Sauvegarde informatique : 27 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/05024

·

·

Sauvegarde informatique : 27 février 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/05024

27 février 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/05024

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 27 FEVRIER 2023

N° RG 20/05024 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2UQ

S.A.S. PARINET INFORMATIQUE

c/

S.A.R.L. TECHNEAU

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 novembre 2020 (R.G. 2019.1591) par le Tribunal de Commerce de PÉRIGUEUX suivant déclaration d’appel du 15 décembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. PARINET INFORMATIQUE, exerçant sous l’enseigne MAISON PARINET BUREAU ET INFORMATIQUE -‘MBPI’, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Hélène SEURIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Thibault FLOUR, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE :

S.A.R.L. TECHNEAU, ayant pour enseigne CONFORT & EAU, représentée par son gérant en exercice, Monsieur [T] [A], domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Frédéric MOUSTROU de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Techneau, ayant pour activité le traitement de l’eau, a fait appel à la SAS Parinet Informatique (également dénommée ci-après Parinet), spécialisée dans l’informatique et la bureautique, pour effectuer au cours du mois de mars 2017 un diagnostic détaillé de son installation informatique, fonctionnant sous le système d’exploitation MAC-OS.

Le 26 juillet 2017, la société Techneau a conclu avec la société Parinet Informatique un contrat de services informatiques sous forme d’abonnement,pour une durée de 25 heures ouvrables, pour un prix de 1 950 euros HT, toute heure supplémentaire étant facturée à un taux horaire de 76 euros HT.

Le même jour, un technicien de la société Parinet Informatique a procédé au changement d’un disque dur à des vérifications et des tests.

Par devis accepté le 05 mars 2018, la société Techneau a confié à la société Parinet Informatique la mise à jour du système d’exploitation et une assistance et une assistance à la migration du logiciel métier File Makers.

Un litige est apparu ensuite entre les parties, concernant la qualité des prestations réalisées, et la société Techneau a refusé de payer la facture établie par la société Parinet.

Les deux sociétés ont mis fin au contrat d’un commun accord.

Après vaine mise en demeure du 1er octobre 2018, la société Parinet Informatique a, par acte d’huissier en date du 15 février 2019, fait assigner la société Techneau devant le tribunal de commerce de Périgueux en paiement de diverses sommes, au titre de son intervention de mars 2018.

Par jugement contradictoire du 16 novembre 2020, le tribunal de commerce de Périgueux a :

– débouté la société Parinet Informatique de l’intégralité de ses demandes comme mal fondées,

– reçu la société Techneau en sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l’article 1231-1 du code civil, en la déclarant régulière en la forme et en partie fondée,

– condamné la société Parinet Informatique à verser à la société Techneau la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné la société Parinet Informatique à verser à la société Techneau la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution,

– condamné la société Parinet Informatique aux dépens.

Par déclaration du 15 décembre 2020, la société Parinet Informatique a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Techneau.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 13 septembre 2021 auxquelles la cour se réfère expressément, la société Parinet Informatique, demande à la cour de :

– débouter la société Techneau de toutes ses prétentions, conclusions, fins et moyens,

– infirmer le jugement entrepris,

– statuant à nouveau,

– vu l’article 1103 du code civil,

– vu le contrat,

– rejeter toutes les prétentions de la société Techneau comme étant irrecevables, injustes et en tout cas mal fondées,

– condamner la société Techneau à lui verser les sommes de :

– 4 256 euros en principal, majorée des intérêts au taux légal depuis l’assignation,

– 77 euros de frais de recouvrement,

– 817,60 euros de pénalité pour défaut de règlement,

– condamner la société Techneau à lui verser la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Techneau aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Hélène Seurin, avocate, sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par message électronique le 13 décembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Techneau, demande à la cour de :

– constater le caractère mal fondé de l’appel formé par la société Parinet Informatique et confirmer le jugement entrepris en ses dispositions lui faisant grief,

– débouter la société Parinet Informatique de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

– à titre subsidiaire, réduire à néant les sommes sollicitées de 77 euros et de 817, 60 euros par la société Parinet Informatique, au titre des clauses pénales, par application 1231-5 du code civil,

– la recevoir en son appel incident, et l’y déclarant bien fondée,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le quantum de l’indemnisation du préjudice subi par elle, résultant des fautes commises par la société Parinet Informatique, à hauteur de la somme de 3000 euros,

– statuant à nouveau, condamner la société Parinet Informatique à porter et lui payer, sans terme ni délai, une indemnité d’un montant de 28 938,44 euros, en application des dispositions 1231-1 du code civil,

– condamner la société Parinet Informatique à lui verser une somme de 3 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Parinet Informatique aux entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

La proposition de recours à la médiation a été refusée par la société Parinet Informatique.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 02 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 16 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande principale de la société Parinet :

1-La société Parinet soutient que sa demande en paiement de sa facture du 30 mars 2018 était parfaitement fondée, et que le tribunal a fait une mauvaise application du principe de la force obligatoire des conventions, en retenant qu’elle ne justifiait pas d’un travail correctement exécuté, alors que l’appréciation de la qualité des prestations ne pouvait faire obstacle à l’application des contrats, à savoir le contrat d’assistance du 26 juillet 2017 conclu pour 25 heures d’assistance, et le devis accepté du 24 février 2018, de sorte qu’elle dispose bien d’une créance de 4256 euros HT en principal et accessoires, au titre de 64 heures d’intervention, pour la mise à jour du système d’exploitation et la mise à niveau du logiciel File Maker (déduction faite d’un crédit de 8 heures restant sur le contrat d’assistance).

2- La société Techneau fait valoir que la société Parinet ne peut, sans méconnaître les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil, solliciter paiement d’un temps de travail qu’elle a consacré à remédier à ses erreurs lors de son intervention initiale sur son système de savegarde au mois de juillet 2017, de surcroît sans y parvenir.

Elle précise qu’elle oppose donc l’exception d’inexécution sur le fondement de l’article 1220 du code civil, tant sur le montant de la demande principale qu’au titre des intérêts et accessoires, en soulignant le caractère fluctuant des estimations faites par le prestataire des volumes horaires réalisés.

À titre subsidiaire, et si la cour faisait droit la demande principale en paiement, elle sollicite une réduction des sommes sollicitées par application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil.

3- La cour rappelle que selon les dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qu’ils ont faits.

Selon les dispositions de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est constant que les prestations en litige ont été exécutés dans le cadre:

– du contrat de services informatiques sous forme d’abonnement conclu le 26 juillet 2017, dont l’article 8 stipule: L’abonnement est souscrit à durée indéterminée pour des périodes de 12 mois dans la limite du crédit d’heures acheté. Le contrat arrive donc à expiration soit au bout d’un an soit au terme du crédit d’heures acheté. Dans cette seconde hypothèse, les parties pourront soitconvenir par avenant de l’achat d’un nouveau crédit d’heures pour permettre des interventions jusqu’au terme annuel, soit de la réémission d’un contrat avec un nombre d’heures supérieur. En tout état de cause, la valeur monétaire du crédit d’heures non consommé pendant la période annuelle de 12 mois reste acquise à la société Parinet, sauf accord particulier avec le client (…)

– du devis n°DE17068 du 24 février 2018, d’un montant de 1606,00 euros HT soit 1927,20 euros TTC correspondant à un estimatif de temps projet de 22 heures supplémentaires à 73 heures, par rapport à l’abonnement.

Il n’est pas contesté qu’il restait, à la date d’exécution du devis précité, un solde de 8 heures d’intervention dans le cadre du contrat de services informatiques.

L’accord sur ce devis résulte de l’échange de courriels entre les deux sociétés, et en particulier du courriel du 5 mars 2018 dans lequel Monsieur [T] [A] a indiqué qu’il donnait son ‘bon pour accord’.

En l’absence de toute réserve de la part de la cliente sur le contenu de la mission, elle a ainsi confié à la société Parinet les prestations proposées par celle-ci au devis sous la mention ‘SUPPORT PARINET’, à savoir la préparation réalisée du projet, la réalisation de la migration sur système serveur et postes clients, et une assistance à la migration du logiciel métier File Makers.

La société Parinet a dressé le 30 mars 2018 une facture N°FA 171267 qui reprend la description des prestations convenues, avec une facturation retenue de 31 heures, soit 2715,60 euros TTC, alors que le total des heures de travail réellement effectuées ressortait à 64 selon le décompte de temps passé joint à la facture (pièce 4 de l’appelante).

Elle était fondée à inclure dans cette facture 9 heures de travail, en complément des 22 heures prévues au devis, dès lors que la société Techneau a accepté qu’elle prolonge son intervention pour récupérer des données.

A réception de la facture, adressée par courriel du 16 avril 2018, la société Techneau n’a contesté ni l’exécution de prestations au titre du devis du 24 février 2018 ni le nombre d’heures retenues par la société Parinet selon décompte de temps, et a d’ailleurs admis par la suite dans ses conclusions (page 13) que la mise à jour du système d’exploitation avait débuté le 16 mars 2018 pour s’achever le 23 mars suivant, même si elle invoque par ailleurs la perte de données.

Par courriel du 13 juin 2018, en réponse au courriel de relance du 11 juin 2018, elle a sollicité l’établissement d’un programme de formation sur Mac OS X version 10.12 susceptible de donner lieu à paiement par son organisme OPCA en précisant ‘dès le réglement de l’OPCA nous régulariserons cette facture’.

Elle mentionnait certes l’existence de problèmes causés lors de l’intervention du prestataire, ‘qui n’étaient pas totalement réglés’, de sorte qu’il ne pouvait s’agir d’une inexécution contractuelle suffisamment grave pour pouvoir donner lieu à l’exception d’inexécution, en application de l’article 1219 du code civil.

Par ailleurs, la société Techneau ne démontre par aucun élément concret la réalité de l’accord qu’elle évoque dans son courriel du 14 juin 2018, aux termes duquel les parties auraient accepté de différer le paiement de la facture du 30 mars 2018 jusqu’au réglement, par son organisme OPCA, du plan élaboré par la société Parinet pour la formation des salariés de la société Techneau à l’utilisation de Mac OS X version 10.12.

Ce point est en effet formellement contesté par la société Parinet; celle-ci ayant précisé dans soncourriel du 13 juin 2018 à 13h35 ‘A aucun moment nous n’avons convenu que le règlement de cette facture était conditionné au règlement de votre plan de formation par votre OPCA. Nous ne maîtrisons ni le délai administratif de gestion du processus de votre OPCA ni le délai du traitement chez vous pour présenter et monter votre dossier auprès de votre

OPCA. Nous vous avons proposé de construire ce plan de formation pour vous montrer notre bonne volonté. De même nous avons fait un effort considérable sur la facturation.’

Il en résulte que la société Parinet pouvait valablement se prévaloir d’une créance certaine, liquide et exigible d’un montant de 2715,60 euros TTC au titre de la facture du 30 mars 2018, dans la mesure où elle démontrait avoir exécuté son obligation, conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil.

Contrairement à ce que le tribunal a retenu, la faute éventuelle commise par la société Parinet dans l’exécution de ses obligations pouvait donner lieu le cas échéant à l’octroi de dommages-intérêts au profit de la société Techneau, avec compensation totale ou partielle avec le montant de la facture, mais cette faute, en la supposant établie, ne pouvait conduire à écarter le principe même de l’obligation de la société prestataire, au titre de l’exécution du devis du 24 février 2018.

En revanche, c’est à tort qu’elle a entendu par la suite majorer le montant de sa demande après l’apparition du contentieux, en portant celle-ci à la somme principale de 4256 euros TTC, sans établir au demeurant de facture rectificative, alors même que les échanges de courriels caractérisent suffisamment un accord des parties pour fixer à la somme de 2715,60 euros le montant de la prestation de la société Parinet sur une base de 31 heures supplémentaires par rapport au contrat annuel, au lieu de 64 heures, dans le cadre d’une réduction de facturation acceptée par le prestataire pour tenir compte des difficultés rencontrées.

5- Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de condamner la SARL Techneau à payer à la SAS Parinet informatique la somme de 2715,60 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation du 8 février 2019.

En application de l’article 8 des conditions générales du contrat de services informatiques, la société Parinet Informatique est en outre fondée à solliciter paiement de la somme forfaitaire de 77 euros, au titre des frais administratifs occasionnés par l’impayé.

Le contrat prévoit également une pénalité de 20 % sur le montant de la facture exigible, soit la somme de 543,12 euros, dont le caractère apparaît toutefois comme manifestement excessif compte tenu des défaillances de la société prestataire, ci-après détaillées, et qui sera donc ramenée à 1 euro.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts :

6- La société Techneau soutient que la société Parinet a commis de graves manquements dans l’exécution de ses prestations, d’abord lors d’une intervention initiale le 26 juillet 2017, à l’occasion du remplacement de l’un des deux disques durs du système RAID, ayant entrainé par la suite des difficultés de gestion des calendriers partagés et des messages récurrents de défaut de sauvegarde, puis lors de l’exécution du devis du 24 février 2018, lorsqu’il a été nécessaire de remplacer le disque dur ancien (non changé en 2017) et de procéder à cette occasion à une sauvegarde, qui s’est avérée en réalité incomplète lors du redémarage du serveur, puisque la sauvegarde de la comptabilité n’a pas fonctionné, ni celle de File Maker, logiciel gérant les bases de données clients, ce qui lui a occasionné de graves difficultés de fonctionnement, et notamment la disparition totale des lettrages 2017, et la perte des données enregistrées sur File Makers et Cogiloc à partir de novembre 2017.

7- La société Parinet conteste toute reponsabilité quant aux pertes de données alléguées par la société Techneau, et souligne que sa mission ne portait que sur la mise à jour du système d’exploitation, et sur une mission d’assistance, concernant la mise à jour du logiciel File Maker (et non celui du logiciel Cogiloc).

Elle ajoute qu’elle n’est tenue qu’à une obligation de moyens et non de résultat, et relève que la société Techneau a négligé de suivre ses recommandations en matière d’assistance par un spécialiste File Maker, et de sauvegarde préalable des données et fichiers de ce logiciel métier de sorte qu’en application de l’article 11 des conditions générales, elle ne peut être tenue pour responsable des conséquences dommageables alléguées, dont la réalité et le montant ne seraient d’ailleurs pas démontrées de manière objective.

8- La cour rappelle en premier lieu que selon les dispositions de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard d’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes de l’article 2 du contrat de services informatiques sous forme d’abonnement conclu par les parties le 26 juillet 2017, la société Perinet s’est engagée à assurer un service de gestion des serveurs, décrit comme le cerveau du parc informatique, et il est précisé que ‘les aspects traités sur ce type d’intervention concernent la sécurité des données, la disponibilité du matériel informatique, la sécurisation des accès aux ressources informatiques, l’administration centralisée de tout le parc informatique.’

Concernant l’existence de fautes :

La société Techneau considère que la société Parinet a été fautive dès l’intervention initiale du 27 juillet 2017, au cours de laquelle son technicien a fait le choix (selon elle ‘extrêmement discutable’) de changer un seul des deux disques jumeaux du système RAID, alors défaillant, et non les deux, et de ne pas remettre en place le troisième disque de sauvegarde (selon lui sans intérêt) alors même que ce système correspond à un ensemble de techniques de virtualisation de stockage permettant de répartir les données sur plusieurs disques durs, afin d’améliorer les performances, la sécurité ou la tolérance aux pannes de l’ensemble du ou des systèmes.

Il ressort effectivement de la fiche d’intervention numéro 33431 du 26 juillet 2017 que la société Perinet a changé lors de sa première intervention un seul disque interne d’1 To sur le Mac Pro serveur, avant de reparamétrer le RAID.

Dans son attestation délivrée le 2 septembre 2019, M. [U] [J], conseil en informatique qui est intervenu sur site en mars 2018 à la demande de la société Techneau, indique que ‘Dans le monde professionnel, tout le monde sait que l’on change les deux disques quand un RAID1 est dégradé surtout avec un RAID1 logiciel. Le deuxième disque permet de faire une sauvegarde immédiate du serveur, on ne connaît jamais l’état et la date de la dernière sauvegarde du client, le RAID 1 sert essentiellement à cela, même si les fabricants de disques proposent de reconstruire le deuxième disque. Personne de sérieux ne fait cela dans une entreprise, d’autant que très souvent le deuxième disque tombe en panne dans les jours ou les mois qui suivent, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé.’

La société appelante ne conteste pas la pertinence de cette préconisation technique puisque dans ses conclusions (page 17/25) elle indique que ‘ce choix a été fait sur instruction de Monsieur [T] [A], dans une volonté continuelle de minimiser l’investissement relatif à son parc informatique, alors que son obsolescence dictait un remplacement complet.’

Il ressort effectivement des constatations principales faites par la société Parinet le 30 mars 2017 dans sa proposition commerciale (pièce 3 de la société intimée) qu’il existait un disque défaillant, et que le parc Apple était obsolète, sans réparation possible.

Toutefois, la société Parinet ne justifie pas avoir attiré l’attention de sa cliente, en juillet 2017, sur l’opportunité de changer ensemble les deux disques du système RAID1, et ne démontre nullement que Monsieur [A] lui ait donné une instruction contraire, dans un souci d’économie.

