Servitude de vue et prescription : enjeux de propriété et modifications architecturales

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Servitude de vue et prescription : enjeux de propriété et modifications architecturales

L’Essentiel : Mme [J] [P] veuve [D] a assigné la Sarl Saint Julien en juin 2022 pour revendiquer une servitude de vue sur la parcelle BE n°[Cadastre 5]. Elle soutient avoir acquis cette servitude par prescription, mais les défendeurs contestent son existence et demandent la suppression de la fenêtre litigieuse. Des expertises ont révélé des divergences, bien que certains éléments indiquent que la fenêtre existe depuis longtemps. Le tribunal a finalement reconnu la servitude de vue par possession de trente ans, déboutant Mme [D] de sa demande de rétablissement et condamnant les défendeurs aux dépens. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Contexte de l’affaire

Mme [J] [P] veuve [D] est propriétaire d’une parcelle cadastrée BE n°[Cadastre 6] à [Localité 4]. Elle est sous curatelle renforcée depuis une décision du juge des tutelles en septembre 2021. La Sarl Villa Carmine a acquis une autre parcelle cadastrée section BE n°[Cadastre 3] en juin 2021, pour laquelle elle a obtenu un permis de construire un immeuble collectif.

Litige sur la servitude de vue

Mme [D] a assigné la Sarl Saint Julien en juin 2022, revendiquant une servitude de vue sur la parcelle BE n°[Cadastre 5]. Elle demande la reconnaissance de cette servitude, la publication de la décision, et des dommages-intérêts. Elle soutient avoir acquis cette servitude par prescription et produit divers éléments pour étayer sa demande.

Réponses des défendeurs

La Sarl Saint Julien et la Sarl Villa Carmine contestent les revendications de Mme [D]. Elles affirment qu’elle ne prouve pas l’existence de la servitude de vue et demandent la suppression de la fenêtre litigieuse, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice économique et d’image. Elles soutiennent également que les modifications apportées à l’immeuble ne portent pas atteinte à la servitude de vue.

Éléments de preuve et expertises

Des constatations d’huissiers et des rapports d’experts ont été produits, révélant des divergences sur l’existence et l’emplacement de la fenêtre litigieuse. Les experts ont fourni des analyses contradictoires, mais certains éléments indiquent que la fenêtre existe depuis longtemps et pourrait justifier la servitude de vue.

Décision du tribunal

Le tribunal a reconnu que la parcelle cadastrée BE n°[Cadastre 6] bénéficie d’une servitude de vue par possession de trente ans. Il a débouté Mme [D] de sa demande de rétablissement de la servitude sous astreinte et rejeté toutes les demandes reconventionnelles des défendeurs. Les défendeurs ont été condamnés aux dépens, et Mme [D] a reçu une indemnité pour frais irrépétibles.

Exécution provisoire

La décision est exécutoire de droit à titre provisoire, sans qu’il soit nécessaire de l’écarter, permettant ainsi à Mme [D] de faire valoir ses droits immédiatement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature de la servitude de vue selon le Code civil ?

La servitude de vue est définie par l’article 690 du Code civil, qui stipule que « Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. »

Cette disposition indique que la servitude de vue peut être établie soit par un acte formel, soit par l’usage continu et apparent pendant une durée de trente ans.

En l’espèce, la servitude de vue revendiquée par Mme [D] repose sur la possession de cette fenêtre depuis plus de trente ans, ce qui, selon le tribunal, a été prouvé par divers éléments de preuve, y compris des constatations d’huissiers et des rapports d’experts.

Il est également précisé dans les articles 688 et 689 du même code que la servitude de vue est considérée comme une servitude continue et apparente lorsqu’elle est matérialisée par une fenêtre.

Ainsi, la fenêtre de la maison de Mme [D] est un élément clé pour établir l’existence de cette servitude.

Quelles sont les conditions de la prescription acquisitive pour une servitude de vue ?

La prescription acquisitive pour une servitude de vue est régie par l’article 690 du Code civil, qui précise que la servitude peut être acquise par possession de trente ans.

