 322,90 euros.

Surprise par le montant de la facture, Madame X a publié cette dernière sur sa page FACEBOOK, le 16 avril 2020, sous le titre ‘Coup de colère’, le message suivant : Un atelier de création de masques s’est créé. Masques que nous distribuons gratuitement aux VSL, aux ambulanciers, aux personnes fragiles etc’ Que des bénévoles’ Le tissu nous a été donné … Cependant nous avons besoin de matières, fils, élastiques, aiguilles pour machine à coudre’ Nous nous sommes adressés à un fournisseur sur Aix … Aix Mousse et Tissus. Même si je sais que le marché est libre, et qu’il doit faire sa marge, je trouve que les prix qu’il pratique sont indécents ‘Nous avons acheté 40 m d élastique à 4 € le mètre,(prix moyen 0,60 cts), boîte d’aiguilles (5 par boîte) 11 € 50 la boîte (prix moyen 2 €), bobine 500 m de fil blanc à 14 € 50 la bobine (prix moyen 1 €)et une bobine 5 000 m de fil blanc à 29 € 90(prix moyen 3 €) » Que l’on profite d’une situation telle que celle que l’on vit aujourd’hui, j’ai du mal’ Voir photo de la facture.

La publication de Madame X, était largement partagée et commentée. Certains de ces commentaires étaient particulièrement virulents, appelant notamment au boycott de ce commerce ou à y ‘mettre le feu’.

Dans le cadre de ces échanges, Mme X écrivait notamment :

– je ne vais pas me gêner, il pratique les prix qu’il veut, moi je suis libre de m’exprimer ;

– peut-être mais c’est profiter d’une situation sanitaire ;

– profiter d’une situation telle que celle que nous vivons, c’est honteux ;

– je comprends que l’on fasse une marge mais faire du profit démesuré lors d’une situation sanitaire telle que nous la vivons n’est pas acceptable ;

– il faut partager, repartager que ça se sache ;

– c’est pas le problème ! C’est profiter d’une situation sanitaire, utiliser la peur … et je trouve ça honteux ;

– Je sais bien. Ce qui n’était pas acceptable à l’époque, l’est tout autant aujourd’hui. Et il faut l’ignorer pas seulement après mais à partir de maintenant ;

– ce que je trouve anormal est l’abus sur les prix en cette période de confinement sanitaire, qu’il en profite pour faire encore des bénéfices ;

– Je ne lui ai jamais demandé de faire des dons … Je dénonce des prix qui ne sont pas acceptables, c’est tout ;

Après avoir fait constater les faits par huissier de justice, le 17 avril 2020, la société par actions simplifiée (SAS) Y GROUP et monsieur A Y ont, par lettre simple datée du 22 avril 2020, mis en demeure Madame X de retirer ladite publication de son compte Facebook.

Mme X s’est exécutée et la suppression de son message a entraîné celle de tous les commentaires associés.

Par acte d’huissier en date du 7 mai 2020, la SAS Y GROUP et monsieur A Y l’ont faite assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence aux fins :

— de lui entendre ordonner :

‘ de cesser de tenir des propos diffamatoires et injurieux à l’encontre de M. A Y ;

‘ de cesser de tenir des propos dénigrants à l’encontre de la SAS Y GROUP y compris sous la forme d’appels à boycott ;

‘ de supprimer l’intégralité des propos diffamatoires et injurieux sur internet dont facebook ;

— de l’entendre condamner à payer :

‘ à M. A Y une provision de 7 500 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral ;

‘ à la SAS Y GROUP une provision de 15 000 euros au titre du préjudice allégué ;

‘ à chacun des requérants une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par ordonnance en date du 8 décembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a :

— déclaré recevables les demandes formées par M. A Y et la SAS Y GROUP à l’encontre de Mme X ;

— rejeté l’exception de nullité de l’assignation ;

— déclaré sans objet les demandes de suppression sous astreinte des messages litigieux, publiés par Mme X sur sa page Facebook ;

— condamné Mme X à verser à M. A Y une provision de 1 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

— condamné Mme X à verser à la SAS Y GROUP une provision de 1 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné Mme X à verser à M. A Y une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné Mme X à verser à la SAS Y GROUP une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné Mme X aux dépens.

Selon déclaration reçue au greffe le 17 décembre 2020, Mme X a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur la recevabilité de l’action engagée par M. A Y et la SAS Y GROUP, le rejet de l’exception de nullité de l’assignation et toutes les dispositions portant condamnation à son encontre.