La société intimée démontre ainsi l’existence d’un manquement au devoir de conseil de la part de la société Parinet en juillet 2017.

En second lieu, lors de son intervention sur l’installation de la société Techneau en exécution du devis du 24 février 2018, M. [Z] [M], préposé de la société Parinet, a adressé le 21 mars 2018 à la société Cogilog un courriel ayant pour objet ‘URGENT-Besoin de support pour récupérer les données suite à un incident’, dans lequel il indiquait ‘Suite à un incident majeur de notre serveur, nous avons dû réinstaller notre serveur. Hors (sic), il semble que les sauvegardes propres à Cogilog ne se faisait (sic) pas correctement depuis un moment. Nous avons un time machine de la veille du crash serveur. Nous avons donc un besoin urgent de support afin de nous dire si nous pouvons récupérer les données.’

Il ressort des pièces produites que la société Parinet ne pouvait ignorer, avant sa prestation de mars 2018, l’existence de difficultés concécutives à sa première intervention de juillet 2017, puisque son technicien avait lui-même indiqué dans son rapport du 26 juillet 2017 que ‘des erreurs étaient apparues dans la récupération des données’, que les calendriers étaient en erreur, et qu’en dépit d’une réintervention le 28 juillet 2017, il subsistait des difficultés sur le logiciel Cogilog, dont la mise à jour demeurait impossible, ce qui avait été signalé à Mme [C] (de la société Parinet) par courriel du 6 septembre 2017, sans que la société prestataire apporte de réponse à ce message.

Compte tenu de l’obsolescence du système d’exploitation sur lequel elle intervenait, du remplacement d’un seul des deux disques jumeaux du RAID1, des difficultés apparues dans les suites de sa prestation de l’été 2017, de l’absence de mise à jour de l’un des logiciels métiers (Cogilog), des inquiétudes exprimées par M. [T] [A] dans son courriel du 8 février 2018 concernant l’autre logiciel File Maker gérant entièrement la base de données, la société Parinet devait s’assurer de l’effectivité de la sauvegarde des données avant de procéder à la migration du système serveur et des postes clients.

Or, il est constant que les vérifications nécessaires n’ont pas été effectuées complètement et que le seul contrôle de la sauvegarde Time Machine ne pouvait suffir compte tenu des messages quotidiens d’échec de la sauvegarde des données Cogilog enregistrés depuis le 24 aout 2017 jusqu’au 16 mars 2018.

La société Parinet ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en indiquant qu’elle avait sollicité en vain l’appui d’un spécialiste File Maker, et il lui incombait de refuser d’intervenir si les garanties nécessaires à la sauvegarde des données n’étaient pas réunies avant le début de sa prestation, d’autant plus qu’elle avait admis ne pas connaître du tout ce logiciel (courriel du 7 février 2018), et que les recommandations données à sa cliente sur le devis du 24 février 2018 étaient peu claires (‘la migration FM nécessite de votre côté une recette de vos bases, et fichiers convertis FM de façon à ce que votre partenaire FM apporte les éventuels ajustements pour remplir le fonctionnel attendu’).

Enfin, la société Parinet n’a nullement contesté les observations techniques précises et circonstanciées de M. [J], dont la partialité n’est nullement établie, et selon lesquelles le technicien de cette société, qui ne parvenait pas à reconstruire le système RAID1, et qui ne disposait pas de disques neufs, a pris l’initiative d’effacer les deux disques jumeaux en échec, avant d’essayer de reconstruire le disque RAID, sans faire de sauvegarde avec les logiciels dédiés.

Lorsque le système d’exploitation a finalement pu être redémarrer le 23 mars 2018, la société Techneau n’a pu récupérer que partiellement les données du logiciel File Maker, à partir d’une sauvegarde du mois de novembre 2017 sur l’un des disques externes, et un nombre important de données et d’écritures comptables ont été perdues, ainsi que cela ressort des attestations versées au débat rédigées par Mme [X] [D] (assistance commerciale), Mme [N] [I] (aide comptable), et Mme [A] (DRH).

Il en résulte que la société Techneau démontre suffisamment l’existence de fautes (défaut de conseils et erreurs techniques) lors de ses interventions de juillet 2017 et mars 2018, caractérisant des manquements du prestataire à son obligation de moyens, qui ont de manière certaine entraîné la perte de certaines données de logiciels métiers.

La société Parinet ne peut utilement invoquer l’insuffisance du volume horaire du contrat de services, cette circonstance n’ayant aucune incidence sur le degré de professionnalisme que la cliente pouvait légitimement escompter, pour des prestations qui devaient au surplus s’effectuer hors contingent horaire annuel.

Elle ne peut soutenir que la société Techneau aurait eu la qualité de maître d’oeuvre lors des prestations réalisées, nonobstant la qualification impropre utilisée dans le contrat, puisqu’elle était liée par un contrat d’entreprise avec la société Parinet, laquelle ne disposait pas de l’expertise suffisante pour les missions incluant des interventions sur les logiciels.

La société Parinet ne peut davantage opposer les termes de l’article 11 du contrat de services, selon lequel ‘la société Parinet ne pourra en aucun cas être considéré comme responsable des dommages directs ou indirects résultant de l’utilisation du système, y compris en cas de perte de données ou d’informations, ou des dommages résultant notamment d’interventions effectuées sur des matériaux hors garantie’.

Il apparaît en effet que la perte des données ne résulte pas de l’utilisation du système, mais de manquements du prestataire à son devoir de conseil et de fautes techniques lors de son intervention de mars 2018 sur le serveur.

La clause ne saurait être interprétée dans le sens souhaité par la société Parinet puisque’elle exonérerait alors le prestaire de toute responsabilité pour les conséquences dommageable de son intervention sur les disques durs du serveur, alors même qu’elle a accepté d’assurer des prestations sur le parc informatique de la société Techneau sans lui opposer l’existence de non-garanties sur certains matériels, ce qui serait en outre en contradiction avec l’objectif même du contrat, et les termes de l’article 2, selon lesquels ‘le serveur étant le cerveau du parc informatique, les aspects traités sur ce type d’intervention concernent la sécurité des données, la disponibilité du matériel informatique, la sécurisation des accès aux ressources informatiques et l’administration centralisée de tout le parc informatique’.

En revanche, dès lors qu’ils ne peuvent être qualifiés de fautes lourdes, les manquements commis par la société Parinet ne peuvent conduire la cour à écarter la clause limitative de responsabilité, sur le fondement de l’article 1231-3 du code civil, et par ailleurs, l’indemnisation, convenue de manière forfaitaire entre deux sociétés commerciales, ne peut être considérée comme dérisoire au regard de son montant.

Il en résulte que l’indemnisation de la société Techneau ne peut excéder le double du montant de l’abonnement payé pour l’année en cours de laquelle le litige a été constaté.

En l’espèce, la société intimée uproduit aux débats en pièce numéro 44 une attestation de son expert-comptable, la société COMPT&COOL, présidée par Monsieur [R] [P], dont il ressort que pour la période du 18 mars au 18 avril 2018, la marge réalisée ne s’est élevée qu’à 61’804 euros, au lieu de 87’300 euros en 2017 et 85’314 euros en 2019 pour la même période.

Par ailleurs, la société Techneau a subi en outre d’importants désagréments et pertes de temps, à reconstituer les données manquantes et à répondre aux clients mécontents du suivi dans cette période.

Le préjudice réel subi par la société Techneau consécutifs aux fautes de la société Parinet Informatique doit être évalué à 20000 euros.

En application de la clause limitative de responsabilité, qui ne peut être considére comme non-écrite, la société Techneau doit être indemnisée dans la limite de la somme de 2 x 1950 euros convenue au contrat annuel, soit 3900 euros.

Il convient d’ordonner la compensation entre les créances réciproques.

Sur les demandes accessoires :

Il est équitable d’allouer à la société Techneau une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer afin de faire reconnaître sa créance devant la cour.

La société Parinet succombe pour la plus grande partie de ses prétentions et suportera les dépens de première instance et d’appel ainsi que ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a condamné la SAS Parinet Informatique à payer à la SARL Techneau la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Techneau à payer à la SAS Parinet Informatique::

– la somme de 2715,60 euros avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2019,

– la somme de 77 euros au titre des frais administratifs,

– la somme de 1 euro au titre de la clause pénale,

Condamne la SAS Parinet Informatique à payer à la SARL Techneau la somme de 3900 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Ordonne la compensation entre les créances réciproques,

Condamne la SAS Parinet Informatique à payer à la SARL Techneau la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Parinet Informatique aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon