L’Essentiel : La SAS BBL CARGO a obtenu une saisie conservatoire sur les comptes de la SAS QUIETUDE, mais cette dernière a contesté la créance, arguant d’une inexécution contractuelle. Lors de l’audience, la SAS QUIETUDE a demandé la mainlevée de la saisie, soutenant qu’il n’y avait pas de péril pour le recouvrement. Le juge a finalement ordonné la mainlevée, concluant que la SAS BBL CARGO ne pouvait prouver un risque pour sa créance. De plus, la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie a été rejetée, la SAS BBL CARGO étant condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à la SAS QUIETUDE.
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Contexte de l’affaireLa SAS BBL CARGO a obtenu une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 3 août 2023, lui permettant de procéder à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la SAS QUIETUDE. Cette saisie a été effectuée par acte du 5 septembre 2023 et dénoncée le 11 septembre 2023. Demande de mainlevéeEn réponse, la SAS QUIETUDE.io a assigné la SAS BBL CARGO le 19 février 2024 pour obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire. Lors de l’audience du 26 novembre 2024, la SAS QUIETUDE a demandé la rétractation de l’ordonnance du 3 août 2023, la mainlevée de la saisie, ainsi que des dommages et intérêts. Arguments de la SAS QUIETUDELa SAS QUIETUDE a contesté la créance de la SAS BBL CARGO, arguant que celle-ci était sérieusement contestable en raison d’une prétendue inexécution contractuelle. Elle a également souligné qu’il n’y avait pas de péril pour le recouvrement de la créance, puisque la SAS BBL CARGO avait déjà exercé son droit de rétention sur les marchandises, garantissant ainsi le paiement des sommes réclamées. Réponse de la SAS BBL CARGODe son côté, la SAS BBL CARGO a rejeté les demandes de la SAS QUIETUDE, affirmant disposer d’une créance fondée et que les mises en demeure adressées à la SAS QUIETUDE n’avaient pas été répondues. Elle a également mis en avant la situation financière fragile de la SAS QUIETUDE pour justifier la saisie conservatoire. Décision du jugeLe juge a examiné les conditions de la saisie conservatoire, concluant que la SAS BBL CARGO ne pouvait pas prouver l’existence d’un péril pour le recouvrement de sa créance. En conséquence, la mainlevée de la saisie conservatoire a été ordonnée. Sur l’abus de saisieConcernant la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie, le juge a noté que la SAS QUIETUDE n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir le préjudice subi, entraînant le rejet de cette demande. Condamnations et fraisLa SAS BBL CARGO, partie perdante, a été condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à la SAS QUIETUDE au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour pratiquer une saisie conservatoire selon l’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution ?L’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. » Ainsi, deux conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’une saisie conservatoire soit autorisée : 1. **Existence d’une créance apparente** : La créance doit être vraisemblable, et son montant peut être fixé de manière provisoire. 2. **Menace sur le recouvrement** : Cette menace peut découler de la situation objective du débiteur ou de l’appréciation des conséquences subjectives de son comportement. La charge de la preuve de ces conditions incombe à la partie qui se prévaut de la qualité de créancier. Dans l’affaire en question, la SAS BBL CARGO a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire pour recouvrer une créance de 123.191,55 euros. Elle a exercé son droit de rétention sur des marchandises, mais la SAS QUIETUDE a contesté l’existence d’un péril pour le recouvrement de la créance, ce qui a conduit à la mainlevée de la saisie conservatoire. Quelles sont les conséquences d’une saisie abusive selon l’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution ?L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose : « Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. » Le caractère abusif d’une saisie peut être établi par : – **Le caractère disproportionné de la saisie** : Cela peut se vérifier en comparant le montant de la créance avec l’ampleur de la saisie. – **L’existence d’autres sûretés** : Si le créancier dispose déjà d’autres garanties pour le recouvrement de sa créance, la saisie peut être considérée comme abusive. Dans le cas présent, la SAS QUIETUDE a soutenu avoir subi un préjudice en raison du blocage de sa trésorerie, mais n’a pas produit de preuves suffisantes pour établir ce préjudice. De plus, elle n’a pas démontré qu’elle n’avait pas d’autres comptes bancaires pour poursuivre son activité. Par conséquent, la demande de dommages-intérêts a été rejetée. Comment se prononce le juge sur les dépens et les frais selon les articles 696 et 700 du Code de procédure civile ?L’article 696 du Code de procédure civile précise : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. » De plus, l’article 700 du même code indique : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » Dans cette affaire, la SAS BBL CARGO, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à la SAS QUIETUDE sur le fondement de l’article 700. Cette décision a été prise en tenant compte des circonstances de l’affaire et de la situation économique des parties. |
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 07 Janvier 2025
DOSSIER N° RG 24/01532 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YX3Q
Minute n° 25/ 01
DEMANDEUR
S.A.S. QUIETUDE.io, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 822 580 932, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Lucie LAFUENTE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Hervé CASSEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEUR
S.A.S. BBL CARGO, immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 312 010 820, prise en la personne de sa Présidente, la société BBL INVEST
dont le siège social est [Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Maître Luc-Christophe DEJEAN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maîtres Alexis CHABERT et Anne-Flore CASSASSOLLES de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de LYON, avocats plaidants
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 26 Novembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 07 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 07 janvier 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
Se prévalant d’une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux rendue le 3 août 2023, la SAS BBL CARGO a fait diligenter sur les comptes bancaires de la SAS QUIETUDE une saisie conservatoire par acte du 5 septembre 2023. Cet acte a été dénoncé par acte du 11 septembre 2023.
Par acte de commissaire de justice signifié le 19 février 2024, la SAS QUIETUDE.io a fait assigner la SAS BBL CARGO afin de voir ordonnée la mainlevée de la mesure conservatoire.
A l’audience du 26 novembre 2024 et dans ses dernières conclusions, la SAS QUIETUDE.io sollicite, au visa des articles L511-1 et L512-1 du Code des procédures civiles d’exécution la rétractation de l’ordonnance rendue le 3 août 2023 et la mainlevée de la mesure de saisie conservatoire outre la condamnation de la défenderesse aux dépens et à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts et 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SAS QUIETUDE fait valoir que la créance alléguée par la SAS BBL CARGO est sérieusement contestable au regard de l’inexécution contractuelle qui peut lui être reprochée et du fait qu’elle a faussement affirmé dans sa requête qu’elle était restée taisante alors que des échanges entre les parties puis entre les conseils ont eu lieu pour contester la créance réclamée. Elle conteste par ailleurs tout péril pour le recouvrement de la créance, soulignant que la SAS BBL CARGO a exercé son droit de rétention sur les marchandises qu’elle devait reconditionner avant même de solliciter l’autorisation de pratiquer la saisie conservatoire et dispose ainsi déjà d’une sûreté garantissant le paiement des sommes réclamées. Elle soutient avoir subi un préjudice du fait du blocage de sa trésorerie.
A l’audience du 26 novembre 2024 et dans ses dernières écritures, la SAS BBL CARGO conclut au rejet de toutes les demandes, à la confirmation de l’ordonnance et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse soutient qu’elle dispose bien d’une créance fondée en son principe, l’expertise amiable réalisée entre les parties établissant la responsabilité du fournisseur des marchandises dont le reconditionnement lui a été confié et non sa propre responsabilité. Elle indique que les mises en demeure qu’elle a adressé ensuite à la société QUIETUDE n’ont pas reçu de réponse. S’agissant du péril pour le recouvrement de la créance, elle souligne que la SAS QUIETUDE a une note faible auprès de Crédit Safe et n’a pas publié ses comptes en 2021. Elle indique que si elle a bien exercé son droit de rétention, rien n’établit qu’elle pourra revendre la marchandise ainsi appréhendée, soulignant que la demande d’indemnisation au vu de la menace invoquée par la société QUIETUDE sur sa trésorerie souligne la fragilité de sa situation financière.
L’affaire a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.
Sur les demandes principales
– Sur la saisie conservatoire
L’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. »
Deux conditions cumulatives sont donc imposées par ce texte pour la prise d’une mesure conservatoire : l’existence d’une apparence de créance et une menace sur son recouvrement.
Il est constant qu’une apparence de créance est suffisante et que celle-ci doit seulement être vraisemblable et son montant peut être fixé de façon provisoire. La menace pour le recouvrement de la créance peut quant à elle être fondée sur la situation objective du débiteur ou résulter d’une appréciation des conséquences subjectives de son attitude.
La charge de la preuve de la réunion de ces conditions repose sur la partie se prévalant de la qualité de créancier.
En l’espèce, la SAS BBL CARGO a été autorisée par l’ordonnance du 3 août 2023 à pratiquer une saisie conservatoire pour recouvrir une créance de 123.191,55 euros.
Elle ne conteste pas avoir exercé son droit de rétention sur la marchandise qu’elle était chargée de reconditionner, attestée par un courrier adressé à la société QUIETUDE le 19 juin 2023, cette rétention concernant 593 palettes de sacs granulés et 10 big bags.
La SAS BBL CARGO indique qu’elle n’est pas certaine de pouvoir revendre ces marchandises pour recouvrer sa créance mais elle ne produit aucun élément d’appréciation quant à la valeur de celles-ci ou la moins-value dont elles pourraient être affectées du fait des difficultés de conditionnement affectant ces palettes. Elle ne conteste pas davantage l’évaluation proposée par la SAS QUIETUDE et établie par les pièces 21 à 24 versées aux débats, permettant de fixer à la somme de 215.259 euros la valeur globale des marchandises retenues.
Dès lors, la SAS BBL CARGO dispose, du fait de l’exercice de son droit de rétention, d’une sureté suffisante à couvrir le montant de la créance qu’elle allègue et qui sera arbitré par la juridiction du fond. Les moyens relatifs à la santé financière fragile de la SAS QUIETUDE sont par conséquent inopérants à établir l’existence d’un péril pour le recouvrement de la créance qui n’est pas constitué.
En l’absence de preuve d’un péril pour le recouvrement de la créance dont la SAS BBL CARGO se prévaut, la mainlevée de la saisie conservatoire opérée sur les comptes bancaires de la SAS QUIETUDE sera par conséquent ordonnée.
– Sur l’abus de saisie
L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie. »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.
La SAS QUIETUDE indique avoir subi un préjudice résultant du blocage de sa trésorerie mais elle ne produit aucune pièce aux débats de nature à l’établir, pas plus qu’elle ne justifie de l’absence de détention d’autres comptes bancaires lui ayant permis de poursuivre son activité et de payer ses charges, alors que la saisie a été pratiquée il y a plus d’une année.
Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
La SAS BBL CARGO, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à la diligence de la SAS BBL CARGO sur les comptes bancaires détenus par la SAS QUIETUDE auprès de la banque CIC OUEST AGENCE SARTHE ENTREPRISE et de la banque CIC AG [Localité 4] par acte du 5 septembre 2023, dénoncé par acte du 11 septembre 2023 ;
DEBOUTE la SAS QUIETUDE de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la SAS BBL CARGO à payer à la SAS QUIETUDE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS BBL CARGO aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,
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