Par dernières conclusions transmises le 1er février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour :

— in limine litis qu’elle annule l’ordonnance entreprise :

‘ en ce que le juge des référés s’est déclaré compétent pour connaître du litige alors que cette compétence appartient au juge du fond en l’état des contestations sérieuses et du défaut d’urgence ;

‘ en ce qu’elle a rejeté l’exception de nullité de l’assignation à raison de la double qualification impossible de diffamation et d’injure et de la qualification supplémentaire de dénigrement pour les mêmes faits ;

— au fond :

‘ confirme l’ordonnance du 8 décembre 2020 rendue sous le numéro 20/838 par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix en Provence en ce que le juge a déclaré sans objet les demandes de suppression, sous astreinte, des messages publiés sur sa page FACEBOOK ;

‘ confirme l’ordonnance entreprise en ce que le juge a débouté les demandeurs de leur demande visant à lui ordonner de cesser de tenir des propos diffamatoires, injurieux et dénigrants pour l’avenir sur Facebook ;

‘ confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a reconnu qu’elle n’est pas l’auteur des infractions alléguées d’incitation à la destruction, dégradation et détérioration volontaire relatives aux commentaires sous sa publication et qu’en conséquence, ces infractions ne sont pas caractérisées à son endroit et dont elle ne peut être tenue responsable ;

‘ constate le défaut de motivation de l’ordonnance et sa contradiction intrinsèque

sur le préjudice ;

‘ infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à verser à A Y une provision de 1 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

‘ infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à verser à la SASU Y GROUP une provision de 1 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

‘ constate que les contestations sérieuses tenant à l’erreur sur la qualification

juridique des faits s’opposent à toute condamnation ;

‘ constate que l’infraction alléguée de diffamation à l’encontre de sa publication du 16 avril 2020 n’est pas caractérisée ;

‘ constate que la faute de dénigrement n’est pas établie, que les préjudices ne sont pas établis, que le lien de causalité n’est pas démontré, que sa bonne foi est établie et qu’il en résulte que des contestations sérieuses sont démontrées ;

‘ constate qu’elle n’est pas l’auteur des infractions alléguées d’injure relatives aux commentaires sous sa publication et qu’en conséquence, ces infractions ne sont pas caractérisées à son endroit ;

‘ constate qu’aucune des conditions des articles 834 et 835 du Code de procédure civile ne sont satisfaites ;

‘ en conséquence :

‘ déboute M. Y de sa demande de condamnation provisionnelle au paiement de la somme de 7 500 euros au titre d’un prétendu préjudice moral ;

‘ déboute la SAS Y GROUP de sa demande de condamnation provisionnelle au paiement de la somme de 15 000 euros au titre d’un prétendu préjudice ;

— en tout état de cause :

‘ déboute M. A Y et la SAS Y GROUP de toute autre demande à son encontre ;

‘ infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à verser la somme de 800 euros à chacun des demandeurs au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance ;

‘ condamne M. Y et la SAS Y GROUP à lui verser, chacun, la somme de 2 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamne Monsieur A Y et la SAS Y GROUP aux entiers dépens.

Par dernières conclusions transmises le 21 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. A Y et la SAS Y GROUP demandent à la cour de :

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés s’est déclaré compétent ;

— dire que, par sa publication, Madame Z X s’est rendue coupable de diffamation à l’encontre de Monsieur A Y en sa qualité de dirigeant social de la SAS Y GROUP, exploitant sous l’enseigne AI MOUSSE ET TISSUS ;

— dire qu’à la suite des affirmations mensongères de Madame Z X, Monsieur A Y a été la cible de toutes sortes d’insultes, proférées tant par ses « commentateurs » que par elle-même, de sorte que le délit d’injure publique est caractérisé ;

— dire que par ses commentaires sur le site Facebook, Madame Z X s’est rendue coupable de dénigrement à l’encontre de la SASU Y GROUP, exploitant sous l’enseigne AIX MOUSSE ET TISSUS ;

— dire que, par son dénigrement, Madame Z X a manifestement mis en péril l’activité de la requérante et sa pérennité ;

— en conséquence :

‘ dire que Madame X s’est rendue coupable d’un abus de son droit à la liberté d’expression constitutif d’un trouble manifestement illicite justifiant l’octroi d’une provision au profit des intimés ;

‘ à titre principal condamner Mme X au paiement provisionnel des sommes de :

‘ 7 500 euros, à titre de provision, au titre du préjudice moral subi par Monsieur A Y ;

‘ 15 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice de la SASU Y GROUP ;

‘ à titre subsidiaire, confirmer l’ordonnance de référé du 8 décembre 2020 et ainsi condamner Mme X à verser :

‘ à A Y une provision de 1 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi ;

‘ à la S.A.S.U Y Group une provision de 1 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

— en tout état de cause :

‘ confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné Z X à verser respectivement à A Y et à la SASU Y GROUP une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de la première instance ;

‘ condamner Mme X à verser, respectivement à A Y et à la SASU Y GROUP, une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 23 avril 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l’assignation

Attendu qu’aux termes de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicable devant les juridictions civiles et plus spécifiquement devant le juge des référés, la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite, … contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public, toutes ces formalités (étant) prescrites à peine de nullité de la poursuite ; qu’en application des dispositions de ce texte, est nulle l’assignation retenant pour le même fait la double qualification d’injure et de diffamation ; que cette interdiction de recourir à des qualifications cumulatives des propos incriminés s’oppose également à ce que le demandeur invoque tout à la fois les dispositions spéciales de la loi sur la presse et l’article 1240 du Code civil relatif au droit commun de la responsabilité civile ; que cette rigueur procédurale participe de la protection de la liberté d’expression ;

Attendu que M. Y et la société éponyme ont fondé leur action sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, 24, 29, 32, 33 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 1240 du code civil ; que, dans l’assignation qu’ils ont fait délivrer le 7 mai 2020, la publication initiale de Mme X sur son compte Facebook est à la fois qualifiée de diffamation, prévue et réprimée par les articles 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse (pages 6 et 14 de l’assignation) et de dénigrement, justiciable des dispositions de l’article 1240 du code civil (page 17 de l’assignation) ; que les commentaires qui en ont découlé ainsi que les réactions subséquentes de Mme X sont, pour leur part, qualifiés indifféremment de délits d’injure ou incitation à la destruction, dégradation et détérioration volontaire, prévus et réprimés par les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 (page 6 de l’assignation) et de dénigrements (page 20 de l’assignation) ;

Attendu que par ce cumul de qualifications, consistant à invoquer, tout à la fois et à titre principal, les dispositions spéciales de la loi sur la presse et l’article 1240 du Code civil relatif au droit commun de la responsabilité civile, M. A Y et la SAS Y GROUP ont créé pour Mme Z X une incertitude préjudiciable à sa défense ; que cette incertitude contrevient aux dispositions précitées de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’il convient dès lors de prononcer la nullité de l’assignation et, conséquemment, d’annuler l’ordonnance rendue à sa suite ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que M. A Y et la SAS Y, qui succombent au litige, seront déboutés de leurs demandes formulées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés en première instance et appel ; qu’il lui sera donc alloué une somme de 2 000 euros ;

Que M. A Y et la SAS Y supporteront en outre les dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Prononce la nullité de l’assignation signifiée le 7 mai 2020, à Mme Z X à la requête de la SAS Y GROUP et Monsieur A Y ;

Annule, en conséquence, l’ordonnance rendue le 8 décembre 2020 par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence ;

Condamne in solidum la SAS Y GROUP et Monsieur A Y à payer à Mme Z X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Y GROUP et Monsieur A Y de leurs demandes sur ce même fondement ;

Condamne in solidum la SAS Y GROUP et Monsieur A Y au paiement des dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique que doit choisir la société victime d’une publication virulente sur les réseaux sociaux ?

La société victime d’une publication virulente sur les réseaux sociaux doit choisir un fondement juridique spécifique pour sa plainte. Selon le texte, il n’est pas possible de cumuler les responsabilités de droit commun avec celles prévues par la loi sur la presse.

Cela signifie que la société doit décider si elle souhaite agir en vertu des dispositions de la loi sur la liberté de la presse, qui régit les délits de presse, ou en vertu du droit commun, tel que stipulé dans le Code civil.

Cette distinction est déterminante car elle détermine le cadre juridique applicable et les conséquences qui en découlent. En effet, chaque voie a ses propres règles de procédure et ses implications en termes de protection de la liberté d’expression.

Quelles sont les exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 concernant la citation ?

L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 impose plusieurs exigences pour la citation dans le cadre d’une action en justice liée à la presse. Tout d’abord, la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé, ce qui signifie que le plaignant doit clairement indiquer ce qui est reproché à l’auteur de la publication.

Ensuite, il est nécessaire d’indiquer le texte de loi applicable à la poursuite. Cela permet de contextualiser la plainte et de justifier la légitimité de l’action engagée.

De plus, la citation doit mentionner l’élection de domicile dans la ville où se trouve la juridiction saisie. Cela garantit que toutes les parties sont informées et que le processus judiciaire peut se dérouler de manière ordonnée.

Enfin, la citation doit être notifiée tant au prévenu qu’au ministère public, et le non-respect de ces formalités peut entraîner la nullité de la poursuite.

Pourquoi l’assignation retenant la double qualification d’injure et de diffamation est-elle considérée comme nulle ?

L’assignation qui retient pour le même fait la double qualification d’injure et de diffamation est considérée comme nulle en vertu des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881. Cette interdiction de recourir à des qualifications cumulatives vise à protéger la liberté d’expression.

En effet, le cumul de qualifications peut créer une incertitude préjudiciable pour la défense de l’auteur des propos incriminés. Cela complique la compréhension des accusations portées contre lui et peut nuire à sa capacité à se défendre efficacement.

La rigueur procédurale imposée par la loi vise à garantir que les accusations soient claires et précises, permettant ainsi un procès équitable. En conséquence, si une assignation ne respecte pas ces exigences, elle peut être déclarée nulle, entraînant l’annulation de l’ordonnance rendue à sa suite.

Quels étaient les motifs de l’action en justice de la SAS Y GROUP et de M. A Y contre Mme Z X ?

La SAS Y GROUP et M. A Y ont engagé une action en justice contre Mme Z X en raison de la publication qu’elle a faite sur Facebook, où elle critiquait les prix pratiqués par le magasin. Dans leur assignation, ils ont qualifié cette publication de diffamation, en se basant sur les articles 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse.

Ils ont également invoqué le dénigrement, qui est régi par l’article 1240 du Code civil. Les commentaires et réactions qui ont suivi la publication de Mme Z X ont été qualifiés d’injures et d’incitation à la destruction, dégradation et détérioration volontaire, en vertu des articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881.

L’action visait à obtenir une cessation des propos jugés diffamatoires et injurieux, ainsi qu’une indemnisation pour le préjudice moral subi par M. A Y et la SAS Y GROUP. Ils ont demandé des provisions à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice, ainsi que des frais de justice.

Quelles conséquences a eu la publication de Mme Z X sur les réseaux sociaux ?

La publication de Mme Z X sur les réseaux sociaux a eu des conséquences significatives, tant pour elle que pour la SAS Y GROUP. D’une part, la publication a suscité une large réaction du public, avec des commentaires virulents appelant au boycott du magasin et, dans certains cas, à des actes de violence.

Ces réactions ont mis en péril l’image et l’activité commerciale de la SAS Y GROUP, qui a estimé que les propos de Mme Z X constituaient un dénigrement. D’autre part, la publication a conduit à une action en justice, où Mme Z X a été assignée pour diffamation et injure.

En réponse à la mise en demeure de la SAS Y GROUP, Mme Z X a supprimé sa publication, entraînant également la suppression des commentaires associés. Cependant, la situation a évolué vers une procédure judiciaire, où les deux parties ont cherché à faire valoir leurs droits et à obtenir réparation pour les préjudices allégués.

Quel a été le résultat de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence ?

L’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a déclaré recevables les demandes de la SAS Y GROUP et de M. A Y à l’encontre de Mme Z X. Cependant, elle a également rejeté l’exception de nullité de l’assignation, ce qui a permis à l’action de se poursuivre.

Le juge a condamné Mme Z X à verser des provisions à M. A Y et à la SAS Y GROUP pour le préjudice moral allégué. Toutefois, il a déclaré sans objet les demandes de suppression des messages litigieux, ce qui signifie que la cour n’a pas ordonné la suppression des publications de Mme Z X sur Facebook.

Cette décision a été contestée par Mme Z X, qui a interjeté appel, remettant en question la recevabilité de l’action et le rejet de l’exception de nullité. L’affaire a donc été portée devant la cour d’appel, où les arguments des deux parties ont été examinés plus en détail.


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