Saisies abusives et exigibilité des créances : enjeux de preuve et conséquences financières.

·

·

Saisies abusives et exigibilité des créances : enjeux de preuve et conséquences financières.

L’Essentiel : Madame [S] [E] a engagé une saisie-attribution sur les comptes de Monsieur [V] [G] suite à un jugement du 24 novembre 2020. Cette saisie, d’un montant de 3.460,69 euros, a été dénoncée le 5 juin 2024. En réponse, Monsieur [G] a demandé la mainlevée de la saisie, arguant qu’il n’avait pas reçu les justificatifs nécessaires. Le juge a jugé la contestation recevable et a ordonné la mainlevée, déclarant la créance de Madame [E] non exigible. Il a également reconnu le caractère abusif de la saisie, condamnant Madame [E] à verser 500 euros de dommages et intérêts à Monsieur [G].

Contexte de la Saisie-Attribution

Madame [S] [E] a initié une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] en se basant sur un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux daté du 24 novembre 2020. Cette saisie, effectuée le 31 mai 2024, concernait un montant de 3.460,69 euros et a été dénoncée le 5 juin 2024.

Procédure Judiciaire

En réponse à cette saisie, Monsieur [G] a assigné Madame [E] devant le juge de l’exécution le 1er juillet 2024, demandant la mainlevée de la saisie. Lors de l’audience du 15 octobre 2024, il a également demandé que les frais de saisie soient à la charge de Madame [E], ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de cette saisie qu’il qualifie d’abusive.

Arguments des Parties

Monsieur [G] a soutenu que le jugement de 2020 stipule un partage des frais, conditionné à la présentation de justificatifs, qu’il n’a pas reçus. Il a contesté l’exigibilité des sommes réclamées par Madame [E]. De son côté, Madame [E] a contesté le caractère abusif de la saisie lors de l’audience.

Recevabilité de la Contestation

Le juge a examiné la recevabilité de la contestation de Monsieur [G], notant que celle-ci avait été faite dans les délais légaux. Il a confirmé que la contestation était recevable, car elle avait été notifiée à l’huissier le jour même de l’assignation.

Décision sur la Mainlevée

Le juge a statué que la créance de Madame [E] n’était pas exigible en l’absence de justificatifs. Par conséquent, il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution, précisant que les frais de cette mesure seraient à la charge de Madame [E].

Caractère Abusif de la Saisie

Le juge a également constaté que la saisie-attribution était abusive, en raison de l’absence de justificatifs et du contexte conflictuel entre les parties. Il a condamné Madame [E] à verser 500 euros de dommages et intérêts à Monsieur [G] pour le préjudice subi.

Condamnations et Dépens

En vertu des dispositions légales, Madame [E] a été condamnée à payer les dépens et une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution

La recevabilité de la contestation de la saisie-attribution est régie par les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution.

L’article L211-4 stipule :

 » Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.

En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.

Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent.  »

De plus, l’article R211-11 précise :

 » A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.

Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.

L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.  »

Dans cette affaire, Monsieur [G] a contesté la saisie-attribution par une assignation délivrée le 1er juillet 2024, alors que la dénonciation de la saisie a eu lieu le 5 juin 2024.

La contestation était donc recevable jusqu’au 6 juillet 2024.

Monsieur [G] a justifié l’envoi du courrier recommandé à l’huissier le 1er juillet 2024, ce qui confirme la recevabilité de sa contestation.

Sur la mainlevée de la saisie-attribution

La mainlevée de la saisie-attribution est régie par l’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, qui dispose :

 » Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.  »

Dans le cas présent, le jugement du 24 novembre 2020 stipule que :

 » Les frais de scolarité, frais extra-scolaires, les frais médicaux et paramédicaux restant en charge seront partagés par moitié et en tant que de besoin, condamne celui des parents qui ne les aura pas exposés à rembourser l’autre parent sans délai de la part qu’il doit assumer sur présentation des justificatifs.  »

Ainsi, le caractère exigible de la créance dépend de la fourniture de justificatifs.

Or, le procès-verbal de saisie-attribution ne présente aucun justificatif des frais prétendument exposés par Madame [E].

Les sommes réclamées ne sont donc pas exigibles, justifiant ainsi la mainlevée de la saisie-attribution.

Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :

 » Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.  »

Le caractère abusif d’une saisie peut être établi par son caractère disproportionné par rapport à la créance ou par l’existence d’autres sûretés.

Dans cette affaire, Madame [E] était présente à l’audience et connaissait les obligations de présentation de justificatifs.

Elle n’a pas démontré avoir tenté de recouvrer les frais de manière amiable.

La saisie-attribution apparaît donc comme vexatoire, dans un contexte conflictuel, établissant son caractère abusif.

Cela justifie la condamnation de Madame [E] à verser 500 euros de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que :

 » La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.  »

De plus, l’article 700 du même code précise :

 » Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  »

Étant donné que Madame [E] est la partie perdante, elle sera condamnée aux dépens et à verser 500 euros sur le fondement de l’article 700.

La décision est exécutoire de droit à titre provisoire conformément à l’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 26 Novembre 2024

DOSSIER N° RG 24/07581 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZI4O
Minute n° 24/ 446

DEMANDEUR

Monsieur [V], [I] [G]
né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]

représenté par Maître Amélie MORIN, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [S] [E]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]

comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 15 Octobre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 26 Novembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 26 novembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 24 novembre 2020, Madame [S] [E] a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 pour une somme de 3.460,69 euros.

Par acte de commissaire de justice en date du 1er juillet 2024, Monsieur [G] a fait assigner Madame [E] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 15 octobre 2024, le demandeur sollicite la mainlevée de la saisie, que les frais de saisie restent à la charge de la défenderesse ainsi que la condamnation de cette dernière aux dépens et à lui verser la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts outre 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, le demandeur fait valoir que la décision du 24 novembre 2020 prévoit un partage des frais de scolarité, extra-scolaires et médicaux ainsi que la possibilité de condamner celui des parents ayant exposé moins de frais sur présentation des justificatifs. Il indique n’avoir reçu aucun justificatif fondant les sommes réclamées contestant ainsi leur exigibilité. Il fait valoir que cette saisie abusive lui a occasionné un préjudice dans un contexte très conflictuel entre les parties.

A l’audience du 15 octobre 2024, Madame [E] a comparu en personne et a indiqué contester le caractère abusif de la saisie.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent :  » Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent.  »
 » A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.  »
L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui :  » A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple.  »

Monsieur [G] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 1er juillet 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 31 mai 2024 avec une dénonciation effectuée le 5 juin 2024. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 6 juillet 2024.

Il justifie de l’envoi du courrier recommandé faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution en date du 1er juillet 2024.

Il doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution.

– Sur la mainlevée de la saisie-attribution

L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
 » Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.  »

En l’espèce, le dispositif du jugement du 24 novembre 2020 prévoit notamment :  » Dit que les frais de scolarité, frais extra-scolaires, les frais médicaux et paramédicaux restant en charge seront partagés par moitié et en tant que de besoin, condamne celui des parents qui ne les aura pas exposés à rembourser l’autre parent sans délai de la part qu’il doit assumer sur présentation des justificatifs.  »

Le caractère exigible de la créance est donc conditionné à la fourniture de justificatifs démontrant que le parent ayant exposé les frais litigieux a plus contribué que l’autre. En l’espèce, le procès-verbal de saisie-attribution en date du 31 mai 2024, porte mention de divers frais que Madame [E] aurait acquitté mais il n’est assorti d’aucun justificatif.

Les sommes ainsi réclamées ne sont dès lors pas exigibles et la mainlevée de la saisie-attribution doit être ordonnée. Les frais résultant de cette mesure seront supportés par Madame [E].

– Sur l’abus de saisie

L’article L121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
 » Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.  »
Le caractère abusif peut résulter du caractère disproportionné de la saisie pratiquée notamment au regard du montant de la créance ou de l’existence d’autre sûreté au profit du créancier.

En l’espèce, Madame [E] qui était présente à l’audience devant le juge aux affaires familiales n’ignorait rien du dispositif de la décision du 24 novembre 2020 et de l’obligation de présenter des justificatifs pour obtenir le remboursement des frais qu’elle prétendait avoir exposé. Elle ne justifie pas avoir tenté de recouvrer ceux-ci de façon amiable. La saisie-attribution a donc été pratiquée de façon vexatoire dans le cadre d’un contexte extrêmement conflictuel entre les parties.

Ce détournement de l’usage d’une voie d’exécution totalement infondé établit le caractère abusif de la saisie-attribution litigieuse et justifie sa condamnation au paiement d’une somme de 500 euros de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Madame [E], partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024, recevable ;
ORDONNE la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 ;
DIT que les frais inhérents à la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Monsieur [V] [G] à la diligence de Madame [S] [E] par acte en date du 31 mai 2024, dénoncée par acte du 5 juin 2024 seront supportés par Madame [S] [E] ;
CONDAMNE Madame [S] [E] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 500 euros de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Madame [S] [E] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [S] [E] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon