Rupture de contrat et obligations salariales : enjeux de la résiliation judiciaire en contexte économique difficile.

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Rupture de contrat et obligations salariales : enjeux de la résiliation judiciaire en contexte économique difficile.

L’Essentiel : M. [N] [S], électricien depuis 2001, a vu son salaire cessé en décembre 2019. Après une demande de rupture conventionnelle refusée, il a été placé en activité partielle en mars 2020. En avril, l’employeur a reconnu son incapacité à payer, mais a finalement accepté la rupture sous conditions. M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer 5012,96 euros de salaires impayés. Licencié pour motif économique en août 2020, il a obtenu un jugement favorable en octobre 2021, condamnant l’employeur à verser des indemnités, bien que des contestations subsistent concernant certaines sommes.

Engagement et cessation de salaire

M. [N] [S] a été engagé en tant qu’électricien par M. [C] [K] le 9 octobre 2001, sous un contrat de travail à durée indéterminée. À partir de décembre 2019, l’employeur a cessé de verser les salaires au salarié. En mars 2020, M. [S] a demandé une rupture conventionnelle, qui a été refusée par l’employeur. Le 16 mars 2020, M. [S] a été placé en activité partielle.

Demande de paiement et audience

Le 10 avril 2020, l’employeur a informé M. [S] de son incapacité à payer les salaires en raison de difficultés financières, mais a finalement accepté la rupture conventionnelle sous certaines conditions. Le 22 mai 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer des salaires impayés, totalisant 5012,96 euros, ainsi que la remise de ses bulletins de salaire. Lors d’une audience le 10 juillet 2020, l’employeur a présenté des bulletins de paie et un chèque de 9 959 euros, qui a été rejeté pour défaut de provision.

Licenciement et résiliation judiciaire

Le 25 juin 2020, M. [S] a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que des indemnités. Après un entretien préalable, il a été licencié pour motif économique le 5 août 2020. Le contrat a été rompu le 26 août 2020, et le conseil de prud’hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] à cette date.

Jugement et appel

Le 20 octobre 2021, le conseil a condamné M. [K] à verser plusieurs sommes à M. [S], y compris des salaires impayés, des indemnités de licenciement et des congés payés. M. [S] a fait appel de cette décision le 17 novembre 2021. Le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 23 septembre 2024.

Indemnités et contestations

M. [S] a demandé la confirmation du jugement, sauf pour certaines indemnités, tandis que M. [K] a contesté le jugement en demandant la confirmation de son débouté concernant les indemnités repas et préavis. Les deux parties ont présenté leurs arguments concernant les indemnités de trajet et de licenciement.

Motivations du jugement

La cour a examiné les demandes des parties, en se basant sur les éléments de preuve fournis. Elle a confirmé que l’employeur n’avait pas justifié le paiement des salaires dus et a statué sur les indemnités de petits déplacements, de licenciement et de préavis. La cour a également pris en compte la gravité des manquements de l’employeur.

Décision finale

La cour a confirmé le jugement en partie, en condamnant M. [K] à verser des sommes supplémentaires à M. [S] pour les indemnités de trajet, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’indemnité compensatrice de préavis. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires, et M. [K] a été condamné aux dépens d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la résiliation de plein droit d’un bail commercial selon le Code de commerce ?

La résiliation de plein droit d’un bail commercial est régie par l’article L145-41 du Code de commerce. Cet article stipule que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit mentionner ce délai. »

Ainsi, pour qu’une clause résolutoire soit applicable, il est nécessaire qu’un commandement de payer soit délivré au locataire, et que ce dernier ne régularise pas sa situation dans le délai d’un mois.

En l’espèce, la société SAS PIEDS D’IMMEUBLES COMMERCIAUX 3 a délivré un commandement de payer le 13 octobre 2023, et la société SAS NINA FINANCE n’a pas réglé les causes de ce commandement dans le délai imparti.

Cela entraîne la résiliation du bail à compter du 14 novembre 2023, conformément aux dispositions de l’article L145-41.

Quels sont les droits du bailleur en cas de non-paiement des loyers ?

En cas de non-paiement des loyers, le bailleur dispose de plusieurs droits, notamment en vertu des articles 834 et 835 du Code de procédure civile.

L’article 834 précise que :

« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

De plus, l’article 835 permet au président du tribunal de prescrire des mesures conservatoires, même en présence d’une contestation sérieuse, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans le cas présent, la société SAS PIEDS D’IMMEUBLES COMMERCIAUX 3 a demandé la résiliation du bail et l’expulsion de la société SAS NINA FINANCE pour non-paiement des loyers.

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire était applicable, mais a également accordé des délais de paiement à la société SAS NINA FINANCE, tenant compte de sa situation financière.

Comment se déroule la procédure de référé en matière de bail commercial ?

La procédure de référé en matière de bail commercial est régie par les articles 834 et 835 du Code de procédure civile.

L’article 834 stipule que :

« Le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. »

Cela signifie que le juge peut intervenir rapidement pour prendre des mesures urgentes lorsque la situation l’exige.

L’article 835, quant à lui, précise que :

« Le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. »

Dans le cadre de la présente affaire, la société SAS PIEDS D’IMMEUBLES COMMERCIAUX 3 a saisi le tribunal en référé pour obtenir la résiliation du bail et l’expulsion de la société SAS NINA FINANCE.

Le tribunal a examiné les éléments présentés et a décidé d’accorder des délais de paiement, tout en maintenant la possibilité de résiliation en cas de non-respect des engagements.

Quelles sont les conséquences d’une résiliation de bail commercial sur les obligations du locataire ?

La résiliation d’un bail commercial entraîne plusieurs conséquences pour le locataire, notamment en ce qui concerne ses obligations de paiement.

Selon l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

En cas de résiliation, le locataire doit continuer à s’acquitter des loyers dus jusqu’à la date effective de la résiliation, ainsi que des indemnités d’occupation si les lieux ne sont pas libérés.

Dans cette affaire, la société SAS NINA FINANCE a été condamnée à payer une indemnité d’occupation mensuelle correspondant au montant du loyer contractuel jusqu’à la libération effective des lieux.

Cela signifie que même après la résiliation, le locataire reste redevable des loyers et charges jusqu’à ce qu’il quitte les lieux.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine en tenant compte de l’équité. »

Dans le cadre de cette affaire, la société SAS NINA FINANCE a été condamnée à verser une indemnité de 1500 euros à la société SAS PIEDS D’IMMEUBLES COMMERCIAUX 3 en application de cet article.

Cette indemnité vise à couvrir les frais engagés par le bailleur pour faire valoir ses droits, tels que les frais d’assignation et les frais liés aux commandements de payer.

Ainsi, l’article 700 permet de compenser les frais non compris dans les dépens, renforçant ainsi la protection des parties dans le cadre des litiges.

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 08 JANVIER 2025

Numéro d’inscription au répertoire général :

F N° RG 21/06631 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PGUN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 OCTOBRE 2021

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BÉZIERS – N° RG F 20/00206

APPELANT :

Monsieur [N] [S]

né le 10 Mars 1957 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Xavier LAFON, substitué sur l’audience par Me Laurent PORTES de la SCP LAFON PORTES, avocats au barreau de BEZIERS

INTIME :

Monsieur [C] [K]

né le

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté sur l’audience par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Septembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Magali VENET, Conseillère

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [S] a été engagé, en qualité d’électricien, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 9 octobre 2001, par M. [C] [K], qui exploitait une entreprise individuelle sous l’enseigne ‘Plus’Elect’spécialisée dans les travaux d’installation électrique, relevant de la convention collective des entreprises du bâtiment employant moins de dix salariés.

A compter du mois de décembre 2019, l’employeur a cessé de rémunérer son salarié.

Par courrier du 15 mars 2020, le salarié a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail indiquant souhaiter démarrer de nouveaux projets professionnels, ce que l’employeur a refusé.

A compter du 16 mars 2020, le salarié a été placé en activité partielle.

Par courrier du 10 avril 2020, l’employeur a indiqué à son salarié ne plus être en mesure de payer les salaires en raison de difficultés de trésorerie, aggravées du fait de la crise sanitaire. Il indiquait ne plus s’opposer à une rupture conventionnelle du contrat, sous réserve de convenir d’un échéancier sur le montant de l’indemnité de rupture.

Le 22 mai 2020, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Béziers aux fins de solliciter le règlement de salaires impayés pour la période de décembre 2019 à mars 2020 pour un montant total de 5012,96 euros, la remise de ses bulletins de salaire sous astreinte de 50 euros par jour de retard et 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 10 juillet 2020, l’employeur a remis sur l’audience, les bulletins de paie de décembre 2019 à juin 2020 ainsi qu’un chèque d’un montant de 9 959 euros qui a été rejeté pour défaut de provisions le 26 août 2020.

Le 10 octobre 2020, l’employeur a partiellement régularisé le paiement des salaires en réglant au salarié la somme de 9 959 euros par chèque.

Le conseil de prud’hommes, en sa formation de référé, s’est déclaré en partage de voix. L’instance a été radiée.

Le 25 juin 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers, au fond, aux fins de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, des indemnités de rupture, de congés payés, et le paiement d’indemnités de déplacement et de repas pour la période du 16 mars 2017 au 15 mars 2020.

Convoqué le 24 juillet 2020 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, le salarié a été licencié pour motif économique par courrier du 5 août 2020.

Le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle proposé et son contrat a été rompu le 26 août 2020.

Par jugement du 20 octobre 2021, le conseil a statué comme suit :

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] à la date du 26 août 2020,

Condamne M. [K] à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 2 671,95 euros nets à titre de solde de salaire,

– 1 209,11 euros à titre d’indemnité de trajet,

– 5 710 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 488,34 euros net à titre de solde d’indemnité légale de licenciement,

– 5253,54 euros à titre d’indemnité de congés payés sauf à délivrer un certificat pour la caisse des congés payés dûment rempli et signé,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] à délivrer à M. [S] les bulletins de paie de juillet et août 2020 et une attestation pôle emploi conforme,

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

Ordonne l’exécution provisoire conformément aux dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des 3 derniers mois de salaire étant de 1 903, 46 euros,

Rappelle que les condamnations à créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement et les condamnations à créance indemnitaire porteront intérêts à compter du prononcé du jugement,

Déboute M. [S] du surplus de ses demandes comme injustes et mal fondées,

Laisse les dépens à la charge de M. [K].

Le 17 novembre 2021, M. [S] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 23 septembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 octobre 2024.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 février 2022, M. [S] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a débouté de ses demandes au titre des indemnités repas, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que sur l’évaluation du quantum de l’indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, statuant à nouveau, condamner M. [K] au paiement des sommes suivantes :

– 7 365,38 euros nets au titre des indemnités repas,

– 27 600 euros nets à titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 806,92 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 380,69 euros bruts de congés payés afférents,

– 10 447,34 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 16 mai 2022, M. [K] demande à la cour de confirmer le jugement uniquement en ce qu’il a débouté M. [S] des indemnités repas et de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l’infirmer en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et ordonné le paiement de diverses sommes, de juger que M. [S] est rempli de ses droits, qu’il ne justifie ni de l’existence ni de l’étendue des préjudices qu’il allègue à l’appui de ses demandes indemnitaires, qu’il n’a commis aucun manquement suffisamment grave pour emporter la résiliation du contrat et qu’il a respecté la procédure de licenciement pour motif économique lequel est bien-fondé, et statuant à nouveau, de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIVATION

Sur l’étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes ou fins de non recevoir formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n’est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n’auraient pas été reprises dans ce dispositif.

En application de ce principe, il ne sera pas statué sur la fin de non recevoir soulevée par l’employeur au titre de la prescription des sommes dont la date d’exigibilité est antérieure au 26 juin 2018.

Sur la demande de rappel de salaire :

L’employeur critique le jugement du conseil de prud’hommes qui l’a condamné à verser au salarié une somme de 2 671,95 euros nets au titre du solde de salaires impayés entre décembre 2019 et août 2020. Il indique avoir entièrement régularisé la situation en réglant au salarié la somme de 9 959 euros, par chèque du 10 octobre 2020 et n’être débiteur d’aucune somme supplémentaire.

Le salarié, qui reconnaît avoir perçu la somme de 9 959 euros le 10 octobre 2020, soutient que l’employeur demeure redevable d’une somme supplémentaire de 2 671, 95 euros. Il indique qu’il était redevable d’une somme totale de 12 630,95 euros décomposée comme suit: 10 104,23 euros (bulletins de salaire) ; 1 397,76 euros (indemnité activité partielle juillet 2020) ; 1 128,96 euros (indemnité activité partielle août 2020).

Par application des dispositions de l’article 1315 du code civil, devenu 1353, s’il appartient à celui qui se prévaut d’une obligation d’en justifier, il revient à celui qui prétend s’en être libéré de justifier du paiement ou du fait extinctif. Par l’effet de ce texte, sous réserve pour le salarié de justifier du principe de l’obligation contractuelle ou conventionnelle dont il se prévaut, il appartient à l’employeur de justifier du paiement ou du fait extinctif de son obligation.

En l’espèce, M. [S] justifie l’obligation à paiement dont il se prévaut à l’égard de M. [K] en produisant les bulletins de salaire et le reçu pour solde de tout compte daté du 26 août 2020, lequel mentionne un solde total de 11 457,42 euros net incluant l’indemnité légale de licenciement (10 447,34 euros) et l’indemnité d’activité partielle pour le mois d’août 2020 (1 128,96 euros).

Si l’employeur, à qui incombe la charge de la preuve du paiement du salaire, justifie avoir partiellement régularisé la situation, il ne justifie pas s’être libéré de la somme globale inscrite sur le solde de tout compte et n’apporte aucun élément permettant de contredire utilement les éléments de calcul présentés par le salarié.

C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement de la somme de 2 671,95 euros nets à titre de rappel de salaire.

Sur les indemnités de petits déplacements :

La convention collective nationale des ouvriers du bâtiment prévoit un régime des petits déplacements ayant pour objet d’indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment de frais supplémentaires qu’entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.

Le régime d’indemnisation des petits déplacements comporte trois indemnités professionnelles : une indemnité de repas, une indemnité de frais de transport et une indemnité de trajet. Ces indemnités de remboursement de frais sont journalières, forfaitaires et fixées en valeur absolue.

Sur les indemnités de repas :

Le salarié conclut à la réformation du jugement qui l’a débouté de sa demande au titre des indemnités de repas. Il fait valoir que l’employeur ne justifie pas de la prise en charge financière de ses repas.

L’article 8-15 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (moins de 10 salariés) énonce que l’indemnité de repas a pour objet d’indemniser le supplément de frais occasionné par la prise du déjeuner en dehors de la résidence habituelle de l’ouvrier.

Elle n’est pas due lorsque l’ouvrier prend effectivement son repas à sa résidence habituelle ou si le repas est fourni gratuitement ou avec une participation financière de l’entreprise au moins égale à l’indemnité de repas.

Le salarié, qui ne fournit aucun justificatif des dépenses de repas engagées, n’apporte aucun élément utile permettant de contredire la thèse de l’employeur selon laquelle il rentrait déjeuner à son domicile, lequel était situé à 10 minutes à pied du siège de l’entreprise. Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les indemnités de trajet :

L’employeur conclut, à titre incident, à la réformation du jugement sur les indemnités de trajet. Il reproche aux premiers juges d’avoir fait droit à la demande du salarié alors qu’il n’apporte aucune pièce justifiant des trajets effectués, et notamment, de leur éloignement et de leur fréquence.

Le salarié conclut à la confirmation du jugement qui a condamné l’employeur à lui verser une indemnité d’un montant de 1 209, 11 euros, portant sur la période du 25 juin 2017 au 15 mars 2020. Il allègue qu’il se rendait chaque jour sur les chantiers.

S’il ne fournit aucun justificatif des déplacements effectués ni renseignement sur l’adresse des chantiers permettant d’en évaluer la distance, il présente un calcul en se fondant sur l’indemnité minimale fixée par le barème prévu par l’accord régional Occitanie, pour la zone 1A (0 à 5km), soit 1,59 euros par jour jusqu’au 30 avril 2019, et 1,61 euros par jour jusqu’au 15 mars 2020 soit :

– 79,50 euros pour la période du 25 juin au 31 août 2017 (1,59 x 50 jours),

– 688, 47 euros pour la période du 1er septembre 2017 au 30 avril 2019 (1,59 x 433 jours),

– 441, 14 euros pour la période du 1er mai 2019 au 15 mars 2020 (1,61 x 274 jours).

Selon l’article 8-17 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du bâtiment occupant jusqu’à 10 salariés, l’indemnité de trajet a pour objet d’indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l’ouvrier, la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d’en revenir.

L’indemnité de trajet n’est pas due lorsque l’ouvrier est logé gratuitement par l’entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier.

L’article 8.18 précise que le forfait, qui indemnise la sujétion que représente pour l’ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d’en revenir, est évalué en fonction de la distance entre le point de départ des petits déplacements et la circonférence supérieure de la zone où se situe le chantier.

Les montants des indemnités journalières de petits déplacements sont forfaitaires et fixés par accord paritaire régional. L’accord du 6 février 2018 (Occitanie) fixe l’indemnité minimale de trajet, pour la zone 1A (0 à 5km), à compter du 1er mars 2018, à la somme de 1,61 euros.

Il est constant qu’en sa qualité d’électricien, le salarié était amené à travailler sur des chantiers. Le contrat de travail prévoit en son article 5 que le salarié exercera ses fonctions dans l’entreprise et sur les chantiers.

Faute pour l’employeur d’alléguer et a fortiori de justifier s’être libéré de son obligation d’indemniser le salarié de ses trajets lesquels ouvraient droit nécessairement à l’indemnité minimale retenue par le salarié, le jugement sera confirmé sur le principe de la condamnation.

En revanche, il y a lieu de réformer le jugement sur son quantum du fait de la circonstance, reconnue par le salarié au sein de ses conclusions, que l’employeur a cessé de lui fournir du travail à compter du 1er décembre 2019, impliquant, donc, l’absence de trajets et d’indemnisation à ce titre. Il y a lieu d’évaluer le montant des indemnités de trajet à la somme de 1 112,51 euros.

Sur la résiliation judiciaire :

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant de travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée et dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande de résiliation judiciaire a été formée par le salarié le 25 juin 2020 soit à une date antérieure à la notification du licenciement survenue le 5 août 2020, elle sera donc examinée prioritairement.

Il ressort des développements qui précèdent un manquement caractérisé de l’employeur à l’une de ses obligations essentielles, à savoir celle de payer les salaires régulièrement et à bonne date.

Les difficultés de trésorerie rencontrées par l’employeur ne sauraient retirer à cette situation son caractère fautif, laquelle s’est prolongée pendant neuf mois, entre le 1er décembre et le 26 août 2020, date à laquelle le salarié a commencé à percevoir l’allocation de sécurisation professionnelle au titre de son licenciement pour motif économique, étant précisé qu’à ce jour, le paiement du salaire n’a été que partiellement régularisé.

Ce manquement de l’employeur au paiement du salaire revêt une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé la date de la résiliation judiciaire au 26 août 2020 et dit qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les congés payés :

Le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement d’une somme de 5 253, 54 euros au titre des congés payés. Si l’employeur sollicite la réformation du jugement, il ne développe aucune argumentation sur ce point.

Faute pour l’employeur de justifier s’être libéré de son obligation au titre des cotisations dues à la Caisse des congés payés pour la prise en compte des congés du salarié, la réclamation formulée à ce titre par ce dernier a été à juste titre accueillie par le conseil de prud’hommes dont la décision sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnisation de la rupture :

Au jour de la rupture, M. [S], âgé de 45 ans, bénéficiait d’une ancienneté de 18 ans, au sein de l’entreprise qui employait moins de 11 salariés. Il percevait une rémunération mensuelle brute de 1 941,38 euros.

La rupture du contrat résultant de la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur, prive le contrat de sécurisation professionnelle de cause.

L’employeur est donc tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées par l’employeur au salarié à ce titre, ce qui n’est pas allégué en l’espèce.

L’employeur ne peut utilement se prévaloir de sa participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle par application des dispositions L. 1233-69 du code du travail, qui n’est pas de même nature, à charge pour lui de se rapprocher de France Travail pour se prévaloir du caractère sans cause du contrat de sécurisation professionnelle.

Le salarié est fondé à prétendre au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu’il aurait perçue s’il avait travaillé pendant la période du délai-congé.

Au vu de la durée du préavis, fixée à deux mois tenant son ancienneté, et du montant de son salaire, l’employeur sera condamné à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis de 3 806,92 euros bruts outre 380,69 euros bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement sera réformé de ce chef.

Le conseil de prud’hommes a condamné l’employeur au paiement d’une somme de 488,34 euros de reliquat d’indemnité légale de licenciement tenant compte du salaire de référence et de l’ancienneté de l’intéressé laquelle s’apprécie en la matière au terme du délai congé. Si l’employeur sollicite la réformation du jugement, il ne développe aucune argumentation sur ce point. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Le salarié justifie avoir perçu une allocation de sécurisation professionnelle pendant un an, à compter du 27 août 2020 jusqu’au mois de septembre 2021.

Il ne fournit aucun élément justificatif concernant l’évolution de sa situation professionnelle.

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017, il peut prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 14,5 mois de salaire brut.

En l’état de ces éléments, la perte injustifiée de l’emploi sera justement réparée par une indemnité de 9 000 euros bruts, par réformation du jugement entrepris sur le quantum.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande en paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et sur le montant alloué au titre des indemnités de trajet et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Condamne M. [C] [K] à verser à M. [N] [S] les sommes suivantes :

– 1 112,51 euros bruts au titre des indemnités de trajet,

– 9 000 euros bruts au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 3 806,92 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 380,69 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [K] à verser à M. [S] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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