Saisie conservatoire et conditions de recouvrement : enjeux et conséquences financières

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Saisie conservatoire et conditions de recouvrement : enjeux et conséquences financières

L’Essentiel : La SCI STEGUINOISY a conclu un bail commercial avec la S.A.S GROUPE JLV, mais des loyers impayés ont conduit à une saisie-conservatoire de 19.031,06 euros. En réponse, la S.A.S GROUPE JLV a demandé la mainlevée de cette saisie, contestant la validité du bail. Le juge a jugé la créance fondée, notant que la société occupait les locaux sans contester le bail. Bien que la S.A.S GROUPE JLV ait des liquidités suffisantes, elle a reçu 800 euros de dommages-intérêts pour l’immobilisation des fonds. La SCI a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à la S.A.S GROUPE JLV.

Exposé du litige

La SCI STEGUINOISY a conclu un bail commercial avec la S.A.S GROUPE JLV le 13 février 2024, pour des locaux situés à [Localité 7], avec un loyer annuel de 42.840 euros TTC, des charges de 9.180 euros HT et des impôts de 9.900 euros HT. En raison de loyers et charges impayés pour les deux premiers trimestres de 2024, la SCI STEGUINOISY a pratiqué une saisie-conservatoire de 19.031,06 euros le 16 juillet 2024. En réponse, la S.A.S GROUPE JLV a assigné la SCI STEGUINOISY devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la mainlevée de cette saisie, des dommages-intérêts et le remboursement des frais de justice.

Demande de mainlevée de la saisie conservatoire

La demande de mainlevée repose sur l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui permet à un créancier de saisir sans autorisation préalable si sa créance est fondée et si des circonstances menacent son recouvrement. La S.A.S GROUPE JLV conteste la validité du bail, arguant que la personne ayant signé au nom de la société n’était pas habilitée. Cependant, la SCI STEGUINOISY a démontré que cette personne avait déjà signé un avenant au bail précédent, ce qui légitimait sa croyance en son habilitation.

Créance paraissant fondée

La créance de 19.031,06 euros pour loyers impayés est considérée comme fondée, car la S.A.S GROUPE JLV occupe les locaux et n’a pas contesté le fait que le bail était en vigueur. De plus, la SCI STEGUINOISY a prouvé que les deux baux concernaient les mêmes locaux, malgré des désignations différentes.

Menace de recouvrement

Le juge a évalué le risque de non-recouvrement de la créance, notant que la S.A.S GROUPE JLV avait des liquidités suffisantes pour couvrir le montant réclamé. La société a également tenté de faire valoir que le bail était nul, mais cela n’a pas été jugé suffisant pour prouver une menace sur le recouvrement de la créance.

Demande de dommages-intérêts

L’article L. 512-2 stipule que les frais d’une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire. La saisie conservatoire a immobilisé 19.031,06 euros, et le juge a accordé 800 euros de dommages-intérêts à la S.A.S GROUPE JLV pour cette immobilisation.

Dispositions de fin de jugement

La SCI STEGUINOISY a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à la S.A.S GROUPE JLV au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le juge a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire et a statué sur les indemnités dues à la S.A.S GROUPE JLV.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la saisie conservatoire selon le Code des procédures civiles d’exécution ?

La saisie conservatoire est régie par les articles L. 511-1 et L. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution.

L’article L. 511-1 dispose que :

« Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

Cet article établit que pour qu’une saisie conservatoire soit autorisée, il faut que la créance soit fondée en son principe et qu’il existe des circonstances menaçant son recouvrement.

L’article L. 511-2 précise que :

« Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles. »

Ainsi, le bailleur peut procéder à une saisie conservatoire sans autorisation préalable si les conditions de créance fondée et de menace de recouvrement sont réunies.

Comment se prouve la créance dans le cadre d’une saisie conservatoire ?

Selon l’article R. 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution, en cas de contestation d’une mesure conservatoire, il incombe au créancier de prouver que les conditions requises pour sa validité sont réunies.

Cela signifie que le créancier doit démontrer que sa créance est fondée en son principe et qu’il existe des circonstances qui menacent son recouvrement.

Dans l’affaire en question, la S.A.S GROUPE JLV a contesté la créance en arguant que le bail n’était pas opposable en raison d’un manque d’habilitation de la personne ayant signé le bail.

Cependant, la SCI STEGUINOISY a pu prouver que cette même personne avait signé un avenant au bail antérieur, ce qui a renforcé la validité de la créance.

Quelles sont les conséquences d’une mainlevée de saisie conservatoire ?

L’article L. 512-2 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« Les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire. »

Cela signifie que si la mainlevée est ordonnée, le créancier peut être tenu de réparer le préjudice causé par la saisie conservatoire, même sans qu’une faute soit constatée.

Dans le cas présent, la saisie conservatoire a entraîné une immobilisation de trésorerie pour la S.A.S GROUPE JLV, ce qui a conduit à l’allocation de dommages-intérêts d’un montant de 800 euros.

Quels sont les critères pour évaluer la menace de recouvrement d’une créance ?

La menace de recouvrement est appréciée par les juges du fond, et il est admis que ce risque est évalué à partir d’un faisceau d’indices.

Les principaux indices incluent le comportement du débiteur, l’étendue et la nature de son patrimoine, ainsi que les sûretés grevant déjà ses biens.

Dans cette affaire, la S.A.S GROUPE JLV a démontré qu’elle disposait de liquidités suffisantes, ce qui a conduit à la conclusion que la SCI STEGUINOISY n’avait pas prouvé l’existence de circonstances menaçant le recouvrement de la créance.

Ainsi, la mainlevée de la saisie conservatoire a été ordonnée en raison de l’absence de preuve de menace sur le recouvrement.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/81717 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6DO5

N° MINUTE :

Notifications :
CCC parties LRAR+LS
CE Me PALLIER toque
CCC Me JOUAN-MEIGNAN
Le :

SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT rendu le 30 janvier 2025
DEMANDERESSE

S.A.S. GROUPE JLV
RCS de Paris 53 504 498
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Samuel PALLIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0628

DÉFENDERESSE

S.C.I STEGUINOISY
RCS de Meaux 981 319 502
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Jessica JOUAN-MEIGNAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0604

JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge

Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER : Madame Samiha GERMANY

DÉBATS : à l’audience du 12 Décembre 2024 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe
contradictoire
susceptible d’appel

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EXPOSE DU LITIGE
Suivant bail commercial du 13 février 2024, la SCI STEGUINOISY a donné à bail à la S.A.S GROUPE JLV des locaux situés [Adresse 5] à [Localité 7] en contrepartie du paiement d’un loyer annuel de 42.840 TTC euros payable trimestriellement et d’avance, outre une provision sur charges d’un montant annuel de 9.180 euros HT et d’impôts d’un montant annuel de 9.900 euros HT, avec date d’effet du bail au 21 février 2024.
Par acte du 16 juillet 2024, la SCI STEGUINOISY a pratiqué une saisie-conservatoire à l’encontre de la S.A.S GROUPE JLV pour un montant de 19.031,06 euros au titre des loyers et charges impayés pour les 1er et 2e trimestres 2024.
Par acte du 3 octobre 2024, la S.A.S GROUPE JLV a assigné la SCI STEGUINOISY devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.
La S.A.S GROUPE JLV sollicite la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de la BNP PARIBAS le 16 juillet 2024, le débouté des demandes adverses, la condamnation de la SCI STEGUINOISY à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La SCI STEGUINOISY sollicite le débouté des demandes adverses, la condamnation de la S.A.S GROUPE JLV à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est fait référence aux conclusions respectives visées et déposées à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire
L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

L’article L. 511-2 du même code prévoit que « Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles. » Cet article permet notamment au bailleur de saisir, sans autorisation préalable du juge de l’exécution, les loyers et charges résultant d’un bail écrit si tant est que les deux conditions posées à l’article précité tenant à la créance paraissant fondée en son principe et l’existence de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement sont réunies.
 
L’article L.512-1 du même code prévoit que le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies.
 
Selon l’article R. 512-1 du même code, en cas de contestation d’une mesure conservatoire, il incombe au créancier de prouver que les conditions requises pour sa validité sont réunies.
 
La créance paraissant fondée en son principe
 
En l’espèce, il convient de relever qu’il ressort des pièces versées que le bail commercial prenant effet le 29 mai 2017 signé entre la SCI NOISY et la S.A.S GROUPE JLV et son avenant signé le 29 mai 2017 entre le GROUPE JLV et les sociétés FONCIERE DE L’ARC et BEAUVAU porte sur un ensemble immobilier situé [Adresse 6] un local commercial d’une superficie d’environ 184 m², situé au 2ème étage et correspondant aux lots 212-2 et 212-3 ainsi que les parkings en sous-sol portant les n°224, 225 et 240 ainsi que 4 emplacements de parkings situés dans le parking au Mont d’Est.

Tandis que suivant bail commercial du 13 février 2024, la SCI STEGUINOISY a donné à bail à la S.A.S GROUPE JLV des locaux situés [Adresse 5] à [Localité 7] en contrepartie du paiement d’un loyer annuel de 57.864 euros payable trimestriellement et d’avance, avec date d’effet du bail au 1er octobre 2023. Ce bail porte sur un local à usage de bureaux situés au 2ème étage correspondant au lot de copropriété n°222, de cinq emplacements de parking en sous-sol correspondant aux lots n°117, 121, 124, 125 et 140, de deux droits de stationnement situé en sous-sol du « Grand parking Mont d’Est » et d’un local archive situé au 2ème étage correspondant au lot de copropriété 225, si la désignation des locaux ne correspond pas entre les deux baux, les deux parties s’accordent sur le fait qu’il s’agit des mêmes locaux que ceux concernés par le bail remontant à 2017.
 
La S.A.S GROUPE JLV soutient que Mme [R] qui a signé le bail au nom de cette société n’était pas habilitée à le signer de sorte que ce bail ne lui serait pas opposable. Or, il ressort de l’avenant au contrat de bail commercial initial de 2017, avenant signé le 28 mai 2023, que celui-ci a été signé par cette même Mme [R] de sorte que la SCI STEGUINOISY souligne à juste titre qu’elle pouvait légitimement croire que celle-ci était régulièrement habilitée pour signer le bail commercial du 13 février 2024.
En outre, la S.A.S GROUPE JLV ne conteste pas qu’elle occupe effectivement les locaux alors même que le premier bail prenait fin, selon les termes de l’avenant le 15 novembre 2023 et qu’il n’est pas contesté que les locaux objets du bail n’ont finalement pas été acquis par elle mais par la SCI STEGUINOISY.

Dès lors, la S.A.S GROUPE JLV échoue à renverser la créance au titre de l’arriéré locatif paraissant fondée en son principe pour un montant de 19.031,06 euros.
 
La menace de recouvrement
 
Le risque pesant sur le recouvrement de la créance est souverainement apprécié par les juges du fond, de sorte que la Cour de cassation a dégagé à ce sujet peu de règles de droit, il est admis en doctrine et en jurisprudence que ce risque est évalué à partir d’un faisceau d’indices au premier rang desquels le comportement du débiteur, l’étendue et la nature de son patrimoine, les sûretés grevant déjà ses biens.
 
En l’espèce, il convient de relever que la S.A.S GROUPE JLV soutient que le bail est nul, justifie qu’elle en a fait part à la SCI STEGUINOISY par courrier du 19 avril 2024 et qu’elle a assigné à cette fin la SCI STEGUINOISY devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 16 juillet 2024, de sorte que le défaut de paiement ne s’analyse pas en une circonstance susceptible de menacer le recouvrement de la créance
Sur la capacité financière de la S.A.S GROUPE JLV, la saisie conservatoire a révélé que la S.A.S GROUPE JLV disposait de liquidités d’un montant de 3.861.556,61 euros sur ses comptes détenus pas la BNP PARIBAS le 16 juillet 2024, soit plus de 202 fois le montant réclamé par la SCI STEGUINOISY.
 
Ainsi, la SCI STEGUINOISY échouant à rapporter la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il convient d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire contestée.
 
Sur la demande de dommages-intérêts
 
L’article L512-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « 
Les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge.
Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire. »
 
Il résulte d’une jurisprudence constante que la condamnation du créancier sur le fondement de l’alinéa 2 de cet article ne nécessite pas la constatation d’une faute (cf Ccass. 2e civ, 7 juin 2006, n°04-15.597 ; 3e civ., 21 octobre 2009, n°08-12.687, com., 25 septembre 2012, n°11-22.337).
En l’espèce, la saisie conservatoire dont la mainlevée sera ordonnée, a entraîné une immobilisation de trésorerie d’un montant de 19.031,06 euros entre le 16 juillet 2024 et ce jour, qui sera réparé par l’allocation d’un montant de 800 euros.
 

Sur les dispositions de fin de jugement

La SCI STEGUINOISY sera condamnée aux dépens.
Il convient d’allouer à la S.A.S GROUPE JLV une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la SCI STEGUINOISY sur les comptes de la S.A.S GROUPE JLV le 16 juillet 2024,
Condamne la SCI STEGUINOISY à verser à la S.A.S GROUPE JLV la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la SCI STEGUINOISY à verser à la S.A.S GROUPE JLV la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI STEGUINOISY aux dépens.

Fait à Paris, le 30 janvier 2025

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


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