Sculpture monumentale contrefaisante : responsabilité du propriétaire du terrain ?  

·

·

Sculpture monumentale contrefaisante : responsabilité du propriétaire du terrain ?  
L’Essentiel : Dans l’affaire du Musée vivant du cheval, la statue litigieuse, reconnue comme contrefaisante, a été installée dans le jardin du Potager des Princes. Le propriétaire de la parcelle, la société Le potager des Princes, est responsable de la contrefaçon. Cependant, le gérant, Monsieur [T] [U], n’est pas l’auteur de la statue et n’a pas été établi qu’il connaissait son caractère contrefaisant. En conséquence, aucune faute personnelle n’a été prouvée à son encontre, ce qui a conduit à la confirmation de l’irrecevabilité des prétentions dirigées contre lui.

En présence d’une contrefaçon de statue installée au sol, seul le propriétaire de la parcelle est responsable. L’exploitant de la parcelle peut être déclaré responsable en cas de faute détachable de sa fonction.

Affaire du Musée vivant du cheval

En l’espèce, la statue litigieuse a été édifiée au Musée vivant du cheval, à [Localité 6], dans le jardin du Potager des Princes et plus particulièrement, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 20 février 2020, « au Potager des Princes, au niveau de la cascade au jardin italien ».

Contrefaçon et droit de propriété

Le potager des Princes est ainsi situé sur la parcelle [Cadastre], laquelle a été vendue à la société Le potager des Princes suivant acte notarié. Le propriétaire a quant à lui acquis à titre personnel des parcelles voisines. Il n’est donc pas le propriétaire de la parcelle sur laquelle a été édifiée la statue.

Par ailleurs, il résulte de l’acte de vente qu’était comprise dans celle-ci la statue de cheval cabré litigieuse. Cette dernière est donc la propriété de la société Le potager des Princes.

Indications figurant dans le rapport d’expertise

Les indications figurant dans le rapport d’expertise à l’occasion de la procédure d’instruction pour les faits de contrefaçon selon lesquelles « cette propriété privée appartient à Monsieur x » sont sans incidence, l’expertise ne portant ni sur la propriété du terrain sur lequel se situait la statue, ni sur la propriété de celle-ci.

Responsabilité du dirigeant de société

Toutefois, le dirigeant d’une société peut être tenu personnellement responsable à l’égard des tiers des faits commis en sa qualité de dirigeant s’il a commis une faute détachable de ses fonctions, c’est-à-dire une faute intentionnelle, d’une particulière gravité et incompatible avec un exercice normal de ses fonctions sociales.

En l’espèce, le gérant de la parcelle n’est pas l’auteur de la statue contrefaisante mais n’a fait que l’acheter pour ensuite l’exposer dans le jardin de la société Le potager des Princes dont il est le gérant.

Or, il n’est pas établi qu’il avait connaissance du caractère contrefaisant de cette statue, cette dernière ne constituant qu’une reproduction partielle de « la Prueva » par ailleurs altérée. En effet, l’expert a indiqué que « par souci de facilité, la fonte du volume de la crinière ainsi que celle des mèches couvrant le front ont été modifiées et extrêmement simplifiées pour le cheval cabré première version ».

Dirigeant non responsable

Il n’est donc établi aucune faute personnelle du gérant. L’ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de ce dernier.

République Française
Au nom du Peuple Français
 
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 22/09/2022
 
N° RG 21/06332 – N° Portalis DBVT-V-B7F-UAMD
 
Ordonnance de référé (N° 21/00254) rendue le 09 novembre 2021
 
par le président du tribunal judiciaire de Lille
 
APPELANTE
 
La SAS Le Potager des Princes prise en la personne de son Président en exercice Monsieur [T] [U]
 
ayant son siège social, [Adresse 1]
 
[Localité 6]
 
représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué avocat au barreau de Douai
 
assistée de Me Bruno Grégoire Sainte-Marie, avocat au barreau de Paris membre de la SELARL Feral-Schuhl-Sainte Marie
 
INTIMÉS
 
Monsieur [M] [P]
 
né le 26 février 1957 à [Localité 7] ([Localité 7])
 
demeurant [Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai
 
assisté de Me Julie Curto, avocat au barreau de Lyon
 
INTIMÉ SUR APPEL PROVOQUÉ
 
Monsieur [T] [U]
 
demeurant [Adresse 1]
 
[Localité 6]
 
représenté par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai
 
assisté de Me Bruno Grégoire Sainte-Marie, avocat au barreau de Paris membre de la SELARL Feral-Schuhl-Sainte Marie
 
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
 
Catherine Bolteau-Serre, président de chambre
 
Sophie Tuffreau, conseiller
 
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
 
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
 
DÉBATS à l’audience publique du 23 mai 2022 tenue en double rapporteur par Catherine Bolteau-Serre et Jean-François Le Pouliquen après accord des parties et après rapport oral de l’affaire par Jean-François Le Pouliquen. Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
 
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Jean-François Le Pouliquen conseiller, en remplacement de Madame Catherine Bolteau-Serre, président empêché et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 avril 2022
 
****
 
Vu l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille du 9 novembre 2021 ;
 
Vu la déclaration d’appel de la société Le potager des Princes reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 20 décembre 2021 ;
 
Vu l’assignation en appel provoqué de Monsieur [T] [U] par Monsieur [M] [P] le 2 mars 2022 ;
 
Vu les conclusions de la société Le potager des Princes et de Monsieur [T] [U] déposées au greffe le 4 avril 2022 ;
 
Vu les conclusions de Monsieur [M] [P] déposées au greffe le 14 avril 2022 ;
 
Vu l’ordonnance de clôture prise le 25 avril 2022 ;
 
EXPOSÉ DU LITIGE
 
En 1985, Monsieur [M] [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, a été sollicité par Monsieur [T] [U], fondateur du Musée du cheval vivant aux Grandes écuries de [Localité 6] pour la création d’une oeuvre destinée au musée laquelle est intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « La Prueva », consistant en une sculpture monumentale de trois mètres de hauteur représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire : deux têtes émergeant de chaque côté de la vasque et la figure centrale dominante représentant un cheval cabré.
 
Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l’oeuvre ont été réalisées par [X] [L] dit [X] [K]. L’une de celles-ci, un cheval cabré, dont le caractère contrefaisant a été définitivement reconnu par arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposé dans les jardins de la société Le potager des Princes ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 6], fondée par Monsieur [U].
 
Par courrier du 5 mai 2020, le conseil de Monsieur [P] a contacté Monsieur [T] [U] en sa qualité de directeur du parc « Le potager des Princes », afin de convenir des moyens d’une réparation amiable suite à la violation des droits de propriété intellectuelle de Monsieur [P].
 
Par acte du 5 mars 2021, Monsieur [P] a assigné Monsieur [U] et la société Le potager des Princes devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, en contrefaçon de droit d’auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.
 
Par ordonnance du 9 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :
 
‘déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de M. [U] à titre personnel
 
‘rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur [M] [P]
 
‘dit que la détention de la statue litigieuse, par la société Le potager des Princes, constitue un trouble manifestement illicite aux droits d’auteur de Monsieur [P]
 
‘ordonné à la société Le potager des Princes de remettre à Monsieur [P] la statue litigieuse, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant pendant un délai de 3 mois
 
‘débouté Monsieur [P] de sa demande d’autorisation de détruire la statue litigieuse
 
‘dit n’y avoir lieu à référé, du fait de la représentation sur le site Internet www.potagerdesprinces.com de la société Le potager des Princes et à mesures accessoires de ce chef
 
‘condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme provisionnelle de 10’000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
 
‘condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles
 
‘condamné la société Le potager des Princes aux dépens.
 
Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 20 décembre 2021, la société Le potager des Princes a interjeté appel des chefs de l’ordonnance ayant :
 
‘rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur [M] [P]
 
‘dit que la détention de la statue litigieuse, par la société Le potager des Princes, constitue un trouble manifestement illicite aux droits d’auteur de Monsieur [P]
 
‘ordonné à la société Le potager des Princes de remettre à Monsieur [P] la statue litigieuse, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant pendant un délai de 3 mois
 
‘condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme provisionnelle de 10’000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
 
‘condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles
 
‘condamné la société Le potager des Princes aux dépens.
 
La partie intimée est Monsieur [M] [P].
 
Par acte d’huissier du 2 mars 2022, Monsieur [M] [P] a assigné Monsieur [T] [U] en appel provoqué.
 
*
 
* *
 
Dans leurs conclusions déposées au greffe le 4 avril 2022, la société Le potager des Princes et Monsieur [T] [U] demandent à la cour de :
 
‘déclarer la société Le potager des Princes recevable en son appel
 
‘confirmer l’ordonnance du 9 novembre 2021 en ce qu’elle a :
 
— déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de M. [U] à titre personnel
 
— débouté Monsieur [P] de sa demande d’autorisation de détruire la statue litigieuse
 
— dit n’y avoir lieu à référé, du fait de la représentation sur le site Internet www.potagerdesprinces.com de la société Le potager des Princes et à mesures accessoires de ce chef
 
‘réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
 
— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur [M] [P]
 
— dit que la détention de la statue litigieuse, par la société Le potager des Princes, constitue un trouble manifestement illicite aux droits d’auteur de Monsieur [P]
 
— ordonné à la société Le potager des Princes de remettre à Monsieur [P] la statue litigieuse, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant pendant un délai de 3 mois
 
— condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme provisionnelle de 10’000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
 
— condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles
 
— condamné la société Le potager des Princes aux dépens.
 
Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de :
 
À titre principal,
 
‘juger prescrite l’action de Monsieur [P] et le déclarer irrecevable en ses demandes
 
À titre subsidiaire,
 
‘dire n’y avoir lieu à référé sur les mesures provisoires et sur la provision indemnitaire demandée par Monsieur [P]
 
‘renvoyer Monsieur [P] à mieux se pourvoir
 
‘débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
 
À titre plus subsidiaire,
 
‘ordonner la désignation de la société Le potager des Princes en qualité de gardien de la statue litigieuse jusqu’à ce qu’une décision définitive de justice tranche le litige au fond
 
‘autoriser pour ce faire la société Le potager des Princes à entreposer la statue litigieuse, en un lieu non visible du public, sur sa propriété située sur la commune de [Localité 8] (Calvados)
 
‘faire interdiction à la société Le potager des Princes d’exploiter la statue litigieuse ou de la représenter au public de quelque manière que ce soit jusqu’à ce qu’une décision définitive de justice tranche le litige au fond
 
‘ramener à un euro symbolique la provision allouée à Monsieur [P]
 
‘débouter Monsieur [P] de ses demandes de publications judiciaires
 
En tout état de cause,
 
‘condamner Monsieur [P] à payer la somme de 10’000 euros à la société Le potager des Princes et 5000 euros à Monsieur [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
 
Dans ses conclusions déposées au greffe le 14 avril 2022, Monsieur [P] demande à la cour de :
 
‘confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
 
— rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Monsieur [M] [P]
 
— dit que la détention de la statue litigieuse, par la société Le potager des Princes, constitue un trouble manifestement illicite aux droits d’auteur de Monsieur [P]
 
— ordonné à la société Le potager des Princes de remettre à Monsieur [P] la statue litigieuse, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant pendant un délai de 3 mois
 
— condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme provisionnelle de 10’000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
 
— condamné la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles
 
— condamné la société Le potager des Princes aux dépens
 
‘infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
 
— déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de M. [U] à titre personnel
 
— débouté Monsieur [P] de sa demande d’autorisation de détruire la statue litigieuse
 
— dit n’y avoir lieu à référé, du fait de la représentation sur le site Internet www.potagerdesprinces.com de la société Le potager des Princes et à mesures accessoires de ce chef.
 
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :
 
‘déclarer Monsieur [P] recevable et bien fondé en ses appels incident et provoqué
 
‘déclarer Monsieur [P] recevable en ses prétentions dirigées à l’encontre de Monsieur [U]
 
‘condamner Monsieur [U] et/ou la société Le potager des Princes à remettre la statue litigieuse à Monsieur [P] en son atelier situé à [Localité 9], [Adresse 3], à leurs frais, sous un délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à peine d’une nouvelle astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard
 
‘autoriser Monsieur [P] à procéder et/ou faire procéder à la destruction de la statue litigieuse, avec tout frais éventuel à la charge définitive de Monsieur [U] et/ou la société Le potager des Princes
 
‘autoriser Monsieur [P] à recueillir la somme correspondant au rachat du matériau brut fondu, dont il sera fait don à l’association Restos du c’ur
 
‘interdire à Monsieur [U] et/ou la société Le potager des Princes toute représentation de la statue contrefaisante sur le site internet accessible à l’adresse www.potagerdesprinces.com ou tout autre support, permettant de prévenir le dommage qui résulterait d’une rediffusion
 
‘ordonner à Monsieur [U] et/ou la société Le potager des Princes d’afficher le dispositif de l’arrêt à intervenir par un panneau physique de 50 cm x 50 cm en police de caractères 20 à installer au Potager des Princes à[Localité 6]) [Adresse 1], au niveau du point d’observation qu’était celui de la statue contrefaisante par le public lors de son parcours de visite, à leurs frais, et d’avoir à en justifier sous un délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir à peine d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, affichage à maintenir pendant une durée de 6 mois
 
‘ordonner à Monsieur [U] et/ou la société Le potager des Princes d’afficher le dispositif de l’arrêt à intervenir en bandeau central en police Times New Roman de caractère 14 sur la page d’accueil du site Internet accessible à l’adresse www.potagerdesprinces.com, à leurs frais, et d’avoir à en justifier sous un délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir à peine d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, affichage à maintenir pendant une durée de 6 mois
 
‘condamner solidairement Monsieur [U] et la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] une somme provisionnelle de 30’000 euros, à valoir sur son préjudice, sous un délai de 5 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir à peine d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard
 
‘condamner solidairement Monsieur [U] et la société Le potager des Princes à payer à Monsieur [P] la somme de 10’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître [G], ainsi que les frais de constat de 263,20 euros
 
‘débouter Monsieur [U] et la société Le potager des Princes de toutes demandes plus amples et/ou contraires
 
‘ordonner que l’exécution de l’arrêt à intervenir aura lieu au seul vu de la minute.
 
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.
 
L’ordonnance de clôture a été prise le 25 avril 2022.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
I’Sur la recevabilité des demandes formées à l’encontre de Monsieur [U]
 
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
 
Par ailleurs, l’article 32 du même code dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
 
Monsieur [U] soulève l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre en faisant valoir que la statue a été acquise par la société Musée vivant du cheval et édifiée sur un terrain appartenant à cette dernière, qu’elle a été cédée avec le terrain à la société Le potager des Princes de sorte que Monsieur [U] n’était pas l’auteur des faits reprochés par Monsieur [P] et enfin qu’aucune faute détachable de ses fonctions de gérant n’est caractérisée.
 
De son côté, Monsieur [P] sollicite la condamnation in solidum de Monsieur [U] au titre des faits de contrefaçon en faisant valoir qu’il a commis une faute d’une particulière gravité séparable de ses fonctions de dirigeant engageant sa responsabilité personnelle dans la mesure où il a pris une part active dans les actes de contrefaçon reprochés.
 
En l’espèce, la statue litigieuse a été édifiée au Musée vivant du cheval, à [Localité 6], dans le jardin du Potager des Princes et plus particulièrement, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 20 février 2020, « au Potager des Princes, au niveau de la cascade au jardin italien ».
 
Le potager des Princes est ainsi situé sur la parcelle [Cadastre 5], laquelle a été vendue à la société Le potager des Princes suivant acte du 24 juillet 2006. Monsieur [T] [U] a quant à lui acquis à titre personnel des parcelles voisines. Il n’est donc pas le propriétaire de la parcelle sur laquelle a été édifiée la statue.
 
Par ailleurs, il résulte de l’annexe 3 à l’acte de vente qu’était comprise dans celle-ci la statue de cheval cabré litigieuse. Cette dernière est donc la propriété de la société Le potager des Princes.
 
Les indications figurant dans le rapport d’expertise à l’occasion de la procédure d’instruction pour les faits de contrefaçon selon lesquelles « cette propriété privée appartient à Monsieur [T] [U] » sont sans incidence, l’expertise ne portant ni sur la propriété du terrain sur lequel se situait la statue, ni sur la propriété de celle-ci.
 
Toutefois, le dirigeant d’une société peut être tenu personnellement responsable à l’égard des tiers des faits commis en sa qualité de dirigeant s’il a commis une faute détachable de ses fonctions, c’est-à-dire une faute intentionnelle, d’une particulière gravité et incompatible avec un exercice normal de ses fonctions sociales.
 
En l’espèce, il sera relevé que Monsieur [U] n’est pas l’auteur de la statue contrefaisante mais n’a fait que l’acheter pour ensuite l’exposer dans le jardin de la société Le potager des Princes dont il est le gérant.
 
Or, il n’est pas établi qu’il avait connaissance du caractère contrefaisant de cette statue, cette dernière ne constituant qu’une reproduction partielle de « la Prueva » par ailleurs altérée. En effet, l’expert a indiqué que « par souci de facilité, la fonte du volume de la crinière ainsi que celle des mèches couvrant le front ont été modifiées et extrêmement simplifiées pour le cheval cabré première version ».
 
Il n’est donc établi aucune faute personnelle de Monsieur [U]. L’ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de ce dernier.
 
II’Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
 
La société Le potager des Princes, se prévalant des dispositions de l’article 2224 du code civil, soutient que l’action de Monsieur [P] était prescrite au plus tard le 16 octobre 2013, ce dernier ayant eu connaissance au plus tard le 15 octobre 2008 des faits de contrefaçon.
 
De son côté, Monsieur [P] fait valoir que la contrefaçon est un délit continu de sorte que son point de départ est déterminé, non par le jour de la découverte par la victime d’un acte, mais par la cessation des actes contrefaisants à l’origine du préjudice subi.
 
La prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d’auteur est soumise aux dispositions de l’article 2224 du code civil aux termes desquelles « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
 
Le délai de prescription commence donc à courir à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a eu connaissance, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée.
 
En l’espèce, la présence de la statue litigieuse dans le potager des Princes a été connue de Monsieur [P] dès le dépôt du rapport d’expertise daté du 3 septembre 2004, ce dernier étant partie civile à la procédure d’instruction, et son caractère contrefaisant a définitivement été reconnu par arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.
 
Le délai de prescription de l’action en contrefaçon court donc à compter du 17 décembre 2008, de sorte qu’il a expiré le 17 décembre 2013.
 
L’action en contrefaçon de Monsieur [P] à l’encontre de la société Le potager des Princes est donc prescrite. L’ordonnance entreprise sera dès lors infirmée.
 
III’Sur les dépens et les frais irrépétibles
 
Monsieur [P], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
 
Il sera de ce fait condamné à payer à Monsieur [U] d’une part et la société Le potager des Princes d’autre part la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, et en dernier ressort  ;
 
Infirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevables les prétentions formées à l’encontre de M. [T] [U] à titre personnel ;
 
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
 
Déclare Monsieur [M] [P] irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de la société Le potager des Princes ;
 
Déboute Monsieur [P] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
 
Condamne Monsieur [P] à payer à Monsieur [U] d’une part et la société Le potager des Princes d’autre part la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
 
Condamne Monsieur [P] aux dépens de première instance et d’appel.
 
Le greffier Pour le président
 
Anaïs MillescampsJean-François Le Pouliquen
Q/R juridiques soulevées :

Qui est responsable en cas de contrefaçon de statue installée au sol ?

En cas de contrefaçon d’une statue installée au sol, la responsabilité incombe principalement au propriétaire de la parcelle sur laquelle la statue est érigée. Cela signifie que si une statue contrefaisante est découverte, c’est le propriétaire du terrain qui sera tenu responsable des conséquences juridiques qui en découlent. Cependant, il est important de noter que l’exploitant de la parcelle peut également être déclaré responsable, mais uniquement si une faute détachable de sa fonction est prouvée. Cela implique que l’exploitant doit avoir commis une erreur ou une négligence qui n’est pas directement liée à ses fonctions habituelles.

Où a été édifiée la statue litigieuse ?

La statue en question a été installée au Musée vivant du cheval, situé à [Localité 6], plus précisément dans le jardin du Potager des Princes. Selon le procès-verbal de constat d’huissier daté du 20 février 2020, la statue se trouve « au niveau de la cascade au jardin italien » du Potager des Princes. Cette localisation précise est cruciale pour déterminer la responsabilité en matière de contrefaçon, car elle établit le lien entre la statue et la parcelle de terrain concernée.

Qui est le propriétaire de la statue litigieuse ?

La statue litigieuse, représentant un cheval cabré, appartient à la société Le potager des Princes. Bien que le propriétaire de la parcelle sur laquelle la statue est érigée ait acquis des parcelles voisines, il n’est pas le propriétaire de celle-ci. L’acte de vente de la parcelle a inclus la statue, ce qui signifie que la propriété de la statue est distincte de celle du terrain. Cela souligne l’importance de la documentation légale dans les affaires de propriété intellectuelle et de contrefaçon.

Quelle est la portée des indications figurant dans le rapport d’expertise ?

Les indications du rapport d’expertise, qui affirment que « cette propriété privée appartient à Monsieur x », n’ont pas d’incidence sur la question de la propriété de la statue ou du terrain. L’expertise ne traite pas de la propriété du terrain où se trouve la statue, ni de la propriété de la statue elle-même. Cela signifie que même si des déclarations sont faites concernant la propriété, elles ne changent pas la réalité juridique de la situation, qui est déterminée par les actes de vente et les documents légaux.

Quelles sont les conditions de responsabilité personnelle d’un dirigeant de société ?

Un dirigeant de société peut être tenu personnellement responsable des actes commis dans le cadre de ses fonctions s’il a commis une faute détachable de ses fonctions. Cela signifie qu’il doit avoir agi de manière intentionnelle, avec une gravité particulière, et d’une manière incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions. Dans le cas présent, le gérant de la parcelle n’est pas l’auteur de la statue contrefaisante, mais a simplement acheté et exposé la statue. Il n’est pas prouvé qu’il avait connaissance du caractère contrefaisant de la statue, ce qui le protège de toute responsabilité personnelle.

Quelles conclusions ont été tirées concernant la responsabilité du dirigeant ?

Il a été établi qu’aucune faute personnelle n’a été commise par le gérant de la société Le potager des Princes. Par conséquent, l’ordonnance qui a déclaré irrecevables les prétentions à son encontre a été confirmée. Cela signifie que le gérant ne peut pas être tenu responsable des actes de contrefaçon liés à la statue, car il n’a pas agi de manière fautive ou intentionnelle dans ce contexte. Cette décision souligne l’importance de la preuve de la connaissance et de l’intention dans les affaires de responsabilité personnelle.

Quelles ont été les décisions concernant la prescription de l’action en contrefaçon ?

La société Le potager des Princes a soutenu que l’action de Monsieur [P] était prescrite, affirmant que ce dernier avait eu connaissance des faits de contrefaçon au plus tard en 2008. Selon la loi, le délai de prescription pour les actions en contrefaçon est de cinq ans à partir du moment où le titulaire du droit a eu connaissance des faits. Dans ce cas, le délai de prescription a commencé à courir à partir du 17 décembre 2008, date à laquelle le caractère contrefaisant de la statue a été reconnu. Par conséquent, l’action de Monsieur [P] a été jugée prescrite, ce qui a conduit à l’infirmation de l’ordonnance initiale.

Quelles sont les conséquences financières pour Monsieur [P] suite à la décision ?

Monsieur [P], ayant succombé dans cette affaire, a été condamné à payer les dépens de première instance et d’appel. Cela inclut le paiement de frais irrépétibles à Monsieur [U] et à la société Le potager des Princes, s’élevant à 1 500 euros chacun. Cette décision souligne les implications financières qui peuvent découler d’une action en justice, en particulier lorsque la partie plaignante ne parvient pas à prouver ses allégations.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon