L’Essentiel : La société Flo Gestion, spécialisée dans la gestion du personnel pour la restauration, a sanctionné Mme [L] par une mise à pied de quatre jours en raison d’erreurs dans la gestion de la paie. Contestant cette décision, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes, qui a confirmé la légitimité de la sanction. En appel, elle a demandé l’annulation de la mise à pied et des rappels de salaires. La cour d’appel a partiellement donné raison à Mme [L], ordonnant à Flo Gestion de verser des sommes pour l’indemnité compensatrice de RTT et des rappels de salaire pour 2014 et 2015.
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Contexte de l’affaireLa société Flo Gestion, immatriculée au RCS de Nanterre, est une société en nom collectif spécialisée dans la gestion du personnel pour des établissements de restauration. Elle emploie plus de 11 salariés, dont Mme [U] [M], engagée en tant que gestionnaire de paie et administration du personnel depuis le 25 août 2008. Sanction disciplinaireLe 28 juin 2011, la société a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui a abouti à une mise à pied de quatre jours le 29 juillet 2011. Cette sanction était justifiée par des erreurs dans la gestion de la paie, notamment l’envoi d’indemnités à un salarié alors qu’il n’y avait pas droit, ainsi que des déclarations mensongères dans un courrier adressé à ce même salarié. Demande de régularisationEn réponse à la mise à pied, Mme [L] a sollicité la régularisation de sa situation concernant ses jours de travail et des disparités salariales. Elle a ensuite saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester la sanction et demander des rappels de salaires ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral. Jugement du conseil de prud’hommesLe 25 mai 2022, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [L] de toutes ses demandes, confirmant la légitimité de la sanction disciplinaire et la non-viabilité de ses autres prétentions. Mme [L] a interjeté appel de ce jugement. Appel et demandes de Mme [L]Dans ses conclusions d’appel, Mme [L] a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de ses droits, incluant l’annulation de la mise à pied, des rappels de salaires, et des dommages-intérêts pour harcèlement moral. Elle a également demandé des sommes spécifiques pour divers éléments de rémunération. Réponse de la société Flo GestionLa société Flo Gestion a contesté les demandes de Mme [L], arguant que la sanction était justifiée et que les demandes de rappel de salaire et d’indemnités étaient infondées. Elle a demandé la confirmation du jugement de première instance et la condamnation de Mme [L] aux dépens. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qui concerne certaines demandes de Mme [L]. Elle a ordonné à la société Flo Gestion de verser des sommes pour l’indemnité compensatrice de RTT, la rémunération des jours de récupération, et un rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’une sanction disciplinaire selon le Code du travail ?La sanction disciplinaire doit respecter certaines conditions de validité, notamment celles énoncées dans les articles L. 1331-1 et L. 1333-1 du Code du travail. L’article L. 1331-1 stipule que : « Toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement fautif du salarié, constitue une sanction, dès lors qu’elle est de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. » De plus, l’article L. 1333-1 précise que : « En cas de litige relatif au prononcé d’une sanction, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie par l’employeur ainsi que si les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction, à partir des éléments retenus par l’employeur pour prendre la sanction et au regard des éléments fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. » Ainsi, pour qu’une sanction disciplinaire soit valide, elle doit être notifiée au salarié, être proportionnée aux faits reprochés et respecter la procédure disciplinaire. Comment le principe d’égalité de traitement est-il appliqué dans le cadre des rémunérations ?Le principe d’égalité de traitement est fondamental dans le droit du travail, notamment en matière de rémunération. Ce principe est énoncé dans l’article L. 1132-1 du Code du travail, qui stipule que : « Aucun salarié ne doit faire l’objet d’une discrimination directe ou indirecte en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de son état de santé, de son handicap, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, ou de son âge. » En matière de rémunération, le principe « à travail égal, salaire égal » est également affirmé. Cela signifie que des salariés effectuant un même travail doivent être rémunérés de manière identique, sauf si des différences de traitement peuvent être justifiées par des raisons objectives et pertinentes. Dans le cas de Mme [L], elle a allégué une inégalité de traitement par rapport à une autre salariée, Mme [C]. Cependant, il lui incombe de prouver cette inégalité, comme le précise la jurisprudence (Soc. 28 septembre 2004, n° 0341825 et 0341829). En l’absence de preuves suffisantes, la demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement peut être rejetée. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de décompte des heures travaillées pour les salariés au forfait ?Les obligations de l’employeur concernant le décompte des heures travaillées pour les salariés au forfait sont définies par l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants. Cet article stipule que : « Les cadres autonomes peuvent être soumis à la signature d’une convention individuelle de forfait en jour, le nombre de jours travaillés ne peut être supérieur à 217 jours par an. » Il est également précisé que : « Le cadre doit recevoir, en annexe de son bulletin de paie, le décompte des journées travaillées, le nombre de jours de repos pris et ceux restant à prendre. Cette annexe tenue mois par mois servira de récapitulatif annuel tenu à la disposition de l’inspection du travail et permettra un suivi de l’organisation du travail. » Ainsi, l’employeur a l’obligation de fournir un décompte précis des jours travaillés et des jours de repos, ce qui est essentiel pour garantir les droits des salariés au forfait. En cas de non-respect de cette obligation, le salarié peut revendiquer des jours de récupération ou des indemnités compensatrices. Quelles sont les conséquences d’une mise à pied disciplinaire jugée disproportionnée ?La mise à pied disciplinaire, lorsqu’elle est jugée disproportionnée, peut entraîner des conséquences significatives pour l’employeur. Selon l’article L. 1332-2 du Code du travail : « La sanction doit être proportionnée à la faute commise. » Si un salarié conteste la mise à pied, le juge peut annuler la sanction et ordonner le versement des salaires non perçus pendant la période de mise à pied. Cela est également en ligne avec l’article L. 1235-3, qui stipule que : « En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité. » Dans le cas de Mme [L], la cour a confirmé que les faits reprochés justifiaient la sanction, mais si la mise à pied avait été jugée disproportionnée, cela aurait pu entraîner l’annulation de la sanction et le versement des salaires dus pendant cette période. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-3
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JANVIER 2025
N° RG 22/02063 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VJBW
AFFAIRE :
[U] [M] épouse [L]
C/
S.N.C. FLO GESTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 25 Mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F 14/01875
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [U] [M] épouse [L]
née le 27 Octobre 1971 à [Localité 5] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Clarisse TAILLANDIER-LASNIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 428
Plaidant : Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1094
APPELANTE
****************
S.N.C. FLO GESTION
N° SIRET : 325 231 272
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Plaidant: Me Patrick TABET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0681
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Présidente,
Mme Florence SCHARRE, Conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,
La société Flo Gestion est une société en nom collectif (SNC) immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre sous le n° 325 231 272.
La société Flo Gestion a pour activité l’exécution de prestations de gestion du personnel pour le compte d’établissements de restauration.
Elle emploie plus de 11 salariés.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 juillet 2008, Mme [U] [M], épouse [L], a été engagée par la société Flo Gestion en qualité de gestionnaire de paie et administration du personnel, statut cadre, niveau V, échelon 1, à compter du 25 août 2008.
Au dernier état de la relation de travail, Mme [L] exerçait ses fonctions dans le cadre d’une convention de forfait annuel de 218 jours, en contrepartie d’une rémunération moyenne brute de
3 050 euros par mois.
Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 juin 2011, la société Flo Gestion a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, prévu le 5 juillet 2011.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 juillet 2011, la société Flo Gestion a notifié à Mme [L] sa mise à pied à titre disciplinaire, en ces termes :
« Madame,
Suite à votre entretien du 5 juillet 2011, auquel vous étiez régulièrement convoquée et après réexamen de votre dossier, nous vous informons que nous avons décidé de vous notifier une mise à pied disciplinaire de quatre jours pour le motif suivant :
Vous n’avez pas respecté les consignes relatives à la procédure paie et avez adressé à l’un de nos collaborateurs un courrier faisant mention de propos mensongers.
En effet, le Lundi 16 mai 2011, à 17h42, Madame [N] [V], Chargée des ressources humaines, vous a adressé par email la feuille de sortie de Monsieur [R] [E], faisant suite à une prise d’acte de rupture aux tords de l’employeur, en vous informant scrupuleusement de la sensibilité du dossier.
Le même jour, à 17h 47, Madame [J] [P], Responsable Ressources Humaines, vous a une nouvelle fois fait part du caractère sensible du dossier ainsi que de l’urgence, quant à son traitement.
Le mercredi 18 mai 2011, à 10h55, vous avez informé Mme [V] et Mme. [P], que le solde tout compte de Monsieur [E] partait ce jour en recommandé.
Alors que la feuille de sortie de cette personne indiquait clairement que la rupture de son contrat de travail ne donnait droit à aucune indemnité, vous avez adressé à M [E], la somme de 1719,90 euros brut au titre de ses indemnités de préavis.
Vous rendant compte de votre erreur et sans en avertir vos responsables hiérarchiques, vous avez décidé de votre propre chef d’adresser le Mercredi 8 juin 2011 à Monsieur [E], une lettre recommandée lui faisant part du trop perçu qu’il avait reçu au titre de son solde tout compte.
Dans ledit courrier vous indiquez : » Nous vous serions gré de bien vouloir régulariser au plus vite votre situation en prenant contact auprès de nos services et en nous établissant un chèque de 1329,24 euros, à l’ordre du Bistrot Romain … » » Dans un délais de quinze jours après réception du présent courrier, votre dossier sera transmis à notre société de recouvrement qui entraînera des frais supplémentaires à votre charge. Dès lors aucune régularisation ne pourra être faite auprès de nos services, la liquidation du litige se fera avec la société de recouvrement. ».
Ainsi, vous faîtes référence dans votre courrier à notre collaboration avec une société de recouvrement pour la résolution de nos litiges.
Or, dans les faits, le Groupe FLO ne fait appel à aucune société de ce genre.
Par conséquent, il s’avère clairement que vous avez au nom et pour le compte de notre société avancé des propos désuets de toute véracité.
Ce comportement est intolérable.
Vous êtes tenue dans le cadre de vos fonctions de veiller au respect de la bonne procédure paie, et plus particulièrement lorsqu’il s`agit d’un dossier sur lequel il vous a été demandé à plusieurs reprises de traiter avec précaution.
Vous auriez dû, notamment, être plus attentive quant aux mentions portées sur la feuille de sortie de l’intéressé, indiquant que la rupture de son contrat de travail était privative de toute indemnité.
Il s’avère également, qu’après vérifications, la somme étant due par le collaborateur au titre de son trop perçu, ne correspond pas à 1329,24 euros comme mentionné dans votre courrier du 8 juin 2011, mais bien à 1462,15 euros.
Outre vos erreurs concernant le respect de la procédure paie, il est inadmissible que vous ayez adressé à un de nos collaborateurs un courrier mentionnant de fausses déclarations.
Tout porte à croire que vous avez agi de sorte à ce que, sous la contrainte d’une société de recouvrement, notre collaborateur puisse régler le trop perçu plus rapidement.
De plus, vous n’êtes pas sans savoir que le fait de tromper une personne physique, par l’emploi de man’uvres frauduleuses et de la déterminer ainsi à son préjudice à remettre des fonds, des valeurs ou biens quelconques est puni pénalement par la loi.
En plus de vous exposer à des sanctions pénales, vous auriez pu engagé notre société sur le terrain judiciaire en proférant de tels mensonges.
Compte tenu des faits précités, nous vous notifions donc une mise à pied à titre disciplinaire de 4 jours qui se déroulera du 8 au 11 août 2011, journées pendant lesquelles vous ne serez pas rémunérée.
Nous ne pourrons pas permettre que de tels écarts comportementaux se reproduisent au sein de notre société et de ce fait nous vous demandons d’adopter très rapidement une attitude plus conforme aux règles de l’entreprise car, dans le cas contraire, nous serions contraints de prendre une sanction plus grave à votre encontre. »
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er juillet 2011, Mme [L] a sollicité de son employeur la régularisation de sa situation au regard du décompte de ses jours de travail sur l’année et d’une disparité de traitement alléguée en matière d’augmentation salariale.
Par requête introductive reçue au greffe le 20 janvier 2012, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre de diverses demandes tendant à ce que la sanction disciplinaire prononcée le 29 juillet 2011 soit annulée, et à ce que la société Flo Gestion soit condamnée au versement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Par jugement rendu en formation de départage le 25 mai 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– débouté Mme [U] [L] de toutes ses demandes ;
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;
– dit que chacune des parties supportera la charge de ses frais irrépétibles ;
– condamné Mme [U] [L] aux dépens.
Par déclaration d’appel reçue au greffe le 29 juin 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 23 octobre 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 30 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [L], appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [L] de toutes ses demandes ;
Statuant de nouveau, Mme [L] sollicite de la cour d’appel de céans de :
– déclarer Mme [U] [L] recevable et bien fondée en ses demandes ;
En conséquence :
– annuler la mise à pied disciplinaire prononcée à l’encontre de Mme [U] [L] par courrier en date du 29 juillet 2011 ;
– condamner la société Flo Gestion à verser à Mme [U] [L] les sommes suivantes :
* 44 500 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement du principe « à travail égal salaire égal » ;
* 4 450 euros au titre des congés payés afférents ;
* 2 000 euros au titre de la prime 2011 ;
* 36 334,57 euros au titre de la rémunération des jours de récupération correspondant au dépassement du forfait annuel (RFO) ;
* 695,30 euros correspondant aux cinq journées de RTT indûment décomptées ;
* 2 778,70 euros à titre de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel ;
* 277,87 euros au titre des congés payés afférents ;
* 193,61 euros au titre de la garantie minimale de points (mai à décembre 2013) ;
* 562,99 euros au titre du rappel de salaire correspondant à l’annulation de la mise à pied disciplinaire ;
* 56,23 euros au titre des congés payés afférents ;
* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* intérêts au taux légal.
– condamner la société Flo Gestion aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 28 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Flo Gestion, intimée, demande à la cour de :
– déclarer l’appel de Mme [L] mal fondé ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 mai 2022 ;
– débouter Mme [U] [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner Mme [U] [L] à payer à la société Flo Gestion la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [U] [L] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 29 juillet 2011
Mme [L] sollicite l’annulation de la sanction disciplinaire notifiée le 29 juillet 2011 en considérant que les faits fautifs allégués ne sont pas établis et que la sanction prononcée est disproportionnée au regard de la perte de salaire de quatre jours qui lui a été imposée.
La société conclut au rejet en soulignant que cette sanction fait suite à un recadrage resté sans effet, que les faits reprochés sont avérés et non contestés par la salariée, et que la sanction est proportionnée aux faits commis.
Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail, toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement fautif du salarié, constitue une sanction, dès lors qu’elle est de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Selon l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif au prononcé d’une sanction, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie par l’employeur ainsi que si les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction, à partir des éléments retenus par l’employeur pour prendre la sanction et au regard des éléments fournis par le salarié à l’appui de ses allégations.
En l’espèce, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 juillet 2011, la société Flo Gestion a notifié à Mme [L] sa mise à pied à titre disciplinaire, en ces termes :
« Madame,
Suite à votre entretien du 5 juillet 2011, auquel vous étiez régulièrement convoquée et après réexamen de votre dossier, nous vous informons que nous avons décidé de vous notifier une mise à pied disciplinaire de quatre jours pour le motif suivant :
Vous n’avez pas respecté les consignes relatives à la procédure paie et avez adressé à l’un de nos collaborateurs un courrier faisant mention de propos mensongers.
En effet, le Lundi 16 mai 2011, à 17h42, Madame [N] [V], Chargée des ressources humaines, vous a adressé par email la feuille de sortie de Monsieur [R] [E], faisant suite à une prise d’acte de rupture aux tords de l’employeur, en vous informant scrupuleusement de la sensibilité du dossier.
Le même jour, à 17h 47, Madame [J] [P], Responsable Ressources Humaines, vous a une nouvelle fois fait part du caractère sensible du dossier ainsi que de l’urgence, quant à son traitement.
Le mercredi 18 mai 2011, à 10h55, vous avez informé Mme [V] et Mme. [P], que le solde tout compte de Monsieur [E] partait ce jour en recommandé.
Alors que la feuille de sortie de cette personne indiquait clairement que la rupture de son contrat de travail ne donnait droit à aucune indemnité, vous avez adressé à M [E], la somme de 1719,90 euros brut au titre de ses indemnités de préavis.
Vous rendant compte de votre erreur et sans en avertir vos responsables hiérarchiques, vous avez décidé de votre propre chef d’adresser le Mercredi 8 juin 2011 à Monsieur [E], une lettre recommandée lui faisant part du trop perçu qu’il avait reçu au titre de son solde tout compte.
Dans ledit courrier vous indiquez : » Nous vous serions gré de bien vouloir régulariser au plus vite votre situation en prenant contact auprès de nos services et en nous établissant un chèque de 1329,24 euros, à l’ordre du Bistrot Romain … » » Dans un délai de quinze jours après réception du présent courrier, votre dossier sera transmis à notre société de recouvrement qui entraînera des frais supplémentaires à votre charge. Dès lors aucune régularisation ne pourra être faite auprès de nos services, la liquidation du litige se fera avec la société de recouvrement. ».
Ainsi, vous faîtes référence dans votre courrier à notre collaboration avec une société de recouvrement pour la résolution de nos litiges.
Or, dans les faits, le Groupe FLO ne fait appel à aucune société de ce genre.
Par conséquent, il s’avère clairement que vous avez au nom et pour le compte de notre société avancé des propos désuets de toute véracité.
Ce comportement est intolérable.
Vous êtes tenue dans le cadre de vos fonctions de veiller au respect de la bonne procédure paie, et plus particulièrement lorsqu’il s`agit d’un dossier sur lequel il vous a été demandé à plusieurs reprises de traiter avec précaution.
Vous auriez dû, notamment, être plus attentive quant aux mentions portées sur la feuille de sortie de l’intéressé, indiquant que la rupture de son contrat de travail était privative de toute indemnité.
Il s’avère également, qu’après vérifications, la somme étant due par le collaborateur au titre de son trop perçu, ne correspond pas à 1329,24 euros comme mentionné dans votre courrier du 8 juin 2011, mais bien à 1462,15 euros.
Outre vos erreurs concernant le respect de la procédure paie, il est inadmissible que vous ayez adressé à un de nos collaborateurs un courrier mentionnant de fausses déclarations.
Tout porte à croire que vous avez agi de sorte à ce que, sous la contrainte d’une société de recouvrement, notre collaborateur puisse régler le trop perçu plus rapidement.
De plus, vous n’êtes pas sans savoir que le fait de tromper une personne physique, par l’emploi de man’uvres frauduleuses et de la déterminer ainsi à son préjudice à remettre des fonds, des valeurs ou biens quelconques est puni pénalement par la loi.
En plus de vous exposer à des sanctions pénales, vous auriez pu engagé notre société sur le terrain judiciaire en proférant de tels mensonges.
Compte tenu des faits précités, nous vous notifions donc une mise à pied à titre disciplinaire de 4 jours qui se déroulera du 8 au 11 août 2011, journées pendant lesquelles vous ne serez pas rémunérée.
Nous ne pourrons pas permettre que de tels écarts comportementaux se reproduisent au sein de notre société et de ce fait nous vous demandons d’adopter très rapidement une attitude plus conforme aux règles de l’entreprise car, dans le cas contraire, nous serions contraints de prendre une sanction plus grave à votre encontre. »
En l’espèce, il n’est pas contesté par Mme [L], gestionnaire de paie, qu’elle a commis plusieurs erreurs afférentes à la rupture du contrat de travail de M. [E], en lui adressant le 18 mai 2011 un chèque d’un montant inexact de 1 719,90 euros au titre des indemnités de préavis et, s’apercevant de son erreur, en lui envoyant ensuite un courrier recommandé lui faisant part d’un trop perçu d’un montant erroné (1 329,24 euros au lieu de 1 462,15 euros) mentionnant la possibilité de faire appel à une société de recouvrement en cas de non-remboursement, alors que la société Flo gestion ne fait pas appel à des sociétés de recouvrement. Sur ce point, le fait que le courrier n’ait pas été réceptionné par le salarié concerné n’est pas de nature à exonérer la salariée de la faute commise.
La cour considère comme les premiers juges que les faits reprochés sont établis et de nature à justifier une sanction disciplinaire. Au regard de la lettre de recadrage qui avait été précédemment notifiée à Mme [L] le 6 juin 2011, au titre d’une exonération en application de la réduction Fillon mentionnée à tort au mois d’avril 2011 pour 658 000 euros, il y a lieu de considérer que la mise à pied de quatre jours notifiée le 29 juillet 2011 par l’employeur est proportionnée aux faits commis. En conséquence, par voie de confirmation, il convient de rejeter la demande d’annulation de la sanction formulée par Mme [L], ainsi que la demande de rappel de salaire afférent à la mise à pied à hauteur de 562,99 euros outre congés payés afférents.
Sur le rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement
Mme [L] sollicite un rappel de salaire de 44 500 euros outre congés payés sur la période allant du 1er septembre 2008 au 31 janvier 2016 en application du principe ‘à travail égal salaire égal’ au regard de la rémunération moindre qu’elle touchait par rapport à une autre salariée, Mme [C].
La société conclut au débouté au motif que la salariée ne justifie pas des éléments permettant d’établir des faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.
Le principe d’égalité de traitement impose à l’employeur de rémunérer de façon identique des salariés effectuant un même travail. Si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.
S’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence (Soc. 28 septembre 2004, n° 0341825 et 0341829).
En l’espèce, Mme [L] a été embauchée sous le statut de cadre, niveau V, échelon 1, en qualité de gestionnaire de paie et administration du personnel, à compter du 25 août 2008 par la société Flo gestion SNC, selon forfait de 218 jours par an, et une rémunération mensuelle brute de 2 917 euros sur douze mois.
Au soutien de sa demande, Mme [L] déclare qu’elle a travaillé avec Mme [C] qui est entrée en poste le 12 août 2008 et a quitté la société le 5 août 2013, qu’elle avait le même niveau d’ancienneté, hiérarchique et les mêmes fonctions, mais que Mme [C] percevait un salaire supérieur d’environ 500 euros par mois par rapport au sien.
La cour relève que Mme [L] ne produit aucune pièce à l’appui de sa demande permettant d’établir les éléments de fait allégués susceptible de caractériser une inégalité de rémunération, tenant notamment à la situation identique dans laquelle elle se serait trouvée par rapport à Mme [C].
Il convient de souligner ensuite qu’au soutien de la différence de traitement alléguée sur la période postérieure au départ de Mme [C] dans l’entreprise, à compter du 5 août 2013, Mme [L] n’allègue aucun élément de fait s’agissant de situations comparables au sein de l’entreprise.
En conséquence, la salariée, qui échoue à rapporter la preuve de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, sera déboutée de sa demande de rappel de salaire, par voie de confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande de rappel de prime 2011
Mme [L] demande un complément de prime 2011 à hauteur de 2 000 euros au motif que ses collègues bénéficiaient de montants supérieurs, allant jusqu’à 2 500 euros.
La société conclut au rejet de cette demande qui n’est pas justifiée par la salariée.
A l’appui de sa demande de rappel de prime, Mme [L] produit sa lettre de réclamation adressée à son employeur le 1er juillet 2011 dont il ressort qu’elle conteste le fait de percevoir une prime de
1,67 % alors que ses collègues perçoivent un pourcentage de 7 %.
La cour relève d’une part que Mme [L] n’allègue aucun fait précis au soutien de sa demande, ne précisant pas la nature ni le régime de cette prime non contractuelle, indiquant uniquement bénéficier « de primes inférieures à celles versées à ses collègues », sans autre précision sur les salariés concernés et, d’autre part, qu’elle ne produit aucune pièce à l’appui des faits allégués. Sur ce point, la lettre qu’elle a adressée à son employeur n’est pas en mesure d’établir à elle-seule ses allégations.
En conséquence, Mme [L] ne justifiant pas d’éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération au titre de la prime 2011, elle sera déboutée de sa demande de rappel de prime, par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur la demande au titre de la rémunération des jours de récupération correspondant au dépassement du forfait annuel (RFO)
Mme [L] sollicite le paiement de sommes au titre de la rémunération des jours de récupération (RFO) dont elle n’a pas pu bénéficier de 2008 à 2015, selon un décompte mensuel et des calculs proposés aux termes de ses conclusions, sur le fondement de ses bulletins de salaire. Elle souligne que la société n’a jamais annexé aux bulletins de paie le récapitulatif du nombre de jours travaillés jusqu’en janvier 2011, date à laquelle elle a procédé à cette réclamation auprès de son employeur, qu’elle n’a pas été informée du dépassement du seuil de 218 jours par la société ni de son droit à récupération afférent et enfin qu’elle n’a pas été indemnisée des jours de récupération non pris.
En réponse à son employeur et à la motivation adoptée par les premiers juges, Mme [L] indique que si elle a pu bénéficier de RTT, ces derniers n’ont pas le même objet que les jours de récupération dit RFO, de sorte qu’elle est fondée à solliciter une indemnité compensatrice au titre des RFO non pris et non indemnisés.
La société conclut au débouté en soulignant d’une part qu’avant 2011, les « repos en forfait » ne faisaient pas l’objet d’une codification sur les bulletins de paie mais d’une gestion manuelle, d’autre part qu’à la demande de Mme [L], un récapitulatif des jours travaillés en 2009 et 2010 lui a été communiqué et qu’elle a bénéficié de 3 jours de repos forfait en mai 2011 à sa demande et enfin qu’en application de l’accord sur la durée et l’aménagement du temps de travail du 1er juillet 2005, les RTT se sont substitués au RFO à hauteur de 11 RTT par an (article 6.2) et que les RTT ne sont pas cumulables avec des jours de congés de même nature ou ayant le même objet (article 5.2 et 5.3 de l’accord). L’employeur ajoute que le décompte proposé par la salariée ne repose sur aucune pièce probante et est erroné puisqu’elle prétend que le forfait en jours travaillés est diminué du nombre de jours de repos qu’elle aurait acquis au titre de l’année précédente, ce qui revient à indemniser les jours travaillés en sus du forfait et à déduire en outre ces jours de récupération du forfait de l’année suivante.
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Selon l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, en sa version applicable au litige, les cadres autonomes peuvent être soumis à la signature d’une convention individuelle de forfait en jour, le nombre de jours travaillé ne peut être supérieurs à 217 jours par an.
Dans ce cas, le cadre doit recevoir, en annexe de son bulletin de paie, le décompte des journées travaillées, le nombre de jours de repos pris et ceux restant à prendre. Cette annexe tenue mois par mois servira de récapitulatif annuel tenu à la disposition de l’inspection du travail et permettra un suivi de l’organisation du travail.
Le salarié pourra prendre les jours de repos par journée après accord de l’employeur.
Si le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel de 217 jours, le cadre devra bénéficier au cours des 3 premiers mois de l’année suivante d’un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit d’autant le plafond annuel de l’année durant laquelle ils sont pris.
En application de l’article 5 de l’accord sur la durée et l’aménagement du temps de travail du 1er juillet 2005 signé au sein de la société Flo Gestion, la durée hebdomadaire a été fixée à 37 heures hebdomadaire et il a été attribué aux salariés 11 jours de RTT pour une année complète.
Selon l’article 5.2 de cet accord, intitulé « règle de non cumul », les jours de RTT attribués dans le cadre du présent accord ne pourront pas se cumuler avec des jours de congés de même nature ou ayant le même objet, notamment à des jours de congés supplémentaires ou à des jours fériés, accordés par décision de l’employeur ou par accord et ce, conformément aux dispositions de l’article 12 dernier alinéa prévoyant l’attribution de deux jours fériés supplémentaires.
En application de l’article 6.2 de cet accord d’entreprise, les cadres autonomes soumis à une convention individuelle de forfait annuelle de 218 jours bénéficient de l’attribution de 11 jours de RTT pour une année complète, les modalités de mise en ‘uvre de ces jours de RTT s’effectuant selon les dispositions de l’article 5.2 précités.
Selon l’article 5 du contrat de travail de Mme [L] signé le 29 juillet 2008, soit postérieurement à l’accord d’entreprise sur l’aménagement du temps de travail :
« Compte tenu de la large autonomie dont dispose Mme [L] dans l’organisation de son emploi du temps, celle-ci relève pour le calcul de son temps de travail du forfait annuel en jours, prévu à l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 de la convention collective nationale des CHR du 30 avril 1997 ».
Mme [L] s’engage à travailler 218 jours par an et perçoit une rémunération forfaitaire dans la limite du forfait annuel.
En cas de dépassement de ce forfait annuel, chaque jour doit être récupéré dans les 3 premiers mois de l’année suivante. Le décompte des jours travaillés est effectué sur la base d’une déclaration transmise mensuellement au service de paie de l’entreprise. ».
Contrairement à ce que soutient l’employeur et à ce qui a été retenu par les premiers juges, les jours de récupération prévus à l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants n’ont pas été remplacés par les RTT issus de l’accord d’entreprise du l’aménagement du temps de travail du 1er juillet 2005 et cela à un triple titre puisque d’une part les accords collectifs n’ont pas le même champ d’application, d’autre part, ils n’ont pas le même objet, les jours de récupération visant à compenser le dépassement du nombre de 217 jours de forfait par an, tandis que les RTT sont une modalité d’aménagement du temps de travail dans l’entreprise fixant la durée hebdomadaire à 37 heures et accordant aux cadres autonomes soumis au forfait de 217 jours des RTT à hauteur de 11 jours par an. Enfin, si les jours de récupération avaient été remplacés par les RTT, le contrat de travail de Mme [L], signé postérieurement à l’entrée en vigueur de l’avenant à la convention collective, ne les auraient pas mentionnés.
La cour retient de l’ensemble de ces éléments que la salariée est fondée à dire qu’en cas de dépassement du forfait annuel, les jours supplémentaires effectués devaient être récupérés dans les 3 premiers mois de l’année suivante.
Il est constant que contrairement aux dispositions de l’article 13.2 de l’avenant susvisé et des dispositions du contrat de travail, il n’a pas été établi de déclaration mensuelle des heures effectuées transmise au service de paie de l’entreprise et il n’a pas été joint aux bulletins de salaire de décompte des journées travaillées, du nombre de jours de repos pris et ceux restant à prendre et ce, avant 2011.
Sur la période antérieure, Mme [L] soutient avoir dépassé le forfait annuel en jour de 10 jours en 2008 (92 jours travaillés sur 82 jours proratisés au regard de son temps de travail sur l’année) et de 20 jours en 2009 (228 jours travaillés alors qu’elle aurait dû travailler 208 jours en 2009 (218 – 10 jours de récupération au titre de l’année 2008)). Elle ne produit cependant aucune pièce permettant de justifier du nombre de jours travaillés et en particulier aucune déclaration mensuelle adressée à son employeur.
Sa demande au titre de 2008 et 2009 sera donc rejetée en l’absence de preuve du dépassement du forfait de 218 jours.
Sur la période courant à compter de 2011, il convient de se référer aux bulletins de salaire produit aux débats et aux décomptes y figurant. Et, contrairement à ce que soutient la salariée, il ne ressort pas des dispositions applicables que le dépassement du forfait en jour sur une année doive conduire à déduire le nombre de jours effectué en surplus sur le forfait de l’année suivante.
Il ressort du bulletin de paie du 31 décembre 2010 que Mme [L] a travaillé 231 jours sur l’année, soit un dépassement de 13 jours, et qu’elle a perçu une indemnisation de 3 RFO comme indiqué sur le bulletin de paie du mois de mai 2011. Au regard du reliquat de RFO à hauteur de 11 jours mentionné sur le décompte de décembre 2011, il convient d’indemniser la salariée sur la base de 11 jours x
140,75 euros soit 1 548,25 euros.
Il ressort du décompte de décembre 2011 que Mme [L] a travaillé 214,50 heures de sorte qu’il n’y a pas lieu à indemnisation. Il n’apparaît pas de dépassement du forfait en jour sur les années suivantes sollicitées de 2012 à 2015.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient, par voie d’infirmation du jugement entrepris, de condamner la société à verser à la salariée la somme de 1 548,25 euros au titre de la rémunération des jours de récupération dont elle n’a pas pu bénéficier.
Sur l’indemnité compensatrice de RTT
Mme [L] indique que la société a décompté cinq RTT à ses cadres au cours des années 2009 à 2011, 2013 et 2014, en contradiction avec les dispositions du contrat de travail et de la convention collective.
Elle ajoute que la direction a reconnu son erreur en septembre 2012 et procédé à la régularisation sur les bulletins de paie d’octobre 2012 concernant les jours de RTT retirés à tort.
La société conclut au débouté au motif qu’en application de la loi du 30 juin 2004, la journée de solidarité est instituée par la suppression d’une journée de RTT pour les personnels soumis à un décompte en jours de la durée annuelle du travail effectif, et par l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2005 relatif au décompte de la durée annuelle du temps de travail.
En application de l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, en sa version en vigueur du 13 juillet 2004 au 16 décembre 2014, les cadres autonomes peuvent être soumis à la signature d’une convention individuelle de forfait en jour, le nombre de jours travaillé ne peut être supérieur à 217 jours par an.
Le contrat de travail de Mme [L] portant convention individuelle de forfait contient des dispositions spécifiques au titre de la journée de solidarité et prévoit que « Mme [L] s’engage à travailler 218 jours (jour de solidarité inclus) par an » sur l’année civile, et perçoit pour cela une rémunération forfaitaire.
Selon la loi du 30 juin 2004, la journée de solidarité est instituée par la suppression d’une journée de RTT pour les personnels soumis à un décompte en jours de la durée annuelle du travail effectif, ce qui est le cas pour Mme [L].
En réponse à la question posée par les délégués du personnel en septembre 2012, du retrait d’un jour de RTT aux cadres depuis 2008, l’employeur a indiqué que le forfait cadre était de 218 jours se composant de 217 jours plus un jour de solidarité, qu’il avait été effectivement constaté qu’un RTT avait été prélevé au titre de la journée de solidarité, et que cette reprise de RTT avait un sens lorsque la personne n’a pas fait 218 jours de travail. L’employeur ajoutait qu’une régularisation serait effectuée sur les bulletins de paie d’octobre 2012 concernant les jours de RTT retirés à tort.
La société a également indiqué à Mme [L] le 10 février 2016 qu’elle allait réintégrer la journée de RTT en 2015 et qu’elle ne la prélèverait plus pour les cadres au forfait dans les années à venir.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les salariés soumis au forfait en jours au sein de la société contribuent à la journée de solidarité au moyen de dispositions spécifiques du contrat prévoyant un jour de forfait supplémentaire qui lui est dédié.
En conséquence, la société ne contestant pas avoir prélevé un jour de RTT au titre de la journée de solidarité sur la période indiquée par Mme [L], alors que cette dernière était soumise à un forfait en jour de 217 + 1 jour de solidarité soit 218 jours de forfait, et qu’elle contribuait déjà à ce titre à la journée de solidarité, elle est fondée en sa demande de restitution sur la période visée, au regard des bulletins de salaire produits aux débats sur l’ensemble de la période.
Par voie d’infirmation du jugement entrepris, il sera donc alloué à Mme [L] la somme de
695,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de RTT, selon les montants suivants :
-134,61 euros en 2009
-138,44 euros en 2010
-140,75 euros en 2011, 2013 et 2014.
Sur la demande de rappel de salaire conventionnel
Mme [L] sollicite un rappel de salaire de 2 778,70 euros à titre de rappel de salaire de 2013 à 2015 au regard du minimum conventionnel outre congés payés afférents en considérant avoir perçu une rémunération mensuelle inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale, en violation des dispositions de l’article 13.2, en se fondant sur la rémunération mensuelle brute fixe lui ayant été versée.
L’employeur indique que la rémunération de la salariée est supérieure à la rémunération mensuelle moyenne susvisée en soulignant d’une part qu’autre titre de la rémunération doivent être intégrés non seulement le salaire mais également tous les avantages et accessoires de toute nature versés dont la rémunération variable et, d’autre part, qu’il doit être tenu compte des absences afin de proratiser le plafond considéré.
Selon l’article 13.2 de l’avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, en sa version en vigueur, la rémunération mensuelle moyenne sur l’année du cadre autonome ne peut être inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale.
En application de l’article L. 3221-3 du code du travail, « il faut entendre par rémunération non seulement le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum » mais aussi « tous les avantages et accessoires payés directement ou indirectement en espèces ou en nature par l’employeur en raison de l’emploi du salarié ».
La cour retient au visa de cet article que la rémunération mensuelle moyenne de Mme [L] doit être calculée au regard de la rémunération fixe et des primes qui ont été allouées par l’employeur, selon les montants suivants indiqués par la société :
-3 094,04 euros en 2013
-3 068,46 euros en 2014
-3 086,78 euros en 2015.
En revanche, il ne ressort pas de l’article 13.2 précité, ni d’aucune autre disposition justifié par l’employeur, que le plafond de la sécurité sociale doit être proratisé en tenant compte des absences du salarié sur l’année.
Au regard du montant du plafond de sécurité sociale pour l’année 2013 (3 086 euros), la demande de Mme [L] est infondée puisqu’elle touchait une rémunération supérieure à hauteur de
3 094,04 euros.
En revanche, sa demande de rappel de salaire est fondée au titre de l’année 2014 puisque le plafond de la sécurité sociale s’élevait à 3 123 euros et qu’elle a perçu 3 068,46 euros. Il doit donc lui être alloué le reliquat de 54,54 euros au titre de l’année 2014.
Elle est également fondée à obtenir un reliquat de 83,22 euros en 2015 (plafond de la sécurité sociale fixé à 3 170 euros – 3 086,78).
Il convient donc, par voie d’infirmation du jugement déféré, de condamner la société Flo Gestion à payer à Mme [L] la somme de 137,76 euros à titre de rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015, outre 13,77 euros de congés payés afférents.
Sur la garantie de points
Mme [L] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 193,61 euros au titre de la garantie minimale de points, ce que conteste la société.
Au soutien de sa demande, Mme [L] ne précise pas de quelle garantie de points il s’agit, ni les fondements réglementaires applicables. Elle indique seulement que la part salariale de 7,7 % auparavant prise en charge par la société Flo incombe à la salariée depuis le mois de mai 2013, alors qu’il avait été instauré un usage en 1989 au sein de l’entreprise de prise en charge de la part salariale par l’employeur, qui n’a pas été dénoncé.
La société indique pour sa part qu’en application de l’accord national interprofessionnel du 14 mars 1947 et à compter du 1er janvier 1989, tout salarié relevant du régime de retraite des cadres bénéficie de la garantie minimale de points, que depuis le 1er janvier 1997, sont accordés 120 points par an pour un taux de cotisation égal à 16 % soit 7,5 points pour 1 %, que la garantie minimale est répartie entre l’employeur et le salarié, et que pour l’année 2013, la cotisation GMP a été fixée à la somme de
795,12 euros soit une cotisation de 66,26 euros par mois répartie à hauteur de 41,13 euros à la charge de l’employeur et 25,13 euros à la charge du salarié.
La cour relève que la salariée ne démontre pas à l’appui de sa demande l’existence de l’usage au sein de l’entreprise dont elle sollicite l’application au titre de la garantie de points alléguée, de sorte qu’il convient de la débouter de sa demande à ce titre, par voie de confirmation du jugement entrepris.
Sur le harcèlement moral
Mme [L] demande des dommages-intérêts à hauteur de 25 000 euros au titre du harcèlement moral subi. Elle soutient que le comportement de la société Flo Gestion à son encontre a entraîné une très grave dégradation de son état de santé, sans alléguer d’éléments de faits précis à l’encontre de la société.
L’employeur conclut au débouté, en soulignant que la salariée ne rapporte pas la preuve d’agissements répétés à son encontre, qui auraient eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé. Il souligne d’une part avoir refusé de manière légitime les demandes injustifiées de la salariée au titre des rappels de salaire, des RTT et, d’autre part, que ces refus ressortent du pouvoir hiérarchique de l’employeur et ne s’apparentent pas à un harcèlement moral. Il ajoute que si la dégradation de la santé de la salariée est établie, il n’en est pas responsable, soulignant sur ce point que le simple fait de refuser les demandes de Mme [L] ne caractérise pas une situation de harcèlement.
L’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1, en sa version applicable au litige (du 1er mai 2008 au 10 août 2016) : « Lorsque survient un litige relatif à l’application des et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 mai 2022, sauf en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de RTT, de l’indemnisation des jours de récupération au titre du dépassement du forfait annuel, et de rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015, et au titre des dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
CONDAMNE la société Flo Gestion SNC à verser à Mme [L] les sommes de :
– 695,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de RTT,
– 1 548,25 euros au titre de la rémunération des jours de récupération au titre du dépassement du forfait annuel,
– 137,76 euros à titre de rappel de salaire au regard du minimum conventionnel pour les années 2014 et 2015, outre 13,77 euros de congés payés afférents,
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
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