Secret des sources et diffamation : le Canard enchaîné relaxé

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Secret des sources et diffamation : le Canard enchaîné relaxé

Débat d’intérêt général

En matière de diffamation, le secret des sources prend une nouvelle dimension avec cette affaire jugée par la Cour de cassation. Les juges suprêmes ont censuré les juges du fond qui n’avaient pas accordé le bénéfice de la bonne foi (diffamation) à des journalistes du canard enquêtant sur des pratiques d’espionnage d’autres journalistes qui auraient été supervisées par Nicolas Sarkozy.

Imputation de surveillances illégales

En 2010, le Canard enchaîné avait publié un article intitulé « Sarko supervise l’espionnage des journalistes », affirmant que le Président de la République, « dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens », demandait à son chef de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), de « s’intéresser à cet effronté ». Le chef de la DCRI expressément cité, s’était constitué partie civile devant le juge d’instruction, du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public. Après un premier aller-retour en cassation (Cour de cassation, 8 septembre 2015), l’affaire a de nouveau été jugée mais cette fois les journalistes ont été relaxés.

Question de la bonne foi des journalistes

Les journalistes n’avaient pas bénéficié de la bonne foi en raison de base factuelle insuffisante. Les journalistes avaient affirmé avoir eu des informations à la DCRI et à l’Élysée mais sans pouvoir citer leurs sources pour des raisons de protection.  A défaut de contradictoire et d’éléments suffisants sur une cellule montée aux fins d’espionnage, le bénéfice de la bonne foi avait été exclu.

Secret des sources, pierre angulaire de la liberté d’expression

Les juges suprêmes ont considéré qu’en exigeant des journalistes, dont les révélations contenues dans l’article reposaient uniquement sur les déclarations de fonctionnaires de la DCRI, chargés de cette tâche, et dont il ne pouvait révéler les noms, qu’ils produisent, pour justifier d’une base factuelle suffisante, des pièces ou témoignages antérieurs à la diffusion du propos litigieux, les juges du fond ont méconnu les articles 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet et de façon très concrète, la présentation des témoignages en question revenait à exiger des journalistes, dans ce contexte particulier, qu’ils violent le secret des sources, pierre angulaire de la liberté de la presse.

Débat d’intérêt public

De surcroît, les propos incriminés s’inscrivaient dans un débat d’intérêt public ayant un retentissement national relatif à la collecte illégale de données personnelles de certains journalistes par l’État et mettant en cause la partie civile, alors fonctionnaire public chargé de la direction centrale du renseignement intérieur. Les accusations reposaient sur une base factuelle suffisante constituée notamment de témoignages de plusieurs journalistes attestant de surveillances faites sur des confrères par plusieurs des membres de la direction centrale du renseignement intérieur sous les ordres de la partie civile, elle-même, du fait de sa fonction, plus exposée à la critique qu’un simple particulier, de sorte que les articles en cause ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression.

Télécharger la décision

Questions / Réponses juridiques

Quel est le rôle du secret des sources dans cette affaire de diffamation ?

Le secret des sources est un principe fondamental qui protège la liberté de la presse et permet aux journalistes de mener des enquêtes sans craindre des représailles. Dans cette affaire, la Cour de cassation a souligné que les juges du fond avaient méconnu ce principe en exigeant des journalistes qu’ils révèlent leurs sources pour justifier leurs affirmations.

Cette exigence aurait pu les contraindre à violer le secret des sources, ce qui est inacceptable dans un contexte où la protection des informateurs est cruciale pour garantir une presse libre et indépendante.

En effet, le secret des sources est reconnu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège la liberté d’expression.

Quelles étaient les accusations portées contre Nicolas Sarkozy dans l’affaire ?

Les accusations portées contre Nicolas Sarkozy dans cette affaire étaient liées à des pratiques d’espionnage présumées de journalistes. Selon un article publié par le Canard enchaîné en 2010, il aurait supervisé des surveillances illégales de journalistes qui menaient des enquêtes gênantes pour lui ou son entourage.

L’article affirmait que Sarkozy demandait à son chef de la DCRI de s’intéresser à ces journalistes, ce qui a conduit à des accusations de diffamation de la part du chef de la DCRI, qui s’est constitué partie civile.

Cette affaire a soulevé des questions importantes sur la liberté de la presse et le droit des journalistes à enquêter sur des sujets d’intérêt public sans craindre des représailles de la part des autorités.

Pourquoi les journalistes n’ont-ils pas bénéficié de la bonne foi dans cette affaire ?

Les journalistes n’ont pas bénéficié de la bonne foi en raison d’une base factuelle jugée insuffisante par les juges du fond. Bien qu’ils aient affirmé avoir obtenu des informations de la DCRI et de l’Élysée, ils n’ont pas pu citer leurs sources pour des raisons de protection.

Cette absence de preuves tangibles a conduit à l’exclusion du bénéfice de la bonne foi, car les juges ont estimé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour soutenir les accusations portées dans l’article.

Cependant, la Cour de cassation a ensuite annulé cette décision, soulignant que les journalistes avaient le droit de protéger leurs sources et que les exigences des juges du fond étaient contraires aux principes de la liberté de la presse.

Comment la Cour de cassation a-t-elle justifié sa décision ?

La Cour de cassation a justifié sa décision en affirmant que les juges du fond avaient méconnu les articles de la loi sur la liberté de la presse et de la Convention européenne des droits de l’homme.

Elle a souligné que les révélations des journalistes reposaient sur des déclarations de fonctionnaires de la DCRI, et qu’il était inacceptable d’exiger qu’ils produisent des preuves ou des témoignages antérieurs à la diffusion de l’article, car cela aurait violé le secret des sources.

La Cour a également noté que les accusations portées dans l’article s’inscrivaient dans un débat d’intérêt public, ce qui renforçait la nécessité de protéger la liberté d’expression des journalistes.

En conséquence, la Cour a relaxé les journalistes, affirmant que leur travail était essentiel pour la démocratie et la transparence.

Quel est l’impact de cette affaire sur la liberté d’expression ?

L’impact de cette affaire sur la liberté d’expression est significatif, car elle souligne l’importance de protéger les journalistes et leur droit à enquêter sur des sujets d’intérêt public.

La décision de la Cour de cassation renforce le principe selon lequel les journalistes ne doivent pas être contraints de révéler leurs sources, même dans des affaires de diffamation. Cela envoie un message fort sur la nécessité de garantir un environnement où la presse peut fonctionner librement, sans crainte de représailles.

De plus, cette affaire met en lumière les enjeux liés à la surveillance des journalistes par les autorités, un sujet de préoccupation croissant dans de nombreux pays.

En fin de compte, cette décision contribue à la protection de la liberté d’expression et à la préservation d’une presse indépendante, essentielle pour le bon fonctionnement d’une démocratie.


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