Pour qu’une telle prescription soit reconnue, il est nécessaire que la possession soit continue, paisible, publique et non équivoque.

Dans le cas présent, le tribunal a constaté que la fenêtre litigieuse, qui est la source de la servitude de vue, a été maintenue dans son état d’origine depuis au moins 1989, ce qui a permis de conclure à l’existence d’une possession continue.

Les éléments de preuve, tels que les constatations d’huissiers et les rapports d’experts, ont été déterminants pour établir que la fenêtre n’a pas été modifiée depuis sa création, renforçant ainsi l’argument de la prescription acquisitive.

Il est donc essentiel que la partie revendiquant la servitude puisse démontrer que toutes ces conditions ont été remplies pendant la période requise.

Quels sont les effets de la reconnaissance d’une servitude de vue ?

La reconnaissance d’une servitude de vue a plusieurs effets juridiques, notamment en ce qui concerne les droits des propriétaires des parcelles concernées.

Selon l’article 701 du Code civil, « Le propriétaire du fonds servant ne peut, sans le consentement du propriétaire du fonds dominant, faire aucun acte qui puisse nuire à l’exercice de la servitude. »

Cela signifie que le propriétaire de la parcelle sur laquelle la servitude est établie ne peut pas entreprendre des travaux ou des modifications qui obstrueraient la vue ou altéreraient l’exercice de cette servitude.

Dans le cas présent, la Sarl Villa Carmine, en tant que propriétaire de la parcelle voisine, doit respecter la servitude de vue établie par la fenêtre de Mme [D].

Le tribunal a également noté que le projet de construction de la Sarl Villa Carmine, qui incluait une cour anglaise, devait être conforme aux distances prévues par les articles 678 et 679 du Code civil, afin de ne pas porter atteinte à la servitude de vue.

Ainsi, la reconnaissance de la servitude de vue impose des obligations au propriétaire du fonds servant et protège les droits du propriétaire du fonds dominant.

Quelles sont les conséquences d’une demande reconventionnelle en matière de servitude de vue ?

Les demandes reconventionnelles en matière de servitude de vue, comme celles formulées par la Sarl Villa Carmine, doivent être fondées sur des éléments juridiques solides.

Dans ce cas, la Sarl Villa Carmine a demandé la suppression de la fenêtre litigieuse, arguant qu’elle ne respectait pas les conditions de la servitude de vue.

Cependant, le tribunal a rejeté ces demandes reconventionnelles, affirmant que la servitude de vue avait été établie par possession de trente ans et que la fenêtre était conforme aux exigences légales.

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

Dans ce contexte, la Sarl Villa Carmine, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens de l’instance, ce qui souligne l’importance de présenter des arguments juridiques solides pour soutenir une demande reconventionnelle.

Ainsi, les conséquences d’une demande reconventionnelle peuvent inclure des condamnations aux dépens et la nécessité de prouver la validité des arguments avancés.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 – CONSTRUCTION

DU 16 Janvier 2025
Dossier N° RG 22/04200 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JPRX
Minute n° : 2025/20

AFFAIRE :

[J] [P] veuve [D], assistée par sa curatrice Madame [F] [N] C/ S.A.R.L. SAINT JULIEN, prise en la personne de son gérant en exercice

JUGEMENT DU 16 Janvier 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-président, statuant à juge unique

GREFFIER FF lors des débats : Madame Evelyse DENOYELLE
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Novembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :

Me Alexandre MEYRONET
Me Jean-Christophe MICHEL

Délivrées le 16 Janvier 2025

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

Madame [J] [P] veuve [D], assistée par sa curatrice Madame [F] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

S.A.R.L. SAINT JULIEN, prise en la personne de son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE

D’AUTRE PART

PARTIE INTERVENANTE :

S.A.R.L. VILLA CARMINE, demeurant [Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE

D’AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE :
Mme [J] [P] veuve [D] est propriétaire de la parcelle cadastrée BE n°[Cadastre 6] constituée d’un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4].
Mme [D] a été maintenue sous le régime de la curatelle renforcée selon décision du juge des tutelles du tribunal de proximité de Fréjus en date du 23 septembre 2021.
Suivant acte notarié du 10 juin 2021, la Sarl Villa Carmine a acquis de M. [B] [K] et de Mme [V] [U] une parcelle de terrain à bâtir cadastrée section BE n°[Cadastre 3] située [Adresse 9] à [Localité 4].
Elle a obtenu le 16 janvier 2020 un permis de construire un immeuble collectif comportant 10 logements pour une surface de 572,16 m².
En limite de propriété se trouve le pignon Sud Est de la maison de Mme [D] qui comporte une fenêtre.
Par acte d’huissier du 10 juin 2022, Mme [J] [P] veuve [D] assistée de son curateur Mme [F] [N], a fait assigner la Sarl Saint Julien devant le tribunal judiciaire de Draguignan, au visa de l’article 690 du code civil, afin de voir dire et juger que la parcelle cadastrée BE n° [Cadastre 6] à [Localité 4] bénéficie d’une servitude de vue sur la parcelle BE n°[Cadastre 5], ordonner la publication de la décision à intervenir au 2ème bureau de la conservation des hypothèques de Draguignan, condamner le requis à rétablir la servitude de vue sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamner le requis au paiement de la somme de 3600 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Jean-Christophe Michel, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile, lesquels comprendront le coût du procès-verbal de constat de Me [X]. Elle demandait également que l’exécution provisoire de la décision à intervenir ne soit pas écartée.
Par conclusions notifiées par RPVA le 10 avril 2024, Mme [J] [D], maintient l’ensemble de ses demandes initiales.
Elle expose qu’elle est titulaire d’une servitude de vue par prescription acquisitive et elle ajoute qu’après avoir produit un constat d’huissier, une photographie ancienne et une lettre de la mairie, elle ajoute un rapport rédigé par Mme [E] épouse [G], expert auprès de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence afin d’établir ses dires.
Elle précise que le défendeur n’a pas pris de retard dans la construction et qu’il a modifié l’immeuble en créant une cour anglaise sans toutefois avoir réglé le traitement des eaux.

La Sarl Saint Julien et la Sarl Villa Carmine, par conclusions numéro 2, notifiées par RPVA le 10 novembre 2023, demandent au tribunal de :
Dire recevable et fondée l’intervention volontaire de la Sarl Villa Carmine, véritable propriétaire de la parcelle BE [Cadastre 5]
A titre principal,
Vu les 675 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 9 et 16 du CPC
Juger que Mme [P] veuve [D] ne rapporte pas la preuve de l’acquisition de la prescription trentenaire pour la servitude de vue qu’elle revendique.
Rejeter en conséquence toutes les demandes de Mme [P] veuve [D]
Reconventionnellement,
Condamner Mme [P] veuve [D] à supprimer la fenêtre existante sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir
La condamner à payer à la Sarl Villa Carmine la somme de 50 000 € de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices économique et d’image à l’égard de ses clients acquéreurs.
Condamner Mme [D] à supprimer le débord de son toit qui se trouve au-delà de la limite de propriété sous astreinte de 500 € par jour de retard
A titre subsidiaire
Au cas où le Tribunal reconnaîtrait l’existence de la servitude de vue revendiquée par Mme [D]
Juger que le projet modificatif de la société Villa Carmine comportant une cour anglaise avec les indications de distance données par le promoteur, ne porte pas atteinte à la servitude de vue de Mme [D]
Dans tous les cas condamner Mme [J] [P] veuve [D] à payer à la société Saint Julien et à la société Villa Carmine une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Elle indique que les deux rapports amiables versés aux débats ont des conclusions opposées mais qu’elle produit de son côté d’autres éléments permettant de débouter la demanderesse.
Elle fait valoir que Mme [D] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une servitude de vue par prescription acquisitive.
Elle soutient que la fenêtre litigieuse n’est pas la même que celle figurant sur l’ancienne photographie produite par la demanderesse et que la façade Sud-Est des plans du permis de construire n’est pas la même que sur la photo.
Elle considère qu’au moment de la délivrance du permis à Mme [D] en novembre 1995, une fenêtre existait mais qu’il ne s’agissait pas de celle visible à ce jour, qui est ouverte à une hauteur et un emplacement différents sur la façade.
Elle précise que la modification de l’ouverture fait courir un nouveau délai et que cette fenêtre ouverte postérieurement à novembre 1995 ne peut bénéficier de la prescription acquisitive.
Elle sollicite à titre reconventionnel la suppression de la fenêtre litigieuse sous astreinte, en l’absence de servitude de vue et reconventionnellement réclame des dommages et intérêts en réparation du retard pris dans la construction et du préjudice d’image.
Elle précise que si la servitude de vue était reconnue, le projet alternatif comportant une cour anglaise est parfaitement respectueux des distances prévues par les articles 678 et 679 du code civil.
Pour plus ample exposé, il convient de se référer aux dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état le 15 avril 2024 L’audience s’est tenue le 7 novembre 2024 et l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

MOTIVATION :
1. Sur l’intervention volontaire :
En application des articles 325 à 327 du code de procédure civile, il convient de recevoir l’intervention volontaire de la SARL Villa Carmine en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section BE n° [Cadastre 3] située [Adresse 9] à [Localité 4], au vu de l’acte notarié en date du 10 juin 2021. Il sera également précisé que si le permis de construire a été délivré à la Sarl Saint Julien Promotion, l’acquéreur a déclaré en page 12 de cet acte, qu’il ferait son affaire personnelle du transfert dudit permis à son profit.
2. Sur la servitude de vue :
Selon l’article 690 du code civil, « Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. »
La servitude de vue est une servitude continue et apparente aux termes des articles 688 alinéa 2 et 689 alinéa 2 du même code lorsqu’elle est matérialisée par une fenêtre.
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat du 25 avril 2022, que la fenêtre litigieuse mesurant 52 cm de large sur 140 cm de haut composée d’une menuiserie à un vantail, en bois, ouvrante, se situe dans le mur sud de la maison de Mme [D] dans la montée d’escalier.
Les photographies produites permettent de constater qu’il n’existe qu’une seule fenêtre sur le mur sud de la maison de la demanderesse.
Le 8 avril 2022, Me [L], huissier de justice, fait état dans son constat d’une fenêtre sur le pignon plus basse que les fenêtres sous toiture au premier étage et il a pris des photographies de ce pan de mur avec une parabole et un fils électrique.
Il ressort de la lecture de l’attestation de Mme [R] [I], architecte, en date du 28 novembre 2022 que « Il apparait que les ouvertures des deux façades visibles sur la photo ne sont pas les mêmes que celles figurant sur les photos 1 et 2 de Maitre [L]. De même, la façade sud est figurant dans les plans du permis de construire comme existante n’est pas la même que celle de photo. Au regard du constat, les fenêtres de la façade principale ont été diminuées dans leur hauteur et l’ouverture donnant sur la parcelle propriété de la société Villa Carmine n’est pas la même que sur la photo et sur le constat d’huissier, elle se situe à un niveau différent. »
Mme [A] [E] épouse [G] indique dans son rapport du 26 juin 2023 « Il est prouvé, par les documents d’urbanisme joints et l’observation de cette façade, que la façade sud n’a pas été modifiée depuis 1982. Il est prouvé par la photo aérienne que la fenêtre est existante depuis 1989 au moins. Nous affirmons que la façade sud, et par conséquent, la fenêtre de la cage d’escalier n’a très probablement jamais été modifiée depuis l’origine de la construction de l’immeuble de Mme [D] qui date du début du XXe siècle. L’implantation de l’immeuble voisin en cours de construction, ne respecte pas les servitudes de vue générées par cette fenêtre. »
Les deux rapports amiables, établis de manière non contradictoire parviennent à des conclusions opposées, toutefois ces rapports sont étayés par des documents que le tribunal peut apprécier lui-même.
Ce dernier fondera sa décision sur l’ensemble des éléments versés aux débats qui viennent corroborer ou contredire lesdits rapports.
Il sera précisé que la fenêtre objet du litige est en simple vitrage avec un encadrement bois dégradé sur l’extérieur au vu du procès-verbal de constat du 25 avril 2022, malgré le changement de dimension des fenêtres sur la façade principale, la façade n’a pas été repeinte puisque les traces des anciennes fenêtres apparaissent sur les photographies prises par Me [L], huissier de justice, alors qu’aucune trace de changement ne figure sur la façade sud de la maison de Mme [D]. De plus, M. [W], adjoint délégué à l’urbanisme de la ville de [Localité 4] indique dans son courrier du 17 janvier 2022 que l’école des garçons et des filles a été ouverte en 1932, que le commencement du chantier de construction de l’hôtel de ville (en lieu et place de l’école) a été déclaré le 21 février 1994 et que le déplacement du monument au morts du cimetière au jardin public de la [Adresse 1] a été réalisé avant le 24 avril 1989 (date de paiement de la prestation) or l’examen de la photographie aérienne qui a été communiquée permet de voir la façade sud de maison de Mme [D], façade comprenant une seule fenêtre de forme identique à la fenêtre actuelle telle que photographiée par les huissiers de justice en 2022. Cette photographie sur laquelle apparait la fontaine du jardin public remplacée par le monument au mort avant le 24 avril 1989 permet d’affirmer qu’elle est antérieure à cette date. La fenêtre litigieuse se situe au même niveau et au même emplacement par rapport à la façade, avant 1989 sur la photographie versée aux débats et à ce jour.
Par conséquent, la prescription acquisitive de vue est acquise depuis 2019.
La parcelle cadastrée section BE n°[Cadastre 6] à [Localité 4] bénéficie, par possession de trente ans, d’une servitude de vue eu égard à la fenêtre située sur la maison côté sud, sur la parcelle BE n° [Cadastre 3] [Adresse 9] à [Localité 4] acquise par la Sarl Villa Carmine le 10 juin 2021. La présente décision pourra être publiée au 2ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 7].
Il n’est pas établi que la servitude de vue ait été effectivement à ce jour, supprimée par les sociétés défenderesses qui produisent au contraire un projet de modification avec création d’une cour anglaise respectueuse de ladite servitude. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner le rétablissement de la servitude de vue sous astreinte.
3. Sur les demandes reconventionnelles :
Toutes les demandes reconventionnelles de la Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien seront rejetées.
4. Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie […]. »
La Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien, parties perdantes, seront condamnées aux entiers dépens de l’instance. Les frais de constat d’huissier ne sont pas légalement inclus dans les dépens, sauf à ce qu’ils soient imposés par la loi comme condition propre à faire prospérer la procédure, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, aussi ces frais seront pris en considération au titre des frais irrépétibles et non des dépens.
Il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile et il convient d’autoriser le recouvrement direct des dépens au profit de la partie ayant obtenu gain de cause, soit Me Jean-Christophe Michel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] [P] veuve [D] les frais irrépétibles exposés pour faire valoir ses droits et la Sarl Villa Carmine sera condamnée à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en décide autrement et il n’y a pas lieu en l’espèce de l’écarter conformément à l’article 514-1 du même code.

PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

RECOIT l’intervention volontaire de la Sarl Villa Carmine ;

DIT que la parcelle cadastrée section BE n°[Cadastre 6] à [Localité 4] bénéficie par possession de trente ans d’une servitude de vue, eu égard à la fenêtre située sur la maison côté sud, sur la parcelle BE n° [Cadastre 3] [Adresse 9] à [Localité 4] acquise par la Sarl Villa Carmine le 10 juin 2021.
DIT que la présente décision pourra être publiée au 2ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 7] ;
DEBOUTE Mme [J] [P] veuve [D] de sa demande de rétablissement de la servitude de vue sous astreinte ;
REJETTE toutes les demandes de la Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien ;
CONDAMNE la Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien aux entiers dépens de l’instance qui ne comprendront pas le coût du procès-verbal de constat de Me [X] ;
AUTORISE Me Jean-Christophe Michel à faire application de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sarl Villa Carmine à payer à Mme [J] [P] veuve [D] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes les autres demandes ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT-CINQ.

La greffière, La présidente,


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