Saisies et droits des débiteurs : enjeux de la preuve et de l’exécution forcée

·

·

Saisies et droits des débiteurs : enjeux de la preuve et de l’exécution forcée

L’Essentiel : Le 24 juillet 2024, une saisie-vente de biens meubles a été réalisée par Me [O] à la demande de M [P] [E] et Mme [V] [E], suite à une ordonnance d’injonction de payer. Le 5 novembre 2024, lors de l’audience, Mme [K] [J] a demandé l’annulation de cette saisie, mais M [P] [E] et Mme [V] [E] n’étaient pas présents. Le juge a constaté l’absence de documents justifiant le commandement de payer, entraînant la mainlevée de la saisie-vente. La demande de délai de grâce de Mme [K] [J] a été rejetée, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État.

Exposé du litige

Le 24 juillet 2024, Me [O], commissaire de justice à Cambrai, a procédé à une saisie-vente de biens meubles à la demande de M [P] [E] et Mme [V] [E], suite à une ordonnance d’injonction de payer rendue le 25 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Valenciennes. Cette saisie visait à recouvrer une somme de 14.241,07 euros. Par la suite, le 18 septembre 2024, M [P] [E] et Mme [V] [E] ont été assignés à comparaître devant le juge de l’exécution par Mme [K] [J]. Lors de l’audience du 5 novembre 2024, Mme [K] [J] a demandé l’annulation du procès-verbal de saisie-vente, la mainlevée de la saisie, et a contesté le montant de la créance, affirmant qu’elle était au RSA et sollicitant un moratoire.

Absence de comparution du défendeur

M [P] [E] et Mme [V] [E] n’ont pas comparu à l’audience. Selon l’article 472 du Code de procédure civile, le juge peut statuer sur le fond même en l’absence du défendeur, à condition que la demande soit régulière et fondée. Dans ce cas, les assignations étaient valides, permettant au juge de se prononcer malgré leur absence.

Demande relative à la saisie-vente

Le juge a constaté que, bien que Mme [K] [J] ne conteste pas l’existence de la créance, les documents justifiant le commandement de payer préalable à la saisie-vente n’avaient pas été fournis. En conséquence, le juge a décidé de prononcer la mainlevée de la saisie-vente, n’ayant pas les éléments nécessaires pour valider la mesure d’exécution forcée. Les demandes subsidiaires de Mme [K] [J] n’ont pas été examinées, étant donné que la demande principale a été accueillie.

Demande de délais de paiement

Concernant la demande de délai de grâce, le juge a noté que Mme [K] [J] avait produit une attestation de la CAF, mais n’a pas justifié sa situation financière ni proposé d’échéancier de paiement. Étant donné que la dette s’élevait à 13.576 euros, le juge a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder un délai de grâce, faute de preuves suffisantes de la capacité de Mme [K] [J] à rembourser sa dette dans un avenir proche.

Dépens et frais irrépétibles

En ce qui concerne les dépens, le juge a décidé que ceux-ci resteraient à la charge de l’État, en raison de l’aide juridictionnelle dont bénéficie Mme [K] [J].

Décision finale

Le juge de l’exécution a prononcé la mainlevée de la saisie-vente effectuée le 24 juillet 2024, a débouté Mme [K] [J] de sa demande de délai de grâce, et a laissé les dépens à la charge de l’État. Le jugement est exécutoire de plein droit.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure à suivre en cas d’absence de comparution du défendeur ?

En vertu de l’article 472 du Code de procédure civile, il est stipulé que :

« Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

Dans le cas présent, M [P] [E] et Mme [V] [E] ont été régulièrement assignés, ce qui permet au juge de statuer sur la demande, malgré leur absence.

Il est donc essentiel que le juge vérifie la régularité et la recevabilité de la demande avant de rendre sa décision.

Ainsi, même en l’absence des défendeurs, le juge peut examiner les éléments du dossier et rendre une décision appropriée.

Quelles sont les conditions de la saisie-vente selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution précise que :

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier. »

Dans cette affaire, bien que Mme [K] [J] ne conteste pas l’existence de la créance, il est important de noter que le titre exécutoire et le commandement préalable à la saisie-vente n’ont pas été produits.

Cela signifie que le juge de l’exécution ne peut pas contrôler la légitimité de la saisie, ce qui justifie la décision de prononcer la mainlevée de la saisie-vente.

Quelles sont les conditions pour obtenir un délai de grâce selon le Code civil ?

L’article 1343-5 du Code civil stipule que :

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ; par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. »

Dans le cas de Mme [K] [J], bien qu’elle ait produit une attestation de la CAF indiquant qu’elle perçoit le RSA, elle n’a pas justifié de sa situation financière de manière suffisante.

Elle n’a pas non plus proposé d’échéancier de paiement, ce qui aurait pu démontrer sa volonté de s’acquitter de sa dette.

Ainsi, le juge a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder un délai de grâce, compte tenu de l’absence de preuves concrètes de sa capacité à rembourser.

Comment sont répartis les dépens et les frais irrépétibles dans cette affaire ?

Les articles 696 et 700 du Code de procédure civile prévoient que :

« Les dépens restent à la charge de la partie qui les a engagés, sauf disposition contraire. »

Dans cette affaire, le juge a décidé que les dépens de l’instance resteraient à la charge de l’État, en raison de l’aide juridictionnelle dont bénéficie Mme [K] [J].

Cela signifie que, même si Mme [K] [J] a perdu son affaire, elle ne sera pas tenue de payer les frais de justice, ce qui est une protection importante pour les débiteurs en difficulté financière.

N° RG 24/02746 – N° Portalis DBZT-W-B7I-GNQO

Minute n°24/00111

AFFAIRE : [K] [J] / [P] [E], [V] [E]
Code NAC : 78F Nature particulière :0A

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VALENCIENNES

LE JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT DU 26 NOVEMBRE 2024

JUGE DE L’EXÉCUTION : Madame Agnès DEIANA, Juge,

GREFFIER : Madame Anne Sophie BIELITZKI

DEMANDERESSE

Mme [K] [J], née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4] ;
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/004454 du 19/08/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Valenciennes)

Représentée par Me Audrey BARTHOLOMEUS, avocat au barreau de VALENCIENNES, vestiaire : 40 ;

DÉFENDEURS

M. [P] [E], né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5];

Non comparant ni représenté ;

Mme [V] [E], née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5] ;

Non comparante ni représentée ;

Le juge de l’exécution après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 05 novembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement sera prononcé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit:

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 juillet 2024, Me [O], commissaires de justice à Cambrai, agissant à la requête de M [P] [E] et Mme [V] [E], en vertu d’une ordonnance d’injonction de payer rendue le 25 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Valenciennes à la signification au domicile Mme [K] [J], a dressé un procès-verbal de saisie-vente de biens meubles pour avoir paiement de la somme de 14.241,07 euros en principal, frais et intérêts.

Par acte de commissaire de justice en date du 18 septembre 2024, M [P] [E] et Mme [V] [E] ont été assignés à comparaître par Mme [K] [J] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes en l’audience du 5 novembre 2024 par acte signifié à personne.

À l’audience, Mme [K] [J], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance aux termes duquel elle demande au juge de l’exécution de prononcer la nullité du procès verbal de saisie vente, à titre subsidiaire d’en ordonner la mainlevée et déclarer les biens saisis insaisissables et à titre encore plus subsidiaire de cantonner la créance à la somme de 13576 €, d’expurger du décompte les frais et lui accorder un délai de grâce de deux ans.
Elle demande enfin que les époux [E] soient condamnés aux dépens.

Elle fait valoir qu’il appartient à Mme [V] [E] et M [P] [E] de justifier du commandement de payer préalable à la saisie; que les meubles saisis ne lui appartiennent pas et sont insaisissables pour être nécessaires pour y ranger ses effets personnels.
Elle conteste le décompte de la dette en indiquant que l’ordonnance d’injonction de payer l’a condamné à la somme de 13576 € et non 14102 € en principal.
Elle expose être au RSA et avoir récemment signé un contrat d’engagement avec France Travail de sorte qu’elle ne peut proposer d’échéancier mais sollicite un moratoire.

M [P] [E] et Mme [V] [E] n’ont pas comparu ni personne pour eux.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 26 novembre 2024.

MOTIVATION

Sur l’absence de comparution du défendeur :

En application de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ;

En l’espèce, M [P] [E] et Mme [V] [E] ont été régulièrement assignés de sorte qu’il sera statué en dépit de leur absence.

Sur la demande relative à la saisie vente :

Aux termes de l’article L221-1 du code des procédures civiles d’exécution  » tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier.  »

En l’espèce, si Mme [K] [J] ne conteste pas l’existence de la créance ni celle du titre exécutoire, force est que le titre exécutoire ainsi que le commandement préalable à toute saisie vente ne sont pas produits.

Le juge de l’exécution n’étant pas en mesure de contrôler le bien fondé de la mesure d’exécution forcée, il convient d’en prononcer la mainlevée.

La demande principale ayant été accueilli, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires.

Sur la demande de délais de paiement :

En vertu de l’article 1343-5 du Code Civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ; par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital ; il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ; la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge ; toute stipulation contraire est réputée non écrite ; les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment ;

En l’espèce, Mme [K] [J] produit une attestation CAF du mois de septembre 2022 selon laquelle elle a perçu une allocation logement, le RSA et une prime d’activité. Elle allègue sans en justifier qu’elle perçoit le RSA et n’a pas actualisé ses ressources. Elle n’indique pas non plus si elle supporte des charges et ne propose aucun échéancier de paiement aussi modique soit il pour manifester une volonté de s’acquitter de sa dette, ni qu’elle sera en mesure dans deux ans de s’acquitter de celle ci, étant précisé que la dette s’élève à minima à la somme de 13576 € hors frais d’exécution légitimes qui sont à sa charge.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’accorder un délai de grâce.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile ;

En l’espèce, il y a lieu de dire que les dépens resteront à la charge de l’état compte tenu de la décision d’aide juridictionnelle dont bénéfice Mme [K] [J].

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort :

Le dit jugement étant exécutoire de plein droit en vertu de l’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 504 du code de procédure civile ;

ORDONNE la mainlevée de la saisie-vente pratiquée dont procès verbal a été dressé le 24 juillet 2024 par Maître [O] ;

DÉBOUTE Mme [K] [J] de sa demande de délai de grâce ;

LAISSE les dépens de l’instance à la charge de l’Etat.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon