L’Essentiel : Les poursuites en contrefaçon issues des saisies douanières doivent respecter des conditions strictes, faute de quoi la procédure est nulle. Ces conditions incluent une demande d’intervention écrite du propriétaire de la marque, une information rapide au procureur de la République, et la saisine d’une juridiction dans les dix jours suivant la notification de la retenue. En l’espèce, ces exigences n’ont pas été respectées, entraînant la nullité des saisies et des actes subséquents. La cour a ainsi confirmé que toute poursuite fondée sur des actes illégaux ne peut prospérer, validant la décision de nullité.
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Poursuites en contrefaçon après saisie douanièreLes poursuites en contrefaçon qui prennent source dans les procès-verbaux dressés des douanes sur le fondement de retenues opérées par application de l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, doivent respecter des conditions précises sous peine de nullité de l’intégralité de la procédure. Les trois conditionsCes conditions sont les suivantes : i) une demande préalable d’intervention écrite du propriétaire de la marque ; ii) l’information sans délai du procureur de la République de la retenue effectuée, et iii) la saisine soit d’une juridiction civile en vue d’une mesure conservatoire, soit d’une juridiction pénale, dans les dix jours de la notification de la retenue. Nullité de tous les actes subséquentsLes nullités encourues entraînent la nullité de tous les actes subséquents, et donc des procès-verbaux relatifs aux prélèvements d’échantillons et saisies des marchandises retenues. En la cause, d’une part, les prescriptions de l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement duquel les retenues douanières ont été pratiquées, relatives à la demande d’intervention préalable du propriétaire de la marque et au délai d’information du ministère public, n’ont pas été respectées, d’autre part, les saisies des marchandises, dès lors qu’elles ont été effectuées pendant la durée des retenues irrégulières, trouvaient leur support nécessaire dans celles-ci. La juridiction a retenu la nullité de toute la procédure. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant : N° N 21-81.262 F-D N° 01053 MAS2 7 SEPTEMBRE 2022 REJET Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président, ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 SEPTEMBRE 2022 La [3], partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-12, en date du 18 janvier 2021, qui a débouté l’administration des douanes de ses demandes après relaxe de MM. [J] [P] et [F] [B] des chefs d’importation sans déclaration de marchandises prohibées et d’importation, détention et offre à la vente ou vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante. Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la [3], les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de MM. [J] [P] et [F] [B], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l’audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Les agents de la [3] ([3]) ont procédé à des contrôles dans les locaux de la société [4], à [Localité 1] (93) et [Localité 6] (93), dans lesquels ils ont découvert des articles textiles paraissant constituer des contrefaçons. Les agents des douanes de la [2] ([2]) de [Localité 5] ont par ailleurs contrôlé, à [Localité 7] (77), un ensemble routier dont le chargement, destiné à la société [4], comprenait également des articles paraissant contrefaits. 3. Les marchandises en question, pour lesquelles la société [4] n’a pas pu produire de justificatif de détention régulière, ont été placées en retenue douanière sur le fondement de l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle. 4. Dans le délai de dix jours ouvrables à compter de la notification de ces trois mesures de retenue douanière au détenteur des marchandises, prévu par l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, les services des douanes ont procédé à la saisie des marchandises litigieuses sur le fondement de l’article 323 du code des douanes, après avoir notifié à la société [4] le délit douanier de détention irrégulière de marchandises de contrefaçon, réputé importation en contrebande de marchandises soumises à justificatifs d’origine. 5. La société [4] et ses deux dirigeants, MM. [J] [P] et [F] [B], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Bobigny des chefs d’importation sans déclaration de marchandises prohibées, et d’importation, détention et offre à la vente ou vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante. 6. Par jugement du 9 novembre 2018, le tribunal correctionnel a constaté l’extinction de l’action publique à l’encontre de la société [4], en raison de la liquidation de cette dernière, a relaxé MM. [P] et [B], et a débouté la [3] ainsi que deux parties civiles de leurs demandes. 7. La [3] a fait appel des dispositions douanières du jugement à l’encontre de MM. [P] et [B], et le ministère public a fait appel des dispositions pénales à l’encontre de ceux-ci. Examen de la recevabilité du pourvoi 8. L’administration des douanes a exercé l’action douanière par l’intervention de son représentant devant le tribunal correctionnel. Elle a fait appel des dispositions douanières du jugement, et a été spécialement autorisée par le procureur général à exercer l’action pour l’application des sanctions fiscales devant la cour d’appel de Paris dans la présente affaire, conformément aux dispositions de l’article 343, 3, du code des douanes. Son appel a été déclaré recevable par la cour d’appel, qui a prononcé sur ses demandes. 9. Son pourvoi est par conséquent recevable. Examen du moyen Énoncé du moyen 10. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a fait droit aux exceptions de nullité soulevées par MM. [P] et [B] tirées du défaut de respect des formalités prescrites par l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle en cas de retenue douanière, a prononcé la nullité des procès-verbaux de la [3] n° 425, 427, 428, 431, 432 et 453 et des actes subséquents, a relaxé MM. [P] et [B] des faits qui leur étaient reprochés et a débouté la [3] de ses demandes, alors « qu’en considérant que l’administration des douanes n’aurait pu procéder à la saisie des articles textiles litigieux contrefaisant des marques déposées, aux motifs que la retenue douanière préalable de ces marchandises aurait été irrégulière faute de demande préalable d’intervention des titulaires des marques en cause, d’information sans délai du procureur de la République de la retenue douanière effectuée et de saisine, par les titulaires des marques litigieuses, d’une juridiction civile ou pénale dans les dix jours de la notification de la retenue, ce dont il résulterait que cette mesure de retenue douanière, manifestement illégale, aurait dû être levée de plein droit, que la saisie subséquente des marchandises ainsi retenues n’aurait pu être réalisée et que les deux prévenus n’auraient pu être poursuivis du chef du délit douanier d’importation sans déclaration de marchandises prohibées, quand la saisie des articles textiles litigieux pouvait être réalisée, comme en l’espèce, sur le seul fondement de la constatation par les agents douaniers d’une infraction douanière d’importation sans déclaration de marchandises contrefaisantes, peu important que les articles en cause aient été préalablement retenus, de sorte que l’irrégularité prétendue de la retenue douanière préalable des marchandises n’était d’aucune incidence sur la régularité de la saisie opérée et des poursuites douanières engagées à l’encontre des deux prévenus, la cour d’appel a violé les articles 323 du code des douanes et L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 11. Pour prononcer la nullité des mesures de saisies douanières ainsi que des actes subséquents, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que les poursuites prenaient source dans les procès-verbaux dressés sur le fondement de retenues opérées par application de l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, et que les conditions posées par ce texte, à savoir l’existence d’une demande préalable d’intervention écrite du propriétaire d’une marque, l’information sans délai du procureur de la République de la retenue effectuée, et la saisine soit d’une juridiction civile en vue d’une mesure conservatoire, soit d’une juridiction pénale, dans les dix jours de la notification de la retenue, n’ont pas été respectées. 12. Les juges ajoutent que la règle selon laquelle une poursuite fondée à l’origine sur des actes manifestement illégaux ne peut valablement prospérer, est applicable en droit douanier de la contrefaçon. 13. La cour d’appel conclut que ces nullités entraînent la nullité de tous les actes subséquents, et donc des procès-verbaux relatifs aux prélèvements d’échantillons et saisies des marchandises retenues. 14. En l’état de ces énonciations, d’où il résulte que, d’une part, les prescriptions de l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle, sur le fondement duquel les retenues douanières ont été pratiquées, relatives à la demande d’intervention préalable du propriétaire de la marque et au délai d’information du ministère public, n’ont pas été respectées, d’autre part, les saisies des marchandises, dès lors qu’elles ont été effectuées pendant la durée des retenues irrégulières, trouvaient leur support nécessaire dans celles-ci, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen. 15. Dès lors, le moyen doit être écarté. 16. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille vingt-deux. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions nécessaires pour engager des poursuites en contrefaçon après une saisie douanière ?Les poursuites en contrefaçon qui découlent de saisies douanières doivent respecter trois conditions essentielles pour être valides. Premièrement, il est impératif qu’une demande préalable d’intervention écrite soit formulée par le propriétaire de la marque concernée. Cette demande est cruciale car elle établit l’intention du titulaire de la marque de protéger ses droits. Deuxièmement, le procureur de la République doit être informé sans délai de la retenue effectuée par les douanes. Cette notification rapide est essentielle pour garantir que les autorités judiciaires soient au courant des actions entreprises et puissent intervenir si nécessaire. Enfin, la dernière condition stipule que la saisine d’une juridiction civile ou pénale doit intervenir dans les dix jours suivant la notification de la retenue. Cette exigence temporelle vise à assurer une réponse rapide et efficace aux infractions présumées. Quelles sont les conséquences d’un non-respect des conditions de saisie douanière ?Le non-respect des conditions énoncées dans l’article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle entraîne des conséquences graves. En effet, toute irrégularité dans la procédure de saisie peut conduire à la nullité de tous les actes subséquents. Cela signifie que les procès-verbaux relatifs aux prélèvements d’échantillons et aux saisies des marchandises retenues deviennent également nuls. Par conséquent, si les conditions de demande d’intervention, d’information du procureur et de saisine d’une juridiction ne sont pas respectées, cela peut annuler l’ensemble de la procédure. Dans le cas examiné, les juges ont constaté que les prescriptions légales n’avaient pas été respectées, ce qui a conduit à la nullité de la procédure. Cela souligne l’importance de suivre scrupuleusement les étapes légales pour éviter des conséquences juridiques défavorables. Quel a été le jugement de la Cour de cassation dans cette affaire ?La Cour de cassation a rendu un arrêt le 7 septembre 2022, rejetant le pourvoi formé par l’administration des douanes. Dans son jugement, la Cour a confirmé que les conditions posées par l’article L. 716-8 n’avaient pas été respectées, ce qui a entraîné la nullité des mesures de saisie douanières et des actes subséquents. Elle a également souligné que les poursuites fondées sur des actes manifestement illégaux ne peuvent pas prospérer. En conséquence, la Cour a validé la décision de la cour d’appel qui avait prononcé la nullité des procès-verbaux et relaxé les prévenus des faits qui leur étaient reprochés. Ainsi, la Cour de cassation a réaffirmé l’importance du respect des procédures légales dans les affaires de contrefaçon, en insistant sur le fait que toute irrégularité peut avoir des répercussions significatives sur la validité des poursuites. |